Actualité juridique : Jurisprudence

Droit constitutionnel

Résumé : Deux évènements ont été retenus pour cette chronique. Le premier concerne le Mexique, qui vient de réviser sa Constitution pour y ajouter diverses dispositions relatives aux animaux. Le second a trait au Conseil constitutionnel français, qui s’est prononcé sur la constitutionnalité d’une loi visant à limiter l’engrillagement en zones rurales afin de faciliter la libre circulation des animaux sauvages.

 

Mots-clés : engrillagement – animal sauvage – Mexique – Constitution

 

 

Le Mexique ajoute la protection de l’animal dans sa Constitution

 

Après le Belgique au mois de mai1, le Mexique est le second pays à avoir révisé sa Constitution au cours de l’année 2024 pour y insérer des dispositions relatives à la protection des animaux. A en effet été publié au Journal officiel du Mexique, le 2 décembre 2024, un décret prenant acte de la révision des articles 3, 4 et 73 de la Constitution, fixant son entrée en vigueur au lendemain de sa publication (art. 1er) et comportant des mesures transitoires.

 

I/ Le processus de révision

 

L’initiative, impulsée par la société civile, trouve son origine dans un projet de révision constitutionnelle présenté le 5 février 2024 par le titulaire du pouvoir exécutif fédéral, l’ancien Président Andrés Manuel López Obrador (2018-2024).

La révision a ensuite été adoptée dans les conditions prévues par l’article 136 de la Constitution, qui exige, dans un premier temps, un vote favorable du Congrès de l’Union à la majorité des deux tiers des membres et, dans un second temps, une approbation par la majorité des entités fédérées (ceux-ci se composant des États et de la Cité autonome de Mexico).

Le texte a été adopté à une large majorité par la chambre des députés le 12 novembre 20242 puis, à l’unanimité, par le Sénat le 21 novembre 2024. La réforme a ensuite été approuvée par 26 États sur 32, entre le 21 et le 29 novembre3.

Le décret de la présidente Claudia Sheinbaum Pardo a été publié le 2 décembre 2024.

 

II/ Le contenu de la révision

 

La réforme porte sur trois articles de la Constitution.

 

Tout d’abord, est ajouté à l’article 4 un alinéa 6 rédigé comme suit : « Il est interdit de maltraiter les animaux. L’État mexicain doit garantir la protection, le traitement adéquat, la conservation et les soins des animaux, dans les conditions établies par les lois applicables ». Se trouvent ainsi insérées dans le texte constitutionnel une interdiction et des obligations. L’interdiction est celle de maltraiter les animaux. Elle semble s’imposer à tous mais ne devrait en pratique concerner que les autorités publiques, en faisant obstacle aux lois, règlements, actes administratifs individuels et situations administratives qui y contreviennent. Le texte comporte par ailleurs des obligations, qui pèsent sur l’État : garantir la protection des animaux, garantir le traitement adéquat des animaux, garantir la conservation des animaux et garantir le soin des animaux. La troisième de ces obligations, à savoir la conservation, s’inscrit dans une perspective environnementale alors que les trois autres relèvent davantage d’une logique de bien-être animal. On notera que l’obligation de garantie qui pèse ainsi sur l’État est mise en œuvre dans les conditions prévues par la loi, ce qui peut à la fois fonder la compétence du législateur et, selon l’interprétation qui sera donnée de la disposition, la priver de portée autonome en l’absence de loi.

 

La deuxième innovation de la révision constitutionnelle se situe au niveau de son article 73, qui fixe le champ de compétence du Congrès. Lui est confiée une nouvelle compétence législative, ajoutée au paragraphe XXIX-G déjà existant, à savoir une compétence en matière « de protection et de bien-être des animaux ». D’apparence technique, le changement est important en ce qu’il ouvre la possibilité d’adopter au niveau fédéral une loi de protection et de bien-être des animaux là où, jusqu’à présent, n’existaient pour l’essentiel que des législations fédérées, avec des niveaux de protection variables d’une entité à l’autre.

 

Le troisième changement concerne l’éducation. À l’article 3, se trouve ajouté, au sein de l’alinéa 12 (qui existe depuis 2019), la mention selon laquelle les programmes scolaires devront comprendre des connaissances sur « la protection des animaux ». L’objectif est de rechercher, par ce biais, la diffusion d’une attitude bienveillante à l’égard de ces derniers, avec en perspective une évolution à long terme de la société.

 

Protection, législation et éducation forment ainsi les trois axes de la réforme.

 

III/ La mise en œuvre de la révision

 

Le décret présidentiel comporte deux parties. La première se limite à un article unique qui prend acte de la révision des trois articles précédemment mentionnés et se borne à reprendre les termes de la loi constitutionnelle adoptée. La seconde partie, intitulée « dispositions transitoires », représente pour sa part une création du pouvoir exécutif. Se fondant sur l’ajout à l’article 73 d’une compétence du législateur fédéral en matière de protection et de bien-être animal, il pose que « le Congrès de l’Union dispose d’un délai de cent quatre-vingts jours civils à compter de l’entrée en vigueur du présent décret pour promulguer la loi générale sur le bien-être, les soins et la protection des animaux, en tenant compte de leur nature, de leurs caractéristiques et de leurs liens avec les personnes, de la nécessité d’interdire les mauvais traitements dans l’élevage, de l’utilisation et de l’abattage d’animaux destinés à la consommation humaine et de l’utilisation d’animaux sauvages dans des spectacles à but lucratif, ainsi que des mesures nécessaires pour lutter contre les nuisibles et les risques sanitaires ». Il convient de bien insister sur le fait que cette obligation est posée par le décret lui-même et non pas par la loi constitutionnelle. On pourra dès lors s’étonner qu’un acte juridiquement inférieur (à savoir un simple décret) impartisse un délai pour adopter un acte supérieur, en l’occurrence une loi, et comporte des indications sur le contenu qui devra être le sien. On s’interrogera également sur la portée de cette obligation, sa force contraignante et les sanctions qui pourraient bien être attachées à sa méconnaissance. En tout état de cause, le processus d’adoption de ce texte promet un jeu d’influence de la part tous les acteurs concernés, c’est-à-dire aussi bien des défenseurs des animaux que des utilisateurs de ceux-ci, notamment les lobbys de l’industrie agro-alimentaire, de la recherche et de la corrida.

 

France : constitutionnalité de la loi encadrant l’implantation des clôtures pour permettre la circulation des animaux sauvages

 

CC, 18 octobre 2024, décision n° 2024-1109 QPC, Groupement forestier Forêt de Teillay et autres

 

La loi n° 2023-54 du 2 février 2023 « visant à limiter l’engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée » a introduit dans le code de l’environnement un article L. 372-1 visant, dans les zones naturelles, à empêcher les clôtures qui ne laissent pas passer la faune.

À cette fin, cet article dispose que les clôtures implantées « dans les zones naturelles ou forestières délimitées par le règlement du plan local d’urbanisme » ou, à défaut d’un tel règlement, « dans les espaces naturels », doivent permettre « en tout temps la libre circulation des animaux sauvages ». Il ajoute que ces clôtures « sont posées 30 centimètres au-dessus de la surface du sol, leur hauteur est limitée à 1,20 mètre et elles ne peuvent ni être vulnérantes ni constituer des pièges pour la faune ». Le même article prévoit en outre que les clôtures édifiées depuis moins de trente ans, c’est-à-dire depuis le 3 février 1993, doivent être mises en conformité avant le 1er janvier 2027.

Ces dispositions ont été contestées par des propriétaires terriens et des fédérations de chasseurs par le biais d’une question prioritaire de constitutionnalité. Le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur celle-ci le 18 octobre 2024.

 

I/ Sur le principe même d’une limitation de l’engrillagement

 

Le Conseil valide d’abord, dans son principe même, le dispositif contesté, considérant que l’atteinte qu’il porte au droit de propriété est nécessaire et proportionnée4.

Elle est regardée comme justifiée en ce qu’elle met en œuvre plusieurs objectifs d’intérêt général : la protection de l’environnement, la lutte contre l’incendie et la préservation des paysages. Sur le premier de ces objectifs, le Conseil constitutionnel souligne que le législateur, en adoptant les dispositions contestées, a entendu permettre la libre circulation des animaux sauvages dans les milieux naturels afin de « prévenir les risques sanitaires liés au cloisonnement des populations animales » (une concentration trop importante des animaux pouvant favoriser des épizooties), de « remédier à la fragmentation de leurs habitats » et de « préserver la biodiversité ».

La limitation apportée au droit de propriété est par ailleurs considérée comme proportionnée aux objectifs poursuivis, et cela pour trois raisons. Premièrement, le dispositif ne s’applique que sur un champ géographique limité : il ne vise en effet que les clôtures implantées dans les zones naturelles ou forestières délimitées par le règlement du PLU ou, en l’absence d’un tel règlement, dans les espaces naturels. Sur ce point, le Conseil constitutionnel prend soin de préciser que « les notions de "clôture" et d’"espaces naturels" ne sont pas imprécises » (pt. 20). Deuxièmement, la limitation de la hauteur des clôtures et l’obligation de laisser une distance de 30 centimètres au-dessus du sol « ne font pas obstacle à l’édification d’une clôture continue et constante autour d’un bien foncier afin de matérialiser physiquement le caractère privé des lieux pour en interdire l’accès aux tiers » (pt. 21, soulignant ainsi que ne se trouve pas remise en cause la possibilité de clore son terrain, comme le prévoit d’ailleurs l’article 647 du code civil depuis 1804). Troisièmement, le dispositif ne présente pas un caractère absolu, deux types de situations ayant été exclues de son champ d’application. La première série d’exclusions (prévue au dernier alinéa de l’article contesté) concerne les habitations et le siège des exploitations agricoles ou forestières : afin d’être protégées, ces dernières peuvent être entourées d’une clôture étanche (qui devra être édifiée à moins de 150 mètres des limites de l’habitation ou du siège de l’exploitation). La seconde série d’exclusions se présente sous la forme d’une liste comportant neuf items, mentionnant notamment les élevages équins, les sites scientifiques, les terres agricoles, les zones de régénérations forestières ou encore les sites devant être clos pour des motifs de sécurité publique.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, le Conseil constitutionnel estime que le législateur « a assuré une conciliation qui n’est pas manifestement déséquilibrée entre les objectifs précités et le droit de propriété ». Se trouve en conséquence écarté le moyen tiré de la violation de cette exigence constitutionnelle, de même que le grief tiré de la méconnaissance par le législateur de l’étendue de sa compétence (pt. 23).

 

II/ Sur l’exigence de mise en conformité des clôtures existantes

 

Les dispositions contestées imposent aux propriétaires la mise en conformité des clôtures édifiées moins de trente ans avant la publication de la loi du 2 février 2023 avec les caractéristiques qu’elles prévoient. Elles s’appliquent ainsi aux clôtures existantes, portant de ce fait atteinte à des situations légalement acquises.

En vertu d’une jurisprudence constante, il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions. Ce faisant, il ne saurait toutefois priver de garanties légales des exigences constitutionnelles. En particulier, il ne saurait, sans motif d’intérêt général suffisant, ni porter atteinte aux situations légalement acquises ni remettre en cause les effets qui peuvent légitimement être attendus de telles situations.

En l’espèce, l’exigence d’un motif d’intérêt général suffisant est regardée comme satisfaite (pts. 28-32).

D’une part, l’atteinte à une situation légalement acquise est jugée justifiée. Selon le Conseil, le législateur a poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement ainsi que les objectifs d’intérêt général précités. Le dispositif instauré vise en effet à réduire le nombre des enclos étanches en milieu naturel eu égard à leurs conséquences sur l’environnement.

D’autre part, l’atteinte est considérée comme proportionnée. En effet, les propriétaires disposent d’un délai de quatre ans, à compter de l’entrée en vigueur de la loi, pour mettre en conformité leurs clôtures, et cette obligation de mise en conformité ne s’applique pas aux clôtures réalisées depuis plus de trente ans avant la publication de la loi du 2 février 2023. En outre, les dispositions litigieuses « n’empêchent pas les propriétaires de maintenir des clôtures existantes, afin de matérialiser physiquement leur propriété pour en interdire l’accès aux tiers », à la condition qu’elles respectent les caractéristiques qu’elles prévoient, et elles « s’appliquent sous réserve des (…) exceptions » précédemment mentionnées.

 

Au final, le Conseil constitutionnel valide un dispositif qu’il juge équilibré en ce que les limitations qu’il apporte à certaines exigences constitutionnelles sont justifiées par des objectifs légitimes et qu’elles ne vont pas au-delà de ce que requiert leur mise en œuvre.

  • 1 Voir O. Le Bot, « La Belgique inscrit la protection et le bien-être de l’animal dans sa Constitution », RSDA 2024-1.
  • 2 Sur 450 votes, 441 pour et 1 abstention.
  • 3 Voir la liste sur le site du Sénat.
  • 4 Le moyen tiré de l’atteinte au droit de propriété est examiné sous l’angle de l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (limitation de la propriété) et non pas de l’article 17 du même texte (réservé aux cas de privation de propriété).
 

RSDA 2-2024

Actualité juridique : Jurisprudence

Droit administratif

Une nouvelle pierre dans le jardin des défenseurs de l’interdiction des cirques exploitant des animaux sauvages

Note sous CE, 6ème – 5ème chambres réunies, 26 avril 2024, Association One Voice, n° 462884

 

Mots-clés : cirques, animaux sauvages, autorisation d’ouverture, bien-être animal, polices administratives

1 On ne peut qu’être surpris que la question de l’usage des animaux sauvages dans les cirques, pourtant réglée par la loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes1 ait engendré, en quelques mois, un contentieux aussi fourni dont les dernières chroniques de droit administratif dans cette revue se sont déjà fait l’écho2. Cette fois, c’est le contentieux des autorisations d’ouverture des établissements accueillant de tels animaux qui a donné lieu à cet arrêt du Conseil d’Etat.

2 Rappelons que, si la loi du 30 novembre 2021 pose un principe d’interdiction dans ces établissements, de la détention, du transport et des spectacles incluant des espèces d'animaux non domestiques3, elle a souhaité aménager, au profit des établissements concernés, une période de transition puisque l’interdiction n’entre en vigueur qu’à l'expiration d'un délai de sept ans à compter de la promulgation de la loi, soit le 30 novembre 2028. En attendant cette date, le régime permissif perdure et s’appuie sur une double autorisation accordée par le préfet de département : un certificat de capacité pour l’entretien de ces animaux, délivré aux responsables des « établissements destinés à la présentation au public de spécimens vivants de la faune locale ou étrangère »4 et surtout une autorisation pour l’ouverture de ce type d’établissement5. La loi de 2021 prévoit du reste le sort de ces certificats et de ces autorisations après l’entrée en vigueur de l’interdiction mentionnée : ils ne pourront plus être délivrés aux établissements concernés ; quant aux autorisations d’ouverture, elles « sont abrogées dès le départ des animaux détenus. »6 Le régime juridique des autorisations d’ouverture est particulier car il repose sur des conditions tenant notamment aux installations, déterminées par un arrêté interministériel7. C’est actuellement l’objet de l’arrêté du 18 mars 2011 qui, abrogeant des arrêtés similaires du 21 août 1978, précise ces caractéristiques générales et qui prévoit, dans ses annexes, des prescriptions particulières pour chaque espèce8. Il appartient au préfet de vérifier, par des contrôles, que toutes les conditions assujettissant les arrêtés d’autorisation sont toujours remplies9 ; à défaut, il peut mettre en demeure l’exploitant de les respecter, voire d’ordonner la fermeture de l’établissement10.

3 L’affaire soumise au Conseil d’Etat lui permet justement de se pencher sur les particularités de ces autorisations. En l’espèce, l’association One Voice entendait contester les conditions de détention d’un hippopotame, dénommé Jumbo, exploité depuis près de quarante ans à des fins de spectacle dans un cirque. Le sort de Jumbo, devenu l’étendard des cirques Zavatta-Muller, a d’ailleurs connu une forte résonance médiatique, suite au lancement d’une pétition de cette même association11. Les exploitants pouvaient pourtant se prévaloir à la fois du certificat de capacité délivré en 1998 pour la présentation au public de l’animal et surtout, d’une autorisation d’ouverture qui lui a été accordée par un arrêté du préfet de la Drôme, en date du 24 octobre 2008. Cet arrêté précisait que les caractéristiques de l’installation doivent non seulement être conformes aux arrêtés ministériels de 1978 mais également aux prescriptions imposées ultérieurement « dans l’intérêt de la santé, de la salubrité, de la commodité ou de la sécurité publique ». Convaincue que l’autorisation ne répondait plus aux conditions d’installation applicables à l’établissement, l’association, par un recours administratif, demande au préfet de procéder à l’abrogation de cet acte et d’ordonner le placement de l’hippopotame dans un sanctuaire. Pour étayer ses prétentions, elle invoque principalement l’arrêté interministériel de 2011 qui a remplacé les dispositions réglementaires de 1978 et qui, précisant les conditions d’accueil des hippopotames12, rendrait l’autorisation non conforme aux prescriptions propres à ce type de détention. Le préfet, après avoir diligenté une visite d’inspection du cirque, oppose un refus dans un courrier en date du 28 juin 2017 que l’association décide de contester devant le Tribunal administratif de Grenoble. Celui-ci rejeta sa demande d’annulation13, solution confirmée par la Cour administrative d’appel de Lyon14. Le Conseil d’Etat rejette, à son tour, le pourvoi en cassation de l’association et confirme, implicitement, que le cirque peut continuer à détenir l’animal. Son raisonnement est intéressant car il apporte des précisions relatives à la nature juridique des autorisations d’installation dont le rapporteur public, dans cette affaire, avait tiré des conséquences contentieuses que la Haute Assemblée n’a pas suivies15 (I). Au-delà de cet aspect, la solution du Conseil d’Etat doit être replacée dans le contentieux plus général des cirques accueillant des animaux sauvages qui, en attendant l’interdiction générale à l’horizon 2028, semblent plutôt bénéficier d’un régime pour le moins protecteur (II).

I Un raisonnement discutable

4 Puisque, dans cette affaire, le juge administratif avait été saisi d’un recours en annulation contre une décision de refus d’abroger une autorisation, il fallait d’abord qu’il se prononce sur la nature de cette décision, dans la mesure où cette dernière, datant de 2008, est bien antérieure à la date du recours administratif présenté le 9 mai 2017. Sur ce point, le juge de cassation confirme en tout point le raisonnement du juge d’appel. Ces autorisations d’ouverture peuvent être qualifiées de décisions individuelles créatrices de droit au profit de leurs bénéficiaires dès lors qu’elles permettent l’exercice d’une activité économique. Elles ne sont pas pour autant soumises au délai de droit commun imposé pour les révocations des décisions créatrices de droit : le juge fait jouer ici l’article L. 242-2, 1° du code des relations entre le public et l’administration qui permet à cette dernière d’abroger sans condition de délai « une décision créatrice de droits dont le maintien est subordonné à une condition qui n’est plus remplie. » Ce sont donc des décisions créatrices de droits conditionnelles : elles sont assorties de prescriptions qui, édictées notamment dans l’intérêt de protection du bien-être animal, relèvent de mesures de police administrative qui, à la différence de l’autorisation elle-même, ne créent pas de droit au profit de leurs destinataires. Ce type de « décision à double visage » – selon l’expression utilisée par le rapporteur public – n’a rien d’exceptionnel : le Conseil d’Etat a pu reconnaitre leur existence à propos des autorisations de création des installations nucléaires16 ou des autorisations d’exploitation des installations de production d’électricité17 qui, assorties de prescriptions de police administrative, peuvent être abrogées sans délai lorsque ces conditions ne sont plus remplies.

5 Mais si cette qualification n’est pas contestable, le Conseil d’Etat n’a pas souhaité en tirer toutes les conséquences sur le plan contentieux, comme l’y invitait pourtant le rapporteur public. Statuant comme juge de l’excès de pouvoir, la Cour administrative d’appel s’est classiquement placée, pour apprécier la légalité de la décision de refus d’abrogation, à la date d’édiction de cette décision et a logiquement écarté les rapports réalisés par des enquêteurs privés et produits par l’association en 2018 et 2019. Le rapporteur public plaidait pour une « appréciation dynamique », c’est-à-dire pour une appréciation de la légalité de la décision au regard des circonstances de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue. Cette position ne manquait pas d’assises, surtout si on la met en parallèle avec l’évolution de l’office du juge de l’excès de pouvoir ces dernières années. On sait à cet égard que, dans sa décision Association des américains accidentels rendue en 2019, la Haute juridiction administrative a jugé que « l'effet utile de l'annulation pour excès de pouvoir du refus d'abroger un acte réglementaire illégal réside dans l'obligation (…), pour l'autorité compétente, de procéder à l'abrogation de cet acte afin que cessent les atteintes illégales que son maintien en vigueur porte à l'ordre juridique. » ; il en résulte que « lorsqu'il est saisi de conclusions aux fins d'annulation du refus d'abroger un acte réglementaire, le juge de l'excès de pouvoir est conduit à apprécier la légalité de l'acte réglementaire dont l'abrogation a été demandée au regard des règles applicables à la date de sa décision. »18. Cette solution a été appliquée au cas par cas à de nombreux cas de refus, notamment des décisions individuelles de refus, comme le refus d’abroger un décret d’extradition19. Le Conseil d’Etat est même allé plus loin puisqu’à titre subsidiaire et lorsqu’il est saisi de conclusions en ce sens, il peut lui-même prononcer l’abrogation d’une décision réglementaire rendu illégale par suite d’un changement de circonstances postérieur à son édiction20. S’il existe encore une incertitude sur l’application de cette jurisprudence aux décisions individuelles, le rapporteur public, dans notre affaire, avait plaidé pour que la décision de refus d’abroger une autorisation d’ouverture soit soumise à une telle appréciation dynamique de la légalité : « du fait de son caractère conditionnel, la décision attaquée partage, avec les actes réglementaires, la caractéristique qu’elle peut être abrogée à toute époque (…) sans porter atteinte à aucun droit acquis » ; il insistait aussi sur le fait que « dans son caractère hybride de décision administrative individuelle créatrice de droits assortie de mesures de police, ce sont ces mesures qui prédominent largement. »21.

6 La Haute Assemblée n’a pas suivi son rapporteur public. Elle a jugé que la Cour administrative d’appel, en se plaçant à la date à laquelle le préfet a refusé d’abroger l’arrêté d’ouverture, avait fait une appréciation souveraine des faits exempte de dénaturation : le seul élément pris en compte – le rapport de l’inspection diligenté par le préfet – montre que les conditions de détention de l’animal sont conformes à la réglementation en vigueur, les autres éléments tirés de rapports postérieurs à la date de la décision, sont inopérants. En donnant un coup d’arrêt à sa propre jurisprudence sur l’appréciation dynamique au cas d’espèce, la Haute juridiction administrative semble maintenir une frontière fragile entre les décisions réglementaires qui sont soumises à cette appréciation et les décisions individuelles qui en seraient exclues, alors même que l’évolution jurisprudentielle, très pragmatique, n’implique pas forcément cette césure22. Surtout, le Conseil d’Etat, par cette solution, semble laisser de côté la spécificité de ces autorisations d’ouverture tenant à leur caractère hybride ; si elles sont des décisions créatrices de droits mais aussi des décisions assorties de mesures de police, le juge fait clairement pencher la balance du côté de la première qualification, au détriment de la seconde. Ce qui en dit long sur la portée de cet arrêt.

II– Une portée contestable

7 Au-delà de ces aspects contentieux et d’un point de vue plus général, notre arrêt montre les limites de la police administrative spéciale détenue par l’autorité préfectorale. Au fond, les prescriptions imposées aux autorisations d’ouverture sont censées assurer le bien-être animal, comme le confirme l’arrêté de 2011 qui soumet la décision préfectorale au respect de plusieurs conditions, afin que ces animaux soient détenus dans des conditions de nature « à satisfaire leurs besoins biologiques et comportementaux » ainsi que « leur bien-être et leur santé »23. Cet enjeu fait du contrôle des établissements concernés par les services de la préfecture un dispositif essentiel afin de vérifier que ces conditions sont toujours remplies. Or, dans l’affaire qui nous occupe, si le préfet a bien ordonné un contrôle des installations sur le fondement de l’article R. 413-44 du code de l’environnement, il semble que, comme l’ont révélé tant la Cour administrative d’appel que le Conseil d’Etat, le rapport de la visite menée par la direction départementale de la protection des populations du Var comportait certaines « insuffisances », dès lors qu’il ne mentionnait pas certaines prescriptions prévues pour les hippopotames à l’annexe I de l’arrêté de 2011 (comme la température dans les installations et la piscine extérieure ou les dimensions du paddock). Le juge a pourtant évacué cette carence en considérant que « l’inspecteur avait connaissance des prescriptions prévues spécifiquement pour les hippopotames ». On comprend mieux pourquoi l’association tenait à ce que le juge tienne compte des rapports qu’elle a fournis postérieurement au refus d’abroger l’autorisation et qui étaient censés démontrer que l’animal ne participant plus au spectacle, il n’avait plus à être détenu par un cirque. Elle pouvait d’ailleurs s’appuyer sur un arrêt rendu par la Cour administrative de Marseille en 2021 qui s’était prononcé sur des faits similaires : contestant le refus préfectoral d’abroger un arrêté d’ouverture d’un cirque présentant un éléphant, la même association avait obtenu du juge qu’il tienne compte de rapports effectués par des enquêteurs privés après la date de la décision de refus, même si cela n’a pas été suffisant pour en obtenir l’annulation24. Le contraste entre les deux affaires est saisissant et l’association One Voice peut légitimement considérer qu’en dépit de toutes ses démarches, le Conseil d’Etat, en décidant de son maintien en détention jusqu’en 2028, a relancé la polémique sur le sort de l’hippopotame, devenu malgré lui le symbole des spectacles vivants25.

8 Ce que notre arrêt met en exergue, c’est finalement une certaine impuissance de la police administrative spéciale détenue par le préfet, conjuguée à une interprétation restrictive du juge administratif, à faire respecter le bien-être animal. C’est d’ailleurs pour cette raison que des maires ont tenté d’anticiper l’interdiction générale en prenant des arrêtés interdisant ces spectacles dans leurs communes, en se fondant sur leur police administrative générale26. Cette initiative n’est pas sans fondement au regard de la théorie du concours entre polices spéciales et police générale : il n’y a que si ces deux polices ont « les mêmes finalités »27, que si « le caractère spécial d’une police remplit pleinement son office »28 que le principe d’exclusivité de la police spéciale – en application de l'adage specialia generalibus derogant – joue a priori ; la police générale pourra intervenir dans les interstices laissés vacants par la police spéciale, dans le cas où cette dernière ne joue pas pleinement son rôle pour faire face aux troubles à l’ordre public29. Mais ce n’est pas la voie choisie par la jurisprudence administrative qui maintient le principe d’exclusivité de la police spéciale détenue par les préfets, alors même que l’on peut avoir un doute sur l’office de cette dernière quant à la défense du bien-être animal. Les affirmations de certaines juridictions administratives territoriales sont particulièrement éloquentes sur ce point : « il résulte (des) dispositions législatives et réglementaires, (qui) visent notamment la protection des animaux et le respect de leur bien-être ainsi que la lutte contre les souffrances animales, que le législateur a confié aux seuls préfets le pouvoir de police permettant de réglementer l'installation dans une commune d'un cirque détenant et utilisant des animaux vivants d'espèces non domestiques, pour des motifs tenant aux conditions d'utilisation de ces animaux, et d'effectuer les contrôles nécessaires. »30 C’est donc le principe specialia generalibus derogant que le juge fait prévaloir, non sans avoir examiné au préalable les exceptions possibles à ce principe : « eu égard à l'existence d'une police spéciale de réglementation et de contrôle des conditions de détention et d'utilisation des animaux vivants d'espèces non domestiques dans les établissements de spectacles itinérants confiée à l'Etat, et en l'absence de risque de troubles graves et imminents à l'ordre public et de circonstances locales particulières, le maire (…) n'était pas compétent pour prendre un arrêté interdisant sur le territoire de sa commune tout spectacle de cirque présentant des animaux vivants d'espèces non domestiques. »31

9 Le tableau dessiné ces derniers mois par la jurisprudence administrative dans lequel notre arrêt s’insère n’est pas très réjouissant pour les associations de défense des animaux. Pourtant, le constat selon lequel les animaux sauvages n’ont rien à faire dans les cirques est largement partagé32, y compris par les parlementaires lors des discussions de qui deviendra la loi du 30 novembre 2021, adoptée avec une rare « concorde politique »33. Cette pratique « moderne » est même anachronique au regard de l’histoire du cirque qui, par mimétisme colonial à la fin du XIXème siècle, « délaisse chevaux et écuyères – les oublie sur l’étagère de la nostalgie et du romantisme – pour s’épanouir dans un exotisme facile fondé sur l’omniprésence des animaux sauvages. »34 Si l’on ne peut faire reproche au législateur d’avoir, en entérinant enfin la disparition de ce genre de spectacles, consacré une avancée incontestable dans la lutte contre la maltraitance animale, on ne peut que regretter que sa mise œuvre différée laisse prospérer un contentieux qui s’avère, curieusement, assez antinomique avec l’objectif législatif. Le sort de Jumbo l’hippopotame est emblématique de cet entre-deux finalement délétère : arrivé au terme de sa vie, après plus de quarante années de détention, il est sommé d’attendre 2028 pour bénéficier, à défaut d’un retour à la vie sauvage, d’une retraite bien méritée…

Pascal COMBEAU

 


La protection des Fous de Bassan

Note sous CE, 6ème chambre, 21 juin 2024, Fédération française motonautique, n° 488466

Mots-clés : réserve naturelle, biodiversité, activités sportives, faune et flore marines

 

10 L'arrêt commenté illustre le combat pour la biodiversité à l'heure de la COP 16 à Cali en Colombie et peut être lu à la lumière des engagements pris lors de la COP précédente de 2022 à Kunming-Montréal, qui comportaient vingt-trois objectifs sur la protection des espaces naturels et leur restauration. Par décret du 19 juillet 2023, le Premier ministre et la ministre de la Transition écologique ont élargi le périmètre de la réserve naturelle nationale des Sept-Iles dans les Côtes d'Armor et interdit la circulation des véhicules nautiques à moteur de type jet-ski et scooter des mers sur l'ensemble du territoire de la réserve. La Fédération française motonautique demande au Conseil d'Etat, compétent en premier et dernier ressort pour connaître des décrets, d'annuler le décret en cause en invoquant deux moyens, d'une part l'erreur d'appréciation concernant les risques que font courir ces sports nautiques à la faune et à la flore, et d'autre part la violation du principe d'égalité de traitement par rapport aux bateaux de plaisance, dont la circulation est toujours autorisée dans le périmètre de la réserve, sauf dans la zone de protection renforcée pendant la période estivale.

11 La Haute Assemblée a rejeté ces deux moyens et a argumenté en faveur de la légalité du décret attaqué en s'appuyant largement sur le rapport d'enquête publique et l'étude scientifique qui lui était jointe. Du point de vue sociologique, cette espèce est intéressante, en ce qu'elle montre que la protection de la biodiversité – ici la biodiversité marine - passe nécessairement par la modification de certains modes de vie et l'acceptation de quelques restrictions de police qu'elle induit. Du point de vue juridique, l'arrêt est révélateur de l'existence d'un ordre public écologique, considéré par certains auteurs comme « la clé de voûte du système juridique de sauvegarde de la biodiversité »35 et qui concrétise les rapports étroits entre la science et le droit. Concernant précisément la protection de la biodiversité, le décret attaqué tend à protéger l'ensemble de la faune et de la flore marines dans la réserve naturelle des Sept-Iles, particulièrement onze espèces d'oiseaux nicheurs36 et surtout les 19 000 couples de Fous de Bassan nichant dans l'île Rouzic et dont la moitié n'a pas survécu à l'épidémie de grippe aviaire qui a sévi durant l'été 202237. L'espèce jugée le 21 juin 2024 met bien en lumière les injonctions contradictoires auxquelles sont confrontés les pouvoirs publics : d'un côté aménager des réservoirs de biodiversité marine, de l'autre préserver l'attractivité touristique et sportive des espaces marins, en recourant de manière équilibrée à des interdictions de police. L'équilibre recherché s'inscrit nécessairement dans le concept d'écosystème, central dans la définition de la biodiversité donnée par la Convention de Rio38, et qui prend en compte les interactions entre le milieu et les espèces qu'il abrite.

12 Le classement de parties du territoire terrestre ou maritime en réserves naturelles constitue l'un des instruments juridiques que prévoit le code de l'environnement pour la conservation de la faune, de la flore et des milieux naturels, depuis la loi du 10 juillet 1976 sur la protection de la nature39. En l'espèce, après avoir vérifié la réunion des conditions légales de leur constitution, considérées comme valant aussi pour l'extension d'une réserve préexistante, le Conseil d'Etat estime parfaitement justifiées l'extension de la réserve naturelle des Sept-Iles et l'interdiction des activités de jet-ski et de scooter des mers dans toute cette zone. Aussi a-t-il consacré la sanctuarisation d'un réservoir de biodiversité marine (I) et admis la restriction d'activités sportives au titre de la police de l'environnement (II).

I/ La sanctuarisation d'un réservoir de biodiversité marine

13 Depuis 2002, il existe trois catégories de réserves naturelles, celles qui sont nationales, celles qui sont régionales et celles de la collectivité territoriale de Corse40. La réserve naturelle des Sept-Iles relève de la première catégorie et fait partie des 169 réserves naturelles nationales (RNN) au 1er janvier 2023. Elle a été créée par un arrêté ministériel de 197641 qui en confiait la gestion, par convention, à la Ligue française pour la protection des oiseaux. Ici, la légalité de la réserve naturelle des Sept-Iles n'est pas remise en cause à l'occasion de son extension, laquelle est seule contestée par la Fédération requérante, qui critique l'interdiction des activités de jet-ski et de scooter des mers42. Initialement, l'arrêté de classement comportait seulement l'interdiction de la chasse et le débarquement, sauf sur l'Ile aux Moines, la seule habitée, où les débarquements et la circulation demeuraient libres. L'évolution des activités humaines et leur pression sur la biodiversité justifient l'extension de la réserve ainsi que la protection renforcée des zones où les espèces d'oiseaux sont remarquables.

A/ La légalité de l'extension de la réserve naturelle des Sept-Iles

14 La légalité de la création d'une réserve naturelle est subordonnée à de multiples conditions43, alternatives cependant, ce qui permet d'admettre aisément leur légitimité. Dans la présente affaire, le Conseil d'Etat rappelle les articles pertinents du code de l'environnement consacrés aux réserves naturelles44 et énumérant les conditions auxquelles est subordonnée leur création. Parmi celles-ci, figurent « l'importance particulière » que revêt la conservation des espèces de la faune, de la flore et du milieu naturel, à raison des risques de leur disparition ou de leurs « qualités remarquables », ainsi que la reconstitution des populations, la préservation des biotopes et des étapes sur les grandes voies de migration de la faune sauvage, et enfin la réalisation des études scientifiques indispensables au développement des connaissances humaines. Il est également prévu par le code que l'acte de classement d'une réserve naturelle peut soumettre à un « régime particulier » toute action susceptible de nuire au développement de la faune et de la flore, ce qui peut entraîner la réglementation de la chasse, de la pêche et des activités touristiques et sportives45, ainsi que de la circulation et du stationnement des personnes, des animaux et des véhicules.

15 Ces conditions appellent un contrôle normal de la légalité des motifs de la création d'une réserve naturelle de la part du juge administratif, qui vérifie que la conservation de la faune et de la flore présente bien un intérêt qui justifie légalement le classement46 et que la délimitation de la réserve n'excède pas la surface nécessaire à la conservation des espèces47. Mais dès lors que les conditions légales sont remplies, l'emploi par les textes de qualificatifs à texture ouverte, comme « particulier » ou « remarquable », laisse un assez large pouvoir d'appréciation discrétionnaire aux autorités ministérielles pour réglementer les activités dans une réserve, ce qui explique qu'elles s'appuient toujours sur des études scientifiques pour prendre des décisions de classement de parties du territoire en réserves naturelles.

16 Pour conforter les choix de l'administration contestés ici, la Haute Assemblée raisonne en deux temps, même si l'ordre des considérants peut prêter à discussion. Elle rappelle tout d'abord les règles de principe applicables au classement et à l'extension d'une réserve naturelle et la possibilité de soumettre à un régime particulier certaines activités. Le juge résume ainsi les conditions dans lesquelles une réserve peut être créée : « peuvent être classées en réserve naturelle nationale les parties du territoire au sein desquelles la conservation des espèces et du milieu naturel revêt une importance écologique ou scientifique particulière ou qu'il convient de soustraire à toute intervention artificielle susceptible de les dégrader, ainsi que les zones qui contribuent directement à la sauvegarde de ces parties du territoire, en particulier lorsqu'elles en constituent, d'un point de vue écologique, une extension nécessaire ou qu'elles jouent un rôle de transition entre la zone la plus riche en biodiversité et le reste du territoire ». Il est remarquable que le juge justifie l'extension d'une réserve naturelle par la nécessité d'une continuation écologique ou par sa position transitionnelle entre une zone riche en biodiversité et le reste du territoire. Dans un second temps, l'arrêt constate que la superficie de la réserve, étendue de 280 à environ 19 700 hectares, comporte des zones de protection intégrale et des zones de protection renforcée, où des activités sont soumises à certaines restrictions. Par là-même, le juge statue à la fois sur le principe de l'extension et sur le zonage de la réserve ainsi étendue, sans dissocier la légalité des deux démarches.

B/ Le bien-fondé d'une zone de protection renforcée

17 Le décret attaqué a classé en zone de protection renforcée l'espace maritime autour de l'île Rouzic et interdit toute activité du 1er avril au 31 août, sauf les activités scientifiques ou les missions de sécurité ou de lutte contre les pollutions. C'est dans ce cadre que la circulation des véhicules nautiques à moteur, de type jet-ski et scooter des mers, a fait l'objet de l'interdiction litigieuse sur l'ensemble du territoire de la réserve naturelle, et pas seulement dans la zone de protection renforcée. Sans que l'arrêt y fasse allusion, le décret attaqué a en réalité pour effet de créer un réservoir de biodiversité pour les espèces d'oiseaux présentes dans l'île Rouzic. Ces réservoirs peuvent être créés en vertu de l'article R. 371-19-II du code de l'environnement qui les définit comme « des espaces dans lesquels la biodiversité est la plus riche ou la mieux représentée, où les espèces peuvent effectuer tout ou partie de leur cycle de vie et où les habitats naturels peuvent assurer leur fonctionnement en ayant notamment une taille suffisante, qui abritent des noyaux de population d'espèces à partir desquels les individus se dispersent ou qui sont susceptibles de permettre l'accueil de nouvelles populations d'espèces ». Il est étonnant que le juge ne tire pas argument de cette faculté d'instituer un « réservoir », alors que l'étude scientifique, jointe au rapport d'enquête publique, sur laquelle s'est appuyé le gouvernement, relève la « richesse écologique exceptionnelle » du lieu et les nombreuses espèces d'oiseaux marins, protégées au niveau national et « reconnues d'intérêt européen », parmi lesquelles le Fou de Bassan, classé comme espèce vulnérable. Certes, ces réservoirs de biodiversité sont prévus dans le cadre de la trame verte et bleue48, mais, selon certaines dispositions combinées du code de l'environnement, les espaces protégés et les espaces naturels importants pour la préservation de la biodiversité constituent bien des réservoirs de biodiversité49. Au sein de la réserve des Sept-Iles, le juge remarque « l'attention particulière » dont l'espèce des Fous de Bassan fait l'objet, puisque le site accueille l'unique colonie française, « laquelle suscite des préoccupations quant à son état de santé et voit son effectif stagner ». Finalement, la réserve accueille bien un réservoir de biodiversité marine, même s'il n'en est pas fait état dans l'arrêt commenté.

18 Le précédent concernant la réserve marine de la Réunion faisait aussi état d'une zone de protection intégrale, sans toutefois préciser les espèces spécialement dignes de protection. Après avoir vérifié l'intérêt qui justifiait légalement le classement en réserve naturelle de 3 500 hectares « en raison de la richesse du biotope que constituent les récifs coralliens et de la diversité de la faune qu'ils abritent, comprenant notamment un site de nidification d'oiseaux d'une espèce protégée »50, le juge administratif avait simplement relevé que la zone de protection intégrale ne s'appliquait qu'à 197 hectares et présentait un intérêt pour la faune et pour la reconstitution des populations d'espèces concernées. Dans l'arrêt présentement commenté, l'évolution des préoccupations environnementales et l'urgence de la préservation de la biodiversité sont attestées par la mention d'une « zone de quiétude destinée spécifiquement à la protection des Fous de Bassan » et par l'objectif de protéger « ce patrimoine naturel unique en Bretagne Nord en tenant davantage compte des écosystèmes et des atteintes aux fonctions biologiques des espèces » qui peuvent résulter des activités humaines. On voit donc bien à la fois le degré de précision scientifique que le juge ressent le besoin d'exposer et la prégnance actuelle des concepts d'écosystème et de fonctions biologiques, qui tendent à considérer un site dans sa globalité et les interactions entre espèces.

19 La contestation de cette protection renforcée, qui exclut la circulation des véhicules à moteur, trouve probablement un début d'explication dans une disposition terminale de l'article L. 332-3 du code de l'environnement qui prévoit que l'acte de classement d'une réserve naturelle « tient compte de l'intérêt du maintien des activités traditionnelles existantes » dans la mesure où elles sont compatibles avec la préservation des espèces et de leurs habitats. La Fédération requérante n'a pas cru bon de porter le fer sur la question de savoir si le jet-ski et le scooter des mers étaient « des activités traditionnelles », qui auraient pu lui sembler compatibles avec la protection des espèces d'oiseaux et de leurs habitats. Elle a préféré remettre en cause la légalité de la mesure de police interdisant la circulation de ces engins, d'autant qu'elle invoquait aussi une rupture de l'égalité de traitement des navigateurs à son détriment et à l'avantage de la navigation de plaisance.

II/ La restriction d'activités sportives au titre de la police de l'environneme

20 L'interdiction, à l'intérieur des réserves, de certaines activités de chasse, de pêche et plus généralement d'activités sportives ou à caractère industriel et commercial, se rencontre fréquemment et donne lieu, de la part du juge administratif, à un contrôle de sa nécessité par rapport à l'objectif recherché, qui est de préserver l'intégrité de l'ensemble classé et la reconstitution des populations d'espèces protégées51. L'intérêt de l'arrêt commenté réside dans le fait que la réglementation des activités à l'intérieur de la réserve des Sept-Iles pouvait s'apparenter à une interdiction générale et absolue de la circulation des véhicules à moteur sur l'ensemble du territoire de la réserve et semblait instaurer une différence de traitement entre la navigation de plaisance et la pratique du jet-ski et du scooter des mers.

A/ L'interdiction de la circulation des véhicules nautiques à moteur

21 Le décret attaqué a prévu deux types d'interdictions différentes, dont la légalité devait être examinée au regard des principes dégagés par la jurisprudence depuis le célèbre arrêt Benjamin de 193352, à savoir l'illégalité des interdictions générales et absolues, supposées excessives, et l'illégalité des interdictions non proportionnées au but recherché. Le décret attaqué a défini dans la réserve naturelle des Sept-Iles des zones de protection intégrale et des zones de protection renforcée. La première interdiction concernait l'espace maritime autour de l'île Rouzic qui a été classé en zone de protection renforcée, où toute activité a été interdite dans la période courant du 1er avril au 31 août, donc durant la période estivale, à l'exception des activités scientifiques et des missions de sécurité. Concernant la seconde interdiction, elle concerne l'ensemble du territoire de la réserve naturelle où a été interdite la circulation des véhicules nautiques à moteur, de type jet-ski et scooters des mers, sauf dans un périmètre bien délimité pour assurer la sécurité de la navigation. Par conséquent, la première interdiction était limitée dans le temps, et la seconde était limitée dans l'espace, ce qui empêchait d'y voir des interdictions générales et absolues, seules susceptibles d'encourir la censure du juge53. Dès lors, son raisonnement s'est concentré sur le but de la réglementation de police, à savoir la protection de l'environnement, en faisant abstraction de la nature coercitive des interdictions de police et en présumant leur proportionnalité au but recherché.

22 S'appuyant sur le dossier d'enquête publique et l'étude scientifique qui lui est jointe, le juge a exposé tout l'intérêt qu'il y a à protéger la grande diversité d'habitats naturels qui se trouvent dans la réserve, dont une vingtaine d'habitats d'intérêt européen, et les très nombreuses espèces de faune et de flore marines qui en dépendent, parmi lesquelles des oiseaux marins protégés au niveau national et reconnus aussi d'intérêt européen, comme le Fou de Bassan qui fait l'objet d'une attention particulière, puisque l'unique colonie française de cet oiseau se trouve dans la réserve et que ses effectifs stagnent. Le renforcement de la réglementation applicable à la réserve ainsi étendue vise donc à « mieux protéger ce patrimoine naturel unique en Bretagne Nord » en tenant compte, comme on l'a vu plus haut, des écosystèmes et des atteintes aux fonctions biologiques des espèces que les activités humaines peuvent engendrer. En outre, le juge prend soin de mentionner les nuisances que la circulation des véhicules nautiques peut causer aux espèces de mammifères et d'oiseaux : « risques de collision », « pressions acoustiques sous-marines » ou encore perturbation de la « zone de quiétude » instituée pour les Fous de Bassan, dont le passage doit être préservé dans le chenal d'accès à la baie de Perros-Guirec et dont la reproduction peut être perturbée par les dérangements humains. « Au vu des risques environnementaux » découlant de l'utilisation des véhicules nautiques à moteur, les restrictions à leur circulation sont donc considérées comme « justifiées » en application du régime particulier de la police de l'environnement applicable dans les réserves54. On voit donc que, dans la police de l'environnement, c'est le concept d'environnement qui prévaut et qui dispense le juge d'examiner le triple test auquel est soumise en principe la légalité de l'interdiction de police, à savoir la nécessité, l'adaptation et la proportionnalité de celle-ci55.

23 Pourtant, dans un précédent comparable, le juge administratif avait pris le soin de relever que l'interdiction du scooter des mers dans les estuaires de la Somme et de l'Authie ne s'apparentait pas à une interdiction générale et absolue et qu'elle était bien proportionnée au but de protection recherchée par l'instauration d'une zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF), d'une zone importante pour la conservation des oiseaux (ZICO), d'un site « Natura 2000 » et d'une réserve naturelle créée en 199456. Le juge avait même vérifié que cet objectif de protection n'aurait pas pu être atteint par une simple mesure de limitation de la vitesse des scooters des mers ou par une autre définition des zones concernées et des chenaux de navigation. Dans une autre espèce comparable, le Conseil d'Etat avait jugé qu'il devait s'assurer qu'une mesure d'interdiction d'activités sportives était nécessaire, adaptée et proportionnée aux objectifs de préservation des milieux naturels, de la faune et de la flore poursuivis par l'acte de classement de la réserve57.

24 Dans l'espèce commentée, la différence de contrôle peut s'expliquer par deux ordres de considérations : d'une part, dans la pratique d'activités sportives de loisirs, comme le jet-ski ou le scooter des mers, aucune liberté fondamentale n'est en cause, lorsque cette pratique est limitée et que la circulation de tels véhicules est réglementée. Or, c'est l'importance de la liberté, précisément sa valeur constitutionnelle, qui légitime le contrôle maximum du juge sur les mesures de police et le triple test qui est exercé sur elles. D'autre part, la police de l'environnement est une police spéciale, dont les conditions d'intervention sont précisées par des textes, dont le juge veille à la stricte application dans le cadre d'un contrôle normal de la qualification juridique des faits. Ainsi, « le régime particulier », auquel fait référence l'article L. 332-3 du code de l'environnement, peut aller jusqu'à interdire à l'intérieur de la réserve « toute action susceptible de nuire au développement naturel de la faune et de la flore, au patrimoine géologique et, plus généralement, altérer le caractère de ladite réserve ». C'est donc sur le caractère nuisible de l'action anthropique que le juge doit se concentrer pour effectuer son contrôle et non sur l'atteinte à une prétendue liberté. Dans ces conditions, l'examen de la violation du principe d'égalité invoquée par la Fédération requérante s'annonçait plus délicat, car la circulation des bateaux de plaisance peut, tout aussi bien que celle du jet-ski et du scooter des mers, provoquer des perturbations pour les mammifères marins et les oiseaux.

B/ Une violation du principe d'égalité justifiée

25 L'effectivité du principe d'égalité est sans conteste la plus difficile à respecter pour les autorités détenant le pouvoir réglementaire. Ici la difficulté apparaît renforcée du fait que l'égalité en cause n'est pas une égalité de droits ou une égalité dans la répartition de biens sociaux, mais une égalité dans l'exercice d'une liberté, celle d'aller et venir sur le domaine public maritime, ou celle de naviguer, si tant est qu'elle existe. La circulation des bateaux de plaisance a été autorisée dans l'ensemble de la réserve, sauf dans la zone de protection renforcée autour de l'île Rouzic du 1er avril au 31 août58, alors que la circulation des véhicules nautiques à moteur de type jet-ski et scooter des mers a été interdite sur l'ensemble du territoire de la réserve naturelle, à l'exception d'un périmètre bien délimité pour assurer la sécurité de la navigation. La Fédération requérante prétendait que les auteurs du décret avaient violé le principe d'égalité entre les plaisanciers et les pratiquants de jet-ski et de scooter des mers et que, par conséquent, la différence de traitement entre ces deux catégories de navigateurs n'était pas justifiée. Les arguments qu'elle mettait en avant ne manquaient pas de pertinence : selon elle, un véhicule nautique à moteur serait moins perturbateur qu'un bateau de plaisance, car il n'utilise pas d'hélice, est plus maniable, produit moins de vagues et favorise l'oxygénation de l'eau. Le Conseil d'Etat rejette cette argumentation en rappelant la conception qu'il se fait du principe d'égalité dans un considérant classique aux termes duquel « le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier »59.

26 Ainsi, la Haute Assemblée rappelle que le principe d'égalité n'est pas absolu. Le pouvoir réglementaire peut, indépendamment de l'hypothèse, non visée ici, où la loi prévoit une différence de traitement, déroger au principe d'égalité et traiter différemment des personnes, soit parce qu'elles se trouvent dans une situation différente, soit pour une raison d'intérêt général. Dans ces deux cas, la différence de traitement, pour être légale, doit être en rapport « direct » avec « l'objet de la norme qui l'établit », en réalité son objectif, et ne pas être manifestement disproportionnée au regard des motifs qui justifient cette différence de traitement. Autrement dit, un traitement discriminatoire n'est possible que s'il correspond au but affiché de la réglementation et s'il est proportionnée à première vue au motif de son établissement. Il eût été sans doute plus lisible pour le non spécialiste que le juge se fondât ici sur la raison d'intérêt général – la protection de la biodiversité - pour légitimer la différence de traitement litigieuse entre plaisanciers et utilisateurs des véhicules à moteur. Car, en effet, la différence de situation entre ces deux catégories de navigateurs ne tombe pas sous le sens au premier abord. C'est néanmoins sur ce terrain que le juge administratif choisit de se placer en estimant que la différence de traitement ainsi instituée entre plaisanciers, « selon le type de véhicules qu'ils utilisent », « répond à une différence de situation ». En réalité, le juge ne va pas jusqu'à dire qu'il existe deux catégories différentes de plaisanciers, mais il estime qu'ils se trouvent dans deux situations distinctes, lesquelles ressortent du rapport d'enquête publique et de l'étude scientifique jointe à celui-ci, et qui proviennent du risque engendré par le passage des bateaux de plaisance et par la circulation des véhicules à moteur. Le risque de mise à l'eau des phoques et d'envol des oiseaux, alors qu'ils sont en position de repos, est qualifié par l'étude de « peu fréquent » lors du passage des bateaux de plaisance et de « très fréquent » en cas de circulation de véhicules à moteur. C'est donc le risque environnemental qu'ils font courir aux mammifères marins et aux oiseaux qui fait la différence entre les plaisanciers. Sans doute, cette appréciation du risque est-elle subjective et aléatoire, dépendant des circonstances de temps et de lieu, et surtout de la réaction de la faune. Toujours est-il qu'elle suffit, aux yeux du juge, pour accréditer l'idée d'une différence de situation en l'espèce.

27 Restait à savoir si la différence de traitement contestée était en rapport « direct » avec l'objet de la réglementation et pas manifestement disproportionnée, non pas aux motifs de cette dernière, comme l'affirme le considérant de principe rappelé plus haut, mais à son but. Sur ces deux conditions, le Conseil d'Etat n'éprouve pas de difficultés à juger que la différence de traitement « répond à une différence de situation qui est en rapport direct avec l'objet du texte qui l'établit » et « n'apparaît pas manifestement disproportionnée au regard de la protection recherchée d'un écosystème marin exceptionnel ». Le recours à la technique de l'erreur manifeste d'appréciation dans un contrôle de proportionnalité n'est certes pas une innovation de l'arrêt commenté60, néanmoins il n'échappe pas à toute critique, en ce qu'il introduit une perturbation certaine dans la compréhension des degrés de contrôle du juge de l'excès de pouvoir – le contrôle restreint à l'erreur manifeste d'appréciation et le contrôle maximum de proportionnalité des mesures restrictives de liberté. Une explication de la compression de ces deux contrôles dans l'expression « manifestement disproportionné » peut être trouvée dans l'existence d'un large pouvoir discrétionnaire de l'autorité réglementaire pour apprécier l'opportunité d'étendre le périmètre d'une réserve naturelle en vue de préserver la biodiversité dans des conditions optimales. Puisque le pouvoir discrétionnaire conditionne l'exercice de ces deux types de contrôles, il n'est pas illogique de les combiner, étant entendu que le juge ne censurera qu'une disproportion manifeste, qui saute aux yeux même d'un non spécialiste. Toutefois, il faut bien reconnaître que, s'agissant de l'invocation d'une violation du principe d'égalité, la tâche est ardue. Mais la tranquillité des Fous de Bassan est à ce prix !

Maryse Deguergue

  • 1 Pour des commentaires, voir notamment, J.-P. MARGUENAUD, « Radiographie de la loi du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les homme », RSDA 2/2021, p. 17 et s. ; M. MARTIN, « Animal joli, joli, joli, tu plais à mon père, tu plais à ma mère..., éléments de réflexion à propos de la loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021 », RSDA 2/2021, p. 247 et s. ; O. BUISINE, « Loi contre la maltraitance animale : quelles avancées ? », Rev. dr. rur. 2022, n° 499, p. 21 et s.
  • 2 Voir P. COMBEAU, « L’impuissance des maires face à l’installation de cirques présentant des animaux sauvages », RSDA 1/2023, p. 65 et s. ; « Quand le Conseil d’Etat s’invite au… cirque « moderne », RSDA 2/2023.
  • 3 Code env., art. L. L. 413-10, II.
  • 4 Code env., art. L. 413-2 : ce certificat est également exigé pour tous les responsables « des établissements d'élevage d'animaux d'espèces non domestiques, de vente, de location, de transit » ; il est personnel et délivré par le préfet de département pour une durée indéterminée ou limitée : voir code env., art. R. 413-5.
  • 5 Code env., art. L. 413-3.
  • 6 Code env., art. L. 413-10, V.
  • 7 Code env., art. R. 413-3 : « Les caractéristiques auxquelles doivent répondre les installations fixes ou mobiles ainsi que les règles générales de fonctionnement ou de transport et les méthodes d'identification des animaux détenus sont fixées par arrêtés conjoints des ministres chargés de la protection de la nature et de l'agriculture, après avis du Conseil national de la protection de la nature. »
  • 8 Arrêté du 18 mars 2011 fixant les conditions de détention et d'utilisation des animaux vivants d'espèces non domestiques dans les établissements de spectacles itinérants, JORF n° 0080 du 5 avril 2011.
  • 9 Code env., art. R. 413-44.
  • 10 Code env., art. R. 413-48.
  • 11 Voir la pétition « Sauvons Jumbo. Depuis 30 ans, sa vie est un enfer », https://one-voice.fr/petition/sauvons-jumbo/.
  • 12 Arrêté du 18 mars 2011, précité, Annexe I : « Les établissements de spectacles itinérants doivent disposer d'installations intérieures et extérieures à caractère fixe dans lesquelles les animaux des espèces Hippopotamus amphibius (hippopotame amphibie), Hexaprotodon liberiensis (hippopotame nain) et Giraffa camelopardis (girafe) sont hébergés entre les périodes itinérantes de représentation.
  • 13 Pendant la période itinérante, l'établissement dispose d'un véhicule de transport et, sur les lieux de stationnement, d'installations intérieures et extérieures. Sauf lors d'intempéries, les animaux doivent être conduits à l'extérieur tous les jours. Par froid sec, il est possible que les animaux accèdent au paddock extérieur pour une courte période. » TA, Grenoble, 19 novembre 2019, n° 1703936.
  • 14 CAA, Lyon, 3 février 2022, n° 20LY00080.
  • 15 Conclusions de F. PUIGSERVER, disponibles sur le site du Conseil d’Etat.
  • 16 CE, 11 avr. 2019, Association Greenpeace France et a., n° 413548.
  • 17 CE, 21 mars 2022, Association Libre Horizon et a., n° 451678.
  • 18 CE, Ass., 19 juillet 2019, n° 424216, Rec. Lebon, p. 297, concl. A. LALLET, RFDA 2019, p. 891, concl., AJDA 2019, p.1986, chron. C. MALVERTI ET C. BEAUFILS.
  • 19 CE, 10 juin 2020, M. E., n° 435348.
  • 20 CE, Sect., 19 novembre 2021, Association des avocats Elena France et a., Rec. Lebon, p. 331, concl. S. ROUSSEL, RFDA 2022, p. 51, concl. et p. 61, note L. DE FOURNOUX, AJDA 2021, p. 2582, chron. C. MALVERTI ET C. BEAUFILS, AJDA 2022, p. 1228, note E. AUBIN, Dr. adm. 2022, comm. 7, note G. EVEILLARD, JCP G 2022, 105, note B. DEFOORT.
  • 21 F. Puigserver, concl. précitées.
  • 22 V. sur ce point, les conclusions de S. ROUSSEL sur CE, Sect., 19 novembre 2021, RFDA 2022, p. 51 et s.
  • 23 Arrêté du 18 mars 2011, préc., art. 22.
  • 24 CAA, Marseille, 7 juin 2021, Association One Voice, n° 19MA04275 : même si le juge tient compte de ces rapports postérieurs, les faits rapportés n’ont pas été de nature à justifier l’abrogation de l’autorisation.
  • 25 V. « La présence du cirque qui accueille l’hippopotame Jumbo crée la polémique », Le Dauphiné libéré, éd. du 16 août 2024.
  • 26 Pour une description de l’état du droit, voir G. BARRAUD, « Un maire peut-il interdire l'installation d'un cirque présentant des animaux ? », AJDA 2023, p. 736 et s. ; P. COMBEAU, « L’impuissance des maires face à l’installation de cirques présentant des animaux sauvages », RSDA 1/2023, p. 65 et s. 
  • 27 J. PETIT, P.-L. FRIER, Droit administratif général, LGDJ, 17ème éd. 2023, n° 517.
  • 28 B. PESSIX, Droit administratif général, LexisNexis, 4ème éd. 2022, n° 625.
  • 29 V. J. PETIT ET B. PLESSIX, op. cit.
  • 30 CAA, Nantes, 8 avril 2022, Association de défense des cirques de famille, n° 21NT02553 (arrêté du maire de la commune de Villers-sur-Mer).
  • 31 CAA, Versailles, 21 mars 2023, Fédération des cirques de tradition et propriétaires d'animaux de spectacles et a. c./ Commune de Viry-Châtillon, n° 20VE03238, note P. COMBEAU, RSDA 1/2023, p. 65 et s. (arrêté du maire de la commune de Viry-Châtillon).
  • 32 Un sondage (3ème vague du baromètre annuel « Les Français et le bien-être des animaux » mené par la Fondation 30 millions d’amis et l’IFOP, janvier 2020) montrait que 72 % des Français étaient favorables à l’interdiction des animaux sauvages dans les cirques.
  • 33 J.-P. MARGUENAUD, « Radiographie de la loi du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les homme », précité, p. 17.
  • 34 P. JACOB, Une histoire du cirque, Seuil, BNF, 2016, p. 124.
  • 35 Eric NAÏM-GESBERT, Droit général de l'environnement, LexisNexis, 2ème éd. 2014, p. 211.
  • 36 Voir le dossier consacré aux oiseaux dans la RSDA 2020, n°2 et notamment l'article de Philippe DE GRISSAC qui analyse « les causes du déclin des populations d'oiseaux dans le contexte global de l'effondrement de la biodiversité », p. 337.
  • 37 Renseignements recueillis sur le site https://france3-regions.francetvinfo.fr/bretagne/cote-d-armor/saint-brieuc/la-colonie-des-fous-de-bassan-des-sept-iles.
  • 38 Article 2 de la Convention de Rio du 5 juin 1992 : « Variabilité des organismes vivants de toute origine, y compris, entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques, et les complexes écologiques dont ils font partie ; cela comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces, ainsi que celle des écosystèmes ».
  • 39 Articles 16 à 18 de la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, JORF 13 juillet 1976.
  • 40 Loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, JORF 28 février 2002.
  • 41 Arrêté du 18 octobre 1976 portant création de la réserve naturelle dite des Sept-Iles, qui a été abrogé par le décret n° 2023-640 du 19 juillet 2023 portant redéfinition du périmètre et de la réglementation de la réserve naturelle nationale des Sept-Iles (Côtes d'Armor), attaqué par la Fédération française motonautique dans la présente espèce. Les sept îles concernées sont celles de Bono, Plate, aux Moines, Malban, Rouzic, aux Rats et les récifs les Cerfs et les Costans. En 2023, l'île Tomé a été incluse dans la surface de la réserve qui est passée de 280 hectares à 19 700 hectares.
  • 42 Le Conseil d'Etat a considéré que les conclusions de la Fédération à fin d'annulation du décret devaient être regardées comme dirigées seulement contre le 1° du IV de son article 22, selon lequel « Est interdite sur l'ensemble du territoire de la réserve naturelle, la circulation :
  • 43 1° Des véhicules nautiques à moteur, de type jet-ski et scooter des mers ; 2° Des engins tractés de type bouée et ski nautique. Pour assurer la sécurité de la navigation des véhicules nautiques à moteur, cette interdiction ne s'applique pas à l'espace maritime inscrit à l'intérieur du périmètre délimité par les points géographiques suivants, référencés selon le système géodésique WGS84 et exprimés en degrés minutes décimales... ». Sur le régime des réserves naturelles, voir les développements importants qu'y consacre Agathe Van Lang, dans Droit de l'environnement, PUF, coll. Thémis, 3ème éd. 2011, p. 331 à 336.
  • 44 Articles L. 332-1 à 3 du code de l'environnement résultant du décret du 18 mai 2005 relatif aux réserves naturelles.
  • 45 Voir Laurence MOLLARET, « Oiseaux et sportifs de pleine nature : comment partager des territoires ? », RSDA 2020, n° 2, p. 419, à propos de la création d'une via ferrata dans le Haut Cantal qui a perturbé deux espèces protégées, le faucon pèlerin et l'hirondelle des rochers qui nichent dans les parois rocheuses.
  • 46 Depuis l'arrêt CE, 14 novembre 1979, Cruse, n° 07104, Rec. Lebon, p. 803, concernant l'étang de Cousseau ; CE, 2 octobre 1981, Société agricole foncière solognote, n° 20835, RJE 1981, n° 4, p. 329, concl. Bruno GENEVOIS, concernant la réserve naturelle du bois du parc à Mailly-le-Chateau dans l'Yonne, créée pour protéger certaines espèces végétales de type méditerranéen « dont la réunion dans cette région présente un caractère exceptionnel ». Plus récemment, CE, 3 juin 2020, n° 414018, concernant l'extension et la modification de la RNN du banc d'Arguin qui abrite une zone de nidification des sternes caugek.
  • 47 Arrêt précité du 2 octobre 1981 ; CE, 26 novembre 2008, Groupement pour la défense de la pêche sous-marine et du milieu marin, n° 305872, concernant la réserve naturelle nationale marine de la Réunion.
  • 48 Trame verte et bleue qui fait l'objet du titre VII du Livre III consacré aux espaces naturels dans la partie réglementaire du code de l'environnement.
  • 49 Le dernier alinéa de l'article R. 371-19-II prévoit en effet que « les espaces définis au 1° du II de l'article L. 371-1 constituent des réservoirs de biodiversité », ce dernier article visant les espaces protégés et les espaces naturels importants pour la préservation de la biodiversité.
  • 50 CE, 26 novembre 2008, précité.
  • 51 Idem.
  • 52 CE, 19 mai 1933, Benjamin, GAJA, Dalloz, 24ème éd. 2023, n° 42.
  • 53 Pour un parallèle intéressant avec l'activité des photographes-filmeurs interdite sur la route nationale conduisant au site du Mont Saint-Michel uniquement pendant les mois d'été, interdiction considérée comme légale puisque limitée dans le temps : CE, 13 mars 1968, Ministre de l'Intérieur c/ époux Leroy, Rec. Lebon, p. 179.
  • 54 Régime prévu à l'article L. 332-3 du code de l'environnement.
  • 55 Triple test visible par exemple dans un arrêt qui a estimé que la prohibition de tout événement réunissant plus de 5 000 personnes portait une atteinte « ni nécessaire, ni adaptée, ni proportionnée » à la liberté de manifester : CE, 15 janvier 2021, Confédération générale du travail, Rec. Lebon, p. 471.
  • 56 CAA Nantes, 16 mai 2013, n° 12NT00066 : « la mesure d'interdiction ne s'applique ni aux engins destinés au secours, à la police ou à la surveillance en mer, ni aux véhicules nautiques à moteur lorsque la sécurité de ces engins et de leurs occupants l'exige ; que l'article 4 de cet arrêté prévoit, quant à lui également, que des dérogations à cette interdiction peuvent être accordées à l'occasion de compétitions sportives ou de manifestations nautiques ; qu'ainsi cette mesure de police qui, s'agissant du littoral des départements de la Somme et du Pas-de-Calais, est limitée aux espaces sensibles d'un point de vue environnemental des baies de la Somme et de l'Authie, ne s'applique qu'à un peu plus d'un tiers de la surface où il est possible de pratiquer le scooter des mers, et qui comporte notamment des exceptions dans le temps et des possibilités réelles de dérogations précisément définies ne revêt pas, ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, le caractère d'une interdiction générale et absolue de nature à entacher d'illégalité l'arrêté du 16 mars 2004 ».
  • 57 CE, 5 mai 2021, Fédération française de montagne-escalade Auvergne Rhône Alpes, n° 433553, concernant l'interdiction d'activités sportives, dont l'escalade, dans la réserve de Chastreix-Sancy, arrêt par lequel le juge annule partiellement le décret de classement en ce qu'il n'autorise pas sous condition l'alpinisme hivernal.
  • 58 Le III de l'article 5 du décret attaqué prévoit exactement que « La navigation de plaisance est autorisée conformément à la réglementation en vigueur sous réserve du respect du II de l'article 5 », lequel concerne la zone de protection renforcée. « Elle peut être réglementée par le préfet compétent ».
  • 59 Considérant repris notamment de l'arrêt CE, Sect., 18 décembre 2002, n° 233618, qui reconnaît une différence de traitement manifestement disproportionnée entre les demandeurs d'aide juridictionnelle, selon qu'ils sont bénéficiaires de l'aide personnalisée au logement ou de l'allocation de logement familiale, laquelle était seule prise en compte parmi les ressources permettant d'apprécier le droit au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
  • 60 Le Conseil d'Etat a inauguré ce contrôle dans le contentieux des sanctions disciplinaires infligées aux fonctionnaires et a censuré une sanction manifestement disproportionnée dans l'arrêt du 12 janvier 2011, Matelly, Rec. Lebon, p. 3. Le contrôle du juge en cette matière a d'ailleurs évolué, à partir de l'arrêt Dahan du 13 novembre 2013, vers un contrôle de la proportionnalité de la sanction à la gravité de la faute.
 

RSDA 2-2024

Actualité juridique : Jurisprudence

Contrats spéciaux

I/ Du contrat de vente malmené par l’animal  (Cour d'appel de Lyon, 3 septembre 2024, n° 22/05993 et  Cour d'appel de Bordeaux, 17 octobre 2024, n° 21/05495)

Mots clefs :  contrat de vente ; garantie des vices cachés ; titre de propriété ; effet translatif ; possession

 

Il arrive que les animaux perturbent le droit des contrats spéciaux et particulièrement celui de la vente, qu’il s’agisse de son effet translatif de propriété ou des garanties dues à l’acquéreur. Les deux affaires retenues ce semestre le démontrent.

La Cour d'appel de Lyon, le 3 septembre 2024 statue sur la vente de Valentino, cheval de 10 ans qui a été acheté le 15 mars 2020 au prix de 45.000 euros. La visite vétérinaire d’achat avait conclu à l'existence d'anomalies sur le cheval constituant des éléments de « risque modéré » inhérent à l'achat de celui-ci pour l'utilisation en course de saut d'obstacle. Trois mois après cette vente, Valentino trébuche à l’entraînement, entraînant la chute de sa cavalière. Le vétérinaire diagnostique alors une pathologie touchant les cervicales du cheval et déconseille toute compétition.

L’acheteuse assigne alors le vendeur en résolution de la vente mais le tribunal judiciaire de Villefranche sur Saône, le 21 juillet 2022, ne fait pas droit à sa demande. L’acheteuse interjette appel de ce jugement. Elle souhaite en effet voir prononcée la résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés ou, à défaut, que la vente soit déclarée nulle pour erreur. L’intimé, de son côté estime que seule est applicable au litige la garantie des vices rédhibitoires issue du Code rural et de la pêche maritime.  

La Cour d’appel, suivant le raisonnement du juge du premier degré, écarte tout d’abord la garantie ruraliste en estimant que le prix élevé du cheval, et sa destination de saut d’obstacles en compétition démontraient la volonté des parties de soumettre leur contrat à la garantie des vices cachées offerte par le droit commun.

Bien qu’applicable, l’action en garantie des vices cachés n’aboutit cependant pas. D’une part, la Cour souligne que le vétérinaire avait attiré l’attention de l’acheteuse lors de la visite d’achat en inscrivant sur le rapport qu’il existait un risque modéré pour l'utilisation envisagée et en proposant des investigations complémentaires auxquelles l’acheteuse n’a pas donné suite ; d’autre part, il ressort des pièces jointes au dossier que l’acheteuse avait visionné une vidéo de Valentino sur laquelle on le voyait trébucher. La Cour déduit de ces deux éléments que le cheval avait été acheté en connaissance du vice et que celui-ci avait été accepté.

Dans le même sens, l’erreur sur les qualités essentielles n’est pas caractérisée puisqu’à nouveau, la Cour estime que le contrat a été conclu en pleine connaissance du défaut du cheval. L’arrêt d’appel confirme donc en tous points le premier jugement et l’acheteuse est déboutée de ses demandes.

 

La décision surprend. Si l’on reprend la définition du vice caché issu de l’article 1641 du Code civil et qu’on la transpose au cheval, ce vice existe lorsque l’équidé vendu présente des défauts cachés qui le rendent impropre à l’usage auquel on le destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquis, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus. Or, à aucun moment le cheval n’a été déclaré ataxique (terme résumant sa pathologie) lors de la conclusion de la vente. S’il l’avait été, il est probable que l’acheteuse n’aurait pas consenti à la vente, et surtout pas à ce prix.

De plus, le vice était-il antérieur à la vente ? s’agissant d’une maladie dégénérative, le rapport vétérinaire est sans équivoque : la pathologie existait au moment de la vente.

Dernière question : le vice rend-il la chose impropre à l’usage auquel on la destine ? Incontestablement, le cheval ne fera plus de compétition voire même n’est plus montable dans la mesure où il est susceptible de trébucher et chuter à tout moment, même dans le cadre d’une utilisation de loisir.

On comprend mal alors que les deux éléments pris en compte par la Cour d’appel aient été prépondérants au point d’exclure la garantie des vices cachés. Certes, un risque « modéré » d’anomalies a été signalé lors de la visite d’achat. Mais comment passer d’un simple risque, modéré de surcroît, à l’acceptation d’une pathologie incurable et invalidante pour un cheval acheté comme cheval de sport ? L’acheteuse a accepté un risque modéré, mais n’a jamais consenti à acheter un cheval ataxique. Ne pas vouloir poursuivre les investigations vétérinaires ne revient pas à admettre toute pathologie que cette poursuite aurait pu révéler.

Il est certain que si l’acheteuse avait été aussi avertie que ce que la Cour prétend, elle n’aurait jamais acheté ce cheval. L’achat, à ce prix, d’un cheval ataxique démontre justement qu’elle ne l’était pas.

De même, comment déduire d’un cheval qui trébuche sur une vidéo qu’il est atteint d’une pathologie grave ? Même si l’acheteuse est avertie, c’est beaucoup lui demander, en lui attribuant des connaissances pointues en termes de diagnostic vétérinaire. Il était alors évident que les prétentions de la demanderesse n’aboutiraient pas davantage sur le terrain de l’erreur sur les qualités essentielles (dites encore « substantielles » dans l’arrêt) puisque pour le juge, l’achat avait été réalisé sans appréciation erronée de la réalité pathologique du cheval.

 

Pourtant, la garantie des vices cachés a déjà permis la résolution de vente de chevaux dans des hypothèses similaires : la première chambre civile de la Cour de cassation l’a déjà admise pour un cas d’ataxie le 1er juillet 2015 (Civ. 1er juillet 2015, n° 13-25.489).  Par le passé, les lésions cervicales ou les boiteries chroniques ont également pu être considérées comme des vices cachés de chevaux.

La garantie des vices cachés se restreindrait-elle alors ? Récemment, elle a été retenue pour une maison d’habitation qui s’est révélée par la suite excessivement humide (Civ. 3e, 2 mai 2024, n° 23-10.831). Or, les acquéreurs avaient eu tout loisir de visiter la maison, et ils ont été en mesure de constater à quel point elle était humide ; seulement, ils n’ont pas mesuré la gravité de la cause de l’humidité.  La situation n’est guère différente dans l’arrêt de la Cour d’appel de Lyon : l’acquéreuse a pu voir un défaut de locomotion du cheval mais n’a pas mesuré la gravité de la cause de ce défaut, résultant d’une grave pathologie. Serait-ce alors plus précisément la garantie des vices cachés en matière de vente d’animaux qui fermerait ses portes ? L’arrêt laisse entendre que, s’agissant d’un être vivant et sensible, un vice peut rarement être caché : la visite d’achat, devenue commune en matière de vente de chevaux, semble exclusive de la garantie. Par ailleurs, l’animal étant un être animé, ne pourrait-on pas systématiquement déduire d’une posture, d’une locomotion, d’une expression faciale de douleur, que le vice était apparent ? C’est précisément ce que fait la Cour d’appel en l’espèce : elle déduit du visionnage d’une vidéo la connaissance d’un vice par l’acquéreur simplement parce que le cheval avait trébuché. La solution est sévère pour le récent acquéreur qui devra supporter la charge d’un cheval invalide. L’on peut donc se demander si cette garantie classique du droit de la vente est adaptée aux contrats portant sur des êtres vivants.

 

Tout aussi classique est l’effet translatif du contrat de vente, pourtant malmené par le second arrêt, rendu par la Cour d’appel de Bordeaux le 17 octobre 2024.

Suite à leur séparation, un homme réclame à son ex-compagne la restitution d’une jument dont il est propriétaire ainsi que son poulain. Le certificat de vente de la jument est à son nom, ainsi que la carte d’immatriculation de l’animal. Accédant à sa demande, le Tribunal judiciaire ordonne la restitution des animaux par jugement en date du 24 août 2021 mais la détentrice des animaux s’y oppose et interjette appel. La Cour d’appel de Bordeaux renverse la solution de première instance et ses motifs sont surprenants.

S’appuyant sur les dispositions de l’article 2276 du Code civil « en fait de meubles, la possession vaut titre », la juridiction bordelaise affirme que « c’est la possession qui détermine la propriété sous réserve que cette possession s'accomplisse de bonne foi ».

Elle poursuit en précisant que seul un contrat mettant le cheval à disposition temporaire d'un tiers peut utilement combattre la présomption posée par l’article 2276 du Code civil, ce que l’intimé ne démontre pas. A l’inverse, la détentrice démontre quant à elle avoir nourri et soigné la jument depuis la séparation du couple.

La Cour prend acte du contrat de vente au nom du propriétaire mais relève que la jument a été vendue au prix d’un euro contre bons soins et, pour la juridiction, ces bons soins ont été apportés par la détentrice.

Dès lors, l’appelante qui justifie d’une possession continue, paisible et non équivoque de la jument combat utilement les titres de son ex compagnon. La jument est décédée entre temps si bien que la juridiction n’a pas statué sur la restitution mais le jugement l’ordonnant en raison des titres de propriété est quant à lui infirmé : le demandeur ne serait donc plus propriétaire de la jument.  

L’arrêt précise ainsi que « la propriété d'un cheval ne peut être reconnue qu'à une personne qui se comporte comme le propriétaire de l'animal et qui est de bonne foi ».

C’est alors l’entier droit de la vente qui s’écroule puisqu’il suffirait, s’agissant d’un cheval et plus généralement d’un animal, de se comporter comme un propriétaire pour véritablement devenir propriétaire…en somme, les titres n’ont plus aucune importance, tout est dans le comportement et l’intention de celui qui veut être propriétaire ! Une légère inquiétude nous gagne alors : puisqu’il fait la propriété, en quoi consiste donc le « comportement » de propriétaire ?

Que le comportement supposé du propriétaire d’un animal soit de le nourrir et de le soigner, d’en assumer les frais, se conçoit aisément mais cette proposition devient énigmatique si on la transpose à une chose inanimée : qu’est ce qui caractériserait alors le comportement du propriétaire d’un objet qui n’a pas à être nourri ni soigné ?

Cette solution est évidemment favorable à l’animal, dont la propriété est confiée, en dépit des titres, à la personne qui le soigne au quotidien. Mais juridiquement, il faut admettre qu’elle met à mal la sécurité et la force obligatoire des contrats.

Ou alors, faut-il en déduire que la présomption de l’article 2276 du Code civil bénéficie d’un régime spécifique lorsqu’elle s’applique à un animal ? Dans le cadre de cette chronique relative aux contrats spéciaux, il ne s’agit pas de déborder ni sur le droit de la famille ni sur celui des biens mais de mettre en lumière l’atteinte portée au droit de la vente. En effet, le premier effet du contrat de vente, sauf disposition contraire, est de transférer la propriété d’un bien du vendeur vers l’acheteur. Ce contrat n’est pas contesté en l’espèce : par convention, le demandeur et ex-compagnon a été désigné comme l’acquéreur de la jument. L’on peut éventuellement estimer qu’il s’agit d’une vente conditionnée aux bons soins à prodiguer à l’animal, ce qui en ferait une vente sous condition résolutoire. Mais en ce cas, la vente est simplement menacée d’extinction si la condition n’est pas respectée. La vente s’éteint et la propriété de l’animal revient au vendeur initial, pas à un tiers, quand bien même aurait-il respecté la condition et se serait-il occupé de l’animal. Le tiers est étranger au contrat de vente, il ne peut en bénéficier.

L’utilisation de l’article 2276 du Code civil est étonnante.  Certes la carte d’identification de la jument présentant le demandeur comme détenteur était à elle seule insuffisante, mais dans la mesure où il produisait le contrat de vente de l’animal le désignant expressément comme acquéreur, la preuve de la propriété était suffisante pour renverser la présomption de l’article 2276 du Code civil et accueillir la demande en restitution.

Efficace pour le possesseur, le mécanisme de 2276 établit une présomption de titre en sa faveur et lui permet de faire obstacle à la revendication du propriétaire initial. La Cour de cassation juge ainsi que l'article 2276 du Code civil s'oppose à ce que le demandeur soit admis à prouver [...] qu'il est propriétaire des meubles litigieux (Cass. req., 21 nov. 1927 : D. 1928, I, p. 172). Ce dernier ne peut alors qu’établir l’inefficacité de la possession, soit qu’elle soit précaire, soit qu’elle soit viciée, c’est-à-dire interrompue, non paisible, non publique ou équivoque. En l’espèce, la possession aurait pu être considérée comme précaire : la jument a été laissée par son propriétaire à sa compagne au moment de leur séparation, soit à titre de dépôt. Il faut relever qu’une seule année s’est écoulée entre la séparation et l’assignation en revendication. N’est ce pas là aussi le comportement d’un propriétaire que de revendiquer son animal ?

Le bien-être animal est probablement sauf : l’animal est laissé en propriété à une personne qui s’en occupe au quotidien, mais pour l’instant, la règle énoncée par l’arrêt n’existe pas et les titres de propriété ont encore un sens. La protection de l’animal ne peut se faire au détriment des règles de droit ; au contraire, sa pérennité implique de concilier les deux.

K.G.  

 

II/ De la délicate rédaction des conventions de gestion des carrières sportives des équidés (obs. sous cour d’appel de Rennes, 2ème ch., 4 juin 2024, n°21/04457)

Mots clefs : vente, location de carrière sportive, avant-contrat, rupture fautive de pourparlers

 

Parce que les animaux et tout particulièrement les équidés sont des êtres vivants susceptibles de devenir des athlètes de haut niveau et de générer d’importants profits, les professionnels s’emploient à forger des outils juridiques adaptés à la gestion de leur carrière sportive et des revenus qu’elle génère qu’il s’agisse des gains ou des plus-values liées à leur revente. Ils le font au travers de conventions imaginées par la pratique. Une convention de ce type concernant un des chevaux les plus célèbres du monde du CSO (concours de saut d’obstacles). Il a donné lieu à l’arrêt commenté de la cour d’appel de Rennes. Ce cheval, Quickly de Kreisker, selle français, d’origine prestigieuse, né en 2004, vendu à six mois, puis revendu à deux ans par l’agence Fence, avait fait l’objet, quelques années plus tard, d’une convention de location de carrière sportive en vue de son acquisition à terme. Ce type de convention consiste à organiser l’exploitation sportive d’un équidé destiné à la compétition1. En l’espèce, il s’agissait d’une convention complexe et passablement mal rédigée par laquelle les parties s’étaient réparties la gestion de la carrière sportive du cheval et celle de ses activités de reproduction avec en perspective la possibilité d’acheter le cheval. Les parties à cette convention étaient, d’une part, Madame H, propriétaire de ce cheval déjà très prometteur, et d’autre part, Madame V, éleveuse, exerçant en nom propre sous l’enseigne Ecurie Stall Karolina. La convention avait été conclue entre Madame H et l’écurie Stall Karlina. Ces deux professionnelles avaient été mises en contact par l’intermédiaire d’un tiers, M. N.

L’écrit matérialisant leur accord avait été signé le 22 février 2012. Deux paragraphes de la convention évoquaient une possibilité d’achat du cheval à 50 % fin 2012 pour une somme d’au moins 450 000 € ou en totalité au 31 décembre 2013 pour au moins 900 000 €. Une autre disposition évoquait même l’hypothèse selon laquelle en cas de vente à un tiers pour une somme supérieure à 900 000 €, les parties se partageraient à 50 % ce supplément.

Le litige est né de ce que, en septembre 2012, sans consulter Madame V (l’écurie Stall Karolina), Madame H a vendu le cheval à la société Haras des grands champs-Ecuries, représentée par Monsieur C. lequel l’a revendu, fin 2012, pour un prix très élevé au roi du Maroc.

Madame V (l’écurie Stall Karolina) et son mari ont agi contre l’ensemble des protagonistes impliqués de près ou de loin dans cette vente à savoir l’ancienne propriétaire du cheval, l’intermédiaire les ayant mises en relation et contre la société, Haras des grands champs-Ecuries ayant acquis Quickly de Kreisker avant qu’il soit revendu au roi du Maroc.

Les étapes du litige sont passablement complexes en raison notamment de la pluralité des parties et de la diversité de leurs relations juridiques.

Par jugement du 8 mai 2021, les premiers juges ont déclaré Madame V irrecevable en son action contre Madame H, jugé prescrite l’action contre le vendeur intermédiaire et rejeté l’ensemble de ses autres demandes.

Les époux V interjetèrent appel. La cour d’appel infirme sur plusieurs points la décision des premiers juges et, entre autres dispositions, condamne Madame H à payer à Madame V la somme de 2515 € au titre des frais restés à sa charge pour la carrière sportive du cheval du 1er mars au 30 septembre tout en déboutant Madame V de ses autres demandes.

Sans entrer dans toute la complexité de l’arrêt et notamment la question de l’exécution provisoire, il est possible de concentrer son commentaire autour de trois questions : la qualité à agir de Madame V, le manquement aux obligations nées de la convention de location de carrière en vue d’une cession à terme et les actions en responsabilité délictuelle contre les tiers intervenus dans la gestion de carrière de l’équidé.

1/ Sur la qualité à agir de l’écurie

Sur ce point, le tribunal avait considéré que Madame V n’avait pas qualité à agir contre ses adversaires au motif que la convention avait été passée, non entre Madame H, la propriétaire de l’équidé à l’époque et Madame V, mais entre Madame H et l’écurie Stall Karolina, dépourvue de personnalité juridique. Il avait aussi été tenu compte du fait que la convention n’avait pas été signée par Madame V mais par son époux. Pour se défendre, celle-ci évoquait l’existence d’un mandat par lequel elle aurait donné pouvoir à son mari de souscrire un engagement à son nom. Ses adversaires insistaient sur l’absence de mandat écrit.

La cour juge, au contraire, que l’écurie Stall Karolina n’étant qu’une enseigne sans personnalité juridique, l’engagement était nécessairement le fait de Madame V et, qu’en exécutant les engagements nés de la Convention, Madame V avait ratifié le mandat. Le raisonnement de la cour mérite d’être approuvé. Il convient, en effet, de rappeler la distinction fondamentale entre l’instrumentum et le negotium. Le principe du consensualisme ne doit pas être perdu de vue. Les conditions de validité du negotium sont le consentement, la capacité des parties contractantes ainsi qu’un contenu certain et licite2. L’écrit, l’instrumentum, n’a, en principe, qu’une finalité probatoire. Formalisé à travers un acte sous-seing-privé, il fait preuve de la volonté des parties de s’engager.

Certes, le rédacteur se doit d’être rigoureux dans l’identification des parties car de celle-ci découleront certaines conséquences comme la vérification de la capacité des parties3. Toutefois, cette rigueur ne doit pas masquer la finalité de l’écrit : constater le negotium »4. Ceci explique que l’acte sous-seing-privé ne soit pas, en principe, soumis un formalisme particulier si ce n’est celui de la signature de la partie qui s’oblige ou de son représentant. En conséquence, la désignation de la partie, entrepreneur en nom propre, sous sa seule enseigne ne prive pas l’instrumentum de sa finalité ordinaire : prouver l’existence et le contenu de l’engagement. Cette souplesse ne doit cependant pas être de nature à affecter le consentement de l’autre partie, par exemple, en l’induisant en erreur sur les qualités de son cocontractant. Il importe donc que celui-ci ait été en mesure de faire le lien entre l’enseigne et son partenaire contractuel réel. En l’espèce, la cour d’appel observe que la convention mentionnait expressément dans un paragraphe « qu’un communiqué commun et unique sera fait aux termes duquel « l’étalon Quickly de Kreisker intègre les écuries Stall Karolina de Madame V pour la suite de sa carrière sportive ».

La mention de la partie sous sa seule enseigne n’était pas la seule maladresse de l’instrumentum. Pour parfaire l’imperfection, l’écrit n’avait pas été signé par l’entrepreneur en nom propre, Mme V., mais par son époux ! Or, la signature est aux termes de l’article 1367 du Code civil nécessaire à la perfection de l’acte. Toutefois l’obstacle n’était pas insurmontable, dans la mesure où l’acte sous-seing-privé peut être signé par le représentant de la personne qui s’engage. En l’espèce, les défendeurs faisaient valoir que s’agissant d’un acte de disposition, l’époux de Madame V aurait dû être pour pouvoir engager celle-ci, titulaire d’un mandat écrit. L’argument est écarté par la cour d’appel au motif que se considérant engagée par la convention, elle aurait ratifié l’acte accompli par celui-ci. L’analyse appelle l’approbation dans la mesure où une jurisprudence constante admet que la ratification puisse être tacite5, pouvant, par exemple, résulter de l’exécution des obligations souscrites par le mandataire6. L’appréciation des circonstances de fait traduisant une ratification tacite relevant du pouvoir souverain des juges du fond7, la cour d’appel de Rennes a pu trancher en faveur d’une ratification tacite, sauvant ainsi par contrecoup la qualité à agir de Madame V.

2/ Le manquement aux obligations nées de la convention de location de carrière en vue d’une acquisition à terme

Là encore, les approximations dans la rédaction de la convention ont compliqué la tâche des juges du fond. L’enjeu essentiel était de qualifier les clauses encadrant l’éventuelle acquisition à terme. Madame V reprochait à Madame H d’avoir revendu le cheval Quickly de Kreisker au mépris des droits qu’elle avait acquis par la convention qu’elles avaient conclue le 20 février 2012. Elle affirmait que cette convention, outre la gestion de la carrière sportive, incluait une vente à terme avec une date butoir au 31 décembre 2013. Son adversaire, Madame H, soutenait que la convention était dépourvue de toute valeur juridique en ce sens qu’elle n’était que la manifestation du désir réciproque des parties de poursuivre des négociations pour aboutir à la conclusion de contrats. L’observateur peut se demander s’il n’y avait pas une contradiction caractéristique d’un estoppel8. Ce moyen de défense bien connu en Common Law fait depuis quelques années l’objet d’une réception partielle en procédure civile à travers l’émergence d’un principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui sous réserve que la contradiction apparaisse dans les positions adoptées lors de la même instance. En l’espèce, Madame H avait précédemment soutenu dans ses écritures que la convention qu’elles avaient passée était un acte de disposition9. Faute d’avoir été soulevée par Madame H, cette piste ne sera pas davantage explorée dans le commentaire.

Au fond, la question était de savoir quelle était la nature des obligations contractées par les parties en vue de cette acquisition à terme. Analysant attentivement les différentes clauses, la cour observe que si la convention évoquait une possibilité d’achat du cheval à 50 % fin 2012 pour une somme d’au moins 450 000 € ou en totalité au 31 décembre 2013 pour au moins 900 000 €, « les conditions présidant à la fixation de ces différents prix ne sont pas énoncées par la convention, pas plus que les modalités de paiement ». Les juges en déduisent que l’acte ne peut donc être considéré comme une vente à terme avec un transfert de propriété différée. Le raisonnement en droit est un peu rapide, mais la solution d’espèce doit être approuvée. En effet, l’article 1305 du Code civil définit le terme comme un événement futur et certain différant l’exigibilité de l’obligation. La qualification de vente à terme impose, outre un prix déterminé ou déterminable, un double engagement d’acheter et de vendre au terme indiqué, ce qui n’était pas le cas en l’espèce car il ne s’agissait pour Madame V que d’une possibilité d’achat. La qualification de vente à terme ne pouvait donc être retenue. Faute de prix déterminé ou déterminable, la mention « au moins » ne fixant qu’un plancher dans la perspective d’une éventuelle négociation, il ne pouvait pas non plus agir d’une promesse unilatérale de vente ou d’achat, car dans les deux cas le prix et la chose doive être déterminée selon les exigences propres aux ventes10.

De quoi s’agissait-il alors ? À l’évidence, la convention avait eu pour objectif d’aménager les conditions d’une éventuelle cession de l’équidé. Il est difficile de nier qu’il s’agissait d’un avant-contrat dont il fallait apprécier le régime juridique. Certains avant-contrats sont désormais présents dans le Code civil et de fait nommés, d’autres sont recensés par la doctrine. En pratique, leur contenu varie généralement en fonction de l’imagination et des objectifs de leurs rédacteurs. Toute la difficulté était alors de qualifier ou tout au moins d’identifier ceux attendus par les parties à cette convention. Délaissant peut-être un peu rapidement la piste du pacte de préférence, la cour d’appel de Rennes a considéré qu’il s’agissait d’une rupture abusive des pourparlers contractuels engagés par les parties aux termes de la convention du 20 février 2012.

Que la rupture soit critiquable ne fait pas de doute. Les faits de l’espèce tels qu’ils sont rapportés par l’arrêt laissent penser que la convention faisait de la question de la cession de l’étalon à Madame V ou à un tiers la suite logique de la gestion de la carrière sportive du cheval. L’expression « proposition d’acquisition du cheval » utilisée dans l’intitulé de la convention confirme la présence d’un encadrement, peut-être maladroit mais néanmoins certain, des conditions de la cession de l’équidé soit à Madame V soit à un tiers. La clause relative à l’éventuelle cession à un tiers et l’accord, dans cette hypothèse sur un partage entre les deux partenaires de la partie du prix de vente excédant le seuil de 900 000 euros confirme que la cession de l’équidé avait été perçue par les parties comme un élément essentiel de sa valorisation. En conséquence, il paraissait tout à fait soutenable de considérer qu’en vendant à l’écurie des Grands champs, Quickly de Kreisker, sans même en informer Madame V, Madame H avait commis une faute. Les juges de la cour d’appel observent « qu’il est constant que Madame H et Madame V étaient en relation d’affaires depuis plusieurs années et qu’il résulte de la procédure et des éléments produits par l’appelante, qu’elle n’a appris la vente que par les médias et n’a jamais obtenu la confirmation de cette vente par Madame H laquelle s’est contentée de produire le 12 avril 2018 un contrat de vente du cheval, non pas au roi du Maroc mais à la société haras des grands champs, le 27 septembre 2012 ». La cour en déduit que « Madame H est donc responsable contractuellement de cette rupture des pourparlers ». Jusque-là le raisonnement est logique, mais c’est au niveau de sa chute qu’il bute !

La cour d’appel de Rennes a débouté Madame V de l’ensemble de ses demandes à l’égard de Madame H à l’exception du remboursement de frais engagés dans le cadre de la valorisation de ce futur grand champion. Ce faisant, elle la déboute, donc, de sa demande en réparation du préjudice né de la rupture fautive des pourparlers contractuels. Pour parvenir à ce résultat, elle applique les règles posées à l’occasion du revirement opéré par l’arrêt Manoukian11, dont la solution se retrouve désormais dans l’article 1112 du Code civil. Elle indique, en conséquence, dans sa motivation que le préjudice consécutif à la faute commise dans les négociations ne peut compenser ni la perte des avantages attendus du contrat non conclu, ni la perte de chance d’obtenir ces avantages. Or ce choix peut être critiqué. À quoi sert-il d’organiser contractuellement des pourparlers, donc de prendre la précaution de les encadrer et de les détailler dans un avant-contrat, si c’est pour appliquer à la rupture fautive des pourparlers conventionnellement organisés le régime de la rupture fautive de droit commun tel qu’il a été dessiné par la jurisprudence Manoukian et repris dans l’article 1112 du code civil issu de la réforme du droit des contrats. Déjà, en commentant à chaud ce revirement, les professeurs Mestre et Fages s’interrogeaient pensant que la chambre commerciale allait cantonner sa solution à la responsabilité délictuelle encourue en l’absence d’avant-contrat12. D’autres auteurs observent que le refus de négocier ou la rupture de mauvaise foi des négociations doivent être considérés comme une défaillance contractuelle donnant lieu à des dommages-intérêts en faveur de l’autre partie13 lesquels devraient pouvoir inclure, comme en matière de violation d’un pacte de préférence, la réparation du préjudice né de la perte de chance de réaliser les résultats escomptés par l’opération14.

D’ailleurs, la piste d’un pacte de préférence aurait sans doute mérité d’être approfondie. En effet, celui-ci est défini par l’article 1123 du Code civil comme le contrat par lequel une partie s’engage à proposer prioritairement à son bénéficiaire de traiter avec lui pour le cas où elle déciderait de contracter ». La fixation du prix n’est pas une condition de validité du pacte de préférence15, même s’il n’est pas rare que le débiteur du pacte de préférence détermine dès sa conclusion le prix auquel le bien devrait être proposé au bénéficiaire16. Certes, la rédaction retenue était maladroite et l’indication d’un prix plancher passablement malhabile. Mais c’était sans doute pour laisser ouverte la possibilité, comme le contrat l’indiquait, d’une vente à un tiers pour un prix supérieur à ce plancher conduisant à un partage du surplus de prix entre les deux parties. Il n’en demeure pas moins que tant le contexte que la rédaction approximative des clauses donnaient l’impression que la convention avait pour finalité de permettre à Madame V de bénéficier d’une priorité pour acheter le cheval. Si une telle qualification avait été retenue, Madame H aurait eu l’obligation d’offrir préalablement à Madame V d’acheter Quickly de Kreisker17. En ne le faisant pas, Madame H aurait, en application de l’article 1123 al. 2 du code civil, à tout le moins engagé sa responsabilité et obtenu la réparation du préjudice né de la perte de chance de réaliser les résultats escomptés par l’opération18. En revanche, l’autre sanction de la violence du pacte de référence à savoir la possibilité de demander au juge, soit la nullité du contrat, soit la substitution au tiers, en l’espèce à la société haras des grands champs Ecurie, ne paraissait pas envisageable, faute pour Madame V d’être parvenue à établir la connaissance que cette société avait de la convention du 22 février 2012. En effet, ces sanctions, nullité ou substitution, sont limitées aux hypothèses dans lesquelles le bénéficiaire parvient à prouver que le tiers ayant acquis le bien en violation du pacte de préférence, avait connaissance de celui-ci et de l’intention de son bénéficiaire de s’en prévaloir19, preuve diabolique s’il en est20 ! C’est d’ailleurs sur ce terrain probatoire difficile qu’ont échoué les actions en responsabilité délictuelle dirigées contre les tiers intervenus dans la revente du cheval.

3/ Les actions en responsabilité délictuelle contre les tiers intervenus dans la gestion de carrière de l’équidé

Deux tiers à la convention avaient été appelés l’instance : l’intermédiaire ayant rapproché les parties à la convention et la société haras des grands champs Ecuries, représentée par Monsieur C, laquelle avait acquis l’équidé en 2012 pour le revendre quelques mois après au roi du Maroc.

S’agissant de l’action en responsabilité dirigée contre la société Haras des grands champs Ecurie, au motif que la vente de l’équidé au roi du Maroc, intervenue fin 2012, avait été médiatisée, les premiers juges avaient fait courir le délai quinquennal de prescription à compter du 31 décembre 2013 date butoir pour l’acquisition de Quickly de Kreisker par Madame V. Sur ce point, le jugement est infirmé au motif que ce n’est que lorsqu’elle avait reçu, le 12 avril 2018, la facture faisant apparaître la vente intermédiaire au profit de la société Haras des grands champs Ecuries que Madame V avait pu connaître la participation de cette société à la vente du cheval au roi du Maroc ; la cour en déduit très justement qu’à la date de la délivrance de l’assignation, le 12 septembre 2019, la prescription n’était pas acquise.

Sur le fond, il est classiquement admis que les tiers sont tenus de respecter la situation juridique créée par les conventions. Cette solution figure depuis la réforme du droit des contrats expressément dans l’article 1200 du Code civil. Antérieurement, la jurisprudence affirmait déjà que toute personne qui, avec connaissance, aide autrui à enfreindre ses obligations actuelles commet une faute délictuelle21. Toutefois, la responsabilité délictuelle des tiers ne peut être engagée que sous réserve de parvenir à prouver qu’ils avaient connaissance de l’existence de la convention, ce qu’en l’espèce Madame H n’a pas été à même de prouver. Elle a aussi été déboutée de son action contre l’intermédiaire intervenu préalablement à la convention du 20 février 2012. Elle lui reprochait d’avoir ensuite joué un rôle dans la revente de Quickly de Kreisker, mais, là encore, elle n’a pas été à même de l’établir. Au fond, c’est donc sur le terrain purement probatoire qu’ont échoué les actions dirigées contre les tiers.

En fin de compte, l’extraordinaire succès sportif de ce cheval hors du commun a été pour les juristes l’occasion d’apprécier les difficultés que les praticiens peuvent avoir pour organiser contractuellement la répartition des gains consécutif aux contrats de valorisation des équidés. Cette affaire confirme au passage que si l’équitation peut être un art, le maniement des avant-contrats en est aussi quasiment un !

 

Christine Hugon

  • 1 Sur les contrats relatifs à l'exploitation sportive des équidés, cf. Camille Jussieux, Le droit des contrats à l'épreuve de l'activité équine, thèse soutenue à l'université de Caen, le 16 juin 2023, p. 193 et s..
  • 2 Art 1128 et s. du Code civil.
  • 3 J.-M. Mousseron, Technique contractuelle, 5ème éd., Francis Lefebvre, n°226.
  • 4 M. Grimaldi et Charles Gijsbers, Negotium et instrumentum, RTD Civ. 2024, p.577
  • 5 Cass. 1ère civ., 15 octobre 2014, n°13-22329 et 13-22473
  • 6 Cass. 1re civ., 2 juillet 2014, n°13-19626.
  • 7 Cass. 1re civ., 6 février 1996, Bull. civ. I, n°66.
  • 8 Droit et pratique de la procédure civile 2024/2025, Dalloz, 293.62, p.1052.
  • 9 Vocabulaire juridique de l'association Henri Capitant, entrée Disposition, PUF.
  • 10 D. Mainguy, Contrats spéciaux, Dalloz, n°66, p. 84
  • 11 Cass. com., 26 nov. 2003, n° 00-10243 et 00-10949 : Bull. civ. IV, no 186 ; JCP G 2004, I, no 163, spéc. no 18, obs. G. Viney ; RTD civ. 2004, p. 80, obs. J. Mestre et B. Fages.
  • 12 Com. 26 nov. 2003, n° 00-10.243 et n° 00.10-949, RTD Civ. 2004 p.80, obs. J. Mestre et B. Fages
  • 13 Ph. Le Tourneau (sous la direction de) Droit de la responsabilité et des contrats 2023/2024 - régimes d'indemnisation, accord de principe, n°3113.231.
  • 14 P. Puig, Contrats spéciaux, Hyper cours, Dalloz , éd. n°8., n°129, p.152.
  • 15 Civ. 1re, 6 juin 2001, no 98-20.673 , P I, no 166 ; RTD civ. 2002. 88, obs. J. Mestre et B. Fages ; RTD civ. 2002. 115, obs. P.-Y. Gautier ; RTD com. 2002. 146, obs. B. Bouloc – Civ. 3e, 15 janv. 2003, no 98-20.673, P III, no 9 ; D. 2003. 1190 – Civ. 1re, 15 nov. 2010, no 09-17.315
  • 16 P. Puig, Contrats spéciaux, op. cit, n°136, p.154.
  • 17 Sur cette obligation, cf. Droit de la responsabilité et des contratsContrats unilatéraux – Matthieu Poumarède ; Philippe le Tourneau – 2023/24, n°3112.161.
  • 18 P. Puig, Contrats spéciaux, op. cit., n°129, p.152.
  • 19 Cass., ch. mixte, 26 mai 2006, no 03-19.376 , P no 4 ; GAJC, t. II, 13e éd., 2015, no 260 ; D. 2006. 1861, note P.-Y. Gautier ; D. 2006. 1861, note D. Mainguy ; D. 2006. 2638, obs. S. Amrani Mekki et B. Fauvarque-Cosson ; JCP 2006. II. 10142, note L. Leveneur ; JCP 2006. I. 176, obs. F. Labarthe ; Defrénois 2006. 1206, obs. E. Savaux ; Dr. et patr. 10/2006. 93, obs. Ph. Stoffel-Munck ; AJDI 2006. 667 ; Rev. sociétés 2006. 808, note J.-F. Barbièri ; RTD civ. 2006. 550, obs. J. Mestre et B. Fages – Civ. 3e, 31 janv. 2007, no 05-21.071 , P III, no 16 ; D. 2007. 1698, note D. Mainguy ; Defrénois 2007. 1048, obs. R. Libchaber ; CCC 2007, no 116, obs. L. Leveneur ; Dr. et patr. 3/2008. 91, obs. B. Mallet-Bricout – Civ. 3e, 3 nov. 2011, no 10-20.936 , P III, no 185 ; D. 2011. 2794, obs. G. Forest ; D. 2012. 459, obs. S. Amrani-Mekki et M. Mekki ; AJDI 2012. 584, obs. N. Damas ; RTD civ. 2012. 127, obs. P.-Y. Gautier.
  • 20 Ph. Brun, L’avant-contrat dans l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, Mélanges en l'honneur de François Collart Dutilleul, n°14, p. 202 ; P. Puig, Contrats spéciaux, op. cit., n°145, p.162.
  • 21 Com. 13 mars 1979, Bull. civ. IV, no 100. – Cass., ass. plén., 9 mai 2008, no 07-12.449 , Bull. ass. plén. no 3 ; BICC 1er juill. 2008, RTD civ. 2008. 485, obs. B. Fages ; RTD civ. 2008. 498, obs.P.-Y. Gautier ; JCP 2008. II. 10183, note H. Kenfack ; Gaz. Pal. 2008. 1867, avis de Gouttes ; RDC 2008. 1151, obs. S. Carval.
 

RSDA 2-2024

Doctrine et débats : Doctrine

Prix Jules Michelet : Proposition de réforme visant à élargir la liste d’animaux à laquelle s’applique la directive n° 2010/63/UE du Parlement européen et du Conseil relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques

  • Elena Liénard
    Etudiante de la 14ème promotion du D.U. de Droit animalier
    Promotion A.-C. Gagnon
    Université de Limoges

1. « La recherche biomédicale est une nécessité sociétale ; à défaut de pouvoir expérimenter sur l’Homme, l’expérimentation animale est indispensable »1. En Europe, ce sont en moyenne 12 millions d’animaux qui sont utilisés annuellement à des fins scientifiques, parmi lesquels environ 2 millions sont utilisés en France2. Bien qu’en diminution, le nombre d’animaux utilisés par les laboratoires reste colossal, et loin de l’ambition de la directive européenne n° 2010/63/UE que serait, à terme, le remplacement total des procédures appliquées à des animaux vivants à des fins scientifiques et éducatives dès que cela sera possible sur le plan scientifique3.
2. Le premier acte issu d’un parlement visant à réguler l’utilisation d’animaux dans des expériences scientifiques, le Cruelty to Animals Act, a été passé en 1876 au Royaume-Uni4. Depuis, d’autres pays ont créé leur propre législation visant à protéger ces animaux de la douleur et de la détresse. Pourtant, leur définition de l’animal en tant que tel se limite très souvent aux animaux vertébrés uniquement. En effet, ne sont pas comptabilisés – à l’exception des céphalopodes – les invertébrés tels que les insectes ou les vers, pourtant utilisés en nombre dans la recherche scientifique chaque année. A ce jour, nous ne pouvons trouver de preuve formelle dans la littérature scientifique qui attesterait que les invertébrés seraient dépourvus de toute sensibilité et de capacités sensorielles permettant de ressentir de la douleur, de la souffrance ou du stress. Ainsi, il apparaît nécessaire d’encadrer et de protéger juridiquement le bien-être de ces derniers, au même titre que celui des animaux vertébrés.

I. La protection des animaux utilisés à des fins scientifiques en Europe

A. Présentation de la directive n° 2010/63/UE

3. L’intérêt grandissant des citoyens européens vis-à-vis du bien-être animal a permis à la législation européenne de devenir l’une des plus avancées et des plus strictes au monde en la matière5. Ainsi, l’article 13 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne reconnaît les animaux en tant qu’« êtres sensibles » et affirme qu’il incombe à l’Union et aux États membres de « tenir pleinement compte des exigences du bien-être de ces derniers lorsqu’ils formulent et mettent en œuvre une politique dans les domaines de l’agriculture, de la pêche, des transports, de la recherche et du développement technologique »6.
4. La directive n° 2010/63/UE, datée du 22 septembre 2010, vise à procurer un niveau élevé de protection aux animaux utilisés à des fins scientifiques, ainsi qu’à leur bien-être. Elle détaille notamment leurs conditions d’élevage, d’hébergement, d’utilisation et surveille l’application des protocoles7 8. Sa traduction dans le droit français – mis à jour par le décret n° 2013-118 dans les articles R. 214-87 à R. 214-137 du Code rural et de la pêche maritime – porte sur l’agrément, l’aménagement, le fonctionnement et le contrôle des établissements, ainsi que sur la formation et les compétences du personnel, sur l’évaluation éthique et l’autorisation des projets de recherche, sur la délivrance et l’utilisation des médicaments, et enfin, sur la fourniture de ces animaux.

B. Une protection inégale

5. Cependant, la protection décrite par la directive n’est pas accordée de manière égale à toutes les catégories d’animaux. En effet, seuls les vertébrés non-humains vivants, c’est-à-dire les mammifères, les oiseaux et les reptiles, ainsi que leurs formes fœtales, à partir du dernier tiers de leur développement normal pour les premiers et larvaires autonomes pour les autres, y sont inscrits. La directive ne fait en revanche nulle part mention de la protection des animaux invertébrés autres que les céphalopodes, malgré le fait qu’ils soient utilisés en nombre en expérimentation animale9, et malgré l’absence de preuves scientifiques qui indiqueraient que les céphalopodes soient plus capables de vivre des états affectifs négatifs que n’importe quels autres invertébrés, ou que leurs capacités émotionnelles soient équivalentes à celles des vertébrés10.

II. Pourquoi inclure les invertébrés dans la directive n° 2010/63/UE ?

A. Les invertébrés : qui sont-ils et dans quels champs de recherches sont-ils utilisés ?

6. Les invertébrés sont des animaux qui ne possèdent pas de colonne vertébrale. Ayant colonisé tous les climats et écosystèmes, ils représentent 97 % des animaux présents sur Terre. A titre de comparaison, nous pouvons dénombrer aujourd’hui environ 45 000 espèces de vertébrés, dont 5 000 espèces de mammifères, contre un million d’espèces d’invertébrés11.
7. Ils sont utilisés en médecine depuis 4 000 ans et servent de modèles de recherche et d’enseignement depuis la fin des années 1800, mais leur utilisation a beaucoup augmenté ces dernières années pour répondre à la demande du grand public de diminuer les expériences sur les vertébrés. Devenus des sujets de recherche « alternatifs », ils permettent de mener des études sur le comportement, l’anatomie, la physiologie, les pathologies, les résultats de manipulations génétiques et les mécanismes d’action de certaines molécules12, et ce, dans différents champs de recherche. Nous pouvons citer par exemple la biologie du développement (qui utilise majoritairement des arthropodes, mollusques et échinodermes), la neurobiologie (gastéropodes, céphalopodes, arthropodes, annélides, plathelminthes), l’immunologie (cnidaires, arthropodes, nématodes), la biomédecine (drosophiles, nématodes), la biologie sensorielle (arthropodes, mollusques), ou encore l’éthologie (arthropodes, mollusques)13 14.

B. La protection des céphalopodes dans la recherche, une exclusivité européenne ?

8. L’inclusion des céphalopodes dans la directive européenne relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques date de 2013. La raison principale de cette inclusion serait que les céphalopodes possèdent un « véritable cerveau », présentant des analogies avec celui des vertébrés, leur apportant quelques spécificités neurosensorielles et comportementales (mémoire, adaptation) uniques parmi les invertébrés11 15. En effet, les céphalopodes ont un grand système nerveux centralisé, dont une grande partie est très condensée et pourrait être définie comme un « cerveau ». Ils sont d’ailleurs connus pour leurs capacités d’apprentissage, leur flexibilité comportementale et leurs grandes capacités cognitives16. Le décret français 2013-118 transposant la directive n° 2010/63/UE indique donc que « outre les animaux vertébrés, qui comprennent les cyclostomes, les céphalopodes devraient également être inclus dans le champ d’application de la présente directive, car leur aptitude à éprouver de la douleur, de la souffrance, de l’angoisse est scientifiquement démontrée ». Cependant, s’il a été démontré que les céphalopodes ont des réactions motrices et sensorielles qui suggèrent un ressenti de la douleur, l’identification objective de cette dernière selon le référentiel connu chez les mammifères reste difficile à effectuer et à généraliser à plusieurs espèces17. C’est pourquoi nous ne pouvons pas affirmer clairement que les céphalopodes ressentent des émotions, même si nous disposons de preuves quant à l’expression de signaux d’aversion qui ressemblent à des réponses émotionnelles et qu’ils possèdent des capacités cognitives leur permettant d’anticiper et d’éviter des situations douloureuses qui ressemblent aux réponses des vertébrés face à la douleur18.
9. L’Union européenne n’est pas la seule à protéger légalement les céphalopodes utilisés à des fins scientifiques, en dépit d’autres invertébrés. Le Conseil canadien de protection des animaux déclare par exemple que « les céphalopodes et certains autres invertébrés supérieurs [qui] ont des systèmes nerveux aussi développés que certains vertébrés, dans la mesure où ils peuvent ressentir de la douleur, du stress, de l’inconfort ou d’autres souffrances, qu’elles soient légères ou intenses » doivent être inclus dans les catégories d’expériences B, C, D et E19, alors que les invertébrés « lambdas » sont inclus dans les expériences de catégorie A, beaucoup plus invasives. En Nouvelle-Zélande, le Animal Welfare Act inclut « n’importe quel poulpe, calmar, homard, ou écrevisse »20 dans sa définition de l’animal, rajoutant donc à la protection des céphalopodes celle de certains crustacés. Il en va de même pour la Norvège, qui régule les expérimentations sur les calmars, les poulpes, les crustacés et les abeilles21. La Suisse, qui régule quant à elle les expérimentations sur les céphalopodes et les crustacés décapodes, précise dans sa loi fédérale sur la protection des animaux que « le Conseil fédéral détermine à quels invertébrés [la loi] s’applique et dans quelle mesure. Il s’appuie à cet égard sur les résultats de la recherche scientifique menée sur les capacités sensitives de ces derniers »22.
10. Ainsi, l’exclusion générale de protection légale pour les invertébrés utilisés en recherche est basée sur la supposition qu’ayant des comportements et neuroanatomies plus « simples » que les vertébrés, ces derniers ne sont pas capables de ressentir de la douleur, de la détresse ou du stress, ce qui justifierait de porter un moindre intérêt à leur bien-être23. Or, le principe de précaution dispose qu’« en cas de risque de dommages graves ou irréversibles, l’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l’adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l’environnement »24. La formulation « menaces et dommages graves ou irréversibles », applicable en relation avec la politique environnementale, pourrait être traduite par la douleur infligée aux animaux vertébrés et invertébrés, dans le contexte de l’expérimentation animale25.

III. Objections qui pourraient être adressées à la proposition

A. Pourquoi protéger le bien-être des invertébrés s’ils ne ressentent pas de douleur ?

11. De manière générale, l’empathie de l’Homme envers les invertébrés est bien moins importante que celle qu’il peut accorder aux vertébrés, en particulier aux mammifères. Ce phénomène peut s’expliquer par la distance phylogénétique qui nous sépare de ces espèces : plus un être vivant a de points communs avec nous, plus nous serons prompts à lui accorder une sensibilité élevée23, et donc, à lui accorder une protection juridique plus importante. Nous pouvons décrire trois degrés de sensibilité : la nociception, présente chez la plupart des animaux, qui permet d’éviter de façon réflexe les stimulations portant atteinte à l’intégrité de l’organisme ; la douleur, qui intervient lorsque des réactions émotionnelles sont associées à la nociception ; et la souffrance, qui apparait chez les animaux ayant une certaine conscience de leur environnement et possédant des fonctions cognitives associées à la douleur26.
12. La plupart des animaux possédant un système nerveux sont capables de détecter un stimulus douloureux, et d’y répondre en exprimant des mouvements d’évitement ou de retrait23. Ces réponses neurocomportementales non ambiguës ont été observées chez certaines espèces d’insectes. Ce fut le cas par exemple chez une fourmi, sur laquelle une expérimentatrice avait fait tomber par accident une goutte d’acétone27. En réponse à ce stimulus, la fourmi s’est mise à entièrement nettoyer la zone touchée : a-t-elle été brûlée par la substance (douleur ?), ou est-ce simplement un réflexe de toilettage ? Nous n’avons à l’heure actuelle aucun moyen de pencher objectivement pour l’une de ces deux hypothèses, mais nous avons tout de même tendance à pencher pour la seconde. Le philosophe anglais Jeremy Bentham disait : « la question n’est pas de savoir s’ils peuvent raisonner, ni de savoir s’ils peuvent parler, mais bien de savoir s’ils peuvent souffrir »28. Seule la supposition que les céphalopodes puissent ressentir de la douleur a suffi à la European Food Safety Authority (EFSA) pour les inclure dans la directive européenne29. Pourquoi ne suffirait-elle pas alors à accorder à d’autres invertébrés exprimant des réponses comportementales semblables la qualité d’êtres « sentients » et donc à les intégrer à la directive ?

B. Difficultés à encadrer et à suivre les laboratoires

13. L’expérimentation animale est sujette, en Europe, à un encadrement strict. En effet, la directive n° 2010/63/UE soumet les projets de recherche impliquant des animaux à une évaluation rigoureuse effectuée par les autorités compétentes. Les animaux utilisés dans ces procédures doivent recevoir un traitement et des soins appropriés à leurs espèces, déterminée et évaluée par une structure chargée du bien-être des animaux soutenue par des comités nationaux établis dans chaque Etat membre de l’Union européenne. Aussi, les autorités compétentes procèdent à des inspections régulières de tous les éleveurs, fournisseurs et utilisateurs et de leurs établissements, afin de vérifier s’ils sont conformes aux exigences de la directive30. Ainsi, il sera nécessaire de former les structures chargées du bien-être des animaux au sujet des invertébrés et d’appliquer le même degré d’encadrement pour l’élevage, le transport et l’utilisation de ces derniers dans tout projet de recherche.

IV. Proposition de réforme

L’article 1-3 de la directive n° 2010/63/UE serait ainsi modifié :
« La présente directive s’applique aux animaux suivants :
a) Animaux vertébrés non humains vivants, y compris :
i) Les formes larvaires autonomes ; et
ii) Les formes fœtales de mammifères à partir du dernier tiers de leur développement normal ;
b) Les céphalopodes vivants. Animaux invertébrés vivants dont il a été prouvé scientifiquement qu’ils seraient susceptibles de ressentir de la douleur, de la souffrance ou de l’angoisse, notamment via l’expression de comportements d’évitement et de retrait face à un stimulus aversif ».

Annexe 1 : Arbre phylogénétique du vivant indiquant les différents groupes associés à la famille des invertébrés, inspiré de Diversité animale – Histoire, évolution et biologie des Métazoaires par D. Poinsot, M. Hervé, B. Le Garff et M. Ceillier (2018)

 

 

Annexe 2 : Catégories de techniques invasives en expérimentation animale. Conseil canadien de protection des animaux, 1991

A. Expériences avec la plupart des invertébrés ou avec des prélèvements de tissus vivants
Peuvent concerner l’utilisation des tissus en culture, et prélevés lors de l’autopsie, les œufs, les protozoaires ou autres organismes unicellulaires, expériences impliquant l’isolement, des incisions ou d’autres procédures invasives sur des invertébrés, à l’exception des céphalopodes
B. Expérience causant peu ou pas d’inconfort ou de stress
Peuvent concerner des troupeaux d’animaux domestiques gardés soit pour la production commerciale ou pour des fins académiques ; l'immobilisation d'animaux bien exécutée et de courte durée pour effectuer des observations ou un examen physique ; les prises de sang ; injections de substances dont les concentrations ne causeront pas de réactions néfastes par les voies suivantes : intraveineuse, sous-cutanée, intra-musculaire, intrapéritonéale ou orale excluant les voies intrathoracique et intracardiaque (catégorie C) ; les expériences aiguës sans survie au cours desquelles les animaux sont complètement anesthésiés et ne se réveillent pas ; les méthodes d'euthanasie approuvées précédées d'une perte de conscience rapide, comme, par exemple, une surdose d'un anesthésique ou la décapitation précédée d'une sédation ou d'une anesthésie légère; des périodes de privation de nourriture et d'eau potable semblables aux périodes d'abstinence observées dans la nature.
C. Expériences causant un stress mineur ou une douleur de courte durée
Peuvent concerner la canulation ou la cathétérisation de vaisseaux ou de cavités corporelles sous anesthésie ; les procédures chirurgicales mineures sous anesthésie comme des biopsies ou des laparoscopies ; de courtes périodes d'immobilisation, excluant celles effectuées pour des observations mineures ou des examens, accompagnées nécessairement d'un stress minimal ; des périodes de privation de nourriture et d'eau potable plus longues que les périodes d'abstinence observées dans la nature ; les expériences de comportement avec des animaux éveillés comportant une immobilisation brève et stressante ; l'exposition d'un animal à des doses non mortelles de drogues ou de substances chimiques. De telles procédures ne doivent pas causer de changements importants dans l'apparence de l'animal, dans des paramètres physiologiques comme la fréquence respiratoire ou cardiaque, dans l'émission de selles ou d'urine, ou dans les comportements sociaux.
Au cours ou après les expériences classifiées dans la catégorie C, les animaux ne doivent pas manifester de signes d'automutilation, d'anorexie, de déshydratation, d'hyperactivité, de prostration ou d'ensommeillement prolongé, d'augmentation de vocalisation, de comportement agressif-défensif, ou démontrer un état de repli sur soi et d'isolement volontaire.
D. Expériences causant une détresse ou un inconfort modéré à intense
Peuvent concerner des procédures chirurgicales majeures faites sous anesthésie générale, avec survie, des périodes prolongées (quelques heures et plus) d'immobilisation physique ; l'induction de stress comportementaux comme la carence maternelle, l'agression, les interactions prédateur-proie, les procédures causant l'interruption continuelle ou irréversible de l'organisation sensitivomotrice ; l'utilisation de l'adjuvant complet de Freund (voir la Politique du CCPA sur : les techniques d'immunisation approuvées).
D'autres exemples comportant l'induction de déficiences anatomiques ou physiologiques qui engendrent de la douleur ou de la détresse ; l'exposition d'un animal à des stimuli nocifs qu'il ne peut éviter ; l'induction de la maladie des radiations ; l'exposition d'un animal à des quantités de drogues ou de substances chimiques qui causent des dérèglements à ses fonctions physiologiques.
Les procédures expérimentales classifiées dans la catégorie D ne devraient pas causer de détresse prolongée ou sévère se manifestant par un grand éventail de signes cliniques comme des anomalies importantes dans les attitudes ou les types de comportement, l'absence d'auto-toilettage, la déshydratation, une vocalisation anormale, de l'anorexie prolongée, un collapsus circulatoire, une léthargie profonde ou de la répugnance à bouger, et des signes cliniques d'infections locales ou systémiques avancées, etc.
E. Procédures causant de la douleur intense égale ou au-dessus du seuil de tolérance de la douleur chez des animaux éveillés non anesthésiés
Cette catégorie de techniques invasives ne s'applique pas uniquement aux procédures chirurgicales mais elle inclut l'exposition à des stimuli ou des agents nocifs dont les effets sont inconnus ; l'exposition d'un animal à des quantités de drogues ou de substances chimiques qui sont susceptibles de dérégler ses fonctions physiologiques et de causer la mort, des douleurs intenses ou une très grande détresse ; des expériences biomédicales tout à fait nouvelles qui comportent un haut niveau d'interventions invasives ; des études comportementales dont les effets des différents degrés de détresse sont inconnus ; l'utilisation de relaxants ou de drogues paralysantes musculaires sans l'usage d'anesthésiques ; l'infliction de brûlures ou de traumatismes chez des animaux non anesthésiés ; une méthode d'euthanasie non approuvée par le CCPA ; toutes procédures (e.g. l'injection d'agents nocifs ou l'induction d'un choc ou d'un stress intense) qui causent une douleur qui s'approche du seuil de la tolérance à la douleur et qui ne peut être soulagée avec des analgésiques (e.g. lors d'études comportant des tests de toxicité et d'induction expérimentale de maladies infectieuses dont l'issue est la mort).

  • 1 
  • 2 
  • 3 
  • Rapport de la commission relation homme-animaux sur la recherche scientifique et l’expérimentation animale : état de la question. Académie vétérinaire de France. 2012.

  • 4 
  • L’expérimentation animale en chiffres… Le saviez-vous ? Association GRAAL. 2023. (consulté le 21/02/24) https://www.graal-defenseanimale.org/blog/le-saviez-vous-les-chiffres-de-lexperimentation-animale/

  • 5 
  • Utilisation des animaux en laboratoire : où en est-on ? Défense de l’animal, 2020. (consulté le 17/01/2024) https://www.defensedelanimal.fr/actualites/utilisation-animaux-laboratoires-on/

  • 6 
  • R. J. Crook. The welfare of invertebrate animals in research: can science’s next generation improve their lot? PostDoc Journal, Vol. 1, n° 2, 2023.

  • 7 
  • M. Marques. Le bien-être animal dans l’Union européenne. Savoir animal, n° 2. 2021.

  • 8 
  • Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, Journal officiel de l’Union européenne. 2012.

  • 9 
  • H. Hardin-Pouzet & S. Morosan. Organismes-modèles et réglementation de la recherche animale. Med Sci (Paris), Vol. 35, n° 2, p. 153-156, 2019.

  • 10 
  • F. Marchadier. L’effectivité de la protection de l’animal de laboratoire. Revue de l’Union européenne, 2021, p. 554.

  • 11 
  • Utilisation des animaux en laboratoire : où en est-on ? Défense de l’animal, 2020 (consulté le 17/01/2024) https://www.defensedelanimal.fr/actualites/utilisation-animaux-laboratoires-on/

  • 12 
  • R. J. Crook. The welfare of invertebrate animals in research: can science’s next generation improve their lot? PostDoc Journal, Vol. 1, n° 2, 2023.

  • 13 
  • L. Dickel. La conscience chez les invertébrés. La Lettre des Neurosciences, n° 63, 2022.

  • 14 
  • S. E. Wilson-Sanders. Invertebrate models for biomedical research, testing and education. ILAR journal, Vol. 52, n° 2, 2011.

  • 15 
  • R. J. Crook. The welfare of invertebrate animals in research: can science’s next generation improve their lot? PostDoc Journal, Vol. 1, n° 2, 2023.

  • 16 
  • Voir annexe 1.

  • 17 
  • L. Bonnaud-Ponticelli. Céphalopodes, expérimentation animale et législation européenne. Bulletin de l’Académie Vétérinaire de France, 2021.

  • 18 
  • J. A. Mather. Animal suffering: an invertebrate perspective. Journal of Applied Animal Welfare Science, 4:2, 151-156, 2001.

  • 19 
  • L. Bonnaud-Ponticelli. Céphalopodes, expérimentation animale et législation européenne. Bulletin de l’Académie Vétérinaire de France, 2021.

  • 20 
  • J. A. Mather. Animal suffering: an invertebrate perspective. Journal of Applied Animal Welfare Science, 4:2, 151-156, 2001.

  • 21 
  • Catégories de techniques invasives en expérimentation animale. Conseil canadien de protection des animaux, 1991.Voir détails en annexe 2.

  • 22 
  • Animal Welfare Act 1999. Parliamentary Counsel Office - New Zealand Legislation, 2[1][a], 1999.

  • 23 
  • S. Pollo & A. Vitale. Invertebrates and humans: science, ethics, and policy. The Welfare of Invertebrate Animals, Chap. 2, 2019.

  • 24 
  • Loi fédérale sur la protection des animaux du 16 décembre 2005. L’Assemblée fédérale de la Confédération suisse, Chap. 1, Art. 2, 2023.

  • 25 
  • R. J. Crook. The welfare of invertebrate animals in research: can science’s next generation improve their lot? PostDoc Journal, Vol. 1, n° 2, 2023.

  • 26 
  • United Nations; Rio Declaration on Environment and Development. Report of the United Nations Conference on Environment and Development. Rio de Janeiro, June 3–14. United Nations, New York. 1992.

  • 27 
  • S. Pollo & A. Vitale. Invertebrates and humans: science, ethics, and policy. The Welfare of Invertebrate Animals, Chap. 2, 2019.

  • 28 
  • M. Bourgine. La base du droit de l’expérimentation animale : la sensibilité animale. Savoir animal, n° 1. 2020.

  • 29 
  • J. A. Mather. Animal suffering: an invertebrate perspective. Journal of Applied Animal Welfare Science, 4:2, 151-156, 2001.

  • 30 
  • J. Bentham. An introduction to the principles of morals and legislation. 1789.

    S. Pollo & A. Vitale. Invertebrates and humans: science, ethics, and policy. The Welfare of Invertebrate Animals, Chap. 2, 2019.

    Protection des animaux de laboratoire. Office des publications de l’Union européenne, 2022 (consulté le 27/02/2024) https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=legissum:sa0027

 

RSDA 2-2024

Philosophie et théorie du droit
Dossier thématique : Les archives des animaux

Le raton laveur de Guadeloupe, un voyageur paradoxal

  • Falk Van Gaver
    Professeur agrégé de philosophie
    Académie de Guadeloupe

 

Raton laveur de Guadeloupe et coq genm ou coq marron de Guadeloupe  Photo VAN GAVER

  1. Passé en quelques années du statut d’espèce endémique et emblématique intégralement protégée à celui d’espèce exotique envahissante, d’insulaire autochtone à envahisseur continental, le raton laveur de Guadeloupe est un animal qui voyage entre les histoires et les territoires, entre les classifications taxonomiques et les statuts juridiques, entre les usages et les imaginaires.
  2. Dans notre bestiaire mental, dans notre imaginaire animal, le raton laveur est associé à l’Amérique du Nord, et même au Nord de l’Amérique du Nord, parfois aussi à la Louisiane ou à la Floride. Pourtant, cet animal est répandu jusqu’en Amérique Centrale, et même, de manière assez surprenante, aux Antilles, avec une espèce aux Bahamas et une autre espèce, depuis éteinte, à la Barbade. Dans les Antilles françaises, une espèce, ou sous-espèce, ou population, nous en reparlerons, est présente essentiellement en Guadeloupe, et, de manière plus discrète, en Martinique. Pour ma part, c’est en venant vivre et travailler à partir de 2022 en Guadeloupe que j’ai découvert avec étonnement la présence de cet animal si nord-américain dans cet archipel caribéen: le rakoun ou ti-rakoun en créole, souvent orthographié racoon localement (avec un seul “c”), ou raton laveur de Guadeloupe, un raton laveur tropical donc, et insulaire, et, je l’apprendrai, un animal voyageur, à bien des égards…
    Timbre raton laveur de la Guadeloupe 1973
  3. Voyageur spatial, donc géographique et historique d’abord. Pour rappel, à l’exception des chauves-souris, tous les mammifères terrestres des îles de Guadeloupe ont été introduits par des humains. La question pour notre raton est : par qui? et, donc, quand? Malgré son absence dans les données archéologiques, ethnographiques et historiques anciennes, amérindiennes précolombiennes (car c’est aussi Christophe Colomb qui, lors de son second voyage, a d’un point de vue européen “découvert” et baptisé la Guadeloupe, alors peuplée de Kalina ou Caraïbes, le 4 novembre 1493) comme coloniales, une thèse attribuait aux Kalina voire à leurs prédécesseurs Arawak l’introduction du raccoon (son nom américain qui vient de l’algonquin “arahkun” signifiant “qui gratte avec les mains”), comme celle de l’agouti également présent sur l’île avant d’être décimé par la chasse et le braconnage. Une thèse plus récente, davantage en accord avec les sources disponibles, lui attribue une arrivée beaucoup plus tardive, à la fin du 18ème siècle ou peut-être davantage au début du 19ème siècle, le ou plutôt les faisant débarquer d’un navire américain qui aurait fait escale ou naufrage alors en Guadeloupe… Tout cela serait anecdotique s’il n’y avait pas derrière ces différentes versions un enjeu existentiel pour le raton laveur de Guadeloupe - et, très concrètement, un enjeu vital pour les ratons laveurs guadeloupéens.
  4. En effet, notre ti-racoon est un voyageur transpécifique, un transfuge taxonomique. Décrit une première fois en 1911 par un naturaliste américain, Miller1, à partir d’un jeune mâle collecté à Pointe-à-Pitre plusieurs décennies auparavant, il a été jusqu’à la fin du 20ème siècle, sur la base de ses caractères morphologiques spécifiques, considéré comme une espèce distincte du raton laveur commun, Procyon lotor, le raccoon américain: notre racoon antillais était jusqu’alors appelé Procyon minor, en raison de sa petite taille, notamment. En 1911 également, un autre auteur américain, Allen2, évoque cependant la possibilité d’une introduction ancienne par les Français. Considéré comme espèce endémique malgré son absence des sites archéologiques et des anciennes chroniques, cet animal charismatique devient vite emblématique du territoire, où il est interdit à la chasse par décret dès 1954. En 1971, le rakoun est utilisé comme logo du tout récent parc naturel de la Guadeloupe, et dans la continuité il devient l’emblème du parc national de la Guadeloupe, premier parc national de l’outre-mer français, créé le 20 février 19893. Trois jours avant, le 17 février 1989, un arrêté ministériel fait de Procyon minor une espèce intégralement protégée dans le département de la Guadeloupe. Avec une population évaluée à 2500 individus, fragilisée par l'anthropisation des milieux et le braconnage, il est classé “EN” (EN C2), c’est-à-dire espèce en danger par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) en 1996. Le raton laveur de Guadeloupe aura même de magnifiques timbres à son effigie, en 1973, en 1997, et une dernière fois en 2007 dans une série consacrée aux espèces protégées d’outre-mer. C’est l’apothéose! Mais “cave ne cadas”… L’heure de gloire aura bientôt passé, car son statut d’espèce est alors, depuis une petite décennie déjà, très sérieusement remis en cause…
    Timbre Parc de la Guadeloupe 1997
  5. Dès les années soixante-dix et quatre-vingt, certains naturalistes, comme Lazell4, remettent en cause le statut d’espèce à part entière du raccoon guadeloupéen (et des autres ratons laveurs antillo-caribéens cités plus haut), qui navigue entre un rattachement pur et simple à Procyon lotor ou à une sous-espèce Procyon lotor minor, ou encore au Bahamian raccoon, Procyon maynardi ou Procyon lotor maynardi selon que ce dernier est lui-même considéré comme espèce à part entière ou simple sous-espèce… Mais c’est au tournant du deuxième millénaire que le sort du ti-rakoun se joue : coup sur coup, plusieurs études5 montrent que par la morphologie et la génétique, le raton laveur de Guadeloupe s’apparente aux formes présentes sur la côte sud-est des Etats-Unis… De plus, selon le zoologiste et écologue Olivier Lorvelec, de l’équipe Ecologie des invasions biologiques de l’INRA, “plusieurs publications guadeloupéennes du 19ème siècle ont indiqué avec certitude une introduction qu’elles situent dans les années 1820-1840, et le naturaliste Félix-Louis L’Herminier a peut-être été l'auteur de cette introduction, à partir d’animaux provenant de la Caroline du Sud (sud-est des Etats-Unis), au plus tôt en 18196”. Apothicaire, Félix-Louis L’Herminier (1779-1833) arrive en 1798 en Guadeloupe. Proscrit en 1815, il s’exile à Saint-Barthélémy puis en 1816 à Charleston en Caroline du Sud où il devient le premier conservateur du muséum d’histoire naturelle de la ville. Il est nommé naturaliste du roi en 1819, l’année où il revient en Guadeloupe. Aurait-il amené un couple de ratons laveurs dans ses bagages? L’époque est à l’acclimatation zoologique… Selon Lorvelec et ses collègues, le fait que L’Herminier ait effectué des envois de spécimens à Paris depuis la Caroline du Sud et l’habitude qu’il avait de conserver en Guadeloupe des animaux vivants de diverses origines sont des arguments qui laissent penser que c’est lui qui serait à l’origine de l’introduction du raton laveur sur l’île. Spécialiste des oiseaux, L’Herminier laisse son nom à plusieurs espèces de Guadeloupe et d’ailleurs, dont le pic de Guadeloupe (Melanerpes herminieri), le “tapeur” ou “toto-bwa” endémique au toc-toc caractéristique qui retentit dans les forêts locales - et dont le raton laveur serait un prédateur occasionnel de ses couvées et nichées…
  6. L’introduction récente faisait pourtant consensus en Guadeloupe au tournant du 20ème siècle. Ainsi, Louis Guesde, qui a collecté en 1886 le spécimen utilisé par Miller pour décrire l’espèce, écrit en 1900: “Le rackoon n’est autre que le raton de l’Amérique du Nord ; c’est un plantigrade qui peut atteindre la taille d’un fort renard ; il a été introduit dans la colonie, il y a une soixantaine d’années, et il s’y est si bien acclimaté qu’on le rencontre partout. Ce plantigrade est omnivore ; il s’attaque aussi bien à la canne à sucre qu’aux fruits et aux volailles, aussi son voisinage est-il très désagréable7”. Cette forme ou population guadeloupéenne a été diffusée par naturalisation et par des translocations non seulement dans l'archipel de la Guadeloupe, en Basse-Terre, en Grande-Terre, à Marie-Galante et à la Désirade, mais également à Saint-Martin et à la Martinique où les premiers signalements remontent aux années 1950. Cependant, malgré ce changement taxonomique, le statut de protection du raton laveur n’est généralement pas remis en question par les scientifiques, qui considèrent d’abord que “même si le Raton laveur n’est pas une espèce endémique, il n’y a pas de raison de modifier son statut réglementaire et sa politique de conservation. En effet, le Raton laveur ne soulève pas d’importants problèmes de gestion, que ce soit au niveau de la faune insulaire ou des activités humaines8”.
    Timbre Racoon 2007
  7. Cependant, le vent va vite tourner pour le rakoun, un vent mauvais venu d’Europe : le raton laveur est inscrit depuis février 2018 sur la liste des EEE, espèces exotiques envahissantes préoccupantes pour l’Union européenne dans le règlement dédié de 2014 (1143/2014), qui s’applique aux régions ultrapériphériques européennes et donc dans les Antilles françaises… Dans le même mouvement, l’espèce a été déclassée par arrêté ministériel du 18 janvier 2018 de la liste des espèces protégées de Guadeloupe et a été inscrite en 2020 dans la liste des espèces exotiques envahissantes par la Direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DEAL). Ce nouveau statut pose la question de la mise en place d’éventuelles mesures de gestion et de régulation. D'ailleurs, dès 2017, l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONFCS, depuis 2020 OFB, Office français de la biodiversité) commande une enquête, entièrement financée par la Fédération départementale des chasseurs de Guadeloupe, pour identifier et évaluer les dégâts occasionnés par l’espèce sur les productions agricoles9. L’éventail est très large : omnivore, ubiquiste, généraliste, opportuniste, le raton laveur consomme des fruits comme la pastèque, le melon, l'ananas, la banane, mais aussi la canne à sucre, les cultures maraîchères, et, bien sûr, les volailles et leurs œufs. Alors, nuisible, le rakoun ? De l’exode à l’ESOD10? “Ce n’est pas agréable de voir le racoon venir et manger vos bêtes, déclare un éleveur de poules à la télévision locale. N’empêche, il fait aussi partie de la nature, il faut qu’il vive aussi11!”
  8. Le braconnage, qui a toujours existé, se fait aujourd’hui moins discret, quoique l’espèce ne soit officiellement pas chassable, puisqu’elle ne figure pas sur la liste fixant les espèces gibier. Le piégeage pratiqué communément est donc hors-la-loi, que ce soit pour défendre ses poules ou pour consommer sa viande. J’ai rencontré plusieurs personnes qui les traquent occasionnellement ou régulièrement, et qui ont ou ont eu des ratons laveurs dans leur congélateur, et j’ai entendu encore bien davantage de gens qui m’ont dit avoir déjà mangé de la viande de racoon à l’occasion… “Manger un bon raton laveur bien cuit, avec les ingrédients qu’il faut et avec les ingrédients du pays, ça donne le plaisir de pouvoir observer et de le manger!”, déclare même ouvertement une cuisinière à la télévision12. S’il est plutôt un plat exceptionnel qu’on déguste dans l’entre-soi familial ou amical, le ragou ti-figi (ragoût de “petite figure”, “petit visage”…) se vend aussi, d’après nos renseignements, 25 euros la barquette, accompagné de riz, et un adulte entier, 300 euros… D’après nos renseignements encore, il y a de petits élevages clandestins qui servent à la consommation personnelle ou à la vente, avec donc un trafic (puisque clandestin et illégal) local de viande de Procyon minor… D’autres ont un rakoun enchaîné ou en cage derrière la maison, comme animal de compagnie ou amusement et divertissement, souvent guère mieux traité que nombre de chiens à la chaîne… S’il y a quelques années encore, avant 2018, on trouve reportées dans la presse régionale des interventions policières en faveur de racoons illégalement détenus par des particuliers13, rien de tel ne ressort depuis que l’animal n’est plus classé comme espèce protégée - même si sa détention reste interdite comme sa capture, son transport, sa mise à mort et sa consommation.
    Ratonneau de Guadeloupe  Photo VAN GAVER
  9. Depuis, même le centre de soins du Zoo de Guadeloupe, seul habilité à prendre en charge les animaux sauvages, refuse de recueillir les racoons, qui sont pourtant une des attractions du parcours - on peut même acheter à l’entrée pour cinquantes centimes d’euros un petit sachet de croquettes pour chiens à leur distribuer. La raison de ce refus? EEE, espèce exotique envahissante, comme l’iguane commun ou la mangouste indienne… De ce fait, lorsqu’ils tombent sur un raton laveur en détresse ou en danger, qu’il soit blessé, accidenté ou malade, ou sur un ratonneau orphelin ou abandonné, certains amis des bêtes outrepassent la loi et s’organisent pour venir en aide aux malheureux animaux, jusqu’à leur réhabilitation et libération si possible, ou se débrouillent pour les garder avec eux dans les meilleures conditions possibles, si l’animal est handicapé, suite à un accident par exemple, et inapte à la vie sauvage. Eux aussi, comme les braconniers et trafiquants, agissent dans l’illégalité, la clandestinité, la discrétion, le secret, et, plus ou moins au hasard de réseaux affinitaires non organisés, échangent informations et savoir-faire entre eux ou avec des soigneurs et “rehabbers” nord-américains de centres de secours pour la faune sauvage, se débrouillant également de diverses manières pour prodiguer si nécessaire premiers secours et soins vétérinaires.
  10. Malgré sa discrétion, le racoon est symboliquement présent partout en Guadeloupe: enseignes de lodges, de bars, de crèches, publicités, souvenirs en tous genres dans les boutiques des sites touristiques, livres pour enfants…, il est d’ailleurs toujours la mascotte du Régiment du service militaire adapté (RSMA) de la Guadeloupe. Esthétique, sympathique, anthropomorphique, le raton laveur est, ici comme ailleurs, typiquement une espèce charismatique14. Le raton laveur apparaît aussi encore, discrètement mais nettement, un peu à l’écart, dans la grande spirale d’espèces animales et végétales qui sert de logo commun aux Parcs nationaux de France. Hier symbole du patrimoine naturel guadeloupéen, il est aujourd’hui un paria, un sans-papiers, un apatride, un voleur de poules au statut flou. Dernier paradoxe de cet illustre méconnu: on a très peu de données scientifiques, notamment écologiques et éthologiques, sur la population de ratons laveurs de Guadeloupe: “Très peu de données sont disponibles sur le raton laveur en Guadeloupe car presque aucune étude n’a été menée sur cette espèce. Personne n’a évalué la population totale de ratons laveurs et leur répartition en Guadeloupe n’est estimée que par des observations ponctuelles d’individus. Les informations sur sa biologie (période de reproduction, nombre de portées par an, taille des portées…) manquent aussi. Nous ne savons pas si l’activité reproductrice du raton laveur est la même que dans un pays à climat tempéré. Pour ce qui est du régime alimentaire du raton laveur en Guadeloupe, il est assez méconnu. Si on sait qu’il aime les fruits, ses préférences et ses habitudes alimentaires n’ont pas été étudiées15”.
  11. Braconné ou secouru, soigné ou cuisiné, connu de tous mais clandestin, Ti’ racoun, le raton laveur créole (créole signifiant initialement “né dans les îles”), est typiquement un animal non seulement naturalisé mais créolisé, qui navigue entre animal sauvage, liminaire, familier, apprivoisé, domestiqué ou marron. Voyageur paradoxal, espèce endémique puis exotique, protégée puis invasive, le rakoun Gwadloup est un passager clandestin, qui traverse les frontières et arpente les liens que nous tissons entre statuts taxonomiques, juridiques et symboliques. Tandis que nous parlons de lui, pensons à lui, écrivons sur lui, lui va son petit bonhomme de chemin, laissant ses traces inimitables dans la boue de mon jardin.
    Jeune raton laveur de Guadeloupe Photo VAN GAVER

 

Crédits : Photos VAN GAVER

Mots-clés : racoon ; rakoun ; raton laveur de Guadeloupe ; espèce protégée ; espèce endémique ; espèce exotique envahissante

  • 1 Miller, G.S.Jr. (1911). Description of two new raccoons. Porc. Biol. Soc. Washington, 24 : 3-6., in Lorvelec et al. (2007)
  • 2 Allen, G.M. (1911). Mammals of the West Indies. Bull. Mus. Comp. Zool., 54 : 175-263., in Lorvelec et al. (2007)
  • 3 “Le racoon, d’emblème du Parc à paria”, Parc national de la Guadeloupe, 5 décembre 2023
  • 4 Lazell J.D. (1972). Raccoon relatives. Man and Nature, Massachusetts Audubon Society, Lincoln, MA, 11-15 ; Lazell J. D. (1981). Field and taxonomic studies of tropical American raccoons. National Geographic Soc. Research Reports, 13: 381-385.
  • 5 Pons, J.-M., Volobouev, V., Ducroz, J.-F., Tillier, A. & Reudet, D. (1999). — Is the Guadeloupean racoon (Procyon minor) really an endemic species ? New insights from molecular and chromosomal analyses. J. zool. Syst. Evol. Res., 37 : 101-108. ; Helgen K. M., William J. (2003). Taxonomic status and conservation relevance of the raccoons (Procyon spp.) of the West Indies. J. Zool. London, 259: 69-76. ; Helgen, K. M., Maldonado, J. E., Wilson, D. E., & Buckner, S. D. (2008). Molecular confirmation of the origin and invasive species status of West Indian raccoons. Journal of Mammalogy 89 (2): 282-291
  • 6 Lorvelec, O., “Perception et gestion des mammifères introduits dans les Antilles françaises : trois cas d’étude”, Atelier de travail sur les espèces exotiques envahissantes dans les Antilles françaises, Guadeloupe, 23-26 novembre 2009
  • 7 Guesde L. (1900). Les colonies françaises. La Guadeloupe et dépendances. Impressions d’Art Pierrefort., in Lorvelec et al. (2007)
  • 8 Lorvelec, O., Pascal, M., Delloue, X., Chapuis, J.L. (2007). Les mammifères terrestres non volants des Antilles françaises et l’introduction récente d’un écureuil. Rev.Ecol. (Terre Vie), 62: 295-314
  • 9 Gourdol, A. (2017). Étude sur les dégâts agricoles du Raton laveur en Guadeloupe. Rapport de stage de césure, Ecole nationale supérieure d’agronomie de Montpellier, ONCFS. 76 p.
  • 10 Espèce susceptible d’occasionner des dégâts
  • 11 “Le racoon, de plus en plus envahissant, proie des chasseurs et met apprécié”, Guadeloupe 1ère, 12 octobre 2022
  • 12 “Le racoon, de plus en plus envahissant, proie des chasseurs et met apprécié”, Guadeloupe 1ère, 12 octobre 2022
  • 13 "Un racoon pour animal de compagnie à Baillif", France-Antilles, 16 août 2017
  • 14 Emmanuelle Sarat, Florence Ménez, “Des sargasses, des ratons laveurs et des hommes”, Centre de ressources Espèces exotiques envahissantes, 20 avril 2020
  • 15 Gourdel, 2017. L'auteure ajoute dans son rapport de stage: “Ce travail est aussi une bonne occasion de produire des informations sur les mœurs des ratons laveurs, même si ça ne constitue pas l’objectif principal.”
 

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