Contrats spéciaux
- Christine Hugon
Professeur de droit privé
Université de Montpellier
Laboratoire de droit privé - Kiteri Garcia
CDRE Bayonne – UPPA
De la distinction entre contrat d’entraînement et contrat de location d’équidé (obs. sous Cour d'appel de Paris - Pôle 4 - Chambre 11 - 7 mars 2024 - n° 22/07555)
Mots clefs : contrat d’entraînement, contrat de location d’équidés
L’exploitation d’équidé peut se faire au travers de contrats divers dont la distinction n’est pas toujours aisée, comme l’atteste l’affaire ayant conduit à l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 7 mars 2024.
En l’espèce, une jeune fille de 14 ans, inscrite dans un centre équestre exploité par une association et affiliée à la Fédération française d'équitation, a été victime d'une chute de cheval le 12 août 2015 alors qu'elle effectuait une sortie avec une autre cavalière, à l'extérieur du centre. À la suite de cette chute, elle a présenté un grave traumatisme crânien puis est décédée en 2021. La lecture de l’arrêt ne permet pas de déterminer si le décès est consécutif à la chute.
En vue de l’indemnisation de ces lourds dommages, la famille de la victime a assigné l’association et son assureur devant le tribunal judiciaire de Paris. Elle estimait en effet d’une part que l’association était responsable de l’accident survenu le 12 août 2015 et d’autre part que l’association avait manqué à son obligation d’information et de conseil à l’égard de la victime.
Le tribunal parisien rejette la demande d’indemnisation le 31 mars 2022, ce que la Cour d’appel de Paris confirme le 7 mars 2024. La juridiction d’appel a en effet déduit des circonstances de l’espèce qu’aucune faute en lien de causalité direct et certain avec l'accident ne pouvait être reprochée à l'association, pas plus qu’un manquement à son obligation d'information.
Il n’est pas fréquent de voir des demandes indemnitaires rejetées face à des circonstances aussi tragiques. Aussi, nous aborderons tour à tour l’absence de responsabilité de l’association dans l’accident puis la parfaite exécution de son obligation d’information, toutes deux constatées par la Cour.
Quant à la responsabilité de l’association dans l’accident, objet de la première demande en indemnisation de la famille de la victime, Tribunal judiciaire et Cour d’appel parviennent à la même conclusion sans toutefois emprunter le même raisonnement juridique. Le cœur de la question résidait dans la qualification du contrat ayant permis à la jeune victime de sortir du centre équestre avec un cheval, sans accompagnement. Pour les juges de première instance, une telle hypothèse révèle un contrat de louage d’équidé. Dès lors, ont-ils poursuivi, sans preuve d’un vice affectant l’animal, aucune faute ne pouvait être mise à la charge de l’association. Différemment, pour les juges de seconde instance, le contexte témoigne d’un contrat d’entraînement dont l’exécution ne révèle aucune faute en lien de causalité avec l’accident.
La qualification du contrat semblait d’autant moins aisée que les parties au litige y allaient de leur propre conception, suggérant notamment qu’il s’agissait d’un prêt à titre gracieux. Bien qu’essentielle puisque déterminante des obligations en découlant, la qualification posait problème parce que la victime, au moment de l’accident, était inscrite à un cours d’équitation collectif qu’elle a souhaité au dernier moment remplacer par une sortie en extérieur sans accompagnement. Cette demande a d’ailleurs fondé l’argumentation d’une des compagnies d’assurances partie au litige qui y voyait une novation du contrat d’entraînement en contrat de location d’équidé.
La Cour d’appel a cru bon devoir remettre un peu d’ordre en raisonnant pas à pas ; premièrement, elle déduit du paiement de cotisation et des cours collectifs une relation contractuelle entre la victime et l’association concernant la pratique de l’équitation. L’adhésion au centre équestre étant payante, de même que le cours d’équitation prévu originairement, la qualification de prêt d’équidé à titre gratuit devait être écartée.
Restait donc à savoir comment qualifier la mise à disposition à titre onéreux de l’animal. S’agissant de la jouissance temporaire d’un animal moyennant un prix, le contrat de louage défini à l’article 1709 du Code civil semblait pouvoir être adapté. Seulement ici, la jouissance de l’animal ne devait pas être regardée isolément ; elle s’inscrivait dans le cadre plus général d’un entraînement et donc d’une prestation de services. Certes, l’entraîneur n’était pas présent au moment de la chute de sa cavalière mais c’est lui qui avait autorisé et encadré la sortie. La prestation de service se justifiait d’autant que la victime préparait un concours d’endurance qui devait se dérouler quelques jours après l’accident. L’optique de la sortie était donc de préparer ce concours. La jouissance temporaire de l’animal faisait alors partie d’un ensemble contractuel bien plus vaste qui relevait alors d’un contrat d’entraînement.
Contrat de louage ou d’entraînement, les obligations afférentes aux parties ne sont pas les mêmes. S’il s’agit d’un contrat de location, le loueur sera tenu d’indemniser le locataire si son préjudice résulte d’un défaut ou d’un vice de la chose. La difficulté réside bien évidemment dans la preuve de l’existence d’un vice avant le début de la location, compliquée à rapporter pour le locataire. Lorsque la location porte sur un animal, cela revient pour la victime à démontrer qu’un problème de comportement préexistait au contrat et que c’est ce vice qui a entraîné avec certitude la chute subie. Il faut admettre que, dans le cas d’un être vivant, qui a un comportement évolutif et changeant en fonction et de son cavalier et de son environnement, cette preuve est extrêmement difficile à rapporter.
S’il s’agit d’un contrat d’entraînement, les obligations du débiteur sont plus étendues et ne se limitent pas aux seuls défauts de l’animal ; par exemple, l’entraîneur, comme ici le centre équestre, est soumis à l’égard de ses élèves, et adhérents, à une obligation de sécurité de moyens. C'est sur la victime et ses ayants droit que pèse la charge de la preuve d'un manquement à l’obligation de prudence et de diligence. Ces différences entre les deux contrats éclairent les moyens des parties : pour la victime, il s’agissait d’un contrat d’entraînement alors que l’association prétendait qu’il s’agissait d’un contrat de louage. L’arrêt contribue sans doute à tracer les frontières entre les deux.
La Cour écarte en effet la qualification de location d'équidé car celle-ci suppose que le cavalier soit libre de déterminer son itinéraire, ce qui n'était pas le cas en l'espèce. En effet, l’entraîneur ayant donné l'autorisation de sortie à la jeune cavalière l’a fait en fonction d'un parcours préalablement validé. De même, la Cour accorde grande importance au fait que le cheval était la monture habituelle de la jeune fille, qu’elle montait depuis plusieurs années et avec laquelle elle sortait en concours. Il s’agissait dès lors bien plus que d’une simple jouissance temporaire de l’animal ; le prêt du cheval relevait d’un entraînement global.
Dans la mesure où la cavalière a demandé à transformer un cours collectif en sortie en extérieur sans accompagnement, la novation du contrat d’entraînement en contrat de location était-elle envisageable ? Elle aurait sans doute allégé les obligations du centre équestre mais la Cour ne l’a pas retenue. Au regard des anciens articles 1134 et 1271 du Code civil, les juges déclarent que la novation ne se présume pas et que, tout en pouvant être implicite, elle doit résulter clairement des faits et actes des parties. En l’espèce, tant la volonté de la jeune fille d’effectuer une sortie en autonomie au lieu d’un cours collectif que l’accord de sa mère présente lors de la sortie ne suffisent pas à caractériser une volonté non équivoque d'opérer une novation du contrat originaire en location d'équidé sans accompagnement, avec les conséquences que cela implique. La novation permet en effet d’éteindre une obligation ancienne pour permettre la naissance d’une obligation nouvelle ; dans cette affaire, le souhait exprimé par l’élève de modifier le contenu d’une séance d’entraînement, validé par sa mère, ne vise pas à mettre un terme définitif à cet entraînement. Puisqu’il ne peut y avoir de novation sans obligation à éteindre, l’on voit mal ici quel aurait été l’intérêt de la victime de mettre un terme au contrat d’entraînement pour basculer sur une simple location d’équidé.
Statuant dès lors au regard du contrat d’entraînement, restait pour la Cour à déterminer si l’association avait respecté son obligation de sécurité de moyens. Pour vérifier l’existence d’éventuels manquements, la Cour revient scrupuleusement sur le contexte de l’accident afin de vérifier le respect des règles de sécurité allant du port de la bombe correctement attachée au tracé validé qui ne présentait pas de difficultés particulières au regard du niveau de la cavalière. La Cour s’attarde également sur le tempérament de la jument, polyvalente et adaptée à tous les niveaux de cavaliers ainsi que sur la connaissance qu’en avait la victime. Il résulte de toutes ces précautions l’absence de faute de l’association qui ne peut être tenue responsable de l’accident. C’est sans doute extrêmement sévère pour la famille de la victime, qui se voit privée d’indemnisation, mais les professionnels s’étaient montrés en l’occurrence particulièrement vigilants et étaient clairement demeurés dans le cadre du contrat d’entraînement. Que la jument se soit emballée jusqu’à chuter et mettre à terre sa cavalière ne suppose pas pour autant une faute de l’association.
Cette affaire permet également à la Cour d’appel de revenir sur un point sans doute moins litigieux : l’obligation d’information et de conseil imposée aux groupements sportifs. La famille de la victime estimait en effet que l’association avait manqué à son obligation d’informer ses adhérents de l'intérêt que représente la souscription d'un contrat d'assurance couvrant les dommages corporels auxquels leur pratique peut les exposer, au regard de l’article L.321-4 du code du sport. Est-il réellement du rôle des groupements sportifs non seulement d'attirer l'attention de leurs adhérents sur leur intérêt à souscrire une assurance de personne couvrant leurs dommages corporels, mais encore de leur proposer plusieurs formules de garantie leur permettant, s'ils estiment utile de contracter une telle assurance, de choisir la garantie la mieux adaptée à leurs besoins ? Pour la Cour d’appel, l’obligation d’information et de conseil d’un club affilié à une fédération est circonscrite, précisément parce que la prise de licence reporte sur la fédération le poids de cette obligation. C’est à la fédération de remettre aux adhérents la notice d'information établie par l'assureur définissant la nature et l'étendue des garanties souscrites et de les informer de la possibilité de souscrire des garanties individuelles complémentaires. Surtout, il n’appartient pas aux groupements sportifs de conseiller le pratiquant sur l’option la mieux adaptée à sa situation. En l’espèce, la victime était licenciée l’année de son accident ; qui plus est, les garanties souscrites par la Fédération française d'équitation au bénéfice de ses licenciés étaient affichées dans le club house du centre équestre et rappelées dans le règlement intérieur du centre remis aux cavaliers. Aucun manquement à l’obligation d’information prévue à l'article L. 321-4 du code du sport ne pouvait être mis à la charge de l’association, laissant justement mais tristement la famille de la victime sans autres recours indemnitaires envisageables.
Kiteri Garcia
L’astreinte à l’épreuve du droit de rétention (obs. sous Cour d’appel de Montpellier, 30 avril 2024, n°22/03298)
Mots clefs : vente, pension, astreinte, rétention
L’arrêt rendu le 30 avril 2024 par la cour d’appel de Montpellier permet de s’arrêter sur l’articulation du droit de rétention du créancier de pensions impayées avec une astreinte à prendre possession du cheval.
En l’espèce, une SASU pratiquant l’élevage avait vendu un cheval. Le nouveau propriétaire n’avait pas retiré l’animal, mais n’avait pas, non plus, réglé la moindre pension. La SASU s’est montrée assez réactive en agissant en paiement devant le tribunal de commerce de Béziers lequel avait condamné le propriétaire à prendre possession de son cheval dans les 15 jours de la signification du jugement sous astreinte de 150 € par jour de retard pendant trois mois et à payer la totalité des pensions dues. La cour d’appel de Montpellier confirma la décision. Deux mois après l’arrêt confirmatif, le propriétaire avait tenté de reprendre son cheval. La SASU arguant du fait que le propriétaire n’avait pas réglé l’intégralité des pensions dues avait fait jouer son droit de rétention et refusé de lui laisser reprendre le cheval laissant tourner le compteur des pensions dues et potentiellement celui de l’astreinte. Dix-huit mois après cette infructueuse tentative de reprise, la SASU fait signifier le jugement du tribunal de commerce en même temps que l’arrêt de la cour d’appel au propriétaire. Elle lui fait, à cette occasion, commandement de régler la somme totale de 28 968,68 euros correspondant aux pensions impayées. Le commandement étant resté sans effet, la SASU a assigné, pour la deuxième fois, le propriétaire devant le tribunal de commerce de Béziers. Cette juridiction s’étant dans sa décision précédente, réservée le droit de liquider l’astreinte qu’elle avait ordonnée, fit droit à la demande en paiement des pensions et liquida l’astreinte à la somme de 13 500 euros.
Pour échapper à ces condamnations, le propriétaire, en appel, invoquait plusieurs arguments dont le plus intéressant tenait à la combinaison de l’astreinte et du droit de rétention. L’astreinte telle qu’elle avait été ordonnée dans la première décision du tribunal de commerce de Béziers venait au soutien de l’obligation faite au propriétaire de récupérer son cheval. Celui-ci plaidait le fait que le refus de la SASU de lui laisser reprendre son cheval aurait dû justifier la réduction ou la suppression de l’astreinte dans la mesure où l’exercice du droit de rétention pour pensions impayées l’avait mis dans l’impossibilité d’exécuter son obligation de retirer son cheval alors que celle-ci était assortie d’une astreinte. L’argument ne manquait pas de logique. L’astreinte venait au soutien de l’obligation de reprendre le cheval alors que le droit de rétention était au soutien de l’obligation de payer les pensions. L’exercice du droit de rétention avait bien eu pour effet d’empêcher l’exécution de l’obligation assortie de l’astreinte.
Pourtant, comme le tribunal de commerce de Béziers, la cour d’appel de Montpellier a jugé que le refus de remettre le cheval ne suffisait pas à justifier la suppression ou la réduction de l’astreinte sollicitée par l’appelant1. Les juges du fond admettent donc que le jeu du droit de rétention rende impossible l’exécution de l’obligation assortie de l’astreinte. En faveur de cette solution, il peut être observé que s’il est admis qu’une astreinte ne puisse venir au soutien d’une obligation impossible à exécuter ; cette impossibilité n’était pas, pas en l’espèce, matérielle, mais juridique. Il suffisait de payer les pensions pour récupérer l’animal. Il n’en demeure pas moins que ces deux obligations, payer les pensions dues et retirer le cheval, étaient assorties de deux mécanismes comminatoires se paralysant l’un l’autre. Cette situation plaçait le propriétaire, peut-être impécunieux, dans un cercle vicieux : l’impossibilité de retirer son cheval avait pour effet d’accroître sa dette. Non seulement le montant des pensions dues augmentait chaque jour, mais surtout le refus de l’élevage de le laisser retirer le cheval l’exposait à payer une astreinte par jour de retard ! Il n’est pas certain que le justiciable ait perçu cette solution comme juste et logique. Or, il n’est jamais très heureux que la justice, fut-elle rendue avec science, donne l’impression de mettre à la charge du justiciable des obligations paradoxales plaçant celui-ci dans ce que la psychanalyse présente comme une double contrainte2. Le juge lui ordonne sous une astreinte de 150 € par jour de retard de retirer son cheval et alors même qu’à travers l’exercice du droit de rétention le Droit l’en empêche ! Vu par un non juriste, le Droit peut parfois donner l’impression d’être schizophrène !
C H
Encore et toujours la dysplasie coxofémorale du chien à l’aune du droit de la consommation (obs. sous Cour d’appel de Poitiers, 7 mai 2024, n°22/01843)
Mots clefs : vente, conformité, vice caché, dysplasie coxofémorale
Les faits sont très classiques. En octobre 2020, un particulier acquiert auprès d’un professionnel un chiot de race Tervueren pour le prix de 490 €. Dans les mois qui suivent, le chien subit une opération du bassin en raison d’une dysplasie coxofémorale sévère. L’acheteur se tourne alors vers sa protection juridique laquelle met en demeure le professionnel de prendre en charge les frais d’opération. En l’absence de réaction de ce dernier, l’acheteur l’assigne devant le tribunal judiciaire et demande plus de 5000 € de dommages-intérêts. La cour d’appel de Poitiers confirme la décision des premiers juges déboutant l’acheteur de l’ensemble de ses prétentions. Pour parvenir à ce résultat, la cour d’appel considère qu’il n’est pas parvenu à apporter la preuve de l’existence du vice allégué. La vente étant intervenue avant le 1er janvier 2022, l’acheteur pouvait encore se placer sur le terrain du droit de la consommation, mais parce qu’elle était postérieure à la réforme de 2014, il supportait la charge de la preuve de l’existence du défaut de conformité au moment de la vente. Alors qu’il avait pris possession du chien le 15 octobre 2020, le certificat de cession établi par un vétérinaire, le 10 octobre 2020, indiquait un appareil locomoteur « normal ». Au soutien de sa demande, il produit des relevés de consultation établis par une clinique vétérinaire. Le premier en date du 30 janvier 2021 indiquait « depuis quelques semaines, difficultés sur le train arrière (…) avec confirmation d’une dysplasie sévère à gauche » et le second correspondant à une consultation du 27 janvier 2021 proposait deux possibilités de chirurgie. La cour d’appel en déduit que « ces documents, qui ne sont pas une expertise mais, pour le plus complet d’entre eux, un relevé de consultation vétérinaire et qui ont été établis non contradictoirement, n’établissent pas que la dysplasie existait à la date de la vente du chien. La cause de la dysplasie diagnostiquée n’est pas précisée ». La cour en déduit que l’appelante ne justifie ni du défaut de conformité allégué, ni du vice dont aurait été atteint le chien à la date de la vente.
Même si la solution d’espèce doit être approuvée en ce sens que le demandeur n’était pas parvenu à prouver l’antériorité de la dysplasie, cet arrêt révèle des zones d’ombre suscitant la curiosité du juriste.
La première concerne l’application du code rural. Comme le savent les lecteurs de cette revue, la garantie spéciale du code rural est limitée aux vices énumérés dans la partie réglementaire du code lesquels, pour l’espèce canine, incluent « la dysplasie coxofémorale »3.
Or, les articles suivants, ceux de la section deux intitulée « action en garantie et expertise », disposent que l’acheteur, à peine d’irrecevabilité, doit provoquer dans les délais fixés par la même section pour introduire l’action, la nomination d’un ou de plusieurs experts chargés de dresser procès-verbal. Ce délai est toujours extrêmement court. Il est en principe de 10 jours à compter de la vente. Il peut être plus long pour certaines maladies avec un maximum de 30 jours. L’objectif est d’aller vite, pour tenir compte de la rapidité avec laquelle l’état de santé d’un animal peut évoluer. Ce système favorise un règlement rapide du litige afin de régler au plus vite le sort de l’animal. Ce souci ressort aussi de la simplicité de la procédure de nomination du ou des experts pour laquelle l’article R.213-3 du même code dispose que « la requête est présentée verbalement ou par écrit, au juge du tribunal judiciaire du lieu où se trouve l’animal ». Ce juge doit constater dans son ordonnance la date de la requête et nommera immédiatement un ou trois experts qui doivent opérer dans le plus bref délai. Dans l’espèce commentée, le tribunal judiciaire ayant été saisi plus d’un an après la vente, l’action aurait donc dû être considérée comme forclose, ce qui n’a pas été le cas.
Il est vrai que le régime particulier de la dysplasie coxofémorale dans le code rural révèle une chronologie paradoxale. Alors même que l’action est enfermée dans le délai de 10 jours et suppose, dans ce même délai, que soit déposée une requête en vue de l’expertise spéciale, l’article R. 213-2 du code rural dispose que « lorsqu’un chiot est vendu avant l’âge d’un an, les résultats de tous les examens radiographiques pratiqués jusqu’à cet âge seront pris en compte en cas d’action résultant des vices rédhibitoires ». Comment peut-on prendre en considération les examens radiographiques jusqu’à l’âge d’un an, alors que l’action doit être intentée dans les 10 jours de la vente et l’expertise menée rondement afin d’obtenir un jugement rapide ? Par exemple, si un chiot est vendu à trois mois, comment pourra-t-on concilier la rapidité de la procédure avec la possibilité d’utiliser pour prouver l’existence de la pathologie de radios pratiquées jusqu’à l’âge d’un an ? Faudrait-il surseoir à statuer en attendant que le chiot ait atteint l’âge d’un an ? Une autre question se pose, l’existence de ces clichés permet-elle d’échapper à l’expertise spécifique du code rural ? Il paraît difficile de l’admettre tant elle est au cœur de la procédure spécifique de ce droit très spécial.
L’autre zone d’ombre entretient vraisemblablement un lien avec la précédente. En droit de la consommation, le consommateur doit prouver que le défaut de conformité de l’animal existait au moment de la délivrance. Or, si dans le droit spécial du code rural, la preuve de l’existence de vices rédhibitoires doit résulter de l’expertise particulière mise en œuvre dans les semaines qui suivent la vente, en droit de la consommation, le droit commun de la preuve s’applique. L’existence du défaut de conformité étant un fait juridique, il doit pouvoir être prouvé par tout moyen. Or, en l’espèce, la cour d’appel reproche aux documents probatoires fournis par le demandeur de ne pas résulter d’une expertise mais d’être des relevés de consultations vétérinaires n’ayant pas été établis contradictoirement. L’affirmation est étonnante dans la mesure où, en dehors de la procédure spécifique du code rural, l’expertise n’est pas imposée et où, en droit commun de la preuve, le contradictoire n’intervient qu’en cours de procédure au moment de la discussion des éléments de preuve. Certes, au fond cela ne change rien au fait qu’en l’espèce, les documents produits ne parvenaient pas à prouver l’antériorité du défaut de conformité, mais il n’en demeure pas moins que la formule retenue par la cour d’appel de Poitiers donne le sentiment de juxtaposer inutilement les deux régimes probatoires. Toutefois, il faut bien avouer, à la décharge des magistrats, que le droit applicable aux ventes d’animaux demeure encore un droit bien complexe entremêlant plusieurs régimes de garantie dont un seul, celui du code rural, a réellement été pensé en fonction de la très grande spécificité de l’objet de la vente à savoir un animal que le droit accepte désormais de considérer comme un être vivant et sensible4.
C. H.
- 1 Comme le permet pourtant l’article L. 131-4 du CPCE lequel permet de liquider l’astreinte en tenant compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter.
- 2 Bateson, G., Jackson, DD, Vers une théorie de la schizophrénie, 1956
- 3 R. 213-2 du code rural et de la pêche maritime.
- 4 Ch. Hugon, L’animal, objet de consommation, in La loyauté économique, mélanges en l’honneur d’Yves Picot, Dalloz, 2023, p. 35.