Droit civil,Droit des personnes et de la famille
Actualité juridique : Jurisprudence

Chronique : Droit civil des personnes et de la famille

  • Hania Kassoul
    Maîtresse de conférences en droit privé et sciences criminelles
    Université Côte d’Azur (Nice)

De juin à décembre 2023. Le présent panorama couvre la période allant de juin à décembre 2023. Parmi l’actualité jurisprudentielle, on ne fera que signaler certaines décisions (non commentées) rendues relativement à la preuve de la cession d’animaux1, souvent des bovins et des chevaux, quelques arrêts classiques relatifs à la détermination de la loi applicable à l’action en réparation d’une atteinte causée à l’animal dont la situation est internationale2, à la perte de chance de faire naître des poulain3, à la couverture assurantielle de la perte d’animaux d’élevage4, à la garantie des vices cachés portant sur du matériel de traite provoquant des infections et douleurs aux vaches laitières5, au trouble anormal du voisinage provoqué par les aboiements intempestifs du chien du voisin6, ou encore à la liquidation de l’astreinte assortissant l’obligation pour une association de restituer des chiens à leur propriétaire7.
La sélection commentée montre pour sa part quelques percées notables d’une (discrète) tendance zoocentrique dans le traitement civil des animaux, mais rien de nouveau sous le soleil du droit animalier8. Elle offre néanmoins l’occasion d’utiles rappels autant qu’elle laisse planer des incertitudes. On retiendra notamment qu’un plaideur a tenté de solliciter la compensation du pretium doloris de l’animal : bien que ce ne soit pas une première, ce réflexe n’est pas encore habituel et les tentatives ne parviennent pas encore à convaincre les juges. Globalement, les décisions examinées permettent de revenir sur la réparation des préjudices invocables par le propriétaire au titre de l’atteinte causée à son animal, ainsi que sur la mise en œuvre de la garantie de conformité, la perte du cheval à l’occasion d’un acte de maréchalerie, l’appréciation du préjudice causé par l’euthanasie du cheval de course, l’opportunité du référé pour éviter l’abattage d’un cheptel, ou encore sur les préoccupations liées à l’animal familial. Nous distinguerons, comme à l’accoutumée au sein de cette chronique, entre les décisions permettant de discuter, en premier lieu, de la relation entre humain et animal (I), et, en second lieu, de l’animal dans la famille (II).

I. La relation humain/animal

A. Dysplasie du berger allemand cédé : action en garantie de conformité et préjudices réparables (Civ. 1ère, 20 décembre 2023, pourvoi n° 22-17.838 (Rejet). Arrêt attaqué : CA Grenoble, 1ère ch., 12 avril 2022, n° 20/00795)

Mots-clefs : Garantie de conformité – régime applicable avant l’ordonnance n° 2021/1247 du 29 septembre 2021 – remboursement des frais de santé (oui) – préjudice moral (oui) – préjudice animal pur (non)

Faits et première instance (rejet). En l’espèce, une agricultrice-éleveuse a vendu en décembre 2016 un jeune berger allemand moyennant un prix de 1.200 euros. L'animal a été diagnostiqué comme atteint de dysplasie coxo-fémorale en mars 2017. Malgré trois interventions chirurgicales durant l’année 2017, cette anomalie locomotrice de croissance – caractéristique des spécimens hypertypiques – n’a pas disparu. C’est ainsi que l’acheteuse a d’abord réclamé à la venderesse la somme de 3.287,90 euros représentant le prix de vente de l’animal ajouté au coût des consultations et interventions chirurgicales. Sur ordonnance de référé, une expertise a ensuite conclu que l’animal présentait un handicap sévère et que, malgré les actes de chirurgie réalisés dans les règles de l’art, son pronostic locomoteur était très réservé. L’acheteuse a donc fait assigner la venderesse « aux fins d’entendre annuler la vente du 19 décembre 2016 pour défaut de conformité et subsidiairement vices rédhibitoires et condamner la défenderesse à lui payer les sommes de 1200 euros au titre de la restitution du prix de vente, de 6889,86 euros au titre des frais médicaux, de 3000 euros au titre des frais de déplacement, de 3288 euros au titre des frais d’expertise, de 10000 euros en réparation de son préjudice moral et d’agrément et de 5000 euros en réparation du préjudice de douleur subi par l’animal ». On souligne d’ores et déjà que la demanderesse a sollicité – à la fois – la restitution de l’intégralité du prix de vente, le remboursement des frais de santé vétérinaire, l’indemnisation de son propre préjudice moral, mais aussi du préjudice de souffrance endurée par son animal (qu’elle souhaitait conserver). Toutefois, la juridiction de première instance a débouté la demanderesse de l’ensemble de ses demandes, notamment au motif que :
- l’action en garantie des vices rédhibitoires des articles R. 213-5 et R.213-7 du Code rural et de la pêche maritime, auxquels les parties n’ont pas entendu déroger par convention, n’a pas été intentée dans le bref délai de 30 jours à compter de la livraison de l’animal ;
- que la preuve n’était pas rapportée de l’existence de la maladie au jour de la délivrance de l’animal, alors que si l’affection de dysplasie coxo-fémorale est héréditaire et non congénitale, il résulte de l’expertise que ses causes sont multifactorielles et que les facteurs environnementaux jouent un rôle dans son apparition.
Au cœur du litige se trouvaient donc la question du régime applicable à la cession, et celle de savoir si est constitutive d’un vice antérieur à la vente une pathologie dont le développement dépend tant d’une prédisposition génétique que de facteurs exogènes.
En appel (infirmation). Le jugement a été infirmé par la Cour d’appel de Grenoble. Cette dernière accueille la demande indemnitaire sur le fondement de la garantie de conformité du Code de la consommation. Faisant prévaloir le critère génétique, elle retient que la dysplasie sévère dont souffre l’animal est une maladie héréditaire, laquelle est donc nécessairement antérieure à la vente. Alors que les demandes sont reçues au visa des textes protégeant le consommateur, elle juge qu’il s’agit d’un défaut de conformité rendant l’animal impropre à son usage normal puisque celui-ci ne peut plus assurer la garde et la protection du commerce de sa propriétaire. Est ainsi incluse dans le champ de la protection la personne physique qui acquiert un animal destiné à occuper son commerce9, autorisant ainsi le bénéficie sur le plan probatoire de la présomption de mauvaise foi de la venderesse professionnelle. Attirons néanmoins l’attention sur le fait qu’en l’espèce l’action en garantie a été introduite par l’acheteuse personne physique ainsi que par la société exploitant le tabac. La Cour d’appel a jugé que seule l’acheteuse personne physique était titulaire de l’action concernant une vente ayant « d’abord et principalement porté sur un animal de compagnie ». Il est en conséquence difficile de suivre l’argumentation de la Cour qui consiste à ouvrir droit à l’action au motif que le contrat relevait du droit de la consommation car l’animal est de compagnie, mais qui caractérise l’impropriété sur la seule finalité liée à la garde du commerce.
Le juge d’appel relève par ailleurs que l’acheteuse « opte » pour la réparation de l’ensemble de ses préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux – elle demande notamment réparation de son préjudice moral et d’agrément, constatant que son animal souffre et qu’il est physiquement diminué, ainsi que celle des souffrances endurées par l’animal lui-même qui, aux termes de l’article 515-14 du Code civil, est un être vivant doué de sensibilité. Malgré un exposé du litige rapportant une assignation en « annulation de la vente », on apprend donc à la lecture de l’arrêt d’appel que l’acheteuse a « choisi de conserver l’animal sans demander la résolution de la vente »10. Le traitement de l’articulation des demandes indemnitaires, et de leur contenu, mérite d’être regardé attentivement (d’autant qu’elles ne sont pas discutées dans le pourvoi en cassation).
Primo, sur les enjeux patrimoniaux.
D’une part, se posait la question de la restitution du prix. L’article L. 217-10 du Code de la consommation prévoit que si la réparation et le remplacement du bien sont impossibles, l'acheteur peut rendre le bien et se faire restituer le prix ou garder le bien et se faire rendre une partie du prix. En l’occurrence, la demande formée par l’acheteuse en restitution intégrale du prix s’avérait donc incompatible avec l’option choisie consistant à conserver l’animal. Relevant précisément que la demanderesse réclame la restitution intégrale sans pour autant désirer se séparer de son chien, la juridiction grenobloise retient une solution en demi-teinte. Pour surmonter la contradiction, elle ne procède pas, du moins en apparence, à une réévaluation du chien ; elle tranche simplement le prix en deux, jugeant ainsi que : « choisissant de conserver l’animal sans demander la résolution de la vente, M Z ne peut exiger que la restitution d’une partie du prix payé, ainsi que le prévoit l’article L. 217-10 du Code de la consommation. Eu égard au handicap définitif de l’animal il sera fait droit à sa demande de remboursement dans la limite de la somme de 600 euros représentant la moitié du prix convenu ». L’hésitation est permise sur la rigueur technique de ce procédé : la réduction du prix doit-elle épouser les formes d’une division égalitaire, motif pris de ce que le chien n’est pas restitué ? On peut en douter, dès lors que l’action en réduction du prix a la nature d’une action estimatoire et devrait donc permettre la restitution de « la partie du prix » correspondant à la différence entre la valeur réelle de l’animal et le montant payé au jour de la vente. Si le raisonnement n’est pas de bonne méthode, il n’est toutefois pas inintéressant sur le plan de sa philosophie. Au moins sur le plan symbolique, le chemin pris par le juge grenoblois semble éviter la réduction analogique de l’animal à un bien comme les autres. En s’abstenant de procéder à la réévaluation économique de l’animal qui se révèle handicapé, pour privilégier un partage équivalent du prix entre l’éleveuse-venderesse et l’adoptante-acheteuse, la juridiction semble davantage statuer en équité, au regard de la nature particulière du chien, qu’en droit. En d’autres termes, sans discuter ici de la problématique plus fondamentale de la patrimonialité de l’animal, on pourrait voir dans le partage opéré une présomption selon laquelle, aux yeux de son maître, l’animal handicapé ne peut voir sa valeur réduite en-deçà d’un certain montant. Aussi, tenant compte de la valeur affective du chien, laquelle justifie que soit ordonnée une indemnisation largement supérieure au prix de la vente, le juge ne semble pas pouvoir se résoudre à réduire excessivement la valeur économique de l’animal : l’acheteuse attachée à son chien, au point de ne pas souhaiter le restituer et de dépenser des sommes importantes pour le soigner, ne saurait prétendre que le handicap de l’animal en annihile la valeur. Aussi, indifféremment de l’amoindrissement réel de sa valeur patrimoniale, le chien ne pourrait pas ne rien coûter. Au travers de cette conception projetée sur le choix du juge, se nicherait donc un refus de l’animal à « zéro euro ». De façon plus pragmatique, on pourrait encore considérer que le prix minimal représente la compensation du coût de l’élevage pour la venderesse.
D’autre part, se posait la question du remboursement des frais de santé. Est allouée à la demanderesse la totalité de la somme réclamée, soit 6.889,86 euros. La solution est désormais classique, établie par l’arrêt Delgado11. La juridiction ne tient pas compte de ce que plusieurs des factures ne comportent pas l’intégralité des mentions exigées par le Code rural, ces irrégularités formelles ne les privant pas de valeur probante. De plus, la demande est justifiée dès lors que les chirurgies, réalisées dans les règles de l’art, n’ont certes pas fait disparaître le handicap du chien, mais ont été « utiles » en ce qu’elles ont « permis de ne pas faire perdre à l’animal une chance d’amélioration de son état ». L’argument présenté par la défenderesse, consistant à exclure le remboursement d’actes de soins infructueux, ne peut donc prospérer dès lors que les tentatives n’étaient pas illusoires et permettaient d’espérer une amélioration. On en déduit en creux qu’un acharnement excessif des propriétaires n’aurait pas permis l’indemnisation d’actes illusoires ou inadaptés. Par ailleurs, on remarque qu’en l’espèce la demanderesse a obtenu la compensation des frais de santé actuels mais n’a pas eu le réflexe de réclamer l’indemnisation des frais futurs causés par le handicap persistant de son chien, ce qui aurait été de bonne méthode en suite de résultats thérapeutiques limités. Or, on se souvient que, récemment, la Cour d’appel de Chambéry a alloué 5.603,51 euros au seul titre des frais futurs justifiés par la malformation d’une chienne berger allemand dont l’espérance de vie a été évaluée à 11 années, à raison de 360 euros annuels de dépenses vétérinaires à venir12.
Secundo, sur les enjeux extrapatrimoniaux.
D’une part, le préjudice moral du propriétaire est reconnu sans difficulté en son principe, sans exigence probatoire particulière. La juridiction juge ainsi qu’un préjudice moral est « incontestablement subi par le maître de l’animal, qui a lui-même souffert des souffrances endurées par son compagnon ». Assisterait-t-on à l’émergence d’une présomption d’affection entre l’animal domestique et son humain en droit de l’indemnisation ? Ce serait là l’implication naturelle de la définition de l’animal de compagnie dégagée par l’arrêt Delgado selon laquelle la destination d’un animal de compagnie est de recevoir l’affection d’un maître. Dans la veine de cette jurisprudence, la terminologie employée par la Cour exprime la dimension relationnelle certaine entre l’acheteur qui est un « maître » et l’animal qui est « compagnon », et cela indépendamment de la destination du berger allemand dont la cessionnaire a reconnu ici qu’elle consistait, en partie, en « la protection de son commerce de tabac presse ». C’est probablement ce qui a permis de laisser entrer dans le giron de l’article L. 217-10 du Code de la consommation l’action de la commerçante : l’animal n’avait pas pour seule destination la protection de l’établissement commercial. Cette admission nous indique que l’animal utilisé par son propriétaire dans un but professionnel peut néanmoins recevoir son affection (ce qui laisse ouvertes des questions relatives au préjudice d’affection des éleveurs et agriculteurs dont l’attachement peut s’étendre au-delà du rapport utilitaire13). Partant, serait aussi présumée l’existence du préjudice moral, l’atteinte étant automatiquement provoquée par la perte ou la souffrance d’un être dont il est présumé qu’il est aimé. Cette présomption de préjudice semble être l’expression d’une évolution de la posture des juges du fond, puisqu’il appartient ordinairement au demandeur de démontrer la réalité de son préjudice d’affection14. Le montant demandé en l’espèce est toutefois fortement modéré par le juge qui n’accorde pas les 10.000 euros réclamés, mais justifie l’allocation d’une somme de 500 euros. Compte tenu des implications pour le maître du déficit fonctionnel permanent du jeune animal, et des chirurgies qui sont déjà intervenues, on peut juger faible le montant alloué. De façon générale, comme pour tout dommage non pécuniaire, le mode de calcul des dommages et intérêts dus au titre du préjudice moral n’a jamais fait l’objet d’une science particulièrement lisse, bien que rationnalisée en matière de liquidation du préjudice corporel. Concernant le préjudice affectif du propriétaire d’un animal, la même affirmation pourrait être formulée tant il est vrai que depuis l’arrêt Lunus15, la quantification de ce préjudice demeure inégale et obscure. A votre bon cœur, Messieurs, Mesdames les juges ? Une tentative de compilation de la jurisprudence pourrait sans doute faire apparaître des pratiques judiciaires plus ou moins généreuses selon les ressorts. L’ère postérieure à la loi de simplification de 2015 devrait théoriquement se prêter à une revalorisation de ce poste indemnitaire. C’est ce qui est ouvertement défendu au Québec, dont la législation a intégré également en 2015 un article 898.1 du Code civil équivalent de notre actuel article 515-14. Prenant appui sur des avis de magistrats tels que Pierre Cliche (Cour du Québec) ou François Toth (Cour supérieure), la doctrine québécoise observe ainsi que ce nouvel article sert d’argument pour un rehaussement du référentiel indemnitaire relatif au dommage extrapatrimonial du propriétaire de l’animal16. Il faudrait donc que les tribunaux entreprennent une purge idéologique afin de tenir compte des conséquences émotionnelles réelles du dommage sur un propriétaire – ce qui n’est d’ailleurs que l’expression du principe de réparation intégrale – et non de s’en tenir à une euphémisation de la valeur affective susceptible d’être attachée aux animaux.
Une telle euphémisation transparaît parfois de façon assumée dans les décisions judiciaires, comme en témoigne un arrêt de la Cour d’appel de Nîmes (dont les arguments sont rapportés dans une décision de la Cour de cassation17) appréciant le montant des dommages et intérêts dus à une association de protection animale intervenue dans une affaire de mauvais traitements, et estimant que : « il convient avant tout de relativiser l’ampleur des préjudices évoqués par la partie civile à la mesure des conséquences objectives subies par les animaux et de rappeler notamment, au titre de la réparation du préjudice moral, que si sans conteste possible les animaux sont des êtres doués de sensibilité et méritent soins et attentions à la mesure de leur nature vivante, il convient de conserver une nécessaire modération dans l’appréciation des préjudices issus d’atteintes n’affectant pas des personnes humaine18 ». Outre le jugement de valeur morale ou philosophique, trahissant ici une opinion du juge, l’argument a de quoi surprendre sur le plan juridique, étant rappelé que le préjudice moral est strictement le résultat d’une atteinte affectant une personne, qu’elle soit physique ou morale, et que par l’effet de cette rhétorique euphémisante, ce sont bel et bien des intérêts humains qui se trouvent relativisés.
D’autre part, le juge refuse l’indemnisation du pretium doloris de l’animal, au motif qu’« aucune indemnité ne saurait être allouée à M Z au titre de la souffrance de l’animal, qui est, certes, un être vivant doué de sensibilité, mais qui n’est pas un sujet de droit ». Si les demandes en indemnisation du préjudice de souffrances endurées par l’animal sont rares, les réponses juridictionnelles se répètent et se ressemblent19. Dans l’esprit des juges, l’absence de personnalité juridique ferait systématiquement obstacle à la reconnaissance d’un préjudice proprement animal, ne laissant place qu’à la compensation des préjudices dérivés, à savoir ceux d’un propriétaire. Toutefois, la réécriture de l’article 528 du Code civil ne prévoit plus que les animaux sont des biens par nature. Parallèlement, la nouvelle matrice de la responsabilité civile, reconnaît le préjudice écologique sans que l’environnement ne soit aujourd’hui pour autant doté de la qualité de sujet de droit. Ces mutations rendent infondée la croyance selon laquelle le préjudice dépend d’un intérêt personnifié et que l’atteinte à l’animal ne peut être regardée que par le prisme du patrimoine de son propriétaire. Elles devraient permettre la reconnaissance, à droit constant, d’un préjudice purement animalier sans nécessité – sur cette question – d’utiliser le vecteur d’une personnalité juridique. C’est du moins un point de vue qu’il est possible de défendre solidement, dans une approche utilitariste de l’action en réparation, permettant l’habilitation du propriétaire à agir dans l’intérêt de son animal, et une approche objective de la responsabilité civile d’ores et déjà confrontée à la nécessaire compensation des atteintes causées à des intérêts non personnifiés20.
Cour de cassation (rejet du pourvoi). La vendeuse professionnelle s’est pourvue en cassation, arguant que la responsabilité du vendeur n’est engagée sur le fondement de la garantie légale de conformité que si le défaut de conformité existait lors de la délivrance du bien. Or, selon elle, l’arrêt de la Cour d’appel s’est borné à affirmer que la dysplasie du chien était « en germe au jour de la vente » au seul motif que le canidé détenait les gènes permettant de développer cette maladie, alors que ces gènes n’entrainaient pas nécessairement le développement de la maladie et que « des facteurs extérieurs ont pu jouer un rôle dans l’apparition de la dysplasie ». En d’autres termes, la Cour d’appel aurait violé l’article L. 217-4 du Code de la consommation (dans sa version antérieure à l’ordonnance de 2021), en ne constatant pas l’existence certaine de la maladie lors de la délivrance. La thèse était pour le moins subtile, consistant à distinguer entre l’animal dont la maladie génétique est déjà déclarée au jour de la vente et celui dont la même maladie ne se révèle que postérieurement à la délivrance. Cette subtilité n’a pas convaincu la Cour de cassation. En effet, le juge d’appel a souverainement relevé que l’animal était atteint d’une dysplasie coxo-fémorale, soit une maladie héréditaire qui ne peut se développer qu’en présence de gènes spécifiques, lesquels peuvent être transmis par des ascendants eux-mêmes indemnes de cette pathologie. Ce faisant, la Cour d’appel a pu estimer, même si des facteurs d’environnement ont pu jouer un rôle dans le déclenchement de cette maladie, que les causes premières de cette affection étaient nécessairement antérieures à la vente et en déduire que cette maladie invalidante avait rendu l’animal impropre à son usage de chien de compagnie et de protection, justifiant ainsi la mise en œuvre de la garantie de conformité.
Si la solution elle-même n’appelle pas de commentaire particulier, les rappels normatifs opérés par la Cour font apparaître pour leur part des sujets d’inquiétude pour les cessions postérieures à l’ordonnance de 2021. La Cour de cassation prend effectivement le soin de rappeler qu’il résulte de l’article L. 213-1 du Code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2021-1247 du 29 septembre 2021, que les dispositions qui régissent la garantie légale de conformité sont applicables aux ventes d’animaux conclues entre un vendeur agissant au titre de son activité professionnelle ou commerciale et un acheteur agissant en qualité de consommateur. C’est là un point de vigilance pour l’avenir : si un acheteur peut invoquer, comme en l’espèce, la garantie de conformité du Code de la consommation, c’est uniquement dans le cadre d’une vente antérieure à l’ordonnance de 2021. Depuis cette ordonnance, l’article L.217-2 du Code de la consommation exclut les ventes d’animaux domestiques du domaine de la garantie de conformité consumériste. Les situations comparables aux faits examinés sont et seront moins favorables aux acquéreurs d’animaux de compagnie, lesquels se trouveront assujettis aux dispositions du Code rural, sauf stipulation leur permettant de se prévaloir du Code de la consommation. Or, le Code rural prévoit dans son article L. 213-7 que l'action en réduction de prix autorisée par l'article 1644 du Code civil ne peut être exercée lorsque le vendeur offre de reprendre l'animal vendu en restituant le prix et en remboursant à l'acquéreur les frais occasionnés par la vente. Le choix opéré par la réforme de 2021 est à ce titre déconnecté des évolutions du droit animalier, des besoins de la matière, et de la place qu’occupe l’animal de compagnie dans le droit contemporain et dans la société. Elle décourage clairement la prise en compte de la dimension affective de l’animal, l’acquéreur étant privé de l’action estimatoire et vraisemblablement réduit à devoir opter entre la conservation de l’animal ou une offre de « reprise » avec remboursement des frais. On peine à comprendre si les offres de reprise et de remboursement, qui semblent cumulatives, peuvent être décorrélées l’une de l’autre afin d’envisager un remboursement sans reprise. Quel serait l’effet d’un refus de la part de l’acheteur d’une offre de remboursement imposant la reprise de l’animal ? Peut-il n’accepter que le remboursement sans reprise ? Il reste à savoir si, dans le futur contentieux, les juges s’inspireront de la jurisprudence Delgado pour aménager le risque de rigidité de ce texte qui, s’il n’exclut pas l’octroi de dommages et intérêts au profit de l’acheteur, doit s’articuler avec l’article L. 213-1 qui pour sa part n’y ouvre droit qu’en cas de dol. Dans l’idéal, il faut espérer une interprétation judiciaire audacieuse de l’article L. 213-7 du Code rural, à la lumière de l’article 515-14 du Code civil, afin que la loi nouvelle n’incite pas à la restitution de l’animal pour des seuls motifs économiques.

B. Acte de maréchalerie causant la perte du cheval : responsabilité et préjudices réparables (Bordeaux, 1e civ., 20 novembre 2023, RG n° 21/01983)

Mots-clefs : Louage d’ouvrage – responsabilité civile contractuelle – faute du maréchal-ferrant (oui) – obligation de conservation et de sécurité de l’animal – indemnisation de la perte de l’animal – nécessité d’une expertise contradictoire (non) – préjudice moral (oui)

Faits. En l’espèce, un cheval s’est blessé alors qu’il était confié à une maréchale-ferrante ayant pour tâche de le ferrer. La professionnelle a expliqué, lors de la déclaration de sinistre, qu’elle était en train de « parer le postérieur droit quand le cheval s'est mis à bouger pour une raison inconnue » et qu’elle a alors « perdu l'équilibre et lâché le pied. Tayten a pris peur et a reculé en direction de mon trépied. Il s'est emmêlé les pieds dans celui-ci et s'est blessé le postérieur gauche au-dessus du boulet ». Souffrant d’une « plaie à mi-canon avec sections des tendons fléchisseurs superficiel et profond des doigts PG », le vétérinaire a émis un « pronostic sportif très réservé à nul ». Le cheval a été euthanasié quelques jours plus tard. Plusieurs questions se posent.
Sur la responsabilité. Tout d’abord, la blessure étant survenue à l’occasion d’un acte de maréchalerie, la maréchale-ferrante est-elle responsable du dommage et sur quel fondement ? C’est ici l'article 1789 du Code civil qui est mobilisé, texte relatif au louage d’ouvrage et d’industrie, prévoyant que « dans le cas où l'ouvrier fournit seulement son travail ou son industrie, si la chose vient à périr, l'ouvrier n'est tenu que de sa faute ». La règle assoit les obligations et le principe de responsabilité du loueur d'ouvrage qui est tenu d'une obligation de conservation et de restitution de la chose qui lui a été confiée. Il ne peut se libérer qu'en prouvant qu'il n'a commis aucune faute21. La professionnelle invoquait précisément l’absence de faute, estimant avoir prodigué des soins consciencieux à l’animal, ainsi que tout lien de causalité entre son acte et la blessure de l’animal qui, selon elle, se serait blessé seul. Le donneur d’ordre soutenait pour sa part que le loueur d’ouvrage est débiteur d’une « obligation de sécurité » à l’égard de l’animal qui lui est confié. Aussi, la juridiction reconnaît-elle le lien de causalité entre l’intervention de la professionnelle et la perte du cheval, relevant que celle-ci a « lâché le pied de l'animal, qui est venu heurter le trépied, dont elle ne conteste pas qu'il était en métal et non en plastique ». On reconnaît dans cet élément de fait, souligné par le juge, l’élément constitutif d’une faute d’abstention consistant à ne pas avoir choisi un trépied conçu dans un matériau de nature à sécuriser le lieu d’intervention sur les animaux. La faute serait donc ici une faute de négligence, la Cour jugeant que la défenderesse « n'apporte aucun élément de nature à démontrer qu'elle a pris toutes les précautions nécessaires aux fins d'exécuter correctement son acte de maréchalerie ». L’obligation de conservation est mobilisée en tant qu’obligation de moyens renforcée, à charge pour le débiteur de prouver qu’il a mis en œuvre tous les moyens nécessaires à la conservation de la chose. Or, le fait que la cause de l’agitation du cheval soit inconnue ne déjoue pas cette obligation, la Cour de cassation ayant déjà jugé que la cause de la disparition est indifférente22.
Sur la preuve du dommage. Ensuite, l’absence d’expertise contradictoire constatant le dommage est-elle de nature à exclure la responsabilité ? L’entrepreneuse arguait que « sa faute ne peut être déduite de la blessure du cheval, dès lors que celle-ci n'a pas été contradictoirement constatée ». Sans s’attarder sur l’incohérence de l’argument (lequel confond preuve de la faute et preuve du dommage), il faut encore ajouter que son assureur estimait pour sa part que l’absence d’expertise contradictoire, en raison de l’euthanasie précipitée du cheval, fait obstacle à la juste évaluation du dommage. Pour écarter ces arguments, le juge bordelais s’est concentré sur l’impossibilité de réaliser une expertise compte tenu d’un critère zoocentré, à savoir les souffrances endurées. En effet, à deux reprises, il est rappelé que « les souffrances endurées par l’animal » nécessitaient une prise en charge immédiate (le jour même de l’accident), et qu’à ce titre « il ne saurait être reproché au propriétaire de ne pas avoir attendu une expertise contradictoire au regard des souffrances endurées par son animal ». On rappellera de plus que la preuve du dommage peut se faire par tout moyen et que la décision du juge devra résulter d’indices concordants corroborés. L’absence d’expertise, tout comme la production d’une expertise officieuse, n’est donc pas de nature à faire obstacle à la preuve du dommage et à son évaluation23. C’est néanmoins l’enjeu tenant à la prise en charge urgente des souffrances vécues par l’animal qui aura été ici déterminant pour écarter l’argument relatif à l’administration de la preuve.
Sur l’évaluation des dommages et intérêts. Enfin, on notera qu’en l’espèce le propriétaire ne tente pas de solliciter l’indemnisation du préjudice de souffrances endurées par son cheval. Il réclame la compensation de la perte patrimoniale qu’il a subie, ainsi que de son préjudice moral causé par cette perte. L’indemnisation du préjudice moral, sollicitée à hauteur de 5.000 euros, mérite d’être mis en lumière car la Cour s’attache à relever que le propriétaire « ne produit aucun élément permettant d'établir la relation étroite qu'il entretenait avec son cheval », de même qu’il n’établit pas la date à laquelle il a acquis l'équidé. On comprend que le juge du fond cherche à faire entrer dans le giron de son appréciation la durée de la relation entre l’homme et son animal, de plus qu’il exige la preuve du lien affectif particulier qui a pu se nouer entre eux. Nonobstant l’absence de ces éléments probatoires, le juge grenoblois ne nie pas le préjudice en son principe : la preuve de « l’étroitesse de la relation » ayant vocation à évaluer seulement l’ampleur du préjudice24. C’est pourquoi il est jugé qu’en raison de « la perte brutale de son cheval, qu'il a dû faire euthanasier à la suite d'un accident de maréchalerie, il sera alloué à M. [U] la somme de 500 euros en réparation de son préjudice moral. Le jugement sera infirmé en ce sens ». L’infirmation porte ici sur le montant du préjudice, étant précisé que le Tribunal judiciaire de Périgueux avait alloué la somme de 2.000 euros. On retiendra donc la nécessité, à l’instar du traitement du préjudice d’affection des victimes indirectes, de démontrer le degré d’attachement de la victime à l’être perdu. Dans le cadre de cette comparaison, rappelons-nous que la charge probatoire est renforcée concernant les relations dont la nomenclature ne présume pas l’étroitesse, telle que celle des petits-enfants avec leurs grands-parents parmi lesquels on distingue entre ceux « justifiant se voir régulièrement » et les autres. Il en va de même pour « les autres parents ou proches justifiant fréquenter régulièrement la victime » dont le préjudice est rarement indemnisé au-delà de 3.000 euros, selon la même nomenclature. Matériellement, les juridictions civiles sont ainsi habituées, lorsqu’un effort probatoire est consenti par les plaideurs, à établir l’étroitesse de la relation sur la base de témoignages de l’entourage, de photographies et autres traces du lien perceptibles via des captures d’écran de comptes de réseaux sociaux, ou encore possiblement de rapports médicaux permettant d’attester de l’atteinte émotionnelle provoquée par la perte de l’être disparu. C’est cet effort probatoire qu’aurait dû faire le propriétaire pour obtenir la juste compensation de son préjudice.

C. L’euthanasie du poulain dont le pronostic vital n’est pas engagé peut-elle constituer un préjudice réparable pour son propriétaire ? (Rouen, 1e civ., 13 décembre 2023, RG n° 22/03502)

Mots-clefs : Bail rural – responsabilité du bailleur pour la perte du poulain (non) – préjudice moral causé par l’euthanasie (non) – preuve de la faute (non) – preuve du dommage (non)

Faits et procédure. Au cours d’un litige relatif à la reconnaissance d’un bail rural, l’occupant des parcelles litigieuses, éleveur de poulains, a découvert l’un de ses animaux présentant une boiterie. Présenté le jour même à un vétérinaire, l’animal a été euthanasié. Le couple propriétaire du poulain a alors assigné les sociétés bailleresses en réparation des préjudices subis en conséquence de la perte du poulain. Les demandes ayant été rejeté devant le Tribunal judiciaire d’Evreux, les demandeurs ont interjeté appel de la décision. Dans les arguments présentés à la Cour, ils décrivent des relations conflictuelles avec les intimés et font valoir plusieurs manquements contractuels, invoquant des troubles de jouissance tels que le non-entretien de clôtures endommagées, la création de tranchées ou fossés à l'intérieur des parcelles présentant un risque pour les équidés, le parcage répétitif des équidés dans de petites parcelles, leur déplacement, ainsi que des problèmes d'alimentation en eau. Pour ces raisons, ils imputaient aux bailleurs la boiterie et le décès du poulain et recherchaient principalement leur responsabilité contractuelle sur le fondement de l’article 1719 du Code civil, et subsidiairement leur responsabilité extracontractuelle fondée sur l’article 1240 du Code civil. En plus d’autres prétentions indemnitaires relatives à l’inexécution du bail, ils réclamaient ainsi le paiement de 15.000 euros au titre de la valeur vénale du poulain, de 922 euros au titre des frais de vétérinaire et de 5.000 euros au titre de leur préjudice moral. Les intimés soutenaient pour leur part qu’il n’était pas démontré que le dommage leur était imputable. Ils arguaient de plus – et c’est ce qui retiendra davantage notre intérêt – que l’euthanasie du poulain n’était pas « inéluctable » et résultait d’un choix des propriétaires non justifié médicalement. Ils contestaient en cela le préjudice moral invoqué.
Sur la responsabilité du bailleur dans la perte du cheval. Pour se déterminer sur la responsabilité, le juge rouennais relève que si les propriétaires du cheval énumèrent une série de manquements imputés aux bailleurs, ils n’établissent aucun fait précis relatif à un traumatisme du cheval ou en lien avec la santé de celui-ci. A cet égard, on ne s’étonnera pas que la seule description de parcelles en mauvais état – dont il est rappelé qu’il appartient au preneur de les entretenir – ne suffise pas à établir un lien de causalité entre les supposés manquements du bailleur et le dommage invoqué. La responsabilité ne pouvait donc être engagée en l’absence de fait fautif et de lien de causalité. Reste que la Cour s’attache ensuite à examiner le rôle des propriétaires dans la survenance de la perte de l’animal, ce qui appelle des réflexions plus difficiles sur la pertinence du critère d’inéluctabilité de l’euthanasie pratiquée sur le poulain blessé.
Sur le préjudice résultant de l’euthanasie du cheval. La Cour se fonde sur le rapport vétérinaire, lequel indique que le cheval présente une sévère inflammation des os du pied dont l'étiologie est inconnue, envisageant cependant une « probable » origine septique et/ou traumatique ; ajoutant que les lésions osseuses s’accompagnaient en l’espèce d’une sévère infection rendant « le pronostic sportif très réservé ». Il ajoute que « les propriétaires décident d'euthanasier le cheval ». Le juge relève alors que si le professionnel vise clairement une pathologie sévère dont l'origine est indéterminée, il ne conclut pas qu’est engagé le pronostic vital. A bien lire le rapport, on remarque en effet que le professionnel est réservé sur l'avenir sportif de l'animal, sans pour autant décrire une situation sanitaire justifiant l’euthanasie. Aussi, en l’absence d’un tel élément, le propriétaire de l’animal ne serait pas fondé, selon la Cour, à se prévaloir de la perte subie. On pourrait discuter des raisons de cette analyse juridique, au prisme des pratiques professionnelles vétérinaires. On fera d’abord remarquer que, conformément aux normes déontologiques de la profession, la décision d’euthanasier ne revient pas au vétérinaire qui pratique l’acte mais au propriétaire de l’animal pris en charge, dans une logique comparable à celle qui ordonne qu’un médecin ne peut se substituer à son patient pour décider des actes, lesquels doivent demeurer librement consentis. Il était donc difficile de tirer un quelconque argument de ce que la décision d’euthanasier a été prise par le propriétaire. C’est bien la justification qui est au cœur de la question posée. Or, la participation du vétérinaire à une euthanasie est ici, sans le dire explicitement, comprise comme un acte de convenance : c’est ce que l’on peut inférer du recours au critère de l’inéluctabilité (non reconnue en l’espèce). Ce raisonnement pose des questions éthiques et juridiques difficiles car le seul fait que le pronostic vital de l’animal ne soit pas engagé ne suffit pas à exclure le recours justifié à l’euthanasie. En effet, l’Ordre National des Vétérinaires définit l’euthanasie comme « un acte médical vétérinaire à visée humanitaire destiné à abréger la vie d’un animal présentant une pathologie physique ou mentale à l’origine de souffrances pour lui-même ou son entourage ». Pour sa part, le règlement européen n° 1099/2009 du Conseil du 24 septembre 2009 sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort définit la mise à mort d’urgence de l’animal comme celle « d’animaux blessés ou atteints d’une maladie entrainant des douleurs ou souffrances intenses lorsqu’il n’existe pas d’autres possibilités pratiques d’atténuer ces douleurs ou souffrances ». Quant à lui, le Code rural prévoit que le vétérinaire « s'efforce, dans les limites de ses possibilités, d'atténuer la souffrance de l'animal et de recueillir l'accord du demandeur sur des soins appropriés. En l'absence d'un tel accord ou lorsqu'il ne peut répondre à cette demande, il informe le demandeur des possibilités alternatives de prise en charge par un autre vétérinaire, ou de décision à prendre dans l'intérêt de l'animal, notamment pour éviter des souffrances injustifiées » (art. R. 242-48). Toutefois, il reste muet sur la définition de l’euthanasie, malgré les recommandations du Comité d’éthique d’intégrer une article prévoyant que celle-ci consiste en un « acte vétérinaire consistant à provoquer la mort d’un animal avec un minimum de souffrance ou de détresse, qui est pratiqué lorsque le vétérinaire estime qu’il est justifié au vu des circonstances médicales, réglementaires, humanitaires, économiques, sanitaires ou environnementales » et que cet acte ne peut être envisagé qu’après avoir épuisé en conscience la recherche de solutions alternatives25. Le Comité présente le cas des animaux d’élevage et des chevaux de course comme celui d’euthanasies problématiques, du fait qu’il s’agit d’animaux « acquis ou obtenus à des fins économiques mais qui ne peuvent apporter aucun bénéfice économique à leur propriétaire (animaux surnuméraires, chevaux qui ne peuvent plus concourir…) et dont le maintien dans des conditions de vie adéquates représente une charge financière parfois difficilement supportable ».
Aussi, à la lumière de ces quelques éléments, on peut voir que le choix d’euthanasier l’animal, dont on rappelle qu’il revient au propriétaire et non au vétérinaire, ne peut se réduire à la seule question du pronostic vital. Elle est au croisement d’une évaluation utilitariste qui doit permettre la pesée de différents enjeux au cœur desquels se trouvent l’espoir pour l’animal d’une survie qualitative, ce qui dépend autant des chances de soins adaptés susceptibles d’être pris en charge par le propriétaire, que de la perspective de conditions de vie sans contraintes ou souffrances excessives – telles que celles imposées par les séquelles causant un lourd handicap, par exemple. Ces considérations montrent que le critère de l’inéluctabilité corrélée au pronostic vital n’est pas pertinent : l’absence d’engagement de pronostic vital ne fait pas théoriquement obstacle à l’existence d’un préjudice moral pour le propriétaire qui serait contraint d’opérer un arbitrage éthique tenant compte de l’intérêt de son animal à survivre dans des conditions satisfaisantes et de ses propres moyens (particulièrement matériels et financiers) à supporter de telles conditions. Le préjudice pourrait être en revanche contesté lorsque, suivant une appréciation in concreto, une euthanasie a été décidée pour des motifs incompatibles avec les préoccupations d’un propriétaire attaché au bien-être de son animal. En l’espèce, même si la reconnaissance du dommage n’aurait pas permis d’établir pour autant la responsabilité recherchée, on peut regretter que la décision ne se soit pas attachée à apprécier plus finement la caractérisation du préjudice moral résultant d’une euthanasie.

D. Référé : les espoirs déçus de l’éleveur bio soucieux de récupérer ses animaux cédés alors qu’il était hospitalisé (Caen, 1e civ., 28 novembre 2023, RG n° 23/00781)

Mots-clefs : Référé – abattage des animaux cédés – urgence (non) – dommage imminent (non)

Faits : des animaux vendus en l’absence de leur éleveur. A l’ère où la situation agricole noue des drames humains et animaliers qui attirent de plus en plus l’attention du grand public, les faits de cette espèce pourraient tristement faire l’objet d’un western moderne ou d’un drame social adapté au cinéma. En l’espèce, s’est jouée la situation de Monsieur D., gérant d’une EARL élevant un cheptel bovin labellisé bio, au sein d’une exploitation éco-responsable et promotrice du « bien-être animal ». L’arrêt reste mystérieux sur le contexte juridico-administratif du litige, mais l’on apprend qu’en conséquence de diverses décisions administratives, Monsieur D. a tenté de mettre fin à ses jours, l’exposant à plusieurs périodes d’hospitalisation de juin à fin septembre 2022. L’exposé du litige rapporte que, lors de l’été 2022, durant une hospitalisation pour soins psychiatriques, le cheptel a été vendu – « à la demande de l’administration » – à une société spécialisée dans la vente de gros animaux vivants à viande (exploitation non dotée du label biologique). Plus précisément, motif pris de l’incapacité du gérant à assurer la prise en charge du cheptel, l’administration aurait convaincu son épouse (tiers à l’exploitation), de céder 199 bovins en l’absence de son mari26. Désireux de se voir restituer ses animaux et d’empêcher leur abattage, Monsieur D., en tant que représentant légal de l’EARL, entreprit plusieurs actions qui s’avèrent révéler la déceptivité de la procédure de référé. Pour sa part, le cessionnaire soutenait qu’une partie du bétail cédé avait été revendue à des éleveurs, une autre à des abattoirs ou partie à l'équarrissage, de sorte que plus rien ne restait entre ses mains.
Procédure : stratégie du référé. En janvier 2023, sur le fondement des articles 834 et 835 du Code de procédure civile, l’éleveur assigna la société acheteuse devant le juge des référés coutançais, aux fins d’obtenir l’interdiction de la revente et de l’abattage des animaux issus de son exploitation. Il agit également au fond, en février, en vue d’obtenir l’annulation de la vente de juillet 2022 pour cause de trouble mental du vendeur au moment de la vente. L'ordonnance du juge des référés du Tribunal judiciaire de Coutances du 23 mars le débouta de l’ensemble de ses demandes, ce qui le conduit à interjeter appel devant la juridiction de Caen. Le juge caennais confirma en toutes ses dispositions l’ordonnance déférée. Pour rappel, en vertu de l'article 834 du Code de procédure civile, le président du Tribunal judiciaire peut, dans tous les cas d'urgence, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend. Quant à lui, l’article 835 dispose dans son alinéa 1er que le président du Tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Il prévoit ensuite, dans son second alinéa, que dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire. La stratégie procédurale s’est montrée infructueuse, chacun des critères permettant de faire utilement aboutir l’action en référé ayant été balayé.
Sur le cas d’urgence. L’urgence est une condition d’exercice de ses pouvoirs par le juge des référés, étant précisé que le caractère de l’urgence est un élément de fait souverainement apprécié par le juge au jour où il statue, et cela de façon plus ou moins objective27. Le critère de l’urgence a fait l’objet d’une appréciation pour le moins expéditive, dès l’ordonnance attaquée qui était elle-même ainsi qualifiable. Adoptant le point de vue du président du Tribunal judiciaire, la Cour d’appel a estimé que l’article 834 n’est pas applicable au cas d’espèce, au motif que « la vente des animaux ayant eu lieu le 8 juillet 2022, et l'assignation devant le juge des référés étant en date du 13 janvier 2023, l'urgence ne peut être considérée comme caractérisée ». On peine à entrevoir de façon évidente la corrélation entre la date de la vente et la condition d’urgence, dès lors que l’action en référé a pour but d’empêcher le transfert et l’abattage des bovins pour l’avenir28. Or, en apparence du moins, tant le transfert que l’abattage constituent des événements susceptibles de survenir postérieurement à l’acte de vente dont la date n’est pas, à elle seule, déterminante. Aussi, le juge de l’urgence aurait-il dû s’attacher à examiner si la perspective de réalisation de ces événements appelait des mesures urgentes au jour où il a statué, à savoir en mars 2023. Le premier juge s’était contenté de dire que les animaux, au vu du temps écoulé (8 mois), avaient été « manifestement » revendus ou déjà abattus, sans que l’affirmation ne soit fondée sur autre chose qu’une référence, imprécise, aux usages.
Ces éléments ne permettent pas d’évincer l’urgence, dès lors que le juge n’examine pas sérieusement s’il est possible de remédier de façon conservatoire à la situation des éventuels animaux qui seraient restés entre les mains du cessionnaire, et cela pour éviter la survenance d’un dommage irréparable. Ainsi dit, le temps écoulé, à la lumière de l’espérance de vie de bovins en exploitation, était au contraire de nature à renforcer l’urgence. On pourrait ajouter, au surplus, que l’éleveur, ayant été empêché d’agir plus tôt, en raison de sa détresse psychique et de son état de santé au moment de la vente de ses vaches, devait précisément solliciter des mesures urgentes. Aussi, les arguments de faits relatifs à l’urgence se mêlaient-ils au critère du dommage imminent, balayé lui aussi.
Sur le dommage imminent. La juridiction estime qu’en l’espèce le dommage imminent n’est pas démontré, excluant ainsi son intervention au titre de l’alinéa 1er de l’article 835 du Code de procédure civile. Elle mêle l’examen de ce critère avec celui relatif au champ de ses compétences.
D’une part, pour juger l’absence de dommage imminent, elle relève que l’appelant pourra, en cas d’annulation de la vente, obtenir une restitution par équivalent. Outre qu’elle semble ici confondre le caractère irréparable du dommage (ce qui relèverait alors de l’appréciation de l’urgence) et son caractère imminent (qui impose d’apprécier si l’atteinte à l’origine du préjudice n’est pas encore réalisée mais se produira sûrement si aucune mesure n’est prise immédiatement29), c’est là une conception pour le moins déconcertante de ce que constitue le « dommage » aux yeux de la Cour. En effet, les animaux sont regardés uniquement par le prisme de leur dimension patrimoniale, sans considération prise pour leurs conditions de vie ni pour le lien spécifique que l’éleveur peut entretenir avec eux. Sans spéculer sur les mobiles intimes de Monsieur D., on peut inférer de la stratégie procédurale déployée que ce n’est pas le préjudice patrimonial résultant de la perte des vaches qui préoccupe l’éleveur, mais bel et bien l’atteinte qui pourrait être portée à des animaux qu’il a élevés et souhaite récupérer vivants. Le « dommage » se loge donc dans la perte des individus animaux, laquelle est irréversible, et non dans le résultat patrimonial de cette atteinte qui pourrait être compensée ultérieurement. Cette thèse est d’autant plus soutenable que, en l’espèce, les animaux ont fait l’objet d’une vente, ce qui suppose un transfert à titre onéreux. En ce sens, le vendeur est censé avoir perçu une contrepartie économique. Partant, en cas d’annulation de la vente postérieure à l’abattage des animaux, il ne pourrait recevoir une compensation financière – puisque la vente a déjà opéré un échange de prestations – mais auraient éventuellement droit, en restituant le prix perçu, à restitution d’autres vaches – jugées équivalentes – qui ne sont pas celles qu’il a élevées. Cependant : quoi de plus normal – pourrait-on dire ? Les vaches « produites » par des éleveurs ne sont-elles pas fongibles ? Leur sort n’est-il pas toujours le même ? Leur destination n’étant pas celle d’un animal de compagnie, ne sont-elles pas toutes de même nature ? Le dire trop rapidement reviendrait sans doute à entretenir des a priori sur le rapport que peuvent entretenir les agriculteurs avec leurs animaux30. En l’occurrence, l’animal élevé par un éleveur que l’on pourrait qualifier d’« engagé », en raison de sa démarche éco-responsable et de son cahier des charges biologique, pourrait au contraire justifier qu’il ne considère pas ses animaux comme fongibles, d’une part, et qu’il refuse, d’autre part, que les conditions de leur vie ou mort soient incompatibles avec un certain niveau éthique. Ainsi comprise, l’action de l’éleveur pousserait à considérer que le « dommage » – dont on insiste sur le fait qu’il doit être distingué du préjudice – n’est pas réparable et qu’il est imminent dans la mesure où le maintien des animaux entre les mains de l’acquéreur les expose à la revente ou à l’abattage.
D’autre part, la Cour caennaise juge qu’elle ne peut prononcer l’interdiction de vendre ou d’abattre les « bêtes acquises » dans la mesure où l’appelant, à qui cette preuve incombe nous dit-on, doit établir que l’intimée est toujours en possession de certains animaux. Cette charge probatoire peut paraître sévère : le cédant qui a prouvé que le cessionnaire a acquis les animaux, ne prouve-t-il pas que les animaux sont en la possession de celui qui les a acquis, à charge pour ce dernier de démontrer le contraire ? Exiger la preuve qu’un acquéreur est toujours en possession de la chose vendue, c’est demander beaucoup au vendeur, nous semble-t-il. C’est toutefois de cette absence de preuve qu’est tiré le refus de retenir l’existence d’un dommage imminent, celui-ci ne pouvant être caractérisé si le vendeur n’a plus les animaux ni justifier le prononcé de mesures conservatoires. Bien que ce point ne soit pas discuté en appel, il faudrait encore s’émouvoir de ce que le juge coutançais a rejeté la mesure d’instruction sollicitée par le demandeur (une production d’un inventaire des bovins) au motif que « la demande additionnelle soutenue à l'audience visant à voir produire l'inventaire des bêtes vendues, et ainsi à suppléer une éventuelle carence de l'EARL COLISCOWBIO dans l'administration de la preuve en vue d'une instance au fond ». Premièrement, si l’article 146 du Code de procédure civile exclut le recours aux mesures d’instruction pour suppléer la carence d’une partie, il ne s’applique pas en principe aux mesures d’instruction in futurum31. Aussi, la demande ne pouvait pas être écartée de ce chef. Deuxièmement, la seule perspective d’une instance au fond est utilisée par le magistrat coutançais pour rejeter la demande, alors qu’aucune instance au fond n’était introduite au jour où il statuait (!). L’action au fond n’était donc que potentielle, et cet argument ne devrait pas peser sur l’opportunité de la mesure dans le cadre du référé.
Sur l’absence de contestation sérieuse. La Cour exclut le pouvoir du juge des référés fondé sur l’alinéa 2 de l’article 835 du Code de procédure civile, estimant que l'existence d'une procédure au fond démontre qu'il existe une contestation sérieuse. Il est vrai que Monsieur D. avait fait le choix d’assigner au fond en nullité de la vente, ce qui pouvait lui être opposé par le juge d’appel. Néanmoins, il aurait été en toute hypothèse difficile de faire application de cet alinéa, puisque l’action avait non pour but d’obtenir une provision ou l’exécution d’une obligation, mais de faire ordonner une mesure conservatoire susceptible d’éviter la réalisation d’un dommage imminent, ce qui est réservé au champ plus opportun en l’espèce de l’alinéa premier de l’article 835, lequel est indifférent à l’existence d’une contestation sérieuse.
Finalement, sous réserve des éléments de fait susceptibles de nous échapper, on peut regretter que le pouvoir d’appréciation souveraine de l’urgence et du dommage imminent n’ait pas permis l’obtention des mesures conservatoires sollicitées, celles-ci étant le premier recours utile d’un éleveur séparé de ses animaux durant une période où il n’était pas en mesure d’assurer le suivi de son cheptel. Les faits de l’espèce décrivent à ce titre des circonstances particulièrement sensibles, sans doute symptomatiques d’une crise sociale et humaine traversée par le milieu agricole. De façon plus générale et périphérique, la décision examinée draine des questions délicates relatives au sort des animaux des personnes hospitalisées pour troubles psychiatriques32, ainsi que sur les choix opérés en vue de la gestion d’un cheptel élevé conformément à un label biologique et dont la cession, sous l’effet d’une pression contextuelle qui resterait ici à clarifier, peut objectivement dégrader les conditions de vie et d’abattage. Elle charrie encore, de manière plus directe cette fois-ci, la difficile compréhension par le droit de la relation qui peut exister entre les personnes et les animaux dont la destination n’est pas celle de « compagnie ». Cette réception reste un impensé en comparaison de l’importante littérature consacrée au statut de l’animal de compagnie. En conclusion, on soulignera simplement qu’une autre perspective procédurale aurait peut-être permis une appréciation plus accueillante des circonstances de l’espèce. Monsieur D. désirant obtenir l’annulation de la vente litigieuse aurait effectivement pu envisager une assignation au fond à jour fixe, laquelle aurait permis d’inclure, dans un délai accéléré, la question de la restitution en nature des animaux dans la discussion relative à la nullité de la vente – même si, en l’espèce, la nullité pour insanité d’esprit du représentant d’une EARL peut apparaître comme un fondement périlleux. L’article 840 du Code de procédure civile prévoit que la partie qui sollicite l’autorisation d’assigner à jour fixe doit justifier des motifs de l’urgence, ce qui libère donc théoriquement des considérations liées à l’existence restrictive d’un dommage imminent et, potentiellement, de la charge probatoire relative à la possession des animaux ayant fait l’objet de la cession.

II. L’animal dans la famille

A. Séparation des concubins : preuve de la propriété et conditions de vie de l’animal (Paris, Pôle 4 chambre 10, 22 juin 2023, n° 21/00923)

Mots-clefs : Concubinage – titre de propriété de l’animal (preuve) – indivision et partage – garde de l’animal – résidence de l’animal

Faits et procédure. Après environ 7 ans de vie commune, un couple de concubins s’est séparé, sans se disputer le sort de leurs deux chats, Dizzy et Daïa, restés chez l’ex-concubine. Pendant plusieurs années, l’ex-concubin a pratiqué des visites à l’ancien domicile, et reçu régulièrement les animaux en sa nouvelle demeure. Toutefois, 5 années après la séparation, il sollicita, par l’intermédiaire de son conseil, l’organisation d’un partage de garde. Se heurtant à un refus, et après une tentative infructueuse d’accord amiable, il saisit le juge afin de faire constater qu’il serait propriétaire des animaux, de condamner Madame N. à les lui restituer, et, à titre subsidiaire, de constater que les conditions de vie des animaux à l’ancien domicile ne sont pas compatibles avec leurs besoins. Il demandait, en seconde intention, que soit reconnue l’indivision sur les animaux et prononcés en conséquence une garde alternée des chats, ou, à défaut, un partage en lui faisant attribuer un chat. En cours d’instance, Daïa décédait, privant d’objet les demandes formées à son sujet. Les demandes ont été rejetées par le Tribunal judiciaire, ainsi que par la Cour d’appel de Paris. Dans une approche principalement pratique, il est intéressant de revenir ici sur les détails des arguments et des faits ayant permis au juge parisien de statuer en faveur de l’ex-concubine.
Sur la preuve de la propriété. En l’espèce, soutenant que son ex-compagne l’a dépossédé de ses chats, l’empêchant de les voir et de s’en occuper, l’appelant prétendait être le propriétaire des animaux, affirmant avoir : signé les attestations de cession, réglé une partie de leur prix, signé leur carte d’identification, enregistré les animaux auprès de la Traditional Cat Association, fait examiner les chats et réglé les frais vétérinaires, jouets et accessoires, organisé et réglé la castration du chat mâle et la stérilisation de la femelle, ayant toujours agi en faits comme le propriétaire des animaux. Toutefois, la Cour rappelle très classiquement le principe posé par l’article 2276 du Code civil, selon lequel en fait de meubles, possession vaut titre. Or, en l’espèce, l’intimée était restée, de bonne foi, en possession des animaux, de façon paisible et ininterrompue, les accueils des animaux au nouveau domicile de l’ex-concubin ayant été certes réguliers, mais ponctuels, ce qui ne permettait pas de constater des interruptions de la possession. Aussi, la présomption de propriété n’a-t-elle pas été renversée. En effet, la signature de l’attestation de cession par le concubin ne pouvait suffire à établir son titre de propriétaire, dès lors que ladite attestation ne mentionne que sa compagne. Concernant le paiement du prix, le juge écarte la production du relevé de compte, estimant que si celui-ci établit un débit au profit de la société venderesse, ceci ne permet pas d’établir ce qui en a été l’objet. Cette appréciation est corroborée par le fait que la carte d’identification de Dizzie mentionne seulement Madame en qualité de « Nouveau Propriétaire », le nom de Monsieur n’apparaissant finalement dans aucun document, pas même la carte I-Cad (société d’identification des carnivores domestiques). Cependant, apparaît une forme de contradiction dans le raisonnement judiciaire qui rappelle tout à la fois que, « en fait de meubles, possession vaut titre » et que « Madame [N] est en possession du chat Dizzy, avec Monsieur [I] depuis son acquisition », ce qui serait de nature à établir que les concubins ont été copropriétaires des animaux, les ayant possédés ensemble durant des années selon les propres constatations de la Cour. Aussi peut-on regretter que l’enseignement ici ne soit pas clair. Est-ce le principe de la possession qui devait prédominer ? Dans ce cas, les faits indiquaient une copropriété des concubins, rejetée par la Cour qui constatait pourtant la possession tant à l’égard de la concubine que du concubin. Sont-ce l’attestation de cession et autres documents relatifs à l’identification de l’animal qui devaient guider la preuve de la propriété de l’animal ? Ces éléments ont semblé justifier aux yeux du juge la propriété de Madame, perdant de vue le jeu de l’article 2276 du Code civil. Se fait ainsi sentir un besoin de clarification sur la hiérarchie opérée au sein des modes de preuve susceptibles de rattacher l’animal à son propriétaire ; d’autant que, pour rappel et comparaison, la jurisprudence a déjà précisé, dans une situation analogue, que la preuve de la propriété des animaux est libre, comme pour les autres biens, « les différents certificats d'identification ou d'immatriculation de l'animal ne sont pas déterminants en la matière et constituent simplement des éléments qui, corroborés par d'autres, peuvent emporter la conviction du juge sur la question de la propriété de l'animal »33.
Sur les conditions de vie du chat. A titre subsidiaire et au soutien de sa demande, le demandeur espérait convaincre le juge d’ordonner une restitution en invoquant les articles 515-14 du Code civil et L. 214-1 du Code rural, alléguant qu’il était de l’intérêt du chat de lui être remis. Il versa pour cela des photographies de diverses aspects de l’ancien domicile du couple dans lequel est resté l’animal avec sa propriétaire. Il expose ainsi que, selon lui, les conditions d’existence au sein de l’appartement ne seraient pas compatibles avec les besoins de l’animal. On notera que la rhétorique déployée visait à montrer que le concubin aurait lui-même souffert de l’absence de lumière naturelle dans le domicile, du temps de la vie commune, au point que cela aurait joué un rôle dans la séparation. Ce faisant, il porte un argument relatif au bien-être des occupants humains et animaux de l’appartement. Toutefois, c’est un manque de cohérence entre les demandes qui ruine l’argumentation présentée. Outre le fait qu’il était auto-incriminant d’alléguer l’inconfort de l’appartement dans lequel le concubin avait lui-même accueilli et gardé les chats pendant des années, il était manifestement contradictoire de prétendre, dans une première demande, que c’est au titre de l’intérêt des animaux qu’il réclame la restitution, puis, dans des demandes subsidiaires, de solliciter le partage au titre de l’indivision ou une garde alternée. Cette stratégie argumentative révélait le caractère artificiel de l’argument fondé sur les articles 515-14 du Code civil et L. 214-1 du Code rural, lequel ne visait – apparemment – qu’à satisfaire l’intérêt personnel du concubin désireux de récupérer les animaux pour lui-même et non dans leur intérêt. Le moyen tiré de la sensibilité et des besoins animaux n’a donc pas prospéré, ce qui s’avère perturbant car la Cour de cassation interdit en principe de tirer argument du subsidiaire pour juger du bien-fondé du principal34. A ce titre, la demande subsidiaire ne pouvait constituer un aveu selon lequel le concubin ne croit pas en la thèse qu’il soutient principalement.
Par ailleurs, il est édifiant d’observer que, alors qu’il exclut l’existence d’un titre de propriété (puis d’une indivision), le juge s’attache tout de même à apprécier l’opportunité d’une garde exclusive de l’animal au profit de l’ex-concubin, sur le seul fondement de la sensibilité de l’animal et des obligations dont est redevable son propriétaire à ce titre35. En se limitant à l’intérêt exclusif du chat, il se prête ainsi à une analyse zoocentrée in concreto, basée sur les habitudes du chat (dont on soulignera l’âge avancé), mettant ainsi en avant le fait que l’animal est « habitué depuis son adoption à la vie citadine », mode de vie dont il n’est pas démontré qu’il est incompatible avec l’espèce siamoise. La question qui émerge alors en contre-plan est celle de savoir si, dans l’hypothèse où les conditions de vie de l’animal chez l’ex-concubine – propriétaire – avaient été jugées contraires aux besoins du spécimen, le juge aurait ordonné qu’une garde exclusive soit octroyée au profit de l’ex-concubin. Tel semble être le potentiel qui se cache dans ce modus cogitandi, la Cour laissant poindre une virtualité favorable à l’intérêt de l’animal mais aussi, par ce truchement, aux droits d’un ex-partenaire désireux de garantir un meilleur avenir à l’animal au moment de la séparation. Ce serait aussi envisager, de façon bien plus audacieuse, que la sensibilité de l’animal est susceptible de supplanter sa nature patrimoniale, transformant le contentieux patrimonial de la famille en contentieux extrapatrimonial dont la préoccupation est le sort des membres animaux de la famille et non le partage des biens.
La question semblait plus ouverte concernant l’argument tenant aux absences répétées de la propriétaire, en raison de sa carrière de musicienne. Les déplacements laissant le chat seul dans l’appartement sont-ils constitutifs d’une atteinte aux besoins du spécimen ? La Cour répond par la négative sur le principe. Il appartient au demandeur de prouver que ces déplacements sont de nature à nuire à l’animal, ce qui n’était pas le cas en l’espèce puisque plusieurs attestations permettaient d’établir que des proches s’occupaient du chat en l’absence de sa maîtresse, sans que soit démontrée que cela altère son bien-être.
Sur l’indivision et le partage. Enfin, le demandeur a tenté de faire reconnaître l’indivision, laquelle serait révélée par le partage des frais relatifs aux animaux durant les années de vie commune. Cependant, le défaut de preuve de titre de propriété à son profit ne peut être rattrapé par l’argument du partage des frais, lequel n’est pas nécessairement l’indice d’une indivision. Selon la Cour, la ventilation des frais démontre le partage de « la garde » de l’animal, les frais étant seulement liés à cette garde. Sur ce point, on peut se demander avec perplexité quelle distinction le juge entend opérer entre les frais qui seraient purement liés à la garde d’un animal familial, et ceux liés aux prérogatives et devoirs d’un propriétaire à qui il appartient. Tout au plus aurait-on compris que, bien qu’ils n’y soient pas obligés, les concubins aient ensemble participé aux frais de leur vie commune, incluant en cela les dépenses liées au domicile et aux animaux domestiques, et que la participation du concubin à ces frais ne le rend pas propriétaire des animaux évoluant dans la sphère de cette vie commune. Au surplus, ne constitue pas une reconnaissance de propriété indivise le fait pour l’ex-concubine de s’être adressée à son ancien compagnon, dans un courriel postérieur à la rupture, en visant « tes enfants » ou « nos chats » pour évoquer les animaux. Ce langage est effectivement « spontané » comme le relève la Cour, ce dont on peut déduire qu’il appartient au registre affectif et ne révèle pas la conception technique que se fait la concubine des rapports patrimoniaux du couple aux animaux litigieux.
Concernant les effets d’une éventuelle reconnaissance de l’indivision, le demandeur envisageait alternativement l’attribution d’un chat sur deux – ce qui n’avait plus de sens compte tenu de la perte de Daïa, sauf à rendre un jugement salomonide36 – ou la garde alternée. On peut douter de ce que la provocation d’un partage puisse mener à une garde alternée, laquelle ressemble davantage à une modalité de mise en œuvre d’un droit de jouissance partagée. C’est plus logiquement une licitation qui se serait imposée. Pourtant, tel n’est pas ce qui préoccupait la discussion technique au cœur du litige : le juge parisien estime que Monsieur ne peut fonder sa demande de garde partagée du chat Dizzy au titre du partage provoqué d’une indivision qui n’existe pas, mais il ajoute encore que l’intéressé ne démontre pas non plus qu’il soit de l’intérêt du chat de voir sa « résidence fixée » alternativement chez l’une et l’autre des parties, une telle alternance ayant pour effet de « perturber le rythme du chat ». Il est difficile de ne pas voir transparaître ici encore l’extraction de la question de l’attribution de l’animal des enjeux patrimoniaux car, finalement, parfaitement en dehors de toute considération liée à l’indivision, c’est bel et bien la question de « la fixation de la résidence du chat », dans son intérêt exclusif, qui est discuté. Or, par contraste, il est tentant d’en déduire à nouveau que, si l’intérêt du chat l’avait commandé, le juge aurait pu « fixer la résidence » du chat chez l’ex-concubin qui n’en est pas le propriétaire, pas même indivis. Les mots employés témoignent d’ailleurs d’une purge idéologique manifeste, dès lors qu’il n’est pas juridiquement possible de traiter de « la résidence » d’un bien revendiqué. Ici aussi, émerge l’extra-patrimonialisation de ce contentieux : l’article 515-14 du Code civil redessinerait-il discrètement mais sûrement les chemins mentaux des juges dans le traitement civil de l’animal ?

B. La preuve de la cession de poulains en dépôt chez l’ex-compagnon peut-elle résulter d’un simple commencement de preuve par écrit ? (Civ. 1ère, 5 juillet 2023, pourvoi n° 22-18.750)

Mots-clefs : Dépôt – propriété de l’animal (mode de preuve)

Faits. En l’espèce, la séparation d’un couple ayant vécu maritalement durant 21 ans a posé la question de la restitution à son ex-compagne de chevaux conservés par l’ex-compagnon. C’est ainsi que Madame I. a assigné Monsieur Y. aux fins de le voir condamner à lui restituer sous astreinte une jument et quatre poulains, et d'être indemnisée au titre d'un préjudice moral et d'une perte d'exploitation de ses chevaux. Le Tribunal judiciaire d’Argentan a rejeté ses demandes et l’a condamnée à payer à Monsieur Y. la somme de 3.648 euros au titre des frais de conservation des animaux de Madame I., estimant que ces derniers faisaient l’objet d’un dépôt nécessaire entre les mains de l’ex-compagnon au sens des articles 1949 et suivants du Code civil. L’ex-compagnon exerçait donc son droit de rétention de dépositaire, dans l’attente que lui soient remboursés les frais relatifs à la conservation des chevaux. La Cour d’appel de Caen a déclaré irrecevables toutes les demandes de l’appelante, laquelle a obtenu, sur pourvoi en cassation, l’annulation partielle de la décision attaquée. La Cour d’appel de renvoi ayant jugé que trois poulains dont la restitution étaient réclamés n’appartenaient plus à Madame I. mais à son ex-compagnon, la demanderesse s’est à nouveau pourvue en cassation. C’est sur ce point que l’attention sera portée, le reste des moyens au pourvoi ne présentant pas d’intérêt particulier.
Difficultés. La question était ici de déterminer si l’ex-compagne était restée propriétaire des poulains nés de sa jument au moment où celle-ci était en dépôt chez Monsieur Y. En l’occurrence, elle avait l’avantage car son titre de propriété était présumé, en application de l'article 4 du décret 2001-913 du 5 octobre 2001, devenu l’article D. 212-49 du Code rural et de la pêche maritime, prévoyant qu'est qualifié de naisseur, sauf convention contraire, le propriétaire de la poulinière qui met bas, et que, sauf convention contraire déposée au fichier central, le naisseur est enregistré comme propriétaire du poulain à la naissance. De plus, l'article 547 du Code civil dispose que le croît des animaux appartient au propriétaire par voie d'accession. Aussi, l’existence d’un dépôt, dépourvu de dérogation à la loi, ne pouvait faire obstacle à l’application de ces textes et donc à la voie de l’accession. Pour sa part, Monsieur Y., le dépositaire, entendait démontrer l'existence d'une convention opérant transfert de propriété, conformément aux articles 1341 et 1347 du Code civil, devenus 1359 et 1362. Or, il ne versait pour prouver la convention aucun acte sous seing privé. Toutefois, la Cour d’appel a relevé, exerçant souverainement son pouvoir d’appréciation, que dans les courriers échangés avec son ex-compagnon, Madame I. n’a jamais demandé la restitution des poulains, mais seulement de ses juments. Ces courriers, en l’absence de convention écrite, ont constitué un commencement de preuve par écrit ayant permis au juge rouennais de retenir souverainement l’existence du transfert de propriété. Le moyen de cassation présenté par la demanderesse consistait pour sa part à soutenir que le silence d’un écrit ne peut constituer un commencement de preuve par écrit. Cependant, il n’était pas possible pour la Cour de cassation de contrôler l’appréciation souveraine des faits par les juges du fond, ce qui empêchait ce moyen de prospérer. Dans une approche pratique et casuistique, on peut néanmoins revenir sur l’appréciation du juge d’appel en elle-même. En effet, s’il fallait, par réduction, synthétiser le raisonnement de la Cour d’appel, on retiendrait ici que le droit légal d’une propriétaire de jument sur ses poulains peut être renversé par la preuve d’une cession, certes, mais que cette cession peut simplement être déduite de l’absence de demande de restitution des poulains avant le procès. De plus, la réalité d’une cession ne serait par ailleurs corroborée en l’espèce que par une attestation de la fille de Monsieur Y. Le renversement de la présomption semble pour le moins facile, dès lors que l’absence de demande des restitutions des poulains, sans autre élément tels qu’un paiement si la cession est à titre onéreux, ne traduit pas de façon univoque l’existence d’un acte de cession. La conclusion était donc fragile et épousait mal les contours de l’article 1362 du Code civil qui prévoit que constitue un commencement de preuve par écrit tout écrit qui, émanant de celui qui conteste un acte ou de celui qu'il représente, rend vraisemblable ce qui est allégué. La vraisemblance paraît ici trop largement embrassée, dès lors que le silence relatif à la restitution des poulains pourrait tout aussi bien être dû à un projet de cession avorté, à un projet non abouti d’accord amiable entre les ex-compagnons, à la fixation d’un lieu de résidence du cheval au profit de la visite d’enfants du couple, à la poursuite du dépôt des animaux sur lesquels la demanderesse est en indivision (ce qui était le cas en l’espèce), ou encore à l’ignorance de la propriétaire – avant juridictionnalisation du litige – des droits que la loi lui reconnaît sur les petits nés de ses animaux. Aussi, les éléments de fait ayant servi au renversement du droit de propriété instauré par la loi pourraient paraître bien faibles, d’autant qu’à bien lire l’arrêt d’appel, la cession alléguée aurait été en l’espèce consentie… à titre gratuit !

C. La fausse évidence du juge des référés : qui du beau-père ou du beau-fils est responsable des morsures du chien ? (Aix-en-Provence, 1e-2e ch., 14 décembre 2023, RG n° 22/15969)

Mots-clefs : Référé-provision – responsabilité du propriétaire de l’animal – transfert de la garde

Faits et procédure. En l’espèce, dans les parties communes d’un immeuble, un enfant de deux ans a été mordu par un chien de race Rottweiler. Au moment de la réalisation du dommage, le chien était tenu en laisse, sans muselière, par un homme qui n’en était pas le propriétaire. En effet, l’animal appartenait à son beau-fils. Ce dernier, en raison de la naissance de son enfant, avait confié l’animal à sa mère et à son beau-père, estimant que le chien (acheté trop jeune et non sevré) présentait des troubles du comportement et ne pouvait pas cohabiter en toute sécurité avec un bébé.
Par ordonnance rendue en référé, le président du Tribunal judiciaire de Nice a condamné in solidum le propriétaire du chien ainsi que son assureur et son beau-père, à verser au représentant légal de la victime une provision de 7.000 euros à valoir à titre de provision sur l'indemnisation de son préjudice. Devant la Cour d’appel, le propriétaire du chien contestait sa responsabilité, estimant que seul le gardien de l’animal au moment des faits doit être tenu pour responsable, tandis que son beau-père arguait que la réalité d’un transfert de garde est une question de fond qui échappe au juge des référés.
Les débiteurs de l’obligation de réparation. Le juge aixois confirme l’ordonnance en ce qu’elle a établi l’évidence de la responsabilité du propriétaire de l’animal. La confirmation n’est toutefois motivée que par l’irrecevabilité de l’appel incident du propriétaire, rendant impossible la réformation sur ce point de l’ordonnance attaquée. Il confirme également cette dernière concernant l’évidence d’un transfert de la garde du chien entre les mains du beau-père du propriétaire. C’est ainsi que tant le propriétaire que le gardien sont condamnés in solidum au paiement de la provision. Or, retenir un cumul des responsabilités, instaurant une sorte de solidarité spéciale des membres de la famille au titre du dommage causé par l’animal familial, c’est imposer un partage incompatible avec le sens de l’article 1243 du Code civil. Apparaît assurément un hiatus dans l’application de ce texte qui prévoit que « le propriétaire d'un animal, ou37 celui qui s'en sert, pendant qu'il est à son usage, est responsable du dommage que l'animal a causé, soit que l'animal fût sous sa garde, soit qu'il fût égaré ou échappé ». En effet, si la responsabilité du propriétaire est posée, ce n’est qu’au titre de la présomption légale de garde de l’animal ayant causé le dommage. En cas de renversement de la présomption par la preuve d’un transfert de la garde, le propriétaire n’est plus responsable : c’est celui qui se sert de l’animal au moment du dommage qui doit en répondre. Il fallait choisir qui du beau-père ou du beau-fils était redevable de la provision. Le propriétaire du chien pourra en l’occurrence assurer cette défense au fond, le cumul des responsabilités n’ayant été retenu qu’au provisoire.

  • 1 Riom, 29 novembre 2023, RG n° 22/01292 (rappelant que le juge se réfère aux usages dans le domaine agricole concernant l’administration de la preuve de la cession d’animaux).
  • 2 Caen, 28 novembre 2023, RG n° 23/00580.
  • 3 Caen, 21 novembre 2023, RG n° 20/02572 (non).
  • 4 Civ. 2e, 9 novembre 2023, n° 22-11.570.
  • 5 Poitiers, 28 novembre 2023, RG n° 22/00316.
  • 6 Rennes, 17 octobre 2023, RG n° 20/05934.
  • 7 Aix-en-Provence, 14 décembre 2023, RG n° 23/00124.
  • 8 Rennes, 17 octobre 2023, RG n° 20/05934 : où le juge laisse au propriétaire le choix des mesures susceptibles de faire cesser le trouble (n’imposant donc pas un collier anti-aboiement) et relève l’inadaptation du chien (en l’occurrence un chien de garde de type berger) à la vie en zone pavillonnaire.
  • 9 Sur la justification possible de cette appréciation, cf. infra.
  • 10 Rappr. Civ. 1ère, 12 Septembre 2018, n° 16-29.064, cette revue 2018/2, p. 27, note F. MARCHADIER.
  • 11 Civ. 1e, 9 décembre 2015, n° 14-25.910. Cf. dans cette revue 2015/1, 55 note K. GARCIA ; 2015/2, p. 35 note F. MARCHADIER ; D. 2016, p. 360 note S. DESMOULIN-CANSELIER ; CCC 2016/2 comm. 53 obs. S. BERHNEIM-DESVAUX ; JCP G 2016 doctr. 173 ét. G. PAISANT.
  • 12 Sur l’indemnisation du handicap tout au long de la vie de l’animal : Chambéry, 5 janvier 2023, n° 21/00483, obs. F. MARCHADIER, RSDA, 1/2023, p. 29.
  • 13 Cf. not. F. MARCHADIER, « Le préjudice subi par l’animal », Les Cahiers Portalis, 2022/1 (n° 9), pp. 27-37 ; T. GOUJON-BETHAN et H. KASSOUL, « Pour un aggiornamento de la responsabilité civile : vers la reconnaissance d’un préjudice animal pur », RSDA 2/2022, pp. 527-582, n° 9. Sur l’occultation de l’animal de rente et de son traitement, E. BARATAY, Bêtes de somme. Des animaux au service des hommes, Points, Histoire, 2008, spéc. p. 109 et s. ; F. BURGAT, Les animaux d’élevage ont-ils droit au bien-être ?, Inra Editions, 2001 ; X. PERROT, « La construction de l’animal techno-économique. Genèse et faillite programmée du système d’élevage industriel », RSDA, 2014/2, pp. 287-310. Pour une vue générale sur le développement de la zootechnie, R. JUSSIAU et al., L’élevage en France. 10000 ans d’histoire, Educagri, 2000.
  • 14 « le lien d’affection n’étant pas présumé, même à l’égard d’un animal domestique, se pose la question de la preuve de la réalité de cette affection portée à l’animal », in T. GOUJON-BETHAN et H. KASSOUL, « Pour un aggiornamento de la responsabilité civile : vers la reconnaissance d’un préjudice animal pur », préc. Citant par exemple : CA Lyon, 6e ch., 6 décembre 2018, n° 17/05889. Rappr. Amiens, 8 septembre 1998, Gaz. Pal. 2002 n° 311 p. 7, refusant la réparation du dommage moral, « faute pour le propriétaire d’apporter la preuve d’un attachement affectif à l’égard de la pouliche ». Comp. Bourges, 1e Chambre, 7 juillet 2022, RG n° 21/00895 estimant que l’affection existe « nécessairement entre un maître et son animal de compagnie ». V. ég. sur cette question : F. MARCHADIER, « L’atteinte aux sentiments d’affection envers l’animal », cette revue 2009/2, p. 19 ; « L’animal de compagnie, l’animal véritablement aimé par le droit », cette revue 2010/2, p. 43 ; « Variations sur l’atteinte aux sentiments d’affection envers l’animal et sa réparation », cette revue 2011/1, p. 55 ; « L’indemnisation du préjudice d’affection : la banalisation d’une action… attitrée !? », cette revue 2011/2, p. 35 ; « Le dommage subi par l’animal et l’indemnisation du préjudice moral souffert par ses maîtres », cette revue 2017/2, p. 21 ; « Réparer le préjudice d’affection subi par le propriétaire de l’animal », cette revue 2022/2, p. 27.
  • 15 Civ. 1ère, 16 janvier 1962, Sirey 1962. 281 note C.-I. FOULON-PIGANIOL, Dalloz 1962. 199 note R. RODIERE, JCP 1962.II.12557 note P. ESMEIN, RTDC 1962. 316 obs. A. TUNC.
  • 16 Cf. M. LESSARD, « Comment calculer les dommages pour la perte d'un animal ? », in Revue de Sherbrooke, 2021, Janvier Repères 3203 ; citant les décisions suivantes : « Lavigne c. Brousseau-Masse (Chenil Moya), 2017 QCCQ 503, EYB 2017-277173, par. 71-73 ; Paquin c. Langlois, 2017 QCCQ 6052, par. 95 ; Marsan c. Vincent (Animalerie Anipro), 2017 QCCQ 14824, par. 80 ; Desrosiers c. Gaudreau, 2017 QCCQ 16681, para 86 ; Petsoulakis-Xenos c. Clinique vétérinaire Liesse inc, 2018 QCCQ 2286, par. 48 ; Lamoureux c. Vanieris, 2019 QCCQ 2866, par. 36 ; Walsh c. Dandurand, 2019 QCCS 1403, EYB 2019-310244, par. 110-113 ; Ste-Marie c. Grandmont, 2020 QCCQ 1796, par. 42-45 », mais également des auteurs de doctrine : M. LACROIX et G. GIDROL-MISTRAL, « L'animal : un nouveau centaure dans les curies de la responsabilité civile », 2018, 120:2 R. du N. 371, 385, pour qui « envisager l'animal en tant qu'être sensible se traduit, sur le plan du préjudice moral ou des pertes non pécuniaires du propriétaire, par une évaluation plus élevée des dommages-intérêts alloués ».
  • 17 Crim. 12 juin 2019, n° 18-84.504.
  • 18 Nous soulignons.
  • 19 CA Lyon, 20 avril 2009, n° 08/01427 ; CA Saint-Denis de la Réunion, chambre civile, 1er avril 2022, n° 21/00151 ; CA Grenoble, 1re ch., 12 avril 2022, n° 20/00795 : « aucune indemnité ne saurait être allouée à Mme Z au titre de la souffrance de l’animal, qui est, certes, un être vivant doué de sensibilité, mais qui n’est pas un sujet de droit » ; J.-P. MARGUENAUD, « Le cheval Saphir à la croisée des pistes juridiques », RSDA, 2018/1, p. 15.
  • 20 Pour une étude approfondie de cette question et des réponses opérationnelles envisageables de lege lata : cf. Th. GOUJON-BETHAN et H. KASSOUL, « Pour un aggiornamento de la responsabilité civile : vers la reconnaissance d’un préjudice animal pur », RSDA 2/2022, pp. 527-582. Comp. F. MARCHADIER, « Le préjudice subi par l’animal », Les Cahiers Portalis, 2022/1 (n° 9), pp. 27-37.
  • 21 Bordeaux, 8 février 2000, D. 2001. 804, note Ph. MALINVAUD.
  • 22 Civ. 1re, 14 mai 1991, no 89-20.999, P I ; GAJC, 12e éd., 2008, no 159 ; D. 1991. 449, note J. GHESTIN ; RTD civ. 1991. 526, obs. J. MESTRE ; RTD com. 1992. 227, obs. B. BOULOC.
  • 23 Civ. 3e, 5 mars 2020, n° 19-13.509.
  • 24 Cf. supra.
  • 25 Comité d’éthique Animal, Environnement, Santé, avis du 20 septembre 2020.
  • 26 L’autrice de ces lignes adresse ses plus vifs remerciements pour l’aide lui ayant permis de prendre connaissance de l’ordonnance déférée à la Cour d’appel ayant rendu la décision sous examen.
  • 27 N. FRICERO, Th. GOUJON-BETHAN et A. DANET, Procédure civile, LGDJ, 6e éd., 2023, n° 1489 et s.
  • 28 La lecture de l’ordonnance déférée nous apprend que le président du Tribunal judiciaire de Coutance avait vu dans la date de la cession une raison de croire que le sort des animaux était déjà scellé, rendant vaine une mesure conservatoire en vue d’une restitution jugée impossible. Il estima ainsi, sans référence à d’éventuelles pièces justificatives versées par le cessionnaire, que celui-ci avait « manifestement déjà disposé en tout ou partie desdits bovins, selon toute apparence et conformément à des pratiques courantes dans ce secteur d'activité au vu du temps écoulé ».
  • 29 N. FRICERO, Th. GOUJON-BETHAN et A. DANET, n° 1494.
  • 30 Pour rappel, le Tribunal d’instance de Vannes, dont les termes du jugement sont reproduits dans l’arrêt Delgado, avait estimé nécessaire de comparer la situation du chien de compagnie à celle d’une vache laitière en ces termes : « destiné à recevoir l’affection de son maître en retour de sa compagnie et n’ayant aucune vocation économique, comme une vache laitière en a une, il est d’autant plus impossible à remplacer, étant le réceptacle d’une affection unique ».
  • 31 Civ. 2e, 10 mars 2011, n° 10-11.732. Cf. sur ce point N. FRICERO, Th. GOUJON-BETHAN et A. DANET, op. cit., n° 1011.
  • 32 Signalons sur l’argument avancé (en vain) par la personne internée pour cause de maladie psychiatrique désireuse de solliciter sa sortie de l’établissement de soin pour pourvoir aux besoins de son chat dont la mise en pension est onéreuse : Versailles, 7 décembre 2023, RG n° 23/08033. Sur un cas similaire où la patiente souhaite sortir pour retrouver sa vie et pouvoir s’occuper de son chat : Toulouse, 3 novembre 2023, RG n° 23/00151.
  • 33 Caen, 3ème ch. civ., 13 avril 2023, n° 22/00819 ; Bordeaux, 1e ch. civ., 2 mars 2023, n° 20/02157, obs. F. MARCHADIER, RSDA 1/2023, p. 27, faisant alors remarquer que le certificat ne forme par « une sorte d’état civil animalier » et « ne constitue qu’une présomption simple du droit de propriété, susceptible d'être renversée par des éléments factuels contraires, en particulier par une possession utile ». Comp. Nancy, Première Présidence, 6 octobre 2022, n° 22/01656.
  • 34 AP, 29 mai 2009, 07-20.913 : « Ne peuvent constituer un aveu de non-paiement de nature à faire échec à la demande principale tendant à l'application de la prescription de l'article 2273 du code civil, des conclusions par lesquelles une partie soutient, à titre subsidiaire, que la demande en paiement des dépens de son avoué est injustifiée ».
  • 35 La juridiction vise notamment la Convention européenne pour la protection des animaux de compagnie, signée par la France le 18 décembre 1996, publiée au JORF en application du décret n° 2004-416 du 11 mai 2004.
  • 36 A l’instar d’une décision, antérieure à la loi de simplification de 2015, ayant retenu l’indivision : Aix-en-Provence, ch. 11 A, 13 janvier 2012, n° 2012/31, RSDA 1/2012, p. 55 obs. F. MARCHADIER.
  • 37 Nous soulignons.
 

RSDA 2-2023

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