Doctrine et débats : Doctrine

Le Code flamand du bien-être des animaux

  • Angélique Debrulle
    Maître de conférences
    Université de Liège
    Administratrice du Belgian Environmental Institute
    Membre du bureau de l’IRIDDA

1. En Belgique, le bien-être animal est une compétence qui a été transférée aux régions lors de la sixième réforme de l’État1 de 2014. A l’époque, la matière était régie par la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux2.
A la suite de la régionalisation, les Régions bruxelloise, flamande et wallonne ont procédé à des modifications de la loi de 1986 impliquant des degrés de protection divers en fonction de la région du pays dans laquelle l’animal se trouve. Le 4 octobre 2018, la Région wallonne a décidé d’adopter un Code wallon du Bien-être des animaux3 venant remplacer la loi du 14 août 1986. En Région bruxelloise, le projet de Code bruxellois du Bien-être animal n’a pas pu aboutir avant les élections de juin 2024 du fait d’un blocage politique sur la question de l’étourdissement préalable des animaux lors de l’abattage rituel4. Le 16 mai 2024, la Flandre a adopté son Code flamand du Bien-être des animaux (« Vlaamse Codex Dierenwelzijn »)5.
2. La loi de 1986 (comme les Codes flamand et wallon) constitue le socle de base de la protection animale. Une série d’arrêtés a été adoptée en vue d’assurer l’exécution de cette loi, arrêtés qui comportent des précisions quant à l’encadrement de la protection animale. Les arrêtés royaux et les arrêtés du gouvernement (de la région concernée) adoptés en vue d’exécuter la loi de 1986 continuent de s’appliquer après l’entrée en vigueur du Code pour autant que le Code comporte une base légale équivalente. Il est donc tout à fait normal qu’un arrêté royal datant d’avant la régionalisation du bien-être animal exécute des dispositions du Code (flamand du bien-être des animaux) ou qu’un arrêté du Gouvernement flamand ait une date antérieure à l’entrée en vigueur du Code.
3. Le Code flamand du Bien-être des animaux (ci-après « le Code » ou « CFBEA ») entrera en vigueur (pour la majorité de ses articles) le 1er janvier 2025. Il se compose de 15 chapitres :
Chapitre 1er. - Dispositions générales (art. 1 à 7)
Chapitre 2. - La détention d'animaux (art. 8 à 26)
Chapitre 3. - Le commerce d'animaux (art. 27 à 32)
Chapitre 4. - Le transport d'animaux (art. 33 et 34)
Chapitre 5. - Importation et transit d'animaux (art. 35)
Chapitre 6. - Mise à mort d'animaux (art. 36 à 40)
Chapitre 7. - Interventions sur les animaux (art. 41 à 44)
Chapitre 8. - Produits non respectueux des animaux (art. 45)
Chapitre 9. - Expériences sur animaux (art. 46 à 60)
Chapitre 10. - Le Conseil flamand du bien-être animal (art. 61 et 62)
Chapitre 11. - Fonds flamand pour le bien-être animal (art. 63)
Chapitre 12. - Contrôle, maintien et sanction (art. 64 à 75)
Chapitre 13. - Dispositions relatives au traitement des données à caractère personnel (art. 76 et 77)
Chapitre 14. - Dispositions modificatives (art. 78 à 81)
Chapitre 15. - Dispositions finales (art. 82 à 87)
La présente contribution ne prétend pas à l’exhaustivité. Elle vise à résumer le Code en pointant les nouveautés intéressantes qu’il comporte, le cas échéant, en procédant à une comparaison avec les deux autres régions ou le régime antérieurement applicable. La présente contribution suivra donc la table des matières du Code et n’abordera pas spécifiquement les trois derniers chapitres, soit parce que certaines dispositions doivent être abordées lors de l’examen d’autres chapitres du Code, soit parce qu’elles présentent peu d’intérêt pour la présente contribution.

I. Les dispositions générales

4. Concernant les dispositions générales visées par le chapitre 1er du Code, l’article 3 comporte une série de définitions qu’il convient d’examiner attentivement afin d’appréhender correctement le périmètre d’intervention des dispositions concernées. Ainsi, par exemple, le terme « commercialiser » (art. 3, 30°) comprend notamment le fait de vendre mais également le fait de céder à titre gratuit. Le « responsable » (art. 3, 29°) vise toute personne physique, propriétaire ou détentrice de l’animal, exerçant habituellement sur cet animal une gestion ou une surveillance immédiate. Enfin, on peut également relever qu’une « pension pour animaux » (art. 30, 5°) vise l’établissement qui fournit des soins et un abri à des chiens et des chats confiés par leur propriétaire, de manière temporaire et contre rémunération.
5. L’article 4 CFBEA comporte une nouveauté importante en ce qu’il précise qu’ « un animal est un être vivant qui éprouve des sentiments et des besoins spécifiques, qui bénéficie d’une protection particulière et nécessite des soins ». Il s’agit non seulement de reconnaitre formellement la qualité d’être sensible de l’animal mais surtout d’assurer la prise en compte de cette qualité (et des autres éléments portés par cet article) dans le cadre de la mise en œuvre et de l’application du Code6. Les travaux préparatoires précisent à cet égard qu’il y a lieu de faire une analogie avec l’article 13 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et de s’appuyer sur la réforme du Code civil belge mise en place par la loi du 4 février 2020, entrée en vigueur le 1er septembre 20217. Depuis cette date, le Code civil a extrait les animaux de la catégorie des biens en reconnaissant leur sensibilité et l’existence de besoins biologiques dans leur chef. Comme en France, il est prévu que les animaux sont soumis au régime juridique appliqué aux biens dans le respect des lois qui les protègent8.
6. L’article 5 CFBEA porte tout d’abord sur l’objet du Code qui ne se limite pas à la protection des animaux contre les actes de cruauté mais vise à garantir et renforcer le bien-être des animaux compte tenu de leurs besoins physiologiques et éthologiques. Cette disposition s’inscrit, à ce titre, dans le prolongement de la loi de 1986. La nouveauté intéressante portée par cet article se trouve à l’alinéa 2 qui consacre un principe de ‘standstill’ (ou de non-régression) impliquant que dès qu’un niveau de protection est atteint, il n’est plus possible de revenir en arrière.
A notre estime, si ce principe doit guider l’action législative de la Région flamande, il ne pourra s’imposer en tant que tel que lors de l’élaboration des arrêtés d’exécution du Code. En effet, l’article 5 étant une disposition décrétale, il pourrait y être dérogé via une nouvelle disposition décrétale.
7. L’article 6 CFBEA procède à une réécriture de l’article 1er de la loi de 1986 afin d’en étendre le champ d’application. En l’occurrence, il dispose que « sauf cas de force majeure, nul ne peut commettre des actes non prévus dans le présent décret ou omettre de commettre des actes, s’il est raisonnablement possible de le faire, causant la mort d’un animal sans nécessité ou nuisant sans nécessité d’une autre manière au bien-être de l’animal d’un point de vue physiologique et/ou éthologique ».
Il s’agit d’une disposition « fourre-tout » permettant d’incriminer tout comportement qui ne serait pas encadré par le Code et qui aurait pour conséquence, sans nécessité, soit de causer la mort de l’animal soit de nuire à celui-ci. Il ne s’agit plus uniquement de viser toute action mais également d’étendre la disposition à toute omission, qui serait qualifiée de « négligence » et à laquelle on appliquerait un test de raisonnabilité9. En d’autres termes, l’existence d’une omission/négligence coupable sera appréciée en fonction des circonstances du cas d’espèce tenant compte de la situation dans laquelle l’auteur et l’animal concerné se sont trouvés10.
Lors de l’analyse du projet de texte, le Conseil d’État a estimé qu’il était nécessaire, au regard du principe de légalité en matière pénale, d’apporter des précisions qui permettraient à la personne qui adopte un comportement d’apprécier, à l'avance et de manière adéquate, les conséquences pénales de ce comportement. Le Conseil d’État cible spécifiquement le morceau de phrase visant « d’une autre manière au bien-être de l’animal d’un point de vue physiologique et/ou éthologique » en précisant que cette formulation va plus loin que celle de la loi de 1986 qui, quant à elle, faisait référence à une mutilation, une blessure ou une souffrance causée à l’animal11.
Or, le commentaire de l’article est très succinct et ne permet pas, à notre estime, de rencontrer le principe de légalité puisqu’il fournit peu d’explications et se concentre uniquement sur l’utilisation d’animaux dans les coutumes et formes d’art. En l’occurrence, via cet article 6, la mise à mort préalable d’animaux en vue de leur utilisation dans des coutumes populaires, des expressions artistiques et formes d’art pour le divertissement du public comme le ‘gansrijden’12 ou le ‘haanslaan’13, serait interdite. Il en va de même de la mise à mort d’animaux intervenant dans le cadre de coutumes populaires, expressions artistiques et formes d’art pour le divertissement du public comme la consommation d’un poisson vivant14. Il y aurait, dans ces contextes, une mise à mort « sans nécessité » des animaux, le divertissement du public15 ne pouvant servir de justification à la mise à mort de l'animal ou à l'atteinte à son bien-être16. Le manque de précision du commentaire de l’article nous semble laisser une marge d’interprétation trop importante aux juridictions : pourrait-on considérer que la non-assistance à animal en danger est interdite ? De la sorte, une personne qui s’abstiendrait de dénoncer des coups portés sur un animal pourrait-elle faire l’objet de poursuites ? Qu’en serait-il de l’absence de prise en charge d’un chien par l’automobiliste qui l’aurait renversé ?
8. L’article 7 CFBEA porte sur le champ d’application matériel du Code. Il fixe un régime similaire à celui qui a été mis en place dans le Code wallon du bien-être des animaux (à l’article D.3, §2) en prévoyant que le Code s’applique aux vertébrés. Il ne s’applique aux invertébrés que lorsque le Code le précise expressément ou si le Gouvernement flamand précise, par arrêté, à quelles espèces d’invertébrés tout ou partie du Code devrait s’appliquer.
Cette limitation aux vertébrés est justifiée par la reconnaissance scientifique de leur sensibilité alors que celle-ci n’est pas unanimement admise concernant les invertébrés17. Au regard de la loi de 1986, il s’agit d’un réel recul de la protection animale dans la mesure où de nombreux invertébrés communément détenus (mygales ou scorpions, par exemple) ne bénéficient plus de la protection contre les actes de cruauté, de l’obligation d’assurer les soins, une alimentation et un logement conformes aux besoins physiologiques et éthologiques des animaux ainsi que de la mesure de saisie (conservatoire) en vue de mettre à l’abri l’animal dont le bien-être est menacé ou mis à mal. Pour ces animaux, il sera nécessaire de se rabattre sur les dispositions applicables en matière de protection des espèces ou de permis d’environnement, ce qui n’est pas la panacée.

II. La détention d’animaux

A. Les principes généraux

a) Les animaux pouvant être détenus

9. L’article 8 CFBEA reprend le principe, contenu à l’article 3bis de la loi de 1986, des « listes positives », soit des listes d’animaux autorisés à la détention. Il est, par principe, interdit de détenir des animaux qui ne se trouvent pas sur les listes arrêtées par le Gouvernement. En l’occurrence, il existe en Flandre une liste des mammifères18 et une liste des reptiles19.
Ces listes sont établies sans préjudice de la législation applicable en matière d’espèces exotiques envahissantes ou de protection des espèces menacées.
Lorsqu’aucune liste n’est établie, l’animal peut être librement détenu. Il n’y a donc pas d’autorisation spécifique nécessaire (en matière de bien-être animal) pour pouvoir détenir un poisson, un oiseau ou un amphibien, par exemple. Cela ne veut pas dire que ces espèces peuvent être détenues dans n’importe quelles conditions et il sera toujours nécessaire de s’assurer du respect de la législation applicable en matière de permis d’environnement, de protection de la nature, de gestion des espèces exotiques envahissantes ou d’espèces menacées d’extinction20.
Lorsqu’une liste est établie, il existe une série de dérogations autorisant la détention d’espèces ne figurant pas sur cette liste. Les parcs zoologiques et les laboratoires bénéficient d’une dérogation. Les vétérinaires également, en vue de prodiguer des soins à l’animal. Les refuges pour animaux peuvent également détenir des animaux ne figurant pas sur la liste pour autant qu’il s’agisse d’animaux saisis, abandonnés ou trouvés. Les établissements commerciaux pour animaux bénéficient également d’une dérogation, en vue de commercialiser ces animaux, pour autant qu’un accord écrit ait été conclu avec un parc zoologique, un laboratoire ou un particulier autorisé à détenir l’espèce animale concernée. Cette détention ne peut excéder le temps nécessaire au transfert de l’animal vers l’une des trois personnes visées ci-avant.
Enfin, les particuliers bénéficient d’une dérogation dans deux cas de figures. Dans le premier cas, le particulier peut démontrer que l’animal ne figurant pas sur la liste positive était détenu avant l’entrée en vigueur de la liste (par exemple, en produisant la facture d’achat). Cette preuve n’est pas à démontrer pour la progéniture de l’animal pour autant qu’elle se trouve chez le premier propriétaire. Dans le second cas, le particulier doit solliciter, préalablement à la détention de l’animal, l’octroi d’un agrément. Cet agrément est délivré après avis de la commission flamande des parcs zoologiques (une commission composée d’experts chargée d’évaluer la demande) sur la base d’un dossier étayé démontrant que le particulier dispose des connaissances et des infrastructures appropriées en vue de détenir correctement l’animal.
Le principe de l’établissement des listes positives est admis par la Cour de justice de l’Union européenne21 sous certaines conditions résumées comme suit :
- l’établissement de la liste repose sur des critères objectifs et non discriminatoires ;
- il existe une procédure permettant de faire inscrire de nouvelles espèces sur la liste ;
- la demande d’inscription d’une nouvelle espèce sur la liste ou d’un agrément ne peuvent être rejetées que si la détention des espèces concernées présente un risque réel pour la sauvegarde des intérêt protégés ;
- les conditions imposées pour la détention d’espèces ne figurant pas sur la liste sont objectivement justifiées et ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer la finalité de la réglementation nationale dans son ensemble.
Une autre nouveauté est visée au paragraphe 4 de l’article 8 en visant une interdiction de détenir des animaux lorsqu’une interdiction d’animaux d’une ou plusieurs espèces ou une restriction du nombre d’animaux pouvant être détenus a été prononcée par le tribunal conformément à l’article 68 du Code.
10. L’article 9 CFBEA est une nouveauté destinée à protéger les animaux sauvages en ce qu’il porte une interdiction de principe de détenir des animaux capturés dans la nature. Cette interdiction est justifiée par le fait que les animaux prélevés dans la nature sont plus sensibles au stress causé par la captivité, ce qui les rend plus exigeant en termes d’environnement et de soins. Il sont également souvent porteurs de maladies, ce qui nécessite un suivi spécialisé22.
Cette interdiction ne s’applique pas à une série d’établissements : les refuges pour animaux, les parcs zoologiques, les laboratoires, les centres d’accueil pour animaux sauvages exotiques en situation de détresse et les centres d’accueil pour animaux sauvages ayant comme activité principale les soins et la revalidation d'animaux sauvages nécessitant des soins.
Cette interdiction ne s’applique pas non plus à une série d’actes tels que la prise en charge d’animaux errants ou lorsqu’un vétérinaire atteste que l’animal ne peut être relâché dans la nature.
Cette interdiction s’applique sans préjudice de la législation applicable en matière de conservation de la nature et d’agriculture qui peut prévoir certains prélèvements dans la nature à des fins scientifiques, par exemple.

b) Conditions de détention des animaux

11. L’article 10 CFBEA se structure en plusieurs paragraphes qui reprennent, pour l’essentiel, le régime juridique antérieur. Il comporte, tout d’abord, l’obligation faite à toute personne détenant un animal de lui fournir un logement, une alimentation mais également des soins conformes à ses besoins physiologiques et éthologiques.
Il procède ensuite à une réécriture de l’encadrement de l’attache et de l’enfermement des animaux. Le nouvel encadrement prévoit donc que tout animal doit disposer d’un espace et d’une liberté de mouvement appropriés au regard des besoins physiologiques et éthologiques de l’animal concerné. Il précise dans un deuxième temps qu’un animal n’est pas « habituellement ou constamment attaché ou enfermé ». A ce sujet, le commentaire de l’article indique spécifiquement qu’un animal de rente se trouvant dans une stalle n’est pas considéré comme une forme d’enfermement. Il en va de même pour la détention d’un animal de compagnie, comme un chien ou un chat, dans un appartement23. Une dérogation est cependant immédiatement prévue et indique qu’un animal habituellement ou constamment attaché/enfermé doit disposer d’espace et de mobilité suffisants au regard de ses besoins physiologiques et éthologiques. En toute hypothèse, la liberté de mouvement de l’animal ne peut être réduite au point de l’exposer à des douleurs, souffrances ou blessures évitables.
Dans un troisième temps, l’article 10 CFBEA se concentre sur la détention des animaux à l’extérieur. La loi de 1986 se concentrait uniquement sur les équidés alors que le Code vise tout animal en imposant de fournir à ces animaux un abri naturel ou artificiel. Compte tenu de la difficulté à obtenir un permis en vue de la construction de certains abris, une période transitoire de 5 ans a été mise en place afin de permettre au responsable de l’animal de s’organiser (obtenir le permis, construire l’abri et, le cas échéant, changer l’animal de pâture). Cette obligation entrera en vigueur le 1er janvier 202924. En attendant l’entrée en vigueur de cette obligation, un abri doit être fourni lorsque cela s’avère nécessaire, par exemple, en cas de conditions météorologiques extrêmes25. Il est à noter que les équidés font l’objet d’une disposition spécifique impliquant une obligation de mise à disposition immédiate d’un abri (naturel ou artificiel) lorsqu’il n’est pas possible de rentrer l’animal dans une écurie.
L’article 10 se termine par un paragraphe 5 reprenant l’obligation de la loi de 1986 impliquant de s’assurer que les conditions ambiantes (éclairage, température, ventilation, etc.) sont conformes aux besoins des animaux et par un paragraphe 6 permettant au Gouvernement flamand de fixer, par arrêté, des dispositions supplémentaires, en fonction de l’espèce ou de la catégorie d’animaux concernés.
12. L’article 11 CFBEA reprend une interdiction qui avait été introduite récemment dans la version flamande de la loi de 1986. Il s’agit d’interdire l’utilisation et le commerce de colliers électriques. Cette interdiction concerne uniquement les chiens et les chats. Elle ne porte pas sur les colliers reliés à une clôture invisible, ce qui a suscité quelques débats, le ministre en charge du Bien-être animal ayant indiqué que la dérogation se justifiait car le choc provoqué par le collier relié à la clôture est prévisible (contrairement aux autres types de colliers) et parce qu’il est souvent impossible d’utiliser une autre méthode de confinement que la clôture invisible26.
Ce régime entrera en vigueur le 1er janvier 2027 conformément à l’article 86, 3° CFBEA, afin de permettre aux personnes ayant recours à ce type de produits de trouver des alternatives (ce qui inclut les chiens de service utilisés par la police, la douane ou la sécurité civile).
On relèvera qu’en Région wallonne, seule l’utilisation de colliers électriques sur les chiens et les chats est interdite (le commerce est donc encore autorisé) mais elle s’étend également aux colliers reliés à une clôture invisible27. Un régime de dérogation est mis en place pour ce qui concerne les chiens de service28. En Région bruxelloise, le projet de Code bruxellois du bien-être animal29 prévoyait une interdiction de commerce, de détention et d’utilisation des colliers électriques (concernant les chiens et les chats) étendue aux colliers reliés à une clôture invisible30. Il prévoyait également une période transitoire temporaire pour les chiens de service.
13. L’article 12 CFBEA porte une interdiction de gavage des animaux sauf s’il est effectué pour des raisons médicales ou dans le cadre de l’expérimentation animale. Cette disposition concerne notamment la production du foie gras qui fait l’objet d’une disposition transitoire (art. 83 CFBEA) au profit des exploitations existantes. Ce régime est repris de la version flamande de loi de 1986, adopté en 201931.
En l’occurrence, les exploitants pouvaient poursuivre leur activité jusqu’au 30 novembre 2023 dans les conditions fixées à l’article 9quinquies de la version flamande de la loi de 1986. Le Gouvernement flamand32 a organisé un régime de compensation financière pour la fermeture de l’établissement ou sa reconversion, pour autant que l’activité ait cessé avant le 1er décembre 2023.
14. L’article 13 CFBEA interdit d’administrer à un animal une substance ayant un effet néfaste sur sa santé ou son bien-être sauf si cette administration intervient pour des raisons médicales ou dans le cadre de l’expérimentation animale. Le législateur flamand a entendu étendre l’interdiction par rapport à la loi de 1986 qui visait uniquement le fait d’administrer une substance susceptible de causer des souffrances ou des lésions. On peut noter que le Code wallon (art. D.39, 6°) a repris la même formulation que la loi de 1986.

c) Identification et enregistrement des chiens et des chats

15. L’article 14 CFBEA reprend le régime de la loi de 1986 concernant la mise en place d’un régime d’identification et d’enregistrement des chiens et des chats. Il reprend également la possibilité d’éviter la surpopulation de ces espèces.
En pratique, les chiens font l’objet d’une obligation d’identification et d’enregistrement depuis 1998 tandis que cette obligation existe depuis 2017 pour les chats33. Les bases de données officielles se nomment respectivement Dog ID et Cat ID et sont gérées conjointement par les trois régions du pays.
En ce qui concerne la surpopulation de ces espèces, à ce stade, seul le chat fait l’objet d’une obligation de stérilisation depuis 2017. Les régimes sont relativement similaires entre les trois régions.
On relèvera que le Code wallon (art. D.15) s’est ouvert la possibilité de créer un régime d’identification pour toute espèce détenue en tant qu’animal de compagnie. A ce jour, aucune disposition spécifique n’a été adoptée à ce titre de sorte que seuls les chiens et les chats sont concernés par l’obligation d’identification. Le projet de Code bruxellois (art. 2.7) s’inscrivait dans la même démarche que la Wallonie.

d) Animaux errants, perdus et abandonnés

16. L’article 15 CFBEA reprend pour l’essentiel le système mis en place dans la loi de 1986 relatif à la gestion des animaux errants, perdus et abandonnés. Les communes restent donc les autorités responsables de la gestion de ces animaux, celles-ci étant tenues de conclure une convention de collaboration avec un refuge pour animaux. Concrètement, toute personne qui recueille un animal (errant, perdu ou abandonné) dispose d’un délai de 4 jours pour le confier à la commune ou au refuge désigné par la commune. En cas de nécessité, la commune pourrait confier l’animal à un parc zoologique ou à une personne capable de fournir les soins et l’hébergement appropriés à l’animal.
La commune ou le refuge devra alors prendre toutes les mesures utiles pour tenter de retrouver le propriétaire de l’animal qui est tenu à sa disposition pendant 15 jours à compter de sa prise en charge. Si l’animal est confié à une personne, ce délai est porté à 45 jours sauf s’il s’agit d’un chien ou d’un chat auquel cas le délai est de 15 jours. A l’expiration des délais précités, lorsque le propriétaire n’est pas venu récupérer son animal, la propriété de l’animal est automatiquement transférée à celui qui en assure l’hébergement.
La mise à mort de l’animal peut être ordonnée par un vétérinaire avant l’expiration des délais susmentionnés s’il l’estime nécessaire. Si aucune place ne peut être trouvée pour l’animal, le bourgmestre peut ordonner la mise à mort de l’animal.
Enfin, le propriétaire de l’animal n’a droit à aucune indemnisation et est, au contraire, tenu de prendre en charge les frais d’accueil, d’hébergement et de soins. Ces frais sont recouvrés directement par le refuge et sont recouvrés par la commune lorsqu’elle a confié l’animal à une personne, un parc zoologique ou un refuge non conventionné.
Un régime similaire est mis en place dans le Code wallon (art. D.11 et suivants) mais est tout de même plus protecteur (pas de possibilité d’euthanasie par manque de place). Le projet de Code bruxellois (art. 2.10 à 2.13), s’il conserve les mêmes principes, est plus étoffé en ce qu’il prévoit notamment une procédure de saisie conservatoire actionnée par un refuge lors de suspicions de maltraitance, une possibilité d’intervention lorsque l’animal est livré à lui-même (en cas d’hospitalisation du propriétaire par exemple) ainsi que le recours à une plateforme centralisée de gestion des annonces relatives à ces animaux.

e) L’élevage de chiens et de chats

17. L’article 16 CFBEA s’intéresse spécifiquement à l’élevage de chiens et de chats et comporte quelques nouveautés par rapport au régime antérieur. Il pose les bases de l’encadrement de la sélection des animaux reproducteurs dans le cadre de l’élevage de chiens et de chats spécifiquement. Il s’agit de répondre à une préoccupation grandissante concernant les troubles et affections héréditaires mais également le développement d’hypertypes34. L’idée n’est pas de mettre en place un régime d’interdiction d’élevage de certaines races mais de promouvoir des combinaisons judicieuses/raisonnables. Tel n’est pas le cas du chat « Fold » qui, compte tenu des souffrances chroniques qu’il endure du fait de l’ostéochondrodysplasie congénitale35 dont il est nécessairement affecté, fait l’objet d’une interdiction d’élevage36.
Le gouvernement flamand bénéficie d’une délégation qu’il a déjà exploitée via l’adoption d’un arrêté du 31 mai 2024 relatif à l'élevage des chiens et des chats et aux conditions de délivrance des pedigrees37. Les mesures mises en place entendent promouvoir la diversité génétique au sein des différentes races existantes en vue de réduire le risque de maladies héréditaires38.

B. Animaux détenus par des professionnels

18. L’article 17 CFBEA concerne la mise en place d’un régime d’autorisation préalable à l’exercice d’une série d’activités spécifiques. Il reprend, en substance, le régime mis en place via la loi de 1986 en y apportant quelques modifications.
Concrètement, l’exploitation d’un élevage de chiens et/ou de chats, d’un refuge pour animaux, d’une pension39 pour animaux, d’un établissement commercial pour animaux et d’un parc zoologique nécessite l’obtention d’un agrément préalable. Via l’adoption de différents arrêtés40, le gouvernement a fixé une série de conditions d’agrément et d’exploitation de ces activités, des conditions de compétence du personnel de ces structures ainsi que les modalités de retrait de l’agrément.
Les centres d’accueil pour les animaux sauvages exotiques en situation de détresse ainsi que les centres d’éducation pour chiens d’interventions seront également intégrés à la liste des établissement soumis à l’octroi préalable d’un agrément. C’est ce qui résulte de la lecture combinée des articles 79 et 86, 1° CFBEA et implique l’adoption d’un arrêté du Gouvernement flamand qui en fixera par ailleurs l’encadrement spécifique.
Se calquant sur le Code wallon (art. D.28, §1er, alinéa 2), l’article 17 CFBEA prévoit une disposition fourre-tout permettant de soumettre à agrément préalable d’autres établissement. Il pourrait s’agir, par exemple, d’agréer les fermes pédagogiques, les bars à animaux ou le ‘puppy yoga’. Il vise également la possibilité de soumettre à un enregistrement (en lieu et place de l’agrément) les structures de capacité limitée.
Enfin, il est interdit d’exploiter un établissement agréé lorsque la fermeture judiciaire de l’établissement a été ordonnée par le tribunal.
19. L’article 18 CFBEA consacre le recours aux « familles d’accueil ». Au regard de la surpopulation quasi-systématique des refuges, de l’incapacité de prendre en charge une série d’animaux, voire de l’euthanasie systématique de certaines espèces, il a été décidé de permettre aux refuges de travailler avec des familles d’accueil. Il s’agit d’une personne qui va accueillir un ou plusieurs animaux pour le refuge pendant une période limitée, ailleurs que dans le refuge. La famille d’accueil est une sorte d’extension du refuge et est soumise aux mêmes règles. Le refuge doit tenir un registre des familles d’accueil avec lesquelles il collabore. L’encadrement de ces familles d’accueil est actuellement fixé à l’article 26/12 de la version flamande de l’arrêté royal du 27 avril 200741.
20. L’article 19 CFBEA met en place une forme de subventionnement structurel des refuges pour animaux42 et des centres d’accueil43 pour les animaux sauvages exotiques en situation de détresse. Les montants seront alloués en fonction des crédits budgétaires disponibles et tendent à professionnaliser44 davantage ces structures. Actuellement, une enveloppe de 2 millions d’euros serait allouée aux refuges45.
21. L’article 20 CFBEA s’inscrit dans la continuité de la loi de 1986 en maintenant l’interdiction de créer ou d’exploiter des établissements où sont détenus des animaux en vue de la production de fourrure. Cette interdiction étant relativement récente (2019), les dispositions transitoires ont également été intégrées dans le Code, à l’article 82, en prévoyant un régime de compensation financière pour la fermeture de l’établissement ou sa reconversion, pour autant que l’activité ait cessé avant le 1er décembre 202346.
22. L’article 21 CFBEA se concentre sur la détention de cétacés et a suscité de nombreux débats. Si la Région wallonne (art. D.21, 1° du Code wallon) et la Région bruxelloise (art. 3 bis, §4 de la version bruxelloise de la loi de 1986) ont pu facilement interdire la détention de cétacés en l’absence de delphinarium dans ces régions, la question est beaucoup plus épineuse en Région flamande qui compte un établissement de ce type.
Le régime mis en place pose immédiatement le principe de l’interdiction de détention de cétacés en captivité. Deux dérogations sont ensuite immédiatement créées. Il s’agit tout d’abord de permettre la détention temporaire, par des centres d’accueil spécialisés, de cétacés sauvages blessés et malades en vue de les remettre en état et de les relâcher dans leur milieu naturel. Selon le ministre en charge du Bien-être animal, cela concernerait principalement des marsouins qui échouent régulièrement sur les côtes de la mer du Nord47.
Il s’agit ensuite d’une dérogation au profit du seul delphinarium de la Région flamande, le Boudewijn Seapark de Bruges. Plusieurs conditions sont mises en place :
- les animaux ne peuvent être détenus qu’à l’endroit où le delphinarium est établi au jour de l’entrée en vigueur du Code. La relocalisation en Flandre est interdite ;
- le delphinarium ne pourra poursuivre ses activités sur le site existant que s’il respecte les conditions supplémentaires qui seront mises en place par le Gouvernement flamand (il s’agit notamment de la construction d’un bassin extérieur pour le 1er janvier 2027).
Il est par ailleurs interdit à ce delphinarium d’élever ou d’importer de nouveaux cétacés à moins que le nombre d’individus ne soit réduit à 6.
Cette seconde dérogation au profit du Boudewijn Seapark s’appliquera jusqu’à ce que le Gouvernement flamand constate, sur avis du Conseil flamand du bien-être des animaux48, qu’un autre mode d’hébergement de ces animaux est possible et offre des garanties d’amélioration significative de leur bien-être. L’avis du Conseil ne pourra être remis qu’après une évaluation décennale de la dérogation à compter du 1er janvier 2027 et, dès lors, en 2037.
Les parlementaires ont vivement critiqué le système mis en place en précisant qu’il était susceptible de permettre indéfiniment au parc de poursuivre ses activités, en critiquant le nombre de 6 dauphins ainsi que la durée des périodes d’évaluation qu’ils auraient voulu annuelle ou quinquennale mais également en arguant qu’il serait envisageable de déplacer les animaux en Grèce (dans la baie de Lipsi)49. En réaction, le ministre a concédé que la solution proposée n’était pas idéale mais réaliste car le bien-être des dauphins sera renforcé en imposant de nouvelles conditions au parc et parce que l’alternative de la baie de Lipsi n’est pas encore disponible actuellement. Il a également précisé qu’au regard des investissements demandés au parc, ce dernier doit avoir la certitude de pouvoir poursuivre ses activités pendant un certain temps. A défaut, il devrait fermer ses portes et les dauphins seraient transférés dans un autre delphinarium, ce qui ne présente aucun intérêt pour le bien-être de ces animaux50.
23. L’article 22 CFBEA porte une interdiction d’élevage de poules dans des cages. Les travaux préparatoires précisent que cette interdiction ne s’oppose pas à la compartimentation ni à la séparation temporaire des animaux concernés. En outre, l’installation de gradins dans des volières ouvertes est tout à fait envisageable51.
Cette interdiction entrera en vigueur le 1er janvier 2036 (art. 86,4° CFBEA) afin de permettre aux exploitants de réorienter leurs activités et/ou de prévoir les aménagements utiles. Ce délai tient compte de la période d’amortissement liée au financement de ces cages52. En revanche, pour ce qui concerne les exploitants qui souhaitent mettre en service des systèmes de cages pour la première fois (et dont la demande de permis n’a pas été introduite avant le 14 juillet 2023) ou remplacer leurs cages avant le 1er janvier 2036, alors l’interdiction entrera en vigueur dès le 1er janvier 2025. Enfin, pour les exploitants dont la période d’amortissement n’est pas encore atteinte au 1er janvier 2036, le Gouvernement flamand pourrait mettre en place des mesures d’accompagnement.
24. L’article 23 CFBEA met en place un régime de subventionnement structurel dans le cadre des régimes d’aide de la politique agricole commune (et dans la limite des crédits budgétaires disponibles) en vue de promouvoir l’application d’activités agricoles et de transformation primaire pour autant qu’elles contribuent positivement au bien-être des animaux.

C. L’utilisation des animaux

25. L’article 24 CFBEA porte une série d’interdictions qui sont reprises, en grande partie, de la loi de 1986.
Le 1° porte sur l’interdiction d’organiser des combats d’animaux ou des exercices de tir sur des animaux. Une nouveauté vise la coopération à ce type d’événement y compris par un « élevage ciblé ». La personne qui élève, par exemple, un chien ou un coq en vue de le faire participer à des combats d’animaux est donc passible de poursuites.
Le 2° interdit l’utilisation d’animaux à des fins de dressage, mise en scène, publicité ou à d’autres fins similaires pour autant que cela entraine des douleurs, souffrances ou lésions évitables ou parce que cela porte atteinte à l’animal d’un point de vue physiologique ou éthologique.
Le 3° interdit de « pratiquer des actes sexuels avec des animaux » afin d’élargir le champ d’application de l’interdiction qui, sous l’empire de la loi de 1986, visait le fait d’avoir des « relations sexuelles » avec des animaux. A notre estime, cet « élargissement » n’a pas pour effet de viser les actes/manipulations nécessaires aux soins des animaux ou pour la reproduction/amélioration de la race (insémination artificielle et fouille, par exemple).
Le 4° interdit d’exciter la férocité d’un animal en le dressant contre un autre animal.
Le 5° interdit d’imposer à un animal un travail dépassant ses capacités naturelles.
Le 6° interdit d’administrer à un animal une substance susceptible d’influencer ses prestations ou qui sont de nature à empêcher le dépistage de produits stimulants. On songe essentiellement aux courses de chiens et de chevaux ainsi qu’aux activités de colombophilie.
Le 7° interdit de teindre ou de colorer artificiellement des animaux, de les détenir et de les commercialiser. Les travaux préparatoires précisent que cela ne s’applique pas aux colorations fonctionnelles temporaires et limitées telles que le marquage d’un animal de rente effectué dans le cadre de l’activité d’élevage afin de pouvoir identifier l’animal ou pour assurer la sécurité des animaux53. Il nous semble toutefois que la base légale de l’interdiction devrait spécifiquement prévoir une exception pour ce type de cas comme le fait l’article D.39, alinéa 1er, 8° et alinéa 254 du Code wallon.
Le 8° interdit d’organiser ou de participer à une course de chevaux sur la voie publique lorsque le revêtement du sol est constitué d’asphalte, béton, pavés, clinkers ou de tout autre matériau dur. Aucune modification n’est intervenue par rapport à la loi de 1986 et il s’agit ici, pour la Région flamande, d’un sujet extrêmement sensible car des courses de chevaux sont organisées chaque année, en pleine ville, depuis plus d’un siècle. Afin de contourner l’interdiction, une couche de sable est déposée sur le parcours pour que celui-ci ne puisse être considéré comme étant en matériaux durs. Ces courses font l’objet de vives critiques au regard des chutes et glissades qui sont régulièrement dénombrées.
Le 9° interdit d’utiliser des équidés dans un hippodrome. Il s’agit spécifiquement des installations utilisées dans les foires et autres événements similaires dans lesquels les équidés sont montés par le public (généralement de jeunes enfants) et tournent en rond. Il s’agit d’une interdiction relativement récente qui a été adoptée par les trois régions55.
26. L’article 25 CFBEA octroie au Gouvernement flamand la possibilité de fixer des mesures spécifiques en vue d’assurer le bien-être des animaux utilisés dans des expositions, démonstrations, dressages, mises en scène, publicités, concours et entraînements lors de foires ou en d’autres occasions pour le divertissement du public. Il s’agit d’une délégation plus précise que celle fixée dans la loi de 1986. A ce stade, il n’existe qu’un seul arrêté d’exécution, adopté lorsque la matière relevait encore de la compétence de l’autorité fédérale, concernant les compétitions d’animaux56.
27. L’article 26 CFBEA maintient le régime de la loi de 1986 concernant les cirques et les expositions itinérantes. Ces structures ne peuvent utiliser que des animaux domestiques dont la liste est établie par arrêté. Ces établissements font par ailleurs l’objet d’un encadrement via le même arrêté que celui fixant la liste précitée57.

III. Le commerce d’animaux

28. L’article 27 CFBEA porte une interdiction de commercialiser des animaux sur la voie publique ou sur les marchés. Il s’agit d’un renforcement de la protection animale en demi-teinte puisque l’alinéa suivant met en place une série de dérogations qui semblent priver l’interdiction initiale d’utilité. En effet, une dérogation est prévue pour les foires annuelles, bourses, expositions et les marchés organisés au minimum huit fois par an. Afin de pas opérer un recul par rapport au régime antérieur, il est précisé que ces dérogations ne s’appliquent pas à la commercialisation des chiens et des chats.
Les travaux préparatoires justifient l’interdiction de principe au regard :
- du stress lié au transport inutile des animaux, à des conditions de logement rudimentaires, à un environnement peu familier ainsi qu’à l’exposition à la foule et à la proximité de personnes souvent inconnues ;
- du risque d’acquisitions impulsives et de la difficulté de respecter les besoins physiologiques et éthologiques des animaux.
L’interdiction concerne tous les animaux vertébrés (même les animaux de rente) et entrera en vigueur le 1er janvier 2026 (art. 86, 5° CFBEA) afin de permettre aux opérateurs de réorganiser ou réorienter leurs activités. Le seul marché aux bestiaux encore en activité en Flandre est donc bien concerné par cette nouvelle interdiction58.
Compte tenu de la justification donnée pour l’interdiction de commercialisation sur les marchés, plusieurs députés ont estimé qu’il était nécessaire de supprimer la dérogation permettant de commercialiser des animaux sur les marchés organisés au maximum 8 fois par ans. Les atteintes au bien-être des animaux concernés sont effectivement similaires mais l’amendement déposé a été rejeté59.
29. L’article 28 CFBEA reprend une ancienne interdiction visant à éviter les acquisitions impulsives de chiens et de chats qui dispose qu’il est interdit de détenir ou d’exposer (en vue de les commercialiser) des chiens ou des chats dans l’espace commercial ou dans les annexes d’un établissement commercial pour animaux.
En Belgique, il n’est pas possible d’acheter un chien ou un chat dans un établissement commercial pour animaux. Ces animaux ne peuvent être commercialisés que dans un élevage de chiens ou de chats.
30. L’article 29 CFBEA encadre la publicité en vue de commercialiser des animaux et est reprise de la version flamande de la loi de 1986. Il y est précisé que la publicité en vue de la commercialisation d’animaux ne figurant pas sur une liste positive est interdite. Cette interdiction s’applique également aux chiens et aux chats sauf si l’annonce est diffusée via une publication professionnelle60 (qu’il s’agisse d’un support papier ou numérique)61 ou lorsque la publicité émane d’un établissement agréé visé à l’article 17, comme un élevage de chiens ou de chats.
Il s’agit d’un régime lacunaire et peu protecteur au regard du dispositif mis en place en Wallonie62 et à Bruxelles63.
31. L’article 30 CFBEA comporte une série d’interdictions qui viennent en grande partie de la loi de 1986.
Le 1° interdit d’offrir ou d’accorder une réduction sous quelque forme que ce soit lors de la commercialisation d’un animal.
Le 2° interdit de proposer à la vente une animal sous forme de vente conjointe.
Le 3° interdit d’offrir un animal en tant que prix, récompense ou cadeau dans le cadre d’achats, concours, tirages au sort, paris et autres événements similaires. Une dérogation peut être octroyée par le Gouvernement flamand pour des cas particuliers, à l’occasion de fêtes, foires annuelles, concours ou autres manifestations à caractère professionnel ou assimilé. Il pourrait s’agir, par exemple, d’offrir un porcelet à celui qui remporte le concours du plus beau cochon lors d’une foire agricole.
Le 4° interdit de conclure un contrat de crédit en vue de l’acquisition d’un animal de compagnie64.
Le 5° interdit de céder (gratuitement ou contre rétribution) un animal à une personne âgée de moins de 18 ans ou de plus de 18 ans déclarée incapable sans disposer du consentement exprès des personnes titulaires de l’autorité parentale ou exerçant la tutelle sur cette personne.
32. L’article 31 CFBEA reprend une disposition de la loi de 1986 permettant au Gouvernement flamand de fixer des conditions de commercialisation des animaux. Ces conditions peuvent se rapporter notamment à l’âge, aux garanties à fournir par le vendeur ainsi qu’au pays d’origine de l’animal. Actuellement, ces conditions sont reprises dans l’arrêté royal du 27 avril 2007 portant les conditions d'agrément des établissements pour animaux et portant les conditions de commercialisation des animaux65.
33. L’article 32 CFBEA comporte une nouveauté intéressante en fixant les bases de l’encadrement de l’importation d’animaux en vue de leur adoption. En l’occurrence, le Code octroie au Gouvernement flamand la possibilité de mettre en place une obligation d’enregistrement et des conditions à destination de tout particulier ou association important des animaux de l’étranger en vue de leur adoption. Ces conditions peuvent notamment concerner la procédure d’enregistrement, le pays d’origine, les informations à fournir aux adoptants et la procédure d’adoption.
Il s’agit d’une thématique particulièrement délicate qui est décriée depuis de nombreuses années par les refuges pour animaux notamment du fait de leur saturation. Les arguments généralement invoqués pour justifier une limitation voire une interdiction d’importation d’animaux étrangers en vue de leur adoption sont les suivants :
- les problèmes de bien-être animal doivent avant tout être résolus dans le pays d’origine ;
- la Belgique reste confrontée à une surpopulation d’animaux dans les refuges ;
- l’introduction d’animaux en provenance de l’étranger n’est pas sans risque pour la santé animale et publique ;
- cela ouvre la voie à des trafics d’animaux.
Les travaux préparatoires précisent d’ailleurs que les chiens errants et de refuge importés via des associations a fortement augmenté ces dernières années et le risque de problèmes comportementaux et sanitaires constitue une préoccupation majeure. En outre, dans leur pays d’origine, les chiens n’ont pas toujours le statut de « chien de famille » et sont dès lors moins bien traités. Pour ces animaux recueillis par des associations, on a pu constater des troubles du comportement plus élevés qu’ailleurs (stress, peur de l’homme, etc.). A cela s’ajoute le fait que l’adoption d’un animal à distance (sur la base d’une photo et d’une description), sans sélection rigoureuse du candidat à l’adoption, augmente le risque d’acquisition impulsive66. A ce titre, la recommandation du Conseil flamand du bien-être des animaux est de n’importer que des chiens de famille socialisés et en bonne santé67.

IV. Le transport d’animaux

34. L’article 33 CFBEA s’inscrit dans la continuité de ce que prévoyait la loi de 1986 en octroyant une délégation au profit du Gouvernement flamand en vue de l’encadrement des conditions de transport des animaux. Une nouveauté résulte de la possibilité donnée au Gouvernement flamand de fixer les conditions relatives à la température à laquelle le transport des animaux peut avoir lieu. En application du règlement 1/200568 relatif à la protection des animaux durant le transport, délégation est donnée au Gouvernement flamand pour fixer la procédure relative au certificat d’agrément des moyens de transport, celle relative à l’autorisation de transport ainsi que les modalités d’agrément des postes de contrôle.
35. L’article 34 CFBEA interdit d’envoyer ou de faire envoyer un animal par la poste ou via un service de colis. Il est, en revanche, toujours possible de livrer un animal via un transporteur spécialisé. Le fait que l’éleveur de chien livre le chiot au domicile de l’acheteur est donc toujours autorisé69.

V. Importation et transit d’animaux

36. L’article 35 CFBEA permet au Gouvernement flamand d’encadrer l’importation et le transit d’animaux. Il s’inscrit dans la continuité de la loi de 1986. A notre connaissance, aucun arrêté spécifique ne fixe cet encadrement à ce jour.

VI. Mise à mort d’animaux

37. L’article 36 CFBEA assure pour l’essentiel la continuité du cadre juridique mis en place dans la loi de 1986. Il porte le principe de l’étourdissement préalable à la mise à mort d’un animal vertébré70. Seule une personne possédant les connaissances et compétences nécessaires peut procéder à cette mise à mort. Il pourrait s’agir d’un vétérinaire et il est communément admis qu’un éleveur d’animaux de rente ou le titulaire d’un permis de chasse disposent des connaissances suffisantes. Le Code précise également que la méthode de mise à mort utilisée doit être la plus rapide, la plus sélective et la moins douloureuse pour l’animal.
Il existe par la suite des dérogations à l’obligation d’étourdissement préalable en cas de force majeure, lors de la pratique de la chasse et de la pêche ainsi que dans le cadre de la lutte contre les organismes nuisibles.
En ce qui concerne les abattages prescrits par un rite religieux, un procédé d’étourdissement préalable doit être appliqué mais il peut s’agir, dans ce contexte, d’un procédé d’étourdissement réversible (c’est-à-dire n’entrainant pas la mort de l’animal). Cette disposition introduite dans la version flamande de la loi de 1986 en 201771 a été validée par la Cour constitutionnelle72, la Cour de justice de l’Union européenne73 ainsi que la Cour européenne des droits de l’homme74. En l’occurrence l’étourdissement réversible utilisé est l’électronarcose.
L’article 84 CFBEA maintient le régime transitoire appliqué par la loi de 1986 concernant l’étourdissement des bovins : l’étourdissement peut avoir lieu immédiatement après la saignée (méthode dite du « soulagement » ou « post-cut stunning ») jusqu’à la date à laquelle le Gouvernement flamand déterminera que l’étourdissement réversible est praticable sur les bovins. En ce qui concerne les veaux, l’étourdissement préalable lors de l’abattage rituel est obligatoire depuis le 1er janvier 2020 sur la base d’un arrêté du gouvernement flamand du 26 avril 2019 relatif à l’abattage des veaux75. Pour comprendre ce que l’on entend par « veaux », il faut consulter l’avis du Conseil d’État remis sur le projet d’arrêté dans le cadre duquel le délégué a précisé qu’il s’agissait des animaux âgés de moins de 12 mois76. On relèvera qu’en Région wallonne, aucun régime transitoire n’a été prévu concernant les bovins (voyez l’article D.57, §1er, alinéa 2 du Code wallon). A Bruxelles, le projet de Code a fait l’objet d’un blocage politique au regard de la crainte que cette question soit débattue avant les élections77.
38. L’article 37 CFBEA introduit une nouveauté en interdisant l’abattage des poussins d’un jour. Le poussin d’un jour est, selon les travaux préparatoires, le poussin âgé de 72 heures au maximum78. Cette interdiction entrera en vigueur à une date fixée par le Gouvernement et plus spécifiquement lorsque la détermination du sexe des poussins dans l’œuf sera possible avant le douzième jour d’incubation.
Lors des discussions concernant cette interdiction, il a été précisé que plusieurs techniques existent mais que plusieurs lacunes majeures empêcheraient une large diffusion de ces systèmes : certaines techniques ne sont pas applicables à tous les œufs, le pourcentage de fiabilité est parfois trop faible, le temps d’analyse est parfois trop long (il peut varier de 20 minutes à une heure par œuf), des techniques fonctionnent trop tard au regard de la souffrance pouvant être éprouvée par le poussin et la faisabilité économique rend les procédés impraticables79. Le ministre du Bien-être animal s’est cependant montré confiant, précisant que des percées dans le domaine sont attendues encore cette année80. On notera que la Flandre est la seule région de Belgique à mettre à mort les poussins (environ 65 000 par jour), ce qui explique qu’en Wallonie, l’interdiction de broyage des poussins a facilement été adoptée81.
39. L’article 38 CFBEA comporte également une nouveauté. Il s’agit de l’interdiction d’utiliser certaines techniques en vue de l’extermination des rats et des souris. L’article interdit tout d’abord les produits dont le principe actif est un adhésif permettant l’immobilisation des animaux. Cela concerne les pièges à colle dont l’interdiction a été mise en place en Wallonie (art. D.39, alinéa 1er, 12° du Code wallon) et à Bruxelles (art. 36, alinéa 1er, 22° de la version bruxelloise de la loi de 1986). Les experts s’accordent pour dire qu’il s’agit d’une méthode de piégeage particulièrement cruelle, les animaux pouvant mourir de faim et de soif, d’épuisement ou se ronger certaines parties du corps pour tenter de se libérer82.
La deuxième interdiction porte sur la noyade sans étourdissement préalable des rats et des souris. Compte tenu de la nécessité de perfectionner les techniques en vigueur83, cette interdiction entrera en vigueur à une date qui sera fixée ultérieurement par le Gouvernement flamand (art. 86, 1° du Code).
40. L’article 39 CFBEA s’inscrit dans la continuité de ce qui était prévu dans la loi de 1986 en permettant au Gouvernement flamand de fixer les conditions dans lesquelles les méthodes d’étourdissement doivent être appliquées, relatives à l’aménagement et à l’équipement des abattoirs, etc.
La nouveauté introduite au paragraphe 3 est l’interdiction d’abattage à domicile pour la consommation privée des porcs, chèvres et moutons. Les équidés et les bovins ne peuvent être abattus en dehors d’un abattoir en vertu de la législation sanitaire, raison pour laquelle ils ne sont pas visés par cette interdiction. Ces abattages ne peuvent avoir lieu que dans un abattoir agréé. On relèvera par ailleurs que les lapins, les lièvres et les volailles ne sont pas concernés par cette interdiction au motif qu’il s’agit d’animaux de petite taille dont les opérations de mise à mort et d’abattage seraient moins complexes84.
Deux catégories de personnes ne se voient pas appliquer cette interdiction. Il s’agit tout d’abord des agriculteurs et, ensuite, des personnes titulaires d’un certificat d’aptitude professionnelle délivré par le département de l’Environnement et de l’Aménagement du territoire pour autant que cette personne dispose de l’appareil d’étourdissement (par exemple, le matador). Le texte précise que ce certificat d’aptitude est délivré après avoir suivi une formation spécifique et la réussite d’un examen indépendant. L’article 86, 6° CFBEA fixe une disposition transitoire spécifique : l’article 39, §3 entrera en vigueur le 1er janvier 2025 mais les personnes souhaitant invoquer l’exception, en tant que titulaires d’un certificat d’aptitude, auront jusqu’au 1er janvier 2026 pour obtenir ledit certificat.
On relèvera que le Code wallon ne porte pas une telle interdiction d’abattage à domicile. A Bruxelles, en revanche, cette interdiction existe depuis 201885 (art. 16bis de la loi de 1986) et ne prévoit aucune exception.
41. L’article 40 CFBEA porte une obligation nouvelle se rapportant au placement de caméras de vidéosurveillance dans les abattoirs. Si cette obligation est consacrée dans le Code, des accords avaient déjà été conclus avec le secteur en 2017 et en 2018 afin que les abattoirs s’engagent à installer des caméras à des endroits stratégiques en vue de permettre le contrôle du respect du bien-être des animaux86. Si ces accords prévoient que les images doivent être conservées pendant 14 jours, le Code fixe quant à lui ce délai à 40 jours. Le Gouvernement flamand peut notamment déterminer les endroits où ces caméras doivent être installées ainsi que les modalités de la surveillance par caméra. Cette disposition entrera en vigueur à la date qui sera fixée par le Gouvernement flamand.
Il est intéressant de relever le questionnement opéré par le Conseil d’État87 au sujet de cette obligation. Selon ce dernier, le règlement 1099/2009 relatif à la protection des animaux au moment de leur mise à mort88, directement applicable en Belgique, ne mentionne pas ce système de vidéosurveillance mais l’obligation portée par le Code flamand ne semble pas pouvoir être considérée comme une règle nationale plus stricte au sens de l’article 26, §2 de ce règlement. Il recommande dès lors au législateur flamand de prendre contact avec les services de la Commission européenne pour être fixé sur la question de savoir si cette disposition est conforme au règlement 1099/2009. Les travaux préparatoires précisent qu’une notification sera effectuée auprès de la Commission après l’adoption du Code89. On peut à ce stade relever qu’un régime comparable a été mis en place à l’article D.58 du Code wallon et que d’autres pays européens ont également imposé ce type de dispositif comme l’Espagne et les Pays-Bas.

VII. Interventions sur les animaux

42. Le chapitre VII relatif aux interventions sur les animaux s’inscrit dans la continuité du régime mis en place dans la loi de 1986. Ainsi, l’article 41 CFBEA commence par préciser que le chapitre relatif aux interventions ne s’applique pas au chapitre relatif à l’expérimentation animale. Un encadrement spécifique est effectivement prévu dans ce contexte.
43. L’article 42 CFBEA, quant à lui, pose le principe de l’interdiction d’effectuer sur un vertébré une intervention impliquant l’amputation ou la lésion d’une partie sensible de son corps. Cette interdiction ne s’applique cependant pas dans trois cas de figure :
1° l’intervention est nécessaire d’un point de vue vétérinaire ;
2° l’intervention est obligatoire en vue de la lutte contre les maladies des animaux ;
3° il s’agit d’une intervention en vue de l’exploitation utilitaire de l’animal ou pour limiter la reproduction de l’espèce. Sur ce dernier point, il revient au Gouvernement flamand de dresser la liste de ces interventions et de déterminer les cas dans lesquels elles peuvent être effectuées ainsi que leurs modalités d’exécution. Il existe un arrêté royal du 17 mai 200190, adopté lorsque la matière était gérée par l’autorité fédérale, qui a, depuis lors, fait l’objet de petites modifications en fonction de la région considérée. On peut ainsi notamment y lire que la coupe de la queue des chiens était autorisée jusqu’au 1er janvier 2006 et que l’anesthésie n’était pas requise pendant les 4 premiers jours de vie.
44. L’article 43 CFBEA précise quant à lui qu’aucune intervention douloureuse ne peut être réalisée sans anesthésie pratiquée par un vétérinaire. Il énumère les cas dans lesquels une anesthésie n’est cependant pas nécessaire : lorsqu’on procède de manière semblable sur les humains sans anesthésie et si l’anesthésie n’est pas réalisable selon l’avis du vétérinaire. Enfin, le Gouvernement flamand bénéficie d’une délégation lui permettant de définir les cas dérogatoires dans lesquels l’anesthésie n’est pas nécessaire. Ces dérogations sont traduites dans l’arrêté royal de 2001 susmentionné.
45. L’article 44 CFBEA porte une interdiction de faire participer ou d’admettre à des expositions91, expertises92 ou concours93 un animal ayant subi une intervention interdite. Cette interdiction a été introduite en droit belge en 199594 car l’interdiction pure et simple d’amputation est insuffisante pour mettre un terme à cette pratique. Cette interdiction est applicable que l’intervention ait été pratiquée en Région flamande, dans une autre région ou à l’étranger. Cette interprétation a été validée par la Cour de cassation95.
Cette interdiction s’applique également à l’animal ayant subi une intervention nécessaire d’un point de vue vétérinaire après le 15 avril 2018 et est née du constat, essentiellement en ce qui concerne les queues des chevaux et les oreilles des chiens, que de nombreux certificats vétérinaires de complaisance étaient émis pour justifier des amputations interdites96. Afin d’enrayer cette problématique (relevant essentiellement d’un phénomène de mode), le législateur n’a eu d’autre choix que de mettre en place cette interdiction. Une disposition comparable a été adoptée en Wallonie (art. D.38 du Code wallon) et était prévue dans le projet de Code bruxellois (art. 7.3). Les dispositions flamande97 et wallonne98 ont été attaquées devant la Cour constitutionnelle qui a validé le dispositif en précisant que « le fait d’imposer des mesures moins extrêmes, comme un contrôle renforcé des attestations vétérinaires, ne permet pas de garantir le niveau minimum de bien-être qu’il souhaitait atteindre »99.
Enfin, il est prévu que l’animal ayant subi une amputation interdite ne peut être commercialisé.

VIII. Produits non-respectueux des animaux

46. L’article 45 CFBEA permet au Gouvernement flamand de restreindre ou d’interdire l’utilisation ou la commercialisation de produits destinés aux animaux lorsqu’ils nuisent à leur bien-être. Le Gouvernement peut également, dans ce contexte, restreindre ou interdire la publicité pour son utilisation ou sa commercialisation. Les travaux préparatoires semblent viser, à ce stade, des enclos, cages et locaux qui ne conviennent pas à l’espèce animale concernée ainsi que les pièges à colle100.
En Région wallonne, il est possible de réglementer l’utilisation de certains produits et accessoires (art. D.40 du Code wallon) mais pas de restreindre la publicité ni le commerce de ceux-ci. En l’occurrence, plusieurs produits font l’objet d’une interdiction d’utilisation ou d’un encadrement de cette utilisation via un arrêté du 15 décembre 2022101 (les colliers électriques/étrangleurs/à pointes, l’aquarium boule et la muselière sont notamment concernés).

IX. Expérimentation animale

47. Le Code flamand comporte un chapitre 9 qui se consacre à la thématique de l’expérimentation animale. S’agissant de la transposition de la directive 2010/63 relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques102, nous n’aborderons pas ce chapitre car il n’est pas possible d’aller plus loin dans la protection que ce que prévoit cette directive. C’est d’ailleurs ce qu’a confirmé le Conseil d’État lorsqu’il a été appelé à remettre un avis sur un projet d’arrêté bruxellois envisageant d’interdire l’expérimentation animale sur les singes, les chiens et les chats103.

X. Le conseil flamand du bien-être animal

48. Les articles 61 et 62 CFBEA encadrent la composition104 et les missions du Conseil flamand du bien-être des animaux. Il s’agit d’une instance d’avis en charge de conseiller le Gouvernement flamand sur les mesure à prendre en vue de renforcer la protection et le bien-être des animaux. Ses avis sont publiés sur le site Internet de l’administration en charge du bien-être animal105.
Avant la régionalisation de la matière, il existait un conseil fédéral du bien-être des animaux. Depuis lors, chaque région s’est dotée de son propre conseil.

XI. Fonds flamand pour le bien-être animal

49. L’article 63 CFBEA porte sur la création d’un fonds budgétaire en matière de bien-être animal. Il précise quelles sont les entrées (amendes administratives, dons et legs, etc.) et à quelles fins les recettes du fonds peuvent être affectées (frais de sensibilisation du public, frais de personnel, octroi de subventions, etc.).

XII. Contrôle, exécution et sanction

50. Le chapitre 12 comporte une série de dispositions relatives au constat des infractions, aux mesures qui peuvent être prises ainsi qu’aux sanctions et mesures d’exécution pouvant être ordonnées. Nous nous concentrerons sur les dispositions les plus intéressantes.
51. L’article 64 CFBEA précise tout d’abord quels sont les services compétents pour constater les infractions au Code. Il s’agit, d’une part, des membres de la police (locale et fédérale) et, d’autre part, des membres de l’administration flamande en charge du bien-être des animaux106 qui se compose essentiellement de vétérinaires.
Cette disposition précise également que chaque zone de police doit désigner un référent Bien-être animal. La police étant compétente pour constater toutes les infractions pénales, on remarque en pratique que, souvent, les policiers ne maitrisent pas la législation applicable en matière de bien-être animal. Le référent est destiné à être un « spécialiste » de la matière et pourra partager son expertise auprès de ses collègues afin d’assurer une meilleure prise en charge des animaux. Actuellement, de nombreuses zones de police compteraient déjà sur l’appui d’un tel référent. Le ministre du Bien-être animal a par ailleurs précisé que ce référent bénéficierait d’une formation spécifique qui sera proposée par les autorités flamandes107. Si cette disposition est intéressante et s’il semble matériellement possible pour la Région flamande de l’adopter, en pratique, la région aura une marge de manœuvre très limitée pour faire respecter cette prescription. Un régime d’incitation (financière) nous semble être le meilleur moyen de pouvoir compter sur la présence d’au moins un référent par zone.
Le paragraphe 2 de l’article 64 met à la disposition de la police et des agents de l’administration flamande plusieurs outils en vue de mener à bien leur enquête. Ils ont tout d’abord la possibilité de se faire remettre toute information ou document utiles à l’accomplissement de leurs missions et peuvent procéder à toutes les constatations utiles. Ils ont également accès à tout lieu (moyen de transport, terrain, entreprise, local) où sont détenus/utilisés des animaux. Lorsque ces lieux constituent un domicile, ils ne peuvent y accéder qu’entre 5 heures et 21 heures pour autant qu’ils disposent d’une autorisation du tribunal de police. Ils peuvent également accéder à ces lieux s’ils disposent du consentement de la personne ayant la jouissance des lieux ou à sa demande. Les policiers et les agents de l’administration peuvent également être assistés par un expert lors de leurs contrôles, procéder à l’audition du suspect ou de toute autre personne utile, mais également prendre toute mesure utile en vue de faire respecter le Code, ses arrêtés d’exécution ou les réglementations européennes directement applicables (fournir immédiatement de l’eau à un animal, solliciter l’intervention d’un vétérinaire en urgence, faire déplacer un animal exposé à des conditions climatiques défavorables, etc.). Le paragraphe 3 leur permet également de procéder à des constatations à l’aide de moyens audiovisuels mais également d’utiliser le matériel provenant d’un tiers si ce dernier a obtenu ou créé ledit matériel de manière licite.
Le paragraphe 4 précise que les procès-verbaux établis par la police et les agents de l’administration bénéficient d’une force probante particulière : ils font foi jusqu’à preuve du contraire. Si cela n’est pas neuf pour ce qui concerne les agents de l’administration (ce qui est d’ailleurs d’application dans les deux autres régions), il n’en va pas de même pour la police. Pour cette dernière, les procès-verbaux valent habituellement à titre de simple renseignement. Afin de disposer de la force probante particulière, le procès-verbal doit être communiqué au suspect, au plus tard, dans un délai de 15 jours à compter de la clôture du procès-verbal.
Le paragraphe 4 permet également à la police ainsi qu’aux agents administratifs de dresser, uniquement si cela concerne la violation du règlement 1/2005, un procès-verbal sur la base de constatations effectuées par des organismes de contrôle officiels à l’étranger pour autant que ces infractions aient été commises sur le territoire de la Région flamande. A titre d’exemple, il pourrait s’agir d’un animal transporté de la Région flamande vers un abattoir des Pays-Bas alors que cet animal n’était pas en condition pour être transporté108.
Il résulte de la lecture du paragraphe 5 que, outre l’envoi au suspect, le procès-verbal doit être envoyé au fonctionnaire en charge d’infliger une sanction administrative. Ce fonctionnaire est lui-même chargé d’adresser ce procès-verbal au ministère public. Nous verrons ci-après que des poursuites judiciaires ou administratives sont susceptibles de sanctionner les comportements infractionnels.
Le paragraphe 6 concerne uniquement les agents de l’administration qui peuvent, lorsqu’ils constatent une infraction, dresser un procès-verbal d’avertissement par lequel l’auteur des faits est sommé de mettre un terme à l’infraction dans le délai qui sera fixé par l’agent. Il pourrait, par exemple, s’agir d’identifier un chien dans les 15 jours, de faire stériliser un chat dans le mois, de nettoyer ou de mettre à disposition l’abri d’un chien ou d’un cheval, etc. Si l’auteur des faits régularise la situation infractionnelle, il pourra ainsi éviter des poursuites (pénales ou administratives).
Enfin, le paragraphe 7 interdit à toute personne d’entraver les compétences de la police ou des agents de l’administration. Il pourrait s’agir, par exemple, d’empêcher la police d’accéder aux lieux ou de menacer un agent à l’aide d’une arme.
52. L’article 65 CFBEA permet à l’administration (département Environnement) de désigner des vétérinaires indépendants en vue de réaliser des contrôles en certains lieux spécifiques comme les abattoirs et les exploitations agricoles. Les constatations de ces vétérinaires serviront de base à l’établissement de procès-verbaux par la police ou les agents de l’administration.
53. L’article 66 CFBEA décrit les peines encoures en cas de non-respect du Code, de ses arrêtés d’exécution ou des règlements et décisions européens. En l’occurrence, toute infraction est passible d’une peine d’emprisonnement de 8 jours à 5 ans et/ou d’une amende de 52 euros à 100 000 euros. Il convient d’appliquer au montant de l’amende les décimes additionnels109 (multiplication par 8) de sorte que le montant maximum de l’amende s’élève en fait à 800 000 euros. En cas de récidive dans les 5 ans, l’article 67 CFBEA double le taux la peine : jusqu’à 10 ans d’emprisonnement et/ou 200 000 euros d’amende (1,6 million). En outre, le montant de la peine ne pourra, dans ce cas, pas être inférieur à 200 euros (1 600 euros).
54. L’article 68 CFBEA permet au tribunal compétent de prendre, à côté de l’emprisonnement et/ou de l’amende, une mesure de sécurité. Elles sont au nombre de trois.
La première vise la fermeture, définitive ou temporaire (1 mois à 5 ans), de l’établissement dans lequel les infractions ont été commises.
La deuxième vise l’interdiction, définitive ou temporaire (1 mois à 5 ans), de détenir des animaux d’une ou plusieurs espèces. Afin d’éviter que cette interdiction ne soit contournée en enregistrant l’animal au nom d’une autre personne, la disposition précise spécifiquement qu’il importe peu que l’animal soit enregistré (ou pas) au nom de l’auteur des faits. Si la mesure est plus complète que sous l’empire de la loi de 1986, le Code flamand gagnerait à s’inspirer de la mesure (certes imparfaite) prévue en Wallonie : lorsqu’une interdiction de détention est prononcée, l’auteur des faits ne peut plus détenir « directement, indirectement ou par personne interposée »110 les animaux concernés. Cela signifie que l’époux ou le conjoint vivant sous le même toit n’est plus autorisé à détenir des animaux. L’absence de nuance de la disposition implique qu’il devrait en aller de même du colocataire et ce, même si l’auteur des faits ne s’occupe pas de l’animal.
La troisième vise la limitation, définitive ou temporaire (1 mois à 5 ans), du nombre d’animaux d’une ou de plusieurs espèces pouvant être détenues. Cette disposition cible plutôt les personnes qui détiennent un trop grand nombre d’animaux alors qu’aucune infraction ne serait à déplorer si elles s’étaient limitées à la détention d’un nombre plus restreint d’animaux.
55. L’article 70 CFBEA concerne les poursuites administratives en cas de non-respect du Code, de ses arrêtés d’exécution ou des réglementations européennes. Le fonctionnaire en charge de la sanction administrative est habilité à infliger une amende administrative à l’auteur des faits dont le montant ne peut être inférieur à la moitié du minimum, ni supérieur au maximum prévu à l’article 66 CFBEA. L’article 71 CFBEA précise que les décimes additionnel sont appliqués sur le montant de l’amende administrative qui doit dès lors être multipliée par 8.
Alternativement à l’amende administrative, le fonctionnaire peut proposer l’application d’une sanction alternative. Il en existe trois : le suivi d’une formation, l’exécution d’un travail d’intérêt général d’une durée minimale de 20 heures et de maximum 45 heures ou un accompagnement professionnel obligatoire en vue de remédier au problème de bien-être animal constaté. Ce régime est plus ciblé que celui qui a été fixé en Wallonie et présente le grand avantage de répondre à des écueils pratiques : dans de nombreux cas, l’auteur des faits est insolvable, la majorité des infractions sont involontaires et résultent d’une méconnaissance de l’animal. La mise en place de sanctions est éducative et est donc particulièrement intéressante en vue de prévenir la récidive.
56. Avant de pouvoir entamer des poursuites administratives, le fonctionnaire devra attendre la réaction du ministère public. Ce dernier dispose d’un délai de 3 mois à compter de la réception du procès-verbal pour décider d’entamer des poursuites judiciaires, de classer l’affaire sans suite ou de préciser au fonctionnaire qu’il peut entamer les poursuites administratives. En l’absence de réaction du ministère public, l’action pénale est éteinte et le fonctionnaire pourrait décider d’entamer les poursuites administratives. Un protocole pourrait être conclu avec le ministère public afin de déterminer, par avance, quels dossiers feront d’office l’objet de poursuites administratives.
En tout état de cause, le fonctionnaire dispose d’un délai de 3 ans à compter de l’infraction pour infliger la sanction administrative.
57. L’article 72 CFBEA permet à la police ainsi qu’aux agents de l’administration de procéder à la saisie des animaux négligés ou maltraités. Il ne s’agit pas d’une sanction mais d’une mesure de prévention destinée à protéger l’animal. La destination finale de l’animal sera fixée par le département Environnement qui dispose d’un délai de 60 jours à compter de la saisie pour prendre cette décision. Elle peut consister soit en la restitution au propriétaire (sous conditions ou non), la vente de l’animal, le don en pleine propriété à une personne physique ou morale (généralement un refuge) ou la mise à mort de l’animal. Le Gouvernement flamand a déjà fixé par arrêtés111 le montant de l’indemnité qui sera payée au refuge pour la prise en charge des animaux pendant la procédure de saisie.
58. Les articles 73 à 75 CFBEA traitent du recouvrement de l’amende en fixant une procédure spécifique.

Conclusions

De l’aveu même du ministre flamand du Bien-être animal, le texte n’est pas optimal mais représente un progrès en matière de bien-être animal112. En effet, si le Code flamand du bien-être des animaux comporte de nombreuses avancées, on peut regretter qu’il ne comporte pas plus de mesures innovantes, ce qui est d’autant plus prégnant lorsqu’on le compare au Code wallon du bien-être des animaux et au projet de Code bruxellois. Ainsi, par exemple, le Code flamand ne comporte aucune disposition sur le permis de détention d’animaux, il ne s’intéresse pas à la thématique des feux d’artifice et n’entend pas mettre un terme aux usines à chiots. Le sort des invertébrés, et en particulier des homards, n’a pas été pris en compte. On relèvera également qu’un certain nombre de dispositions manquent de clarté et risquent de susciter de nombreux débats jurisprudentiels (par exemple, l’omission d’agir et les souffrances causées sans nécessité ainsi que la coloration artificielle des animaux). A certains égards, on peut regretter la présence de « demi-mesures » comme celle interdisant de commercialiser les animaux sur des marchés sauf s’il s’agit d’un marché organisé au maximum 8 fois par an ainsi que l’existence d’une dérogation pour le maintien du delphinarium de Bruges dont la situation ne sera réévaluée que tous les 10 ans. En outre, l’entrée en vigueur de plusieurs mesures intéressantes est laissée à l’appréciation du Gouvernement qui pourrait ne jamais se positionner (la mise à mort des rats et des souris mais également des poussins d’un jour et la vidéosurveillance dans les abattoirs).
Il faut tout de même saluer l’insertion de mesures importantes comme l’interdiction d’utilisation et de commerce des colliers électriques, la mise en place d’une procédure de sélection des animaux reproducteurs afin d’éviter les hypertypes et affections héréditaires, l’interdiction d’élevage de poules dans des cages, la possibilité de restreindre ou d’interdire l’utilisation, le commerce et la publicité de produits qui nuisent au bien-être des animaux ainsi que la mise en place de peines éducatives.

  • 1 
  • 2 
  • L. sp. du 6 janvier 2014 relative à la Sixième Réforme de l'État, M.B., 31 janvier 2014, p. 8641.

  • 3 
  • L. du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux, M.B., 3 décembre 1986, p. 16382.

  • 4 
  • Décr. du 4 octobre 2018 relatif au Code wallon du Bien-être des animaux, M.B., 31 décembre 2018, p. 106772. A ce jour, seul le chapitre de la loi de 1986 relatif à l’expérimentation animale est encore en vigueur. Un arrêté d’exécution venant remplacer l’actuel arrêté royal du 29 mai 2013 relatif à la protection des animaux d'expérience devrait compléter l’abrogation de la loi de 1986 et faire entrer en vigueur le chapitre VIII du Code wallon du bien-être des animaux.

  • 5 
  • https://www.lesoir.be/578763/article/2024-04-03/bruxelles-le-code-du-bien-etre-animal-la-trappe

  • 6 
  • Décr. du 16 mai 2024 relatif au bien-être des animaux, M.B., 2 juillet 2024, p. 79781. L’article 2 précise qu’il convient de citer ce décret comme « le Code flamand du Bien-être des animaux du 17 mai 2024 ». Le Code flamand a été rédigé en néerlandais et fait l’objet d’une traduction officielle consultable sous ce lien : https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/article.pl?language=fr&lg_txt=f&type=&sort=&numac_search=2024006400&cn_search=&caller=SUM&&view_numac=2024006400nx

  • 7 
  • Ontwerp van decreet over dierenwelzijn, Memorie van toelichting, Doc., Parl. Fl., sess. ord. 2023-2024, n°1, p. 26.

  • 8 
  • L. du 4 février 2020 portant le livre 3 « Les biens » du Code civil, M.B., 17 mars 2020, p. 5753.

  • 9 
  • Voyez les articles 3.38 et 3.39 du Code civil.

  • 10 
  • Ontwerp van decreet over dierenwelzijn, Memorie van toelichting, Doc., Parl. Fl., sess. ord. 2023-2024, n°1, p. 27.

  • 11 
  • Id.

  • 12 
  • Avis de la Section de Législation du Conseil d’État n° 74.797/3 du 25 janvier 2024, pp. 21 et 22.

  • 13 
  • Tradition folklorique lors de laquelle une oie (préalablement mise à mort) est suspendue à la poutre transversale d'une potence, la tête en bas, dans un filet de pêche. Des cavaliers se succèdent pour tenter de séparer le corps de l’oie de sa tête en tirant d’une seule main sur le corps de l’oie pendant que le cheval est en mouvement.

  • 14 
  • Tradition folklorique au cours de laquelle 20 femmes célibataires doivent battre au sabre un coq (préalablement mis à mort), qui est suspendu la tête à l’envers dans un panier en osier.

  • 15 
  • Lors du Krakelingenworp à Geraardsbergen (foire annuelle inscrite au patrimoine immatériel de l’humanité), il est de coutume pour les autorités religieuses et laïques de boire une gorgée de vin dans un gobelet d’argent du XVIe siècle contenant un petit poisson vivant.

  • 16 
  • Avis de la Section de Législation du Conseil d’État n° 74.797/3 du 25 janvier 2024, p. 21.

  • 17 
  • Ontwerp van decreet over dierenwelzijn, Verslag, Doc., Parl. Fl., sess. ord. 2023-2024, n°7, p. 32.

  • 18 
  • Ontwerp van decreet over dierenwelzijn, Memorie van toelichting, Doc., Parl. Fl., sess. ord. 2023-2024, n°1, p. 27.

  • 19 
  • A.R. du 16 juillet 2009 fixant la liste des mammifères non détenus à des fins de production qui peuvent être détenus, M.B., 24 août 2009, p. 56347.

  • 20 
  • A. gouv. fl. du 22 mars 2019 fixant la liste des reptiles qui peuvent être détenus, M.B., 12 avril 2019, p. 37781.

  • 21 
  • Ces législations peuvent interdire la détention de certains animaux ou soumettre leur détention à l’obtention d’une autorisation ou d’une attestation établissant l’origine et la provenance de l’animal.

  • 22 
  • CJUE, 19 juin 2008, Nationale Raad van Dierenkwekers en Liefhebbers VZW et Andibel VZW contre Belgische Staat, aff. C-219/07.

  • 23 
  • Ontwerp van decreet over dierenwelzijn, Memorie van toelichting, Doc., Parl. Fl., sess. ord. 2023-2024, n°1, p. 28.

  • 24 
  • Ontwerp van decreet over dierenwelzijn, Memorie van toelichting, Doc., Parl. Fl., sess. ord. 2023-2024, n°1, pp. 29 et 30.

  • 25 
  • Voyez l’article 86, 2° CFBEA.

  • 26 
  • Ontwerp van decreet over dierenwelzijn, Memorie van toelichting, Doc., Parl. Fl., sess. ord. 2023-2024, n°1, p. 30.

  • 27 
  • Ontwerp van decreet over dierenwelzijn, Verslag, Doc., Parl. Fl., sess. ord. 2023-2024, n°7, p. 37.

  • 28 
  • A. gouv. w. du 15 décembre 2022 portant sur l'interdiction ou la restriction de l'utilisation d'accessoires ou de produits causant aux animaux des douleurs, des souffrances ou des lésions évitables, art. 2, 1°, a), M.B., 22 février 2023, p. 24660.

  • 29 
  • Ibid., art. 3.

  • 30 
  • Ce projet n’a pas pu être adopté mais sera sans doute remis sur la table des négociations dès qu’un nouveau gouvernement aura pu être constitué.

  • 31 
  • Le blocage politique du Code par un parti de la majorité a donné lieu à une « fuite » du texte qui a été déposé sous la forme d’une proposition par l’opposition afin de forcer les discussions devant le Parlement bruxellois. Il peut être consulté sur le site du Parlement bruxellois via ce lien : https://weblex.irisnet.be/data/crb/doc/2023-24/150269/images.pdf. Proposition d’ordonnance portant le Code bruxellois du Bien-être animal, Doc., parl. br., sess. ord. 2023-2024, A-876/1 (voyez l’article 3.7).

  • 32 
  • Décr. du 22 mars 2019 modifiant la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux, pour ce qui concerne l'introduction d'une interdiction d'élevage d'animaux à fourrure et d'élevage d'animaux pour la production de foie gras par gavage, M.B., 25 avril 2019, p. 40332.

  • 33 
  • A. gouv. fl. du 15 mai 2020 réglant l'indemnité pour la cessation de l'exploitation et la reconversion de l'exploitation des élevages d'animaux à fourrure et des élevages de canards ou d'oies, M.B., 27 mai 2020, p. 37960.

  • 34 
  • Chaque région a adopté son propre arrêté. Pour la Flandre : A. gouv. fl. du 24 mai 2024 relatif à l'identification et à l'enregistrement des chiens, M.B., 19 juillet 2024, p. 86892 et A. gouv. fl. du 24 mai 2024 relatif à l'identification, à l'enregistrement et à la stérilisation des chats, M.B., 24 juillet 2024, p. 88117.

  • 35 
  • Il s’agit de l'accentuation à l'extrême de traits distinctifs propres à une race comme le nez écrasé du bouledogue par exemple.

  • 36 
  • A ce sujet, voyez l’avis du 21 juin 2018 du Conseil bruxellois du bien-être des animaux : https://environnement.brussels/media/1997/download?inline

  • 37 
  • A.M. du 13 avril 2021 établissant les animaux présentant un état héréditaire tel que prévu à l'article 19, § 2, et 27, § 1, de l'arrêté royal du 27 avril 2007 relatif aux conditions d'agrément des établissements pour animaux et aux conditions de commercialisation des animaux, M.B., 29 avril 2021, p. 41012.

  • 38 
  • A. gouv. fl. du 31 mai 2024 relatif à l'élevage des chiens et des chats et aux conditions de délivrance des pedigrees, M.B., 19 juin 2024, p. 76120.

  • 39 
  • Ontwerp van decreet over dierenwelzijn, Memorie van toelichting, Doc., Parl. Fl., sess. ord. 2023-2024, n°1, p. 33.

  • 40 
  • Vu la définition visée à l’article 3, 5° du terme « pension pour animaux », cela ne concerne que les chiens et les chats.

  • 41 
  • Pour ce qui concerne les parcs zoologiques, voyez notamment : A. gouv. fl. du 8 juin 2018 relatif à l'agrément des parcs zoologiques, M.B., 3 août 2018, p.61167 ; A. gouv. fl. du 31 mars 2017 réglant la composition et le fonctionnement de la " Vlaamse Dierentuinencommissie ", M.B., 12 mai 2017, p. 56371 ; A. M. du 7 juin 2000 fixant des normes minimales pour la détention des oiseaux dans les parcs zoologiques, M.B., 5 septembre 2000, p. 30330 ; A.M. du 23 juin 2004 fixant les normes minimales pour la détention des reptiles dans les parcs zoologiques, M.B., 27 juillet 2004, p. 57381 ; A.M. du 3 mai 1999 fixant des normes minimales pour la détention de mammifères dans les parcs zoologiques, M.B., 19 août 1999, p. 30836. Pour ce qui concerne les autres établissements visés, voyez A.R. du 27 avril 2007 portant les conditions d'agrément des établissements pour animaux et portant les conditions de commercialisation des animaux, M.B., 6 juillet 2007, p. 37170.

  • 42 
  • A.R. du 27 avril 2007 portant les conditions d'agrément des établissements pour animaux et portant les conditions de commercialisation des animaux, M.B., 6 juillet 2007, p. 37170.

  • 43 
  • Ce subventionnement est encadré via deux arrêtés : A. gouv. fl. du 19 mars 2021 relatif à l'indemnité pour l'accueil d'animaux saisis, au subventionnement des refuges pour animaux agréés et à la récupération auprès du responsable des frais de saisie d'animaux, M.B., 15 avril 2021, p. 33526 ; A. M. du 26 avril 2021 fixant les règles de l'indemnisation pour la réception des animaux confisqués, la subvention des refuges pour animaux reconnus et la récupération auprès du responsable des frais de saisie des animaux, M.B., 29 avril 2021, p. 41013.

  • 44 
  • Par application de l’article 80 et de l’article 86, 1° CFBEA, ces centres pourront bénéficier de ce subventionnement à la date qui sera fixée par le Gouvernement flamand.

  • 45 
  • Ontwerp van decreet over dierenwelzijn, Memorie van toelichting, Doc., parl. fl., sess. ord. 2023-2024, n° 1, p. 35.

  • 46 
  • Ontwerp van decreet over dierenwelzijn, Verslag, Doc., Parl. Fl., sess. ord. 2023-2024, n° 7, p. 46.

  • 47 
  • Il s’agit de dispositions similaires à celles-exprimées ci-dessus concernant la production de foie gras.

  • 48 
  • Ontwerp van decreet over dierenwelzijn, Verslag, Doc., parl. fl., sess. ord. 2023-2024, n° 7, p. 8.

  • 49 
  • Comité d’expert dont la composition et le fonctionnement est visé aux articles 61 et 62 CFBEA.

  • 50 
  • Ontwerp van decreet over dierenwelzijn, Doc., parl. fl., sess. ord. 2023-2024, n° 6 et 7.

  • 51 
  • Ontwerp van decreet over dierenwelzijn, Verslag, Doc., parl. fl., sess. ord. 2023-2024, n° 7, p. 34.

  • 52 
  • Ontwerp van decreet over dierenwelzijn, Memorie van toelichting, Doc., parl. fl., sess. ord. 2023-2024, n° 1, p. 36.

  • 53 
  • Ibid., pp. 36 et 37.

  • 54 
  • Ontwerp van decreet over dierenwelzijn, Memorie van toelichting, Doc., parl. fl., sess. ord. 2023-2024, n° 1, p. 38.

  • 55 
  • « Pour l'application de l'alinéa 1er, 8°, la coloration partielle reste autorisée pour les animaux détenus à des fins de production agricole et de colombophilie et autres activités définies par le Gouvernement. Le Gouvernement peut déterminer les conditions encadrant la coloration partielle de ces animaux ».

  • 56 
  • Art. D.23, alinéa 1er, 4° du Code wallon (depuis le 1er janvier 2023) et art. 6ter de la version bruxelloise de la loi de 1986 (depuis le 25 septembre 2021). En Flandre, l’interdiction date du 22 août 2021.

  • 57 
  • A.R. du 23 septembre 1998 relatif à la protection des animaux lors de compétitions, M.B., 21 octobre 1998, p. 34784.

  • 58 
  • A.R. du 2 septembre 2005 relatif au bien-être des animaux utilisés dans les cirques et les expositions itinérantes, M.B., 12 septembre 2005, p. 39709.

  • 59 
  • Ontwerp van decreet over dierenwelzijn, Memorie van toelichting, Doc., parl. fl., sess. ord. 2023-2024, n° 1, pp. 39 et 40.

  • 60 
  • Ontwerp van decreet over dierenwelzijn, Verslag, Doc., parl. fl., sess. ord. 2023-2024, n° 7, p. 57.

  • 61 
  • La traduction officielle du Code flamand parle de « revues spécialisées », ce qui n’est pas correct et peut prêter à confusion quant au support de la publication. La version officielle néerlandaise du texte utilise le terme « vaktechnische publicaties ».

  • 62 
  • Ontwerp van decreet over dierenwelzijn, Memorie van toelichting, Doc., parl. fl., sess. ord. 2023-2024, n° 1, p. 40.

  • 63 
  • Voyez les articles D.48 à D.51 du Code wallon ainsi que A. gouv. w. du 23 mars 2017 fixant les règles en matière de publicité visant la commercialisation ou le don d'espèces animale, M.B., 31 mars 2017, p. 46874.

  • 64 
  • Voyez l’article 11bis de la loi de 1986 et les articles 27/1 et 27/2 de la version bruxelloise de l’A.R. du 27 avril 2007 portant les conditions d'agrément des établissements pour animaux et portant les conditions de commercialisation des animaux, M.B., 6 juillet 2007, p. 37170.

  • 65 
  • La version française officielle du Code flamand parle « d’animal domestique » mais il s’agit d’une traduction inexacte du terme « gezelschapsdier ».

  • 66 
  • M.B., 6 juillet 2007, p. 37170.

  • 67 
  • Ontwerp van decreet over dierenwelzijn, Memorie van toelichting, Doc., parl. fl., sess. ord. 2023-2024, n° 1, pp. 41 et 42.

  • 68 
  • Voyez l’avis du 29 septembre 2022, disponible sous ce lien : https://assets.vlaanderen.be/image/upload/v1671737765/Advies_VRvD_invoer_van_straat-_en_asielhonden_Raad_29.09.22_0_kjpskb.pdf

  • 69 
  • Règlement (CE) n° 1/2005 du Conseil du 22 décembre 2004 relatif à la protection des animaux pendant le transport et les opérations annexes et modifiant les directives 64/432/CEE et 93/119/CE et le règlement (CE) n° 1255/97, JOUE, 5 janvier 2005, L 3/1.

  • 70 
  • Ontwerp van decreet over dierenwelzijn, Verslag, Doc., parl. fl., sess. ord. 2023-2024, n° 7, p. 38.

  • 71 
  • Vu la restriction du champ d’application du Code aux animaux vertébrés (art. 7), cette mention est inutile.

  • 72 
  • Décr. du 7 juillet 2017 portant modification de la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux, en ce qui concerne les méthodes autorisées pour l'abattage des animaux, M.B., 18 juillet 2017, p. 73318.

  • 73 
  • C. const, arrêt n° 117/2021 du 30 septembre 2021, www.const-court.be

  • 74 
  • CJUE, aff. C-336/19 du 17 décembre 2020, https://curia.europa.eu

  • 75 
  • Cour EDH, Executief van de Moslims van België et autres c. Belgique, 13 février 2024, https://hudoc.echr.coe.int

  • 76 
  • M.B., 13 juin 2019, p. 61011.

  • 77 
  • Avis de la Section de Législation du Conseil d’État n° 65.605/3 du 3 avril 2019 relatif à un projet d’arrêté du Gouvernement flamand relatif à l’abattage des veaux, p. 4.

  • 78 
  • https://www.rtbf.be/article/code-du-bien-etre-animal-coup-de-force-pour-faire-voter-le-texte-au-parlement-bruxellois-11356356

  • 79 
  • Ontwerp van decreet over dierenwelzijn, Memorie van toelichting, Doc., parl. fl., sess. ord. 2023-2024, n° 1, p. 44.

  • 80 
  • Ontwerp van decreet over dierenwelzijn, Verslag, Doc., parl. fl., sess. ord. 2023-2024, n° 7, pp. 10 et 11.

  • 81 
  • Ibid., p. 36.

  • 82 
  • A. gouv. w. du 8 juillet 2021 relatif à la protection des animaux au moment de leur mise à mort, art. 14, M.B., 27 juillet 2021, p. 76618.

  • 83 
  • Avis du Conseil wallon du bien-être des animaux du 19 février 2018 concernant le bienfondé de l’interdiction de l’usage du piège à colle, https://bienetreanimal.wallonie.be/files/documents/CWBEA-avis-piegesacolle.pdf ; Avis du Conseil bruxellois du bien-être des animaux du 3 octobre 2019 relatif à l’interdiction d’utiliser et de vendre des pièges à colle, https://environnement.brussels/media/2004/download?inline ; Avis du Conseil flamand du bien-être des animaux du 28 septembre 2023 concernant une gestion des rats et des souris plus respectueuse des animaux, https://assets.vlaanderen.be/image/upload/v1701179167/Advies_VRvD_Diervriendelijker_beheer_van_ratten_en_muizen_280923_cxx7rq.pdf

  • 84 
  • Ontwerp van decreet over dierenwelzijn, Memorie van toelichting, Doc., parl. fl., sess. ord. 2023-2024, n° 1, p. 44.

  • 85 
  • Ontwerp van decreet over dierenwelzijn, Memorie van toelichting, Doc., parl. fl., sess. ord. 2023-2024, n° 1, p. 47.

  • 86 
  • Ord. du 25 janvier 2018 modifiant la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux, M.B., 22 février 2018, p. 15782.

  • 87 
  • Ontwerp van decreet over dierenwelzijn, Memorie van toelichting, Doc., parl. fl., sess. ord. 2023-2024, n° 1, p. 47.

  • 88 
  • Avis de la section de Législation du Conseil d’État n°74.797/3 du 25 janvier 2024 sur un projet de décret du gouvernement flamand sur le bien-être des animaux, p. 25.

  • 89 
  • Règlement (CE) n° 1099/2009 du Conseil du 24 septembre 2009 sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort, JOUE, 18 novembre 2009, L 303/1.

  • 90 
  • Ontwerp van decreet over dierenwelzijn, Memorie van toelichting, Doc., parl. fl., sess. ord. 2023-2024, n° 1, pp. 17 et 18.

  • 91 
  • A.R. du 17 mai 2001 relatif aux interventions autorisées sur les vertébrés pour l'exploitation utilitaire de l'animal ou pour limiter la reproduction de l'espèce, M.B., 4 juillet 2001, p. 23244.

  • 92 
  • Voyez la définition de l’article 3, 28° : « un [rassemblement] d’animaux détenus dans le but d’évaluer et de comparer leurs caractéristiques ou de les présenter à des fins éducatives et dont l’objectif principal n’est pas de nature commerciale ». La traduction officielle du texte parle de « collection » alors que la traduction correcte est « rassemblement ».

  • 93 
  • La traduction officielle utilise le terme « inspection » alors qu’il aurait dû utiliser le terme « expertise ». Cette notion est définie à l’alinéa 1er de l’article 44 CFBEA comme étant « un événement au cours duquel les animaux sont évalués sur la base de caractéristiques externes, comportementales ou de performance, qu’elles soient ou non basées sur des caractéristiques standard incluses dans un standard de race ».

  • 94 
  • Voyez la définition de l’article 3, 31° CFBEA : « événement au cours duquel des animaux sont jugés et classés dans un contexte de compétition sur la base de leur apparence, de leur comportement, de leur force, de leur vitesse et/ou de leur agilité ».

  • 95 
  • Projet de loi modifiant la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux, Exposé des motifs, Doc., Sén., sess. ord. 1993-1994, 972-1, p. 9.

  • 96 
  • Cass., 17 février 2011, R.G. C.09.0646.

  • 97 
  • Voyez l’avis du Conseil bruxellois du bien-être des animaux du 26 juin 2020 concernant l’interdiction d’exposition des animaux visés par l’article 17bis, §2, 1° de la loi bien-être animal, https://environnement.brussels/media/2008/download?inline

  • 98 
  • C. const, arrêt n° 154/2019 du 24 octobre 2019, www.const-court.be

  • 99 
  • C. const, arrêt n° 119/2021 du 30 septembre 2021, www.const-court.be

  • 100 
  • Ibid., p. 15.

  • 101 
  • Ontwerp van decreet over dierenwelzijn, Memorie van toelichting, Doc., parl. fl., sess. ord. 2023-2024, n° 1, pp. 48 et 49.

  • 102 
  • A. gouv. w. du 15 décembre 2022 portant sur l'interdiction ou la restriction de l'utilisation d'accessoires ou de produits causant aux animaux des douleurs, des souffrances ou des lésions évitables, M.B., 22 mars 2023, p. 24660.

  • 103 
  • Directive 2010/63/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 septembre 2010 relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques, JOUE, 20 octobre 2010, L 276/33.

  • 104 
  • Avis de la Section de législation du Conseil d’État n°63.999/3 du 11 octobre 2018 sur un projet d’arrêté du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale portant modification de l’arrêté royal du 29 mai 2013 concernant la protection des animaux d’expérience, pp. 15 et 16.

  • 105 
  • Voyez A. gouv. fl. du 13 novembre 2015 réglant la composition et le fonctionnement du " Vlaamse Raad voor Dierenwelzijn ", 29 décembre 2015, p. 80076.

  • 106 
  • https://www.vlaanderen.be/dierenwelzijn/werking-en-beleid/vlaamse-raad-voor-dierenwelzijn/adviezen-en-publicaties-raad-voor-dierenwelzijn

  • 107 
  • De afdeling Dierenwelzijn van het Departement Omgeving (le service bien-être des animal du département Environnement).

  • 108 
  • Ontwerp van decreet over dierenwelzijn, Verslag, Doc., parl. fl., sess. ord. 2023-2024, n° 7, p. 47.

  • 109 
  • Ontwerp van decreet over dierenwelzijn, Memorie van toelichting, Doc., parl. fl., sess. ord. 2023-2024, n° 1, p. 55.

  • 110 
  • Loi du 5 mars 1952 relative aux décimes additionnels sur les amendes pénales, M.B., 3 avril 1952, p. 2606.

  • 111 
  • Voyez les articles D.189, §1er, alinéa 3 et D.198, §5, alinéa 3 du Code (wallon) de l’environnement.

  • 112 
  • Arrêté du Gouvernement flamand du 19 mars 2021 relatif à l'indemnité pour l'accueil d'animaux saisis, au subventionnement des refuges pour animaux agréés et à la récupération auprès du responsable des frais de saisie d'animaux, M.B., 15 avril 2021, p. 33526 ; Arrêté ministériel du 26 avril 2021 fixant les règles de l'indemnisation pour la réception des animaux confisqués, la subvention des refuges pour animaux reconnus et la récupération auprès du responsable des frais de saisie des animaux, M.B., 29 avril 2021, p. 41013.

    Ontwerp van decreet over dierenwelzijn, Verslag, Doc., parl. fl., sess. ord. 2023-2024, n° 7, p. 33.

 

RSDA 2-2024

Doctrine et débats : Doctrine

Présentation du Prix Jules Michelet, Diplôme universitaire de Droit animalier, 14e Promotion – Anne-Claire Gagnon (Septembre 2023)

  • Séverine Nadaud
    Co-responsable du D.U. de Droit animalier
    MCF HDR en droit public
    Université de Limoges
  1. « Le temps passé avec un chat n’est jamais perdu ». Toute aussi grande amoureuse des félins que ne l’était l’écrivaine Colette à l’origine de cette citation, Anne-Claire Gagnon a fait de l’étude des chats et de leur défense un leitmotiv quotidien. Elle ne pouvait pas nous faire plus grand honneur que d’accepter de « marrainer » la 14e promotion de notre Diplôme universitaire de Droit animalier.
  2. Docteure vétérinaire spécialisée en médecine féline depuis 2003 et consultante en comportement félin depuis 2013, Anne-Claire Gagnon est aussi journaliste pour la presse vétérinaire et le grand public, et autrice de nombreux ouvrages, parmi lesquels « Mon chat sur le divan » (Larousse, 2014, réédité en janvier 2022) ou plus récemment « Soyez chat ! » (Larousse, 2018), « Les chats, comment ils prennent soin de notre santé » (Robert Laffont, 2020), primé par l’Académie vétérinaire de France et le Groupement des écrivains médecins, ou encore « Ainsi sont les chats. Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur votre chat » (Harper et Collins, 2024). Vice-présidente de la Société Francophone de Médecine Féline, Anne-Claire Gagnon a contribué en 2018 à la création de l'Association contre la Maltraitance Animale et Humaine (AMAH), dont elle est la présidente, association qui cherche à mieux prévenir et aider les animaux comme les êtres humains qui sont confrontés à des maltraitances. Réunissant des vétérinaires, des professionnels de santé mais aussi des juristes, l’AMAH a notamment pour mission de sensibiliser et fédérer les acteurs du secteur mais également de participer à l’amélioration de la réglementation. En 2023, cette association a ainsi publié un précieux guide à destination des équipes vétérinaires, leur permettant de mieux repérer les maltraitances animales et humaines.
  3. A l’occasion de la remise des diplômes aux étudiants de la 14e promotion, Anne-Claire Gagnon a tenu à échanger avec eux sur « Comment contribuer au respect des animaux, chacun.e à sa mesure ». Elle est revenue sur son engagement au sein de diverses associations. Membre de l’OABA (Œuvre d’Assistance aux Bêtes d’Abattoirs) depuis 2011, elle œuvre pour sensibiliser le monde vétérinaire et au-delà à l’amélioration des conditions de vie et de fin de vie des bêtes d’abattoirs. Elle a ainsi salué le remarquable travail réalisé par son ancien Président Jean-Pierre Kieffer malheureusement décédé en 2021. Mais ce sont surtout ses actions au sein de l’AMAH qu’elle a exposées, notamment celles en faveur de la mise en lumière des liens bidirectionnels existant entre violences conjugales, maltraitance des enfants et maltraitance des animaux, rappelant que « quand un animal est maltraité au sein du foyer, un enfant et sa mère sont en danger. Quand un enfant et/ou sa mère sont maltraités dans leur foyer, un animal est en danger », l’enfant et l’animal étant dès lors tant des co-victimes que des témoins des violences intrafamiliales. Anne-Claire Gagnon a ainsi salué la récente mise en place d’un numéro d’urgence pour signaler la maltraitance animale, le 3677, sous l’impulsion de Loïc Dombreval, parrain de notre 13e promotion, et avec le soutien de nombreuses associations, dispositif opérationnel depuis le 24 juin 2024. Anne-Claire Gagnon a enfin exhorté les étudiants à continuer de promouvoir le droit animalier bien au-delà de leur cursus et à s’assurer de sa mise en œuvre concrète et effective sur le terrain. Elle les a félicités pour leur capacité à imaginer des propositions de réforme qui seront peut-être demain adoptées, que ce soit à l’échelle nationale, par voie réglementaire ou législative, ou que ce soit à l’échelle européenne.
  4. A l’issue de cette cérémonie de remise des diplômes, est enfin venu le moment où Jean-Pierre Marguénaud, fondateur du diplôme et président du jury, a rappelé l’intitulé des cinq propositions qui étaient en lice pour le Prix Jules Michelet car présélectionnées par les responsables du diplôme parmi l’ensemble des travaux réalisés. Il s’agissait de :

- la proposition de réforme visant à interdire la vente des reptiles, amphibiens et invertébrés dans les animaleries, par Lola Jahan ;

- la proposition visant à autoriser la levée du secret professionnel vétérinaire aux autorités judiciaires, médicales ou administratives, par Lucie Komorowski ;

- la proposition de réforme visant à élargir la liste d’animaux à laquelle s’applique la directive du Parlement européen et du Conseil n° 2010/63/UE relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques, par Elena Liénard ;

- la proposition visant à étendre le pouvoir des associations et fondations de défense et de protection des animaux par la modification de l’article 2-13 du Code de procédure pénale, par Sandrine Nolot ;

- une proposition de réforme visant à créer une infraction de rapt d’animaux domestiques et assimilés au sein de l’article 521-1 du Code pénal, par Joaquim Vergès.

  1. Après avoir exposé le résultat des votes du jury, Jean-Pierre Marguénaud a décerné le prix Jules Michelet à la proposition formulée par Elena Liénard. Nous lui renouvelons nos sincères félicitations et invitons les lecteurs de la RSDA à découvrir sa proposition reproduite ci-après. Bonne lecture !
     

    RSDA 2-2024

    Histoire des sciences,Histoire moderne et contemporaine
    Dossier thématique : Points de vue croisés

    Voyager sans y laisser des plumes : enjeux humains et diplomatie interspécifique dans les migrations de la cigogne blanche

    • Laurent Zimmermann
      Professeur agrégé d’Histoire-Doctorant en Géographie
      Université de Haute-Alsace - CRESAT

     

    1. En septembre 2013, un pêcheur égyptien contacte la police locale après avoir repéré ce qu’il décrit comme un canard harnaché d’une étrange machine. La police, qui interprète cette intrusion comme celle d’un canard muni d’un dispositif d’espionnage, probablement au service d’Israël, s’empresse d’arrêter le volatile suspect. Après enquête, il s’avère que le canard est en fait une cigogne blanche, et que le dispositif espion n’est en réalité qu’un système GPS utilisé par des ornithologues étudiant les parcours migratoires de l’échassier. Une fois l’erreur judiciaire reconnue, l’oiseau, désormais baptisé Menès par une foule d’internautes curieux, est heureusement relâché, mais termine néanmoins son aventure dans l’assiette d’un chasseur sur une île du Nil1.

    2. A l’image du département de géographie de l’université de Santa Barbara qui relate les faits dans un article dont le titre « If it walks like a duck and talks like a duck, it’s probably a stork or a spy »2 révèle d’emblée l’ironie, la presse internationale comme les internautes locaux3 s’entendent pour dénoncer l’apparente absurdité de la situation. Néanmoins, cette affaire illustre parfaitement les problématiques d’une géographie humanimale4 à l’intersection des préoccupations environnementales, culturelles et politiques de la discipline : en franchissant les frontières des Etats situés le long de sa route migratoire, Menès rencontre en effet des sociétés humaines diversement disposées à son égard, révélant des constructions culturelles qui interagissent avec sa capacité à poursuivre sa migration. Cette contribution souhaite donc interroger le parcours migratoire des cigognes blanches en tant que co-construction entre les sociétés humaines dans leur diversité, et l’oiseau considéré en tant qu’acteur doué d’une agentivité : quelles sont les influences que les sociétés humaines exercent sur les pratiques spatiales des cigognes blanches, et comment, en retour, celles-ci participent-elles aux constructions culturelles humaines ?

    3. L’étude de cette co-construction impose une réflexion sur les origines des pratiques migratoires des cigognes blanches, mais aussi sur celle de leur connaissance, de leur compréhension et de leur interprétation par les sociétés humaines. La nature des liens que les différentes sociétés humaines construisent avec les cigognes permet en effet d’interroger la variété des expériences de vie des oiseaux, tout au long des routes migratoires. Celles-ci se révèlent très diverses dans le temps et l’espace, en fonction des dispositions des humains à leur égard, comme le montre l’exemple de la chasse. En réaction à cette multitude d’interactions possibles lors de leurs pérégrinations, c’est à une modification des pratiques spatiales des cigognes que l’on peut assister : parfois de leur propre fait, mais aussi parfois de celui des humains dans un objectif de protection, de réintroduction ou de renforcement des populations d’oiseaux, pouvant notamment se solder par une sédentarisation forcée ou choisie.

     

    I. Des cigognes et des hommes : éléments d’une co-construction

    A) Cohabitation, aires de distribution et migrations

    4. L’étude des efforts menés par les sociétés humaines afin de comprendre les migrations des cigognes blanches témoigne donc d’une co-construction entre acteurs humains et non-humains : elle permet d’établir les influences humaines dans la constitution des routes migratoires, mais aussi de percevoir le rôle de ces migrations dans les représentations que différents groupes humains ont pu construire à propos d’eux-mêmes et de leur environnement.

    5. Aujourd’hui, la cigogne blanche semble faire partie des espèces d’oiseaux les mieux étudiées et connues au monde5. La distribution de la population nicheuse en Europe concerne les régions méditerranéennes et tempérées du continent, de l’Espagne jusqu’au sud de la Suède au nord, et jusqu’à la mer Noire à l’est. Le reste de la population niche en Afrique du nord, au Moyen-Orient, et dans le Caucase. Quant aux zones d’hivernage, elles se situent principalement dans la zone subsahélienne, du Mali à la Mer Rouge, et le long d’une bande traversant l’est du continent de l’Egypte à l’Afrique du sud6.

    6. L’étude récente de Schmölke et Thomsen7, s’appuyant sur les rapports de fouilles archéologiques mentionnant des restes animaux, confirme et développe l’idée selon laquelle la cigogne blanche, originaire d’Afrique, aurait progressivement colonisé de nouveaux territoires de nidification d’abord dans le sud de l’Europe, après la fin du dernier âge glaciaire il y a environ 11600 ans, puis dans l’est et le nord de l’Europe, à la faveur des défrichements et du progressif remplacement des forêts par les paysages ouverts de l’agriculture et des prairies dans les plaines. Schmölke et Thomsen relèvent ainsi que, jusqu’au Ve siècle, la limite de l’aire de distribution des cigognes blanches en Europe semble correspondre avec le limes romain, espace de transition entre paysages globalement marqués par l’agriculture (l’ager des Romains) au sud et à l’ouest de la ligne composée par le Rhin et le Danube, et paysages dominés par la forêt au nord et à l’est de cette ligne. La cigogne blanche, oiseau commensal, trouve en effet dans l’agriculture de plaine et les prairies humides la nourriture qui lui est nécessaire. La nidification en hauteur, sur un arbre ou une construction humaine dans un paysage ouvert et dégagé, offre également les conditions idéales pour se défendre des prédateurs et favoriser un vol plané économe en dépenses énergétiques : ainsi, à la fin du Ier siècle, le poète Juvénal témoigne de l’installation d’un couple de cigognes blanches en plein centre de Rome, sur le toit du temple de la déesse Concorde. Toujours selon la même étude, il faut attendre les grands défrichements, entre le XIe et le XIIIe siècle, pour trouver des traces conséquentes d’une présence des cigognes blanches au-delà de l’ancien limes romain, jusqu’aux rives de la Baltique.

    7. L’aire de distribution de la cigogne blanche en Europe s’élargit donc en s’appuyant sur des modifications propices des paysages par les sociétés humaines, notamment vers le nord et l’est du continent. Mais si les conditions de nidification y sont favorables, la raréfaction des ressources en nourriture à partir de l’automne y rend d’autant plus nécessaire la migration saisonnière vers des espaces d’hivernage au sud. Aujourd’hui, deux principales routes migratoires reliant l’Europe aux zones d’hivernage en Afrique permettent d’identifier une population occidentale et une population orientale : la population occidentale, à l’ouest d’une ligne imaginaire allant du Danemark à l’Italie, traverse la Méditerranée par le détroit de Gibraltar ; la population orientale, à l’est de ladite ligne, traverse par le détroit du Bosphore. Ces routes migratoires sont donc, d’une part,  le produit de l’opportunisme des cigognes trouvant auprès des sociétés humaines et de leur agriculture des zones de nidification adéquates ; et d’autre part, une conséquence des caractéristiques biologiques et morphologiques des cigognes, incapables de survoler la mer sur de longues distances, rendant nécessaire le passage par les détroits afin de gagner les zones d’hivernage.

    B) Routes migratoires : les humains sur la piste

    8. Longtemps, cette disparition saisonnière des cigognes a interrogé les sociétés humaines vivant à leur contact, générant réflexions et hypothèses visant une meilleure connaissance de leur environnement, mais aussi parfois une justification de choix politiques ou de sentiments identitaires.

    9. Aristote, s’il a proposé l’hypothèse de la migration pour différentes espèces, pense néanmoins que la cigogne entre dans une forme d’hibernation expliquant sa disparition dès l’automne8. Cette affirmation fait loi pendant tout le Moyen Âge, jusqu’à Johann Wonnecke von Caub estimant en 1485 que « elle vole oultre mer et vole en grande compagnie et tourbe en Asye et chaudes régions »9, suivi de Pierre Belon qui écrit en 1555 qu’il est « tout arrêté que les cigognes se tiennent l’hiver en païs d’Egypte et d’Afrique »10. D’autres théories plus ou moins fantaisistes subsistent néanmoins jusqu’au XVIIIe siècle : certains pensent ainsi que les cigognes hibernent au fonds des marais, justifiant ainsi des pratiques de réanimation pour le moins étonnantes11. Mais en 1822, la découverte dans le nord de l’Allemagne d’une cigogne portant en travers du cou une flèche originaire d’Afrique centrale semble apporter la preuve concrète à l’hypothèse de la migration africaine12.

    10. La compréhension des routes migratoires s’affine ensuite progressivement grâce à la pratique du baguage, développée d’abord par Motensen au Danemark, puis systématisée pour les cigognes par Johannes Thienemann de la station de Rossiten13 en Prusse orientale,  lequel parvient à distinguer une population orientale passant par le détroit du Bosphore d’une population occidentale passant par le détroit de Gibraltar afin de rejoindre les zones africaines d’hivernage

    C) Les migrations : des directions pleines de sens

    11. La compréhension scientifique et objective des migrations des cigognes s’est également accompagnée de tentatives plus poétiques, ou même politiques, d’y apporter du sens par les constructions culturelles des sociétés humaines. La promotion de la cigogne au rang de symbole de l’Alsace francophile refusant la germanisation forcée après le traité de Francfort et son rattachement à l’empire Allemand en 1871 en est un exemple édifiant. L’échassier était déjà largement associé à des représentations très positives évoquant la fidélité et la piété filiale dans une bonne partie de son aire de distribution en Europe : mais l’annexion allemande pousse les auteurs et artistes francophiles d’Alsace à inventer un récit s’appuyant sur les migrations de la cigogne pour en faire « l’oiseau de France »14. Ainsi, l’oiseau nichant en Alsace part en migration en survolant la France à l’aller puis au retour, créant ainsi un lien physique entre le pays et ses provinces perdues de l’Est. Toute une production littéraire menée par des auteurs souvent réfugiés à Paris développe alors l’idée d’une cigogne refusant de nicher auprès des Allemands car reconnaissant le Rhin comme frontière naturelle, mais surtout apte à attester du caractère français de l’Alsace et des Alsaciens, dans une tentative de naturalisation des appartenances politiques à opposer aux réalités imposées par le traité de Francfort.

    12. Cette interprétation politique et identitaire de la migration des cigognes blanches à des fins de légitimation de la souveraineté française face à la domination allemande est recyclée dans le contexte de la colonisation de l’Algérie. En effet, l’Algérie est présentée comme une compensation à la perte de l’Alsace et de la Moselle lors du traité de Francfort15. On convoque donc la migration des cigognes afin de créer un lien entre l’Alsace perdue et l’Algérie, appelée à devenir la nouvelle patrie des Alsaciens et Lorrains refusant la domination allemande : « Des liens bien plus intimes que pour nulle autre terre ne rattachent-ils pas l’Algérie à l’Alsace ? A l’heure sombre du deuil, lorsqu’il fallu trouver à beaucoup d’enfants de l’Alsace une patrie nouvelle, l’Algérie s’est offerte. Des villages entiers de notre colonie ne sont que des morceaux d’Alsace transplantés sous le ciel d’Afrique. Les cigognes (…) reconnaissent ici les frères de ceux dont les maisons leur sont là-bas hospitalières »16.

    13. La présence des cigognes en Algérie est donc mobilisée afin de naturaliser la présence des colons originaires d’Alsace : les oiseaux présents en Algérie seraient les mêmes que ceux qui nichent dans la province perdue, en escale lors de leur périple migratoire, créant ainsi l’illusion d’une continuité et d’une légitimité à habiter ces territoires.

     

    II) Traverser des sociétés différentes : l’exemple de la chasse

    A) Chasser la cigogne : un tabou européen ?

    14. Tout au long des routes migratoires, les cigognes rencontrent des sociétés diversement disposées à leur égard. Les représentations et valeurs que les humains associent à la présence de l’échassier dans les paysages qu’ils partagent expliquent des attitudes souvent contrastées, comme c’est le cas par exemple dans le rapport à la chasse. L’affaire de Menès en Egypte, relatée en introduction, illustre ces attitudes parfois diamétralement opposées, faisant de la cigogne une proie ou un tabou.

    15. Ainsi, dans ses aires de nidification d’Europe, notamment dans l’espace germanique, la cigogne semble préservée de la chasse depuis des temps reculés : dans la Nef des Fous, Sebastien Brant nous apprend que le règlement de la ville de Sélestat interdit, en 1423, de tirer les cigognes sous peine d’amende17. Toujours en Alsace, mais à la fin du XVIIIe siècle, le poète Gottlieb Konrad Pfeffel met en scène la rencontre d’une mésange poursuivie par des chasseurs avec une cigogne imperturbable, assurée que les humains ne lui feront aucun mal, la considérant comme sacrée depuis la plus haute Antiquité18. Les motifs de cette protection sont en partie explicités par Johann Peter Ebel, poète de langue alémanique s’exprimant à la même époque que Pfeffel : dans son poème « Die Storch »19, il s’adresse à une cigogne de retour de migration au printemps, pour en faire le symbole de la paix revenue après les guerres napoléoniennes. En effet, pendant les combats, les terres ne sont plus cultivées, et les cigognes ne trouvent plus leur nourriture habituelle constituée des insectes et rongeurs que les travaux agricoles font d’ordinaire sortir de leurs cachettes, les offrant ainsi aux becs avides. Ce n’est qu’au retour de la paix, et donc des activités agricoles, que les cigognes reviennent nicher à proximité des hommes, les faisant percevoir comme des symboles de la paix revenue, qu’il serait bien funeste de vouloir chasser.

    16. Néanmoins, ce tabou de la chasse à la cigogne semble ne longtemps concerner, en Europe, que les espaces de nidification. Ainsi, différentes sources attestent d’une chasse à la cigogne en France pendant les XIXe et XXe siècles, là où la cigogne est seulement de passage lors de ses migrations, au plus tard jusqu’à sa protection sur la totalité du territoire Français par l’arrêté ministériel du 17 avril 198120. Un ouvrage de 1867 mentionne cette chasse en Moselle et en Champagne, terres traversées par les cigognes mais moins concernées par la nidification : « Elle a été prise sur un grand nombre de points et quelquefois en nombre considérable. Ainsi, Hollandre rapporte dans sa Faune de la Moselle, qu’au commencement de septembre 1833, il s’en abattit plusieurs centaines dans un bois entre Gorze et Rézouville. Elles étaient tellement fatiguées que l’on en prit plusieurs à la main, et que l’on en tua plus de quarante. Des faits analogues ont été observés en Champagne21. »

    17. Encore plus au sud le long de leurs routes migratoires, les cigognes blanches rencontreront pourtant à nouveau des populations dont la culture semble écarter, à priori, toute possibilité d’être tuée par un chasseur. Dans la tradition islamique, la cigogne est en effet un oiseau bénéfique, associé à la piété22. Son absence pendant la migration est associée au pèlerinage à La Mecque, dans un récit attesté du Maroc23 au Kurdistan turque24. Néanmoins, les récents massacres de cigognes à l’arme de guerre au Liban25 témoignent de l’impossibilité de considérer quelque espace qu’il soit comme habité par une population définitivement acquise à la cause de la cohabitation avec les cigognes.

    B) Les « Pfeilstörche », ou le danger des itinéraires fléchés

    18. A l’opposé de ce que la littérature européenne, notamment germanique, ainsi que la tradition islamique présentent comme un véritable tabou de la chasse à la cigogne, les mésaventures de Menès rappellent que l’échassier représente une source de protéines recherchée chez de nombreuses populations africaines dont les territoires sont traversés lors des migrations. Cette chasse qui menace les cigognes lors de leurs traversées des zones d’hivernage est attestée, du point de vue des Européens, depuis la découverte de la « Pfeilstorch », ou « cigogne à flèche » de Rostock évoquée plus haut, puis par au moins 25 autres cigognes transpercées d’une flèche d’Afrique australe ou orientale récupérées en Allemagne tout au long du XIXe siècle26.

    19. Cette chasse aux cigognes est ensuite attestée lors de la période des indépendances des anciennes colonies d’Afrique : mais sa dénonciation par les auteurs européens est sans doute amplifiée par une volonté de marquer une différence, de créer une véritable infériorisation culturelle et civilisationnelle de l’indigène devenu indépendant. La postface de l’ouvrage d’un médecin alsacien exerçant en Algérie, réédité en 1963, juste après les accords d’Evian, affirme que « faute de gibier, bien des chasseurs s’en prennent aux cigognes (…). La situation est devenue si critique en Afrique, où les populations de mieux en mieux armées, tirent sur tous les oiseaux, sans respecter les codes de chasse, dont elles ne comprennent pas l’importance »27. Ce qui semble importer à l’auteur de ces lignes n’est donc pas la compréhension de différences entre pratiques culturelles, mais bien la dénonciation d’une prétendue infériorité, d’une incapacité à comprendre l’importance de ce qui est perçu comme universel car important aux yeux de l’ancien colonisateur. La mention de la propagation des armes peut également se comprendre comme une tentative d’ensauvager, de déshumaniser l’ancien colonisé devenu indépendant.

    20. Néanmoins, la pratique de la chasse à la cigogne dans certaines parties des aires d’hivernage africains est notamment attestée, à notre époque, par les travaux du biologiste Holger Schulz. Lors d’une mission au Soudan, dont l’intérêt est d’affiner les connaissances sur les conditions d’hivernage des cigognes, il constate une chasse régulière de l’échassier représentant une source de nourriture peu onéreuse pour les populations locales, malgré la loi qui, en principe, la protège. Cherchant à mieux saisir l’ampleur du phénomène, Holger Schutz interroge les chasseurs à propos d’une autre espèce de cigogne, la cigogne d’Abdim, ou ciconia Abdimi, également très présente au Soudan. A sa grande surprise, les chasseurs lui répondent que ciconia Abdimi n’est jamais chassée, car perçue à travers des représentations et des valeurs très proches de celles portées par la cigogne blanche en Europe : pour les populations du Soudan, la cigogne d’Abdim est en effet considérée comme porteuse de pluie, mais est également associée aux naissances et à la fidélité, ce qui exclut d’après ses interlocuteurs toute possibilité de chasse28, témoignant de l’importance des constructions culturelles et des représentations dans les conditions que rencontrent les cigognes blanches sur leurs routes migratoires.

     

    III) Des migrations remises en question

    A) Expériences de sédentarisation forcée

    21. Un premier recensement international de la cigogne blanche en Europe a lieu en 1934, à l’initiative du professeur Ernst Schütz de la station de Rossiten. Il est reconduit en 1958 et 1974, puis tous les 10 ans, coordonné par la NABU (Naturschutzbund, association allemande de protection de la nature) et Birdlife International29. Ces travaux permettent de confirmer le sentiment que plusieurs acteurs expriment depuis le début du XXe siècle : le déclin de la population de cigognes blanches, notamment de la population périphérique nord-ouest, correspondant globalement à celle de l’Europe Rhénane, de la Suisse aux Pays-Bas. Ainsi, il n’y a plus aucune cigogne nicheuse en Suisse en 1951, et il ne reste que 9 couples en Alsace en 197430. S’appuyant sur les travaux de Johannes Thienemann pour définir les causes de cette extinction à l’échelle locale, l’Alsacien Alfred Schierer et le Suisse Max Bloesch en arrivent à la conclusion que les cigognes disparaissent à cause des dangers rencontrés lors de leurs migrations : seulement 10% des cigognes parties en automne reviendraient alors au printemps31 ! Ils développent alors conjointement la méthode des enclos de réintroduction, reposant sur la sédentarisation forcée de l’oiseau.

    22. Dans cette méthode, les cigognes sont élevées en captivité pendant trois années : on s’aperçoit en effet que, passé ce temps, elles perdent leur instinct migratoire et deviennent sédentaires, échappant ainsi aux dangers de la migration. Elles sont ensuite relâchées à proximité de l’enclos, où elles nichent librement, et nécessitent d’être nourries en hiver. La méthode est adoptée en Suisse, en Alsace, aux Pays-Bas et en Allemagne32, permettant la reconstitution de noyaux de population à l’échelle locale.

    23. Cette méthode des enclos de réintroduction reposant sur une sédentarisation forcée, et donc sur la négation pure et simple de l’agentivité de l’oiseau, suscite des critiques et des contestations. Un réquisitoire surprenant contre la méthode est même mené dans un album des Schtroumpfs33, critiquant de façon détaillée les conditions de vie imposées aux cigognes dans les enclos. En Alsace, des enclos sont la cible d’actes de sabotage, et voient leur grillage découpé afin de permettre la fuite des cigognes34. Néanmoins, en 1995, un consensus semble s’établir autour de la Résolution de Russheim, signée par les associations rhénanes de protection de la nature impliquées dans la réintroduction ou le renforcement des populations de cigognes en Suisse, Allemagne, France, Belgique et Pays-Bas : les ornithologues y mentionnent leur décision d’arrêter la méthode des enclos ainsi que le nourrissage hivernal, argumentant que « l’objectif principal du travail en faveur de la cigogne blanche consiste dans le maintien ou le rétablissement d’une population stable et autonome possédant toutes les caractéristiques de l’espèce vivant en liberté »35.

    24. La fin de ces opérations de sédentarisation forcée laisse place à d’autres stratégies visant à permettre la diminution des dangers sur les routes migratoires de la cigogne. On peut à ce titre citer l’enfouissement des lignes électriques ou l’amélioration de leur visibilité pour les oiseaux afin d’empêcher collisions et électrocution36, mais aussi la renaturation de sites au détriment de l’agriculture intensive et la protection ou restauration de prairies humides37, afin de fournir aux cigognes des biotopes optimaux permettant autant la nidification qu’une étape lors de la migration.

     B) Agentivité des cigognes dans l’évolution des pratiques spatiales

    25. La remise en question des routes mais aussi du phénomène migratoire lui-même ne dépend pas seulement de la volonté des acteurs humains : elle s’explique aussi par les choix faits par des cigognes qui révèlent et démontrent ici leur capacité à agir en tant que sujets.

    26. Ainsi, l’exemple de la population périphérique occidentale démontre que les routes migratoires changent selon les individus : si certaines cigognes continuent à passer le détroit de Gibraltar afin d’hiverner en Afrique, d’autres préfèrent s’arrêter avant, en Espagne ou au Portugal, ou encore dans le sud-ouest de la France, comme en attestent les suivis d’oiseaux par GPS38. Si différents aspects liés au réchauffement climatique sont mobilisés afin d’expliquer cette évolution39, la disponibilité en nourriture pendant l’hiver reste l’un des points déterminants dans le choix de sites d’hivernage plus proches. Le choix d’hiverner dans les marais de la côte Atlantique peut ainsi s’expliquer par la disponibilité chronique en nourriture grâce à la présence d’une espèce invasive, l’écrevisse de Louisiane : ainsi, si on ne comptait qu’une cigogne hivernante en Charente-Maritime en 1990, il y en a aujourd’hui environ 130 selon le responsable avifaune de la LPO40.

    27. Le choix de l’hivernage, ou même de la sédentarisation en Espagne ou au Portugal au détriment de l’Afrique s’explique également par l’opportunisme des cigognes y trouvant de la nourriture à profusion, même pendant l’hiver : ce sont ici les sites des décharges d’ordures à ciel ouvert qui sont concernés, apportant aux oiseaux des ressources alimentaires les dispensant de poursuivre la migration au-delà du détroit de Gibraltar41. Mais ce choix d’écourter la route migratoire est porteur d’un paradoxe : car s’il permet à la cigogne d’éviter certains risques liés à la distance et aux conditions d’hivernage en Afrique, il en génère d’autres, relatifs à la qualité plus que discutable de la nourriture disponible dans les décharges.  Des cigognes meurent notamment d’ingestion d’élastiques ou de plastiques qu’elles semblent confondre avec des vers, comportement que l’on observait déjà à proximité des décharges en France avant leur progressive fermeture impulsée par la directive européenne de 1999 sur les décharges. La mise en conformité de l’Espagne et du Portugal avec cette directive devrait conduire à une fermeture prochaine de plusieurs de ces décharges, posant la question de la future adaptation des cigognes à la perte prévisible de ces sites d’hivernage.

     

    Conclusion

    28. L’étude du « plan de vol » des cigognes blanches amène donc à percevoir les migrations comme un objet en construction perpétuelle, de la recherche de nouveaux espaces de nidification permise par les changements climatiques du début de l’holocène puis par les premiers défrichements, jusqu’aux adaptations aux changements globaux justifiant la réflexion contemporaine sur l’anthropocène. Les sociétés humaines, à leur tour, s’interrogent, interprètent l’absence et le retour saisonnier des cigognes dans des constructions culturelles dont dépendent ensuite l’accueil, les interactions et donc l’expérience de vie des oiseaux, dans une co-construction illustrant la formule d’Anna Tsing considérant la nature humaine comme une relation interspécifique42.

    29. A propos de cette relation interspécifique, particulièrement bien documentée concernant la relation entre cigognes blanches et sociétés humaines, notre étude espère avoir conforté les arguments en faveur de la nécessaire prise en compte de l’agentivité des uns et des autres dans l’art délicat d’habiter la Terre. Les voyages des cigognes font en effet apparaitre le caractère entretissé des vies humaines et autres qu’humaines : en rencontrant diverses cultures et conditions, les populations de cigognes blanches peuvent être impactées, et impactent en retour les sociétés dans leur rapport au monde et à leur environnement.

    30. S’ouvre alors le chantier d’une double négociation : entre sociétés humaines et cigognes afin de déterminer les termes d’une cohabitation avantageuse pour chaque partie, mais aussi entre sociétés humaines devant s’accorder sur les effets de leurs actions sur le reste du vivant.

    31. Les migrations de la cigogne seraient-elles aptes à assumer le rôle de vecteur d’une mise en réseau des sociétés humaines pour une meilleure gouvernance mondiale, prenant acte d’une nécessaire diplomatie interspécifique ? C’était du moins l’un des vœux déjà exprimé par Johannes Thienemann au lendemain de la Première Guerre mondiale, à propos de son réseau de correspondants impliqués dans le suivi des cigognes baguées43.

     

    Mots-clés : Cigognes blanches, migrations, sédentarisation, représentations, agentivité.

     

    • 1   Conal Urquhart, « Arrested spy stork killed and eaten after release in Egypt », The Guardian, 7 septembre 2013.
    • 2   Site internet du département de Géographie de l’Université de Santa Barbara.
    • 3 https://legacy.geog.ucsb.edu/if-it-walks-like-a-duck-and-talks-like-a-duck-its-probably-a-stork-or-a-spy/, consulté le 10 novembre 2024. Amira Al-Hussaini, « #spyduck, le canard-espion met en joie toute l’Egypte », Global Voices,1 septembre 2013.
    • 4   Jean Estebanez, Emmanuel Gouabault et Jerôme Michalon, « Où sont les animaux ? Vers une géographie humanimale », Carnets de géographes, 5-2013. Les auteurs y décrivent la géographie humanimale comme une géographie qui ne s’interroge pas seulement sur la localisation des animaux, mais sur la spatialisation des relations entre humains et autres qu’humains.
    • 5 Jonah Gula, K.S. Gopi Sundar, Sandi Willows-Munro, Colleen T.Downs, « The state of stork research globally : a systematic review », Biological conservation, volume 280, avril 2023. https://doi.org/10.4000/cdg.1046 
    • 6   Marc Duquet, La cigogne blanche, Delachaux et Niestlé, Paris, 2018. https://doi.org/10.1016/j.biocon.2023.109969  
    • 7   Ulrich Schmölke et Kai-Michael Thomsen, « Prehistorical and historical occurrence and range dynamic of the Eurasian Spoonbill and the White Stork in Europe », Journal of ornithology, 2024
    • 8   Jean Dorst, « Le problème des migrations vu par les anciens », Revue d’écologie, 3-1950, p.113-127. https://doi.org/10.1007/s10336-024-02206-8 
    • 9   Johann Wonnecke von Caub, Gart der Gesundheit, Peter Schöffer, Mayence, 1485.
    • 10   Pierre Belon, Histoire de la nature des oyseaux, avec leur description, et naïfs portraicts retirez du naturel », Corrozet, Paris, 1555.
    • 11   Anton Serdeczny, Du tabac pour le mort, Ceyzérieu, Champ Vallon, 2018.
    • 12   Ragnar Kintzelbach, Das Buch von Pfeilstorch, Basilisken Presse, Marburg an der Lahn, 2005.
    • 13   Raf de Bont, « Poetry and precision : Johannes Thienemann, the Bird Observatory in Rossiten and Civic Ornithology, 1900-1930 », Journal of the History of Biology, volume 44, n°2, 2011, p.171-203
    • 14   Georges Bischoff, Pour en finir avec l’histoire d’Alsace, Editions du Belvédère, Pontarlier, 2015. https://www.jstor.org/stable/41488400  
    • 15   Fabienne Fischer, Alsaciens et Lorrains en Algérie. Histoire d’une migration. 1830-1914. Serre Editeur, Nice, 1999.
    • 16   L’Aïn Sefra, Le courrier de Mostaganem, 13 avril 1905, p.2.
    • 17   Sebastien Brant, La Nef des Fous, La Nuée Bleue, Strasbourg, 2020.
    • 18   Gottlieb Konrad Pfeffel, « Die Schwalbe und der Storch », Poetische Versuche : erster bis dritter Teil, Henricus, Berlin, 2018.
    • 19   Johann Peter Ebel, « Der Storch », Alemannische Gedichte, Karlsruhe, 1803.
    • 20   Arrêté ministériel du 17 avril 1981 relatif aux oiseaux protégés sur l’ensemble du territoire.
    • 21   Côme-Damien Degland et Zéphirin Gerbe, Ornithologie européenne ou catalogue descriptif, analytique et raisonné des oiseaux observés en Europe, J.B. Baillière et fils, Paris, 1863.
    • 22   Catherine Mayeur-Jaouen, « La cigogne : ses noms, ses visages, ses voyages », dans Christian Müller et Muriel Roiland-Rouabah, Les non-dits du nom. Onomastique et documents en terres d’Islam, Presses de l’IFPO, Beyrouth, 2014.
    • 23   André Goldenberg, Bestiaire et culture populaire musulmane et juive au Maroc, Edisud, Aix-en-Provence, 2000.
    • 24   Seyhmus Diken, Diyarbakir, Editions Turquoise, Paris, 2010.
    • 25   L’Orient le jour, 15 mars 2024.
    • 26   Ragnar Kintzelbach, Das neue Buch von Pfeilstorch, Basilisken Presse, Marburg an der Lahn, 2013.
    • 27   Docteur G.Bouet, La vie des cigognes, Editions Braun et Compagnie, Paris, 1963.
    • 28   Holger Schulz, Boten des Wandels, Rowohlt Polaris, Reinbek bei Hamburg, 2019.
    • 29   Marc Duquet, La cigogne blanche, Delachaux et Niestlé, Paris, 2018.
    • 30   Laurent Zimmermann, « Bec et ongles contre l’extinction : une approche géohistorique et géopolitique de la cohabitation entre hommes et cigognes blanches en Alsace », Revue du Rhin Supérieur, n°4, 2022, p.133-151.
    • 31   Alfred Schierer, « Quarante années d’observations et de recherches sur la cigogne blanche en Alsace », Ciconia, n°10, volume 1, 1986, p.1-12. https://www.ouvroir.fr/rrs/index.php?id=255  
    • 32   Marc Duquet, La cigogne blanche, Delachaux et Niestlé, Paris, 2018.
    • 33   Alain Jost, Thierry Culliford, Miguel Diaz Vizoso, Les Schtroumps et le vol des cigognes, Le Lombard, Bruxelles, 2020.
    • 34   Compte rendu du comité de suivi technique de l’Aprecial, 2 mai 2007.
    • 35   Cigogne Suisse, Bulletin n°46, 2016-2017, p.12.
    • 36   Bulletin de liaison du Comité National Avifaune, n°6, mars 2009.
    • 37   Conservatoire des sites Alsaciens. Retour d’expérience sur la restauration des prairies humides, 2015.
    • 38   James Cheshire et Oliver Uberti, Atlas de la vie sauvage, Les Arènes, Paris, 2017.
    • 39   Mikaël Jaffré, Migration des oiseaux et changement climatique :analyse des données de migration active en France et en Europe, Thèse de Doctorat, soutenue le 17/12/2012 à l’Université Lille 1.
    • 40   Fabien Paillot, « Réchauffement climatique : les cigognes ne migrent plus vers l’Afrique, et c’est une mauvaise nouvelle », Le Parisien, en ligne,  7 janvier 2023.
    • 41   ACROLA, Suivi des cigognes blanches en Loire-Atlantique. Bilan 2020.
    • 42   Anna Lowenhaupt Tsing, Le champignon de la fin du monde : sur la possibilité de vivre dans les ruines du capitalisme, La Découverte, Paris, 2017.
    • 43   Johannes Thienemann, « XIX. Jahresbericht der Vogelwarte Rossiten der Deutschen Ornithologischen Gesellschaft », Journal für Ornithologie, n°69, 1921, p.1-13.
    • Cité dans Raf de Bont, « Poetry and precision : Johannes Thienemann, the Bird Observatory in Rossiten and Civic Ornithology, 1900-1930 », Journal of the History of Biology, volume 44, n°2, 2011, p.171-203 https://www.jstor.org/stable/41488400  
     

    RSDA 2-2024

    Dossier thématique : Les archives des animaux

    Grandes traversées et petits voyages

    • Egle Barone Visigalli
      Directrice de l’École Nature Recherche (ENR)
      EAS-Paris 1, Panthéon-Sorbonne

    I. Pourquoi se déplacer?

    « Caelum, non animum mutant qui trans mare currunt », si Horace avait raison alors pourquoi voyager? Parmi toutes les autres espèces, Homo Sapiens a fait du voyage un moteur civilisationnel et une pratique ontologique. On part depuis toujours à la recherche de ressources et de richesse, de gloire, de savoir, pour fuir une situation insupportable, pour se di-vertir (toujours une sorte de fuite, donc). Il a fallu la crise écologique actuelle pour que les voyageurs sensibles à l’environnement réhabilitent un certain immobilisme et boudent les grandes traversées. Quid des autres espèces? Celles qui seraient mues par la nécessité, et qui obéiraient au pur instinct, inscrit dans leur ADN (d’ailleurs comment fonctionne-t-il réellement cet étrange lien corps/esprit?) Les animaux voyageurs, oiseaux migrateurs, mammifères terrestres ou marins, insectes, parcourent parfois des centaines, voire des milliers de kilomètres, pour survivre, se reproduire, trouver des conditions de vie favorables. Mais les déplacements ont aussi des raisons sociales, affectives, sont le fruit de choix délibérés. D’un continent à l’autre, d’un pays à l’autre, d’un rivage à l’autre, ou simplement en traversant la rue, les êtres vivants se déplacent.

    II. Migrer

    L’histoire des migrations animales est bien longue. Une chose est certaine, elle a redessiné le monde. Les changements climatiques en sont grandement responsables. L’exemple le plus cité de migration préhistorique entre Eurasie et Amériques est, bien sûr, celui du passage par le détroit de Behring glacé, la langue de terre qui, entre 20000 et 11000 ans avant notre ère, permettait aux espèces terrestres, dont la notre, de réaliser la traversée intercontinentale. Bisons (Bison priscus), mammouths laineux (Mammuthus primigenius) et cervidés ont colonisé les plaines nord-américaines et ont prospéré dans les environnements glaciaires. Dans l’autre sens, les ancêtres des chevaux modernes (Equus) ont migré vers l'Eurasie. Ces mêmes espèces, qui finirent par s'éteindre en Amérique, seront réintroduites des millénaires plus tard par les colons européens. À la fin du Pléistocène, beaucoup d’espèces de grande taille ayant migré entre l’Ancien et le Nouveau monde avaient disparu. Le réchauffement global et la fonte des glaciers avaient transformé leurs habitats et réduit les ressources. L'arrivée des hommes, suivant la mégafaune le long des mêmes routes migratoires, en détermina la fin et entraîna divers déséquilibres écologiques qui transformèrent les écosystèmes nord-américains, remplaçant  les grands animaux par des espèces de plus petite taille, plus opportunistes.1

    Depuis toujours, des millions d'espèces se déplacent durant toute leur vie, en s’orientant dans le maillage complexe du monde que nous ne percevons pas, guidées par des mécanismes biologiques quasi magiques, des repères visuels qui leur sont propres, la capacité à lire les champs magnétiques terrestres... Les hirondelles et les oies cendrées traversent chaque année les continents et nos vies, source éternelle d’émerveillement. La « Homing season » désigne la période qui voit les oiseaux revenir de leur migration, autrement dit : ils rentrent à la maison. Parfois, mais trop rarement, ce sont les hommes qui aident les autres « à faire leur nid ». Le beau film de Tamar Hassan, « Homing », suit les migration des hirondelles noires d’Amérique du Nord. Délogées il y a des siècles par la colonisation du continent, elles doivent compter sur l’hospitalité de l’espèce humaine pour y revenir. « Homing » restitue leur voyage depuis l’Amazonie et les modalités du secours mises en place.2

    Quant aux insectes, en général oubliés par les récits humains glorifiant les migrations sauf pour en déplorer la capacité de nuisance, ils comptent parmi les voyageurs les plus courageux. Le voyage des papillons monarque excède la vie de l’individu et se déroule sur plusieurs générations : cette espèce migre chaque année entre le Canada et le Mexique, sur une distance allant jusqu'à 4 000 kilomètres!3

    Si on change de milieu, et que l'on passe des airs à l’eau, nous avons pléthore d’exemples de prouesses migratoires, comme celle des tortues marines, qui parcourent des milliers de kilomètres pour revenir pondre sur les plages où elles sont nées. Ces animaux ressentent la philopatrie (que les hommes aussi connaissent si bien), un sentiment qui est presque le synonyme du homing. Les grandes tortues Luth par exemple traversent les océans Atlantique, Indien et Pacifique : en Afrique, leurs principaux sites de nidification sont le Gabon, le Congo Brazzaville, et l’Angola. En Amérique, elles reviennent pondre en Guyane, au Suriname et au Guyana.4 Les voir pondre est une expérience inoubliable, que l’on devrait pourtant s’interdire pour ne pas les déranger, la ponte étant devenue une sorte d’attraction touristique, notamment en Guyane.  D’autres grandes voyageuses, les baleines à bosse, migrent chaque année entre les eaux froides des régions polaires, riches en nourriture, et les eaux tropicales. Il s’agit de trajets de milliers de kilomètres, qui nécessitent d'immenses capacités d'orientation et d'endurance. Les saumons aussi effectuent des voyages extraordinaires. Pour se reproduire, ils remontent de l'océan aux rivières jusqu'à leur lieu de naissance, au prix d’incroyables efforts.

    Les exemples de migrations terrestres sont tout autant innombrables. Je pense aux bisons des plaines américaines qui, dans leur lointain passé, avaient déjà changé de continent, et qui, avant leur extermination par les colons européens, parcouraient inlassablement des milliers de kilomètres. On peut aussi citer les milliers de gnous et de zèbres migrant à travers la savane africaine, en quête de pâturages... Pendant des millénaires, leurs déplacements ont été la garantie de la régénération des sols.5 Au fil du temps, les barrières anthropiques (nos structures et infrastructures), la destruction des habitats et le changement climatique ont profondément chamboulé ou arrêté les pratiques migratoires.

    III. Le voyage comme décision autonome

    Et puis, il y a les autres voyages, fruit de décisions individuelles : le homing qui n’est pas lié à la reproduction, la recherche de liberté, la fuite face à la souffrance. Chiens et chats domestiques sont capables de parcourir des kilomètres pour retrouver leur maison et leur famille. Comment s’orientent-ils? Par les sens et l’amour, par la mémoire et l’attachement aux lieux et aux êtres. Parmi les milliers d’histoires qui émaillent les récits en tout genre, je retiens celle récente de Cocci la chatte qui a parcouru 600 kilomètres entre l'Orne et la Meuse6. Après le déménagement de ses propriétaires en Normandie, elle a été retrouvée 13 mois plus tard près de son ancien domicile. Le chat aurait une mémoire spatio-temporelle, il serait capable de se repérer dans l'espace en fonction des expériences vécues, son odorat est 70 fois plus développé que l'odorat humain, et son ouïe trois fois plus. Il est nyctalope, et la nuit il y a moins de dangers liés à la circulation et aux mauvaises rencontres.7

    Les récits concernant les chiens qui retrouvent leur maître même à des milliers de kilomètres de distance et après plusieurs années sont innombrables, l’affection et le flair s’alliant à la magnétoréception. L'idée que les animaux perçoivent le champ magnétique terrestre a été d’abord rejetée par les physiciens et les biologistes, affirmant que le champ magnétique terrestre est bien trop faible pour être détecté par un organisme, et qu’il n'existe aucun mécanisme biologique capable de convertir les informations du champ magnétique en signaux électriques utilisés par le système nerveux. Au fil du temps, les preuves que les animaux perçoivent effectivement ces champs se sont accumulées. Il est désormais évident que divers animaux, mollusques, insectes ou vertébrés comme les tortues de mer et les oiseaux, exploitent les informations du champ magnétique terrestre pour guider leurs déplacements sur de grandes ou de petites distances.8

    Mais il y a aussi des histoires qui finissent mal, des animaux qui ne rentrent jamais et d’autres, épris de liberté, qui choisissent de partir. Certains animaux semblent s'engager dans des déplacements exploratoires, motivés non par un besoin immédiat, mais par l’envie de découvrir des nouveaux territoires ou de rencontrer des individus de leur espèce (ce qui est fréquent chez les chats, même stérilisés). Les corbeaux, les corneilles et les corvidés en général, sont des explorateurs nés, le voyage étant encore l’une des manifestations de leur intelligence exceptionnelle. Si le contexte change, ces oiseaux s’adaptent. Les corneilles et les corbeaux freux, par exemple, ont modifié leurs parcours migratoires en Europe. Ils deviennent de plus en plus semi-sédentaires, s’installant surtout dans les milieux urbains et se limitant à des déplacements plus courts, les hivers étant plus doux.9

    Chez les animaux domestiques, le voyage exploratoire est souvent interprété comme une fugue, mais en réalité un chien qui quitte sa maison pour une journée peut vouloir simplement explorer son environnement, par curiosité, tout en sachant qu'il reviendra chez lui. Ce comportement, source d’angoisse pour les humains attachés à leurs compagnons, démontre une volonté d’indépendance, le désir d'interagir avec le monde extérieur, ou la volonté… de déménager. Un beau jour, le chien Gicu fuit Paris et le bruit de la place Monge et pour cinq ans erre de département en département sans se faire attraper. Il sera retrouvé par sa propriétaire dans les Yvelines et elle mettra du temps à pouvoir l’approcher. Il n’est jamais revenu à Paris et à trouvé une nouvelle maitresse et une nouvelle maison avec jardin… à la campagne! Quelles raisons ont motivé cette fugue? pas la maltraitance, car la propriétaire de Gicu l’aimait et l’a recherché inlassablement, mais, semble-t-il, un véritable goût pour la liberté et peut-être, une véritable aversion pour la ville, ses odeurs et ses bruits.10

    D’autres animaux, domestiques ou captifs, entreprennent des voyages pour échapper à la souffrance. Ils fuient des maîtres maltraitants, des conditions de vie insoutenables, l’enfermement, des situations émotionnelles stressantes.

    IV. Changement de rivage en Amazonie

    Dans le cadre de nos recherches sur les relations historiques entre les êtres vivants en Amazonie franco-bresilienne, nous avons consacré plusieurs missions à la région frontalière entre le Parc Amazonien de Guyane et le Parc des Tumuc Humac au Brésil, où sont situés les villages amérindiens Tupi Guarani et les avant-postes de l’orpaillage clandestin brésilien.

    Vue générale de Camopi depuis Vila Brasil photo F. Bortolotti 2013

    Le fleuve Oyapock constitue la frontière naturelle entre la Guyane et le Brésil ; sur un rivage, se trouvent les villages amérindiens Wayapi et Teko et les peuples Tupi-Guarani, installés depuis le XVIIIe siècle, sur l’autre, les hameaux de Vila Brésil et Ilha Bêla.

    vila Brasil photo E.B. Visigalli

     Vila Brasil, le chemin principal le long du fleuve photo E.B. Visigalli

    Vila Brasil, ex comptoir de l’orpaillage clandestin, s’est reconvertie à l’agriculture et au commerce. Depuis la fin des années 1990, nous assistons à la naissance d’une culture amazonienne forestière assez originale, qui présente des inversions intéressantes dans la relation entre les hommes et les autres êtres vivants.

    Chez les Amérindiens, animistes en dépit des missions évangélisatrices qui se sont succédées depuis le XVIIe siècle, le quotidien de animaux domestiques est assez dur, leur rôle étant surtout utilitaire : les chiens sont utilisés pour la chasse et la garde, les chats, une nouveauté amenée par les occidentaux à partir de la deuxième moitié du siècle passé, sont prisés comme dératiseurs… Mais ni les uns ni les autres n'ont une place attitrée dans les maisons, et ils sont même abandonnés si malades ou mourants. Les chiens sont souvent attachés et peu nourris. Quelques animaux sauvages orphelins, comme des paresseux, peuvent être adoptés comme compagnons des enfants, on leur coupe les griffes et ils sont parfois relâchés une fois adultes. Nous avons assisté au triste sort d’un « chien bois » captif, (Speothos Venaticus) auquel on avait limé les dents et qui vivait enchainé, son propriétaire ayant peur pour l’incolumité des enfants. 

    Chien Bois captif @Dominique Lestel 2014

    Chez les orpailleurs ou ex-orpailleurs brésiliens, catholiques ou évangéliques, qui habitent le rivage d’en face et qui ont causé tant de dégâts à l’environnement forestier, le rapport aux animaux domestique est empreint, paradoxalement, d’une bien plus grande douceur.

    A Vila Brasil, chaque famille ou presque a des chiens, des chats, des perroquets. Tous les animaux sont soignés et vaccinés, un vétérinaire vient de la ville, qui se trouve à plusieurs heures de pirogue, une ou deux fois l’an, et les habitants se cotisent pour le payer.

    Bouboule et son maître de retour de promenade, photo Dominique Lestel 2014

    Les chiens de chasse, auxquels on attache beaucoup d’importance, sont enfermés la nuit dans des petites maisons en bois sur pilotis, pour les protéger des jaguars.

    Nous avons assisté à la traversée à la nage, assez périlleuse, du fleuve Camopi, par un chien qui avait décidé de venir s’installer... du côté brésilien. Il semble que cela soit plutôt fréquent, les chiens choisissent de changer de rivage, d’humains, de vie.

    Dans une étonnante inversion des pratiques et des discours, là où la cosmologie est tissée dans la trame de la nature et les mythes fondateurs parlent de continuité entre tous les vivants, les rapports aux animaux sont souvent empreints de dureté et d’indifférence. En revanche, chez les brésiliens du front pionnier, souvent des hors la loi, la relation aux animaux domestiques est empathique et proche de celle des cultures occidentales urbaines. Les animaux, ici au fond de la foret amazonienne, où la vie est dure et précaire, sont des véritables compagnons de vie.

    En conclusion

    Les animaux parcourent parfois de longues distances au péril de leur vie, avec courage et détermination. Ils migrent, explorent, changent d’environnement, s’enfuient, reviennent à la maison.

    Au delà des besoins de l’espèce, les voyages librement entrepris nous montrent, une fois de plus, que les vivants non humains sont des êtres qui pensent, planifient, se souviennent, aiment, détestent et choisissent.

     

    Sources et bibliographie

    https://portals.iucn.org

    Barone-Visigalli Egle, Lestel Dominique, Nogara Federico, 2013 -2014, Animaux, hommes et plantes en Amazonie: un réseau d’histoire, programme HNPM CRILLASH-CADEG, Équipe interne, Rapport de mission non publié.

    Benediktová Cateřina et al. (2020), L'alignement magnétique améliore l'efficacité de la recherche de repères par les chiens de chasse, eVie 9:e55080. https://doi.org/10.7554/eLife.55080

    Desprez Vinciane et Van Doreen Thom (2022) Dans le sillage des corbeaux, Actes Sud

    Faure Caroline, "Le comportement du chat et la relation homme-chat : étude après enquête auprès de 471 propriétaires", Médecine vétérinaire et santé animale. 2007, ffdumas-0455907

    Fretey Jacques, Les tortues marines de Guyane, Cayenne, Plume Verte, 2005.

    Johnsen S. et  Lohmann K.J. (2008), Magnétoréception chez les animaux, Physics Today, 61: 29–35.

    Pastoureau Michel (2021) Le corbeau, une histoire culturelle, Éditions du Seuil.

     

    Mots- clé: histoire animale, anthropologie de la nature.

     

    RSDA 2-2024

    Histoire des sciences,Histoire moderne et contemporaine
    Dossier thématique : Points de vue croisés

    Réinterroger les assignations à l’époque contemporaine (XIXe – XXIe siècle) : le castor « voyageur »

    • Rémi Luglia
      Agrégé et docteur en Histoire
      Université de Tours/Université de Caen
      Chercheur associé à CITERES (Cités Territoires Environnement et Sociétés), équipe DATE (Dynamiques et Actions Territoriales et Environnementales) – UMR 7324 et MSH Val de Loire, université de Tours. Membre associé du Pôle rural - MRSH et à HisTeMé (EA 7455), Université de Caen Normandie. Chevalier de l’ordre national du Mérite.

     

    1. Quand on évoque la notion de voyage à propos des animaux sauvages, surgit de prime abord la figure des migrateurs. Ce sont des espèces qui accomplissent tout ou partie de leur cycle annuel de vie en se déplaçant, parfois sur des distances considérables, généralement pour fuir le froid et ses contraintes, notamment alimentaires. Mais il existe des exceptions parmi les migrateurs : le manchot empereur (Aptenodytes forsteri) lui, migre à rebours puisqu’il s’installe en plein hiver au cœur du continent antarctique pour pondre et élever ses petits1. Par opposition aux migrateurs, d’autres espèces sont dites sédentaires, c’est-à-dire qu’elles demeurent durant toute leur vie individuelle au même endroit, parfois même en occupant un territoire assez bien délimité. Il en est ainsi du castor d’Europe (Castor fiber), que nous mobiliserons fréquemment comme exemple dans cette contribution, en renvoyant à notre publication de synthèse récente2. Mais est-ce à dire que ces espèces dites sédentaires sont pour autant immobiles, voir fixes ? Nous répondons d’emblée en affirmant la négative et en invitant, en historien, à mobiliser des perspectives temporelles étendues et imbriquées3, sans pour autant aller jusqu’au temps de l’évolution des espèces4, particulièrement signifiant pour mettre en mouvement le vivant mais beaucoup plus long et qui dépasse nos compétences universitaires.

    2. Concrètement, cette opposition migrateurs/sédentaires tient pour partie d’un manichéisme souvent cher aux humains, qui apprécient au fil du temps ces binômes simplificateurs voire caricaturaux d’une réalité infiniment diverse et complexe : domestique/sauvage ; prédateur/proie ; carnivore/herbivore ; utile/nuisible ; allochtone/autochtone... Si toutes ces expressions se fondent sur certains constats réels du point de vue des humains, et leur permettent d’appréhender une réalité difficile à saisir, ils sont avant tout des construits sociaux qui catégorisent en le schématisant à outrance le monde vivant et déterminent les comportements humains à son égard. Comme se plaît à le souligner très à propos la juriste Aline Treillard, inspirée par Simone de Beauvoir : « on ne naît pas nuisible, on le devient »5. Ce constat peut être étendu à nombre de qualificatifs plaqués par les humains sur les réalités animales6. André Micoud par exemple raisonne selon le concept de « communauté biotique » au sein de laquelle il inclut les humains et pose le débat7 : comment vivre ensemble ? La façon de désigner les indésirables dans la communauté biologique est un premier enjeu qui emporte surtout une question opérationnelle : comment les contrôler (i.e. les détruire bien souvent) ? Trouver des arrangements implique de tenir compte des interactions permanentes qui se produisent à l’intérieur de la communauté biologique mais aussi par rapport à l’extérieur, et nécessite, pour s’inscrire dans la réalité des anthroposystèmes un dépassement de l’idéologie anthropocentrique, qui postule que l’humain est extérieur à la communauté. Corinne Beck et Élisabeth Rémy, dans un article fondateur8, montrent que les notions d’autochtonie et d’allochtonie sont très instables, et construites à partir d’un fonds idéologique commun et d’une singulière circularité des discours. Une qualification-hiérarchisation des espèces en est produite, où l’affect importe autant sinon plus que la raison scientifique ou l’intérêt des acteurs. Enfin, historiquement, elles signalent le passage progressif d’une logique d’intégration de l’étranger à celle de son exclusion et de sa désignation comme bouc-émissaire. Nous rejoignons cette analyse.

    3. Le monde actuel, dont le caractère primordial selon nous est l’effondrement de la biodiversité9, ressort désormais globalement d’un système anthropocénique dans lequel les humains sont le principal facteur de transformation. Dans ce contexte, avec ces dynamiques de longue durée, quelle est la place des autres qu’humains au sein d’anthroposystèmes de moins en moins fonctionnels ? De façon plus prospective, quelle devrait être leur place pour construire un monde écologiquement plus fonctionnel, plus résistant, plus résilient ? Ne devrait-elle pas être plus respectueuse de la spontanéité et des besoins des vivants autres qu’humains, en somme de leur liberté ?

    4. Ces réflexions générales nous conduisent à interroger dans la présente contribution les termes de « migrateur », « sédentaire », « voyageur » ou de « frontière », appliqués à la faune sauvage, en nous plaçant à différentes échelles spatiales10 et temporelles, et en mobilisant tout autant les points de vue humains (ici principalement issus des sciences naturalistes, qui sont la source principale de nos travaux de recherche)11 que les points de vue animaux12. Car toute la richesse heuristique du « voyage » ou de la « frontière » est contenue dans l’intrication de ces deux dimensions, dans une approche parfois qualifiée de géohistorique13, qu’il convient de rapporter aussi bien au niveau des individus, des communautés, des populations que des espèces. Ainsi à une échelle temporelle plus petite, celle de l’évolution, les espèces aussi se déplacent et se transforment, composant des communautés perpétuellement changeantes. La fin de la dernière glaciation (Würm, il y a environ 12 000 ans) a généré une formidable progression vers le nord de très nombreuses espèces animales, mais aussi végétales, composant et recomposant des écosystèmes variés. Les changements climatiques actuels provoquent des dynamiques similaires, accélérées : nombreuses sont les espèces dont l’aire de répartition se modifie (talève sultane Porphyrio porphyrio par exemple, qui progresse le long de la côte languedocienne) ou dont le comportement migratoire change (grue cendrée Grus grus qui hiverne désormais en Camargue par exemple). D’autres formes de voyages existent également, comme ceux qui conduisent les jeunes adultes de nombreuses espèces à « partir à l’aventure » pour trouver un lieu où s’établir. Les déplacements des animaux sont par ailleurs nombreux dans leurs déplacements quotidiens, mais ils excèdent le champ de notre réflexion, quoiqu’ils permettent néanmoins d’appréhender la notion de « frontière » et donc de « territoire ». À tous ces égards, les êtres humains n’apparaissent pas différents des autres animaux, et connaissent (ou ont connus) également ces mêmes types de déplacement. Cependant les regards et les agirs humains (nous nous concentrons ici sur les sociétés occidentales supports du naturalisme caractérisé par Philippe Descola)14 conduisent à de très grands bouleversements en modifiant profondément les communautés biologiques (5 pressions décrites par IPBES en 2019)15 et en façonnant les « harmonies terrestres », avec une accélération contemporaine produite par l’intensification agricole, l’industrialisation, l’urbanisation, la colonisation. Ainsi les animaux et leurs déplacements sont désormais fortement contraints par leur (sur)exploitation, les transformations (souvent destructions) de leurs habitats, les pollutions de toute nature (de l’air, de l’eau, des sols, lumineuses, olfactives…), les changements climatiques d’origine anthropique. Dans le cadre de notre réflexion, la question des espèces exotiques envahissantes est spécifique car elle représente un « voyage » d’espèces provoqué par les humains.

    I. Des fluctuations humaines de la figure du voyageur chez l’animal sauvage : l’exemple du castor canadien

    5. Pour entrer dans le sujet d’une façon très concrète et par une démarche inductive, il paraît assez signifiant de s’intéresser un instant au castor canadien (Castor canadensis) sous la forme de l’étude de 4 cas qui ont en commun un déplacement et une introduction de cette espèce par les humains. En effet, le castor canadien n’est pas présent naturellement en Europe. Pourtant, plusieurs populations existent ou ont existé dans le Nord, l’Ouest ou l’Est de ce continent.

    6. Dans les années 1930, la Finlande, qui a vu ses castors disparaître en 1868, décide de réintroduire cette espèce. En 1935, des castors d’Europe sont prélevés en Norvège puis relâchés16. Mais en 1937, ce sont des castors canadiens qui sont introduits17 car à l’époque la différence entre les deux espèces ne paraît pas aussi bien connue que désormais. Les castors canadiens prospèrent rapidement et occupent une portion significative du territoire. La crainte des scientifiques, une fois qu’ils ont reconnus les deux espèces, est de les voir supplanter la population de castors d’Europe. Ils s’en inquiètent et documentent le sujet pendant plus de 50 ans, mais ce risque semble désormais s’estomper car les deux populations paraissent stables dans leurs effectifs et leur répartition en Finlande.

    7. En France, dans les années 1970-1980, dans l’Yonne près de Saint-Fargeau, une population de castors canadiens existait dans un parc privé. Certains s’étant échappés en 1977, une petite population férale d'une vingtaine d'individus s’est formée. Or, sous l’influence des inquiétudes finlandaises, les naturalistes français se sont alarmés d’une possible concurrence avec la population de castors d’Europe en cours d’expansion sur la Loire, suite aux réintroductions de 1974-1976 à Blois, en supposant que celle-ci se ferait au détriment des castors européens. Les 24 castors canadiens furent donc capturés puis stérilisés à l’école vétérinaire d’Alfort. Depuis une surveillance étroite des castors en France est conduite par l’État (« Réseau castor » de l’Office français de la biodiversité) afin d’éviter toute arrivée de castors canadiens.

    8. D’autres populations de castors canadiens, introduites en Autriche et en Pologne, semblent également éteintes. Mais, actuellement, la présence des castors canadiens est confirmée dans la zone frontalière de trois pays : l’Allemagne (Rhénanie-Palatinat), le Luxembourg et la Belgique. Un effort de prospection cherche à circonscrire la taille de cette population. L’objectif des scientifiques et des autorités semble à terme d’éradiquer cette population. La difficulté semble ici constituée principalement par l’existence de trois frontières humaines car il faut coordonner aussi bien les prospections que les prélèvements, et ajuster les temps politiques et les procédures administratives.

    9. Enfin, bien loin de l’Europe, mais aussi de son territoire d’origine, le castor canadien a été introduit dans les années 1940 en Terre de Feu (Argentine et Chili) pour développer une activité économique autour de la fourrure, qui n’a d’ailleurs pas tenu les promesses escomptées. Sans prédateur, les populations de castors se sont considérablement développées dans ce milieu favorable mais produisent un déséquilibre majeur dans l’écosystème forestier dont les essences n’ont pas coévolué avec cette espèce : ainsi la forêt apparaît comme « ravagée » et les castors sont considérés comme espèce exotique envahissante, sans qu’une solution puisse être esquissée18.

    10. Dans chacun de ces cas, bien qu’étant une espèce sédentaire, c’est bien la qualité de « voyageur » du castor canadien qui questionne les humains, que ce soit pour le déplacer intentionnellement (introductions), pour constater qu’il s’est affranchi des frontières assignées par les humains (évasion de captivité ; actions au-delà de ce qui était envisagé ou souhaité par les humains) ou pour le « remettre à sa place » (politiques de contrôle ou d’éradication). Sur le temps long, l’image du castor canadien parmi les humains, et la figure de « l’étranger », est passée d’une richesse potentielle (fourrure, à introduire) à un risque majeur (« espèce exotique envahissante », à éradiquer). Une montée en généralité est possible pour identifier, contextualiser et comprendre ces variations.

    II. De la considération portée aux migrateurs

    11. Les animaux migrateurs, et particulièrement les oiseaux, ont depuis longtemps interrogé les humains : que devenaient-ils pendant la saison froide ? Où se rendaient-ils ? Les grandes découvertes et notamment celle de l’Afrique, puis sa colonisation, ainsi que les sciences naturelles modernes (particulièrement avec Pierre Belon et Buffon ainsi que par la technique du baguage), attestent et précisent les phénomènes migratoires et remettent en cause certaines croyances (métamorphoses, hibernation par exemple des hirondelles), qui connaissent cependant une certaine persistance dans la population.

    12. Au-delà de ces considérations d’ordre scientifique, les migrateurs sont d’abord considérés pour leur utilité économique, dans une conception anthropocentrée largement partagée jusqu’à notre époque, qui juge chaque espèce en fonction de son intérêt direct et immédiat perçu par les humains. En l’occurrence, les migrateurs (surtout les oiseaux mais ce sont aussi les poissons) sont considérés comme une manne providentielle, dont il faut absolument capter le maximum pour éviter que ce ne soient les voisins qui en profitent. Cette ressource est de prime abord conçue comme inépuisable. Ici c’est bien une vision humaine territorialisée qui s’applique à des espèces « sans frontières » : ces espèces ne sont pas de « chez nous », elles ne font que passer et leur surexploitation n’est pas pensée comme un appauvrissement de la richesse locale ou nationale.

    13. M. de Confevron, naturaliste amateur membre de la Société d’acclimatation, est un bon exemple des opinions qui se définissent et s’expriment à la fin du XIXe siècle au sein des sociétés savantes sur la question des oiseaux migrateurs : « […] à force d’avoir dit qu’on pouvait détruire les oiseaux de passage et d’avoir mis ce précepte en pratique, il n’en existe presque plus ; de sorte qu’ils passent maintenant en bien petit nombre, en attendant qu’ils ne passent plus du tout. […] Tout concourt à la perte de ces pauvres petites bêtes : animaux de proie, qu’on se garde bien de détruire ; pièges de toutes natures […] ; chasses de toutes sortes […]. En face de cette tuerie si malheureuse des oiseaux, aucune protection, aucune répression bien entendue et efficace. Il en sera ainsi tant que la législation sur la chasse et sur la protection des oiseaux ne sera pas absolument modifiée, et ce, non uniquement par des législateurs, mais en tenant compte de l’avis et des vœux des sociétés savantes »19. M. de Confevron dénonce également l’ampleur des massacres réalisés à l’occasion des migrations dans le seul but de commercialiser la masse du gibier abattu. Ainsi en 1878, il demande la prohibition du commerce de la caille (Coturnix coturnix) au printemps à destination de la France ou de l’Angleterre et en provenance du Levant et de l’Afrique20.

    14. La destruction des migrateurs ne semble pas connaitre de limites jusqu’à la fin du XIXe siècle, et bien peu ensuite. Les chasses dites « traditionnelles » sont dénoncées par les élites scientifiques et sociales car elles capturent en masse au moyen de filets, de glu, de pièges les petits oiseaux particulièrement dans les pays méditerranéens (rive nord et rive sud) mais aussi dans d’autres régions (Ardennes, Sud-Ouest). La pêche des poissons migrateurs consiste trop souvent à barrer entièrement un cours d’eau ou un bief pour capturer l’essentiel du flux que ce soit lors de la montaison ou lors de la dévalaison d’espèces comme le saumon (Salmo salar), l’anguille (Anguilla anguilla), la grande alose (Alosa alosa).

    15. Ces destructions massives, et les constats empiriques puis scientifiques de la raréfaction et même de l’effondrement de ces espèces, ainsi qu’une meilleure connaissance de leur biologie, vont déterminer au cours du XIXe siècle les premières réglementations de protection pour conserver les ressources21. On peut cependant se questionner sur l’effectivité de ces dispositions car on ne constate aucune véritable amélioration de la situation de ces espèces, au contraire. Il faut dire qu’à la surexploitation viennent s’ajouter, et se cumuler, des facteurs autrement plus pernicieux et ravageurs : pollutions en tous genres et notamment des eaux, destruction des habitats, biocides. Tout ces facteurs sont parfaitement identifiés au cœur du XIXe siècle.

    16. S’il est difficile de mesurer une réalité différente pour les espèces sédentaires, qui se raréfient tout autant que les migratrices, il est possible néanmoins de constater des représentations et des discours spécifiques de la part des humains, dans le sens d’un souci apparemment plus prononcé de leur devenir : ces espèces sont considérées de « chez nous » et nombreux sont les auteurs qui recommandent d’en prendre soin car elles participent à la richesse nationale. Ces espèces territorialisées semblent entrer plus facilement dans le patrimoine naturel défini au début du XXe siècle sur le modèle du patrimoine historique, culturel ou paysager22.

    III. Les humains comme modeleurs des harmonies terrestres

    17. Ces regards humains sur le vivant, que nous avons perçu à travers les exemples du castor canadien et la question des migrateurs, expriment en réalité une conception plus globale qui conçoit l’humain (de façon essentialisée) comme le grand ordonnateur du monde, le garant de ce qui est alors fréquemment nommé « les harmonies terrestres ». L’humain se pense alors comme supérieur à tout autre être vivant, et à la nature en général, dont il se distingue. Dans une perspective assez créationniste et finaliste, la plupart des humains considèrent que le monde leur est destiné et qu’ils sont légitimes à le modifier et à l’exploiter selon leurs seuls besoins directs et immédiats, le plus souvent privés. Une des déclinaisons les plus explicites de cette conception anthropocentrée est contenue dans les diverses introductions réalisées par les humains et dans leur avatar le plus abouti : l’acclimatation. Celle-ci consiste à déplacer des espèces animales et végétales d’un bout à l’autre de la planète pour les conduire à vivre sous d’autres climats (d’où le terme « acclimatation »). De tels déplacements ne sont pas nouveaux et au fil des millénaires les introductions d’espèces furent très nombreuses, notamment pour les animaux dits domestiques ou les plantes cultivées mais aussi pour les espèces sauvages23. Cependant la nouveauté du cœur du XIXe siècle est leur structuration et leur institutionnalisation autour de sociétés savantes dites d’acclimatation, dont la première et principale est française24. Le projet du fondateur de la Société d’acclimatation Isidore Geoffroy-Saint-Hilaire, hérité de son père Étienne Geoffroy-Saint-Hilaire qui invente le mot « acclimatation »25, est de façonner le vivant : « Il ne s’agit de rien moins que de peupler nos champs, nos forêts, nos rivières d’hôtes nouveaux ; d’augmenter le nombre de nos animaux domestiques, cette richesse première du cultivateur ; d’accroître et de varier les ressources alimentaires, si insuffisantes, dont nous disposons aujourd’hui ; de créer d’autres produits économiques ou industriels ; et, par là même, de doter notre agriculture, si longtemps languissante, notre industrie, notre commerce et la société tout entière de biens jusqu’à présent inconnus ou négligés, non moins précieux un jour que ceux dont les générations antérieures nous ont légué le bienfait »26.

    18. Le ministère français de l’Agriculture se préoccupe d’acclimatation au moins depuis 183727 mais c’est Isidore Geoffroy Saint-Hilaire qui fédère en 1854 toutes les initiatives françaises derrière un projet à la fois scientifique et utilitaire : il faut connaître les espèces pour espérer les acclimater puis développer l’économie agricole. Les réseaux diplomatiques, commerciaux, scientifiques et coloniaux sont mobilisés. Le Jardin d’acclimatation de Boulogne est créé en 1860. L’acclimatation de nombreuses espèces est tentée : alpaca, chèvre angora, ver à soie, yack, ailante du Japon… L’idée d’acclimatation traduit une conception particulière du monde dans laquelle les humains ont vocation à dominer l’ensemble des espèces pour leur seul profit. Cette vision est parfaitement insérée dans une idéologie du XIXe siècle qu’Éric Baratay définit comme « celle de la révolution industrielle, du progrès, de la conquête du monde et de la colonisation, c’est-à-dire de la grandeur et de la suprématie de l’homme, de son droit à saisir et transformer la nature »28. Dans ce cadre, le rôle des savants est de contribuer à livrer à l’appétit des humains la part la plus conséquente possible des « ressources naturelles ».

    19. Cependant, dès la fin du XIXe siècle, plusieurs éléments vont se conjuguer pour favoriser une remise en cause de l’acclimatation et de l’utilitarisme le plus strict. Le premier de ceux-ci est la controverse scientifique autour de l’utilité et de la nuisibilité des espèces, qui remet en cause la notion même de « nuisible »29 et débouche sur le concept d’équilibre naturel, qui s’impose parmi les naturalistes30. Ce concept, pré-écologique, remet en cause l’interventionnisme utilitariste effréné et soutient que, dans l’intérêt de l’agriculture et plus largement des humains, il faut que les espèces se régulent naturellement entre elles. Le doute s’instille sur la capacité des humains à gérer cette nature qu’ils ne comprennent qu’imparfaitement et qu’ils ne croient maîtriser que par la violence de leurs actions destructrices. L’action des humains n’est plus alors considérée comme légitime que lorsqu’elle vient corriger une perturbation anthropique. Par ailleurs la responsabilité des humains dans la destruction de la nature s’affirme et se documente, notamment par les surexploitations d’espèces, la transformation des habitats, les menaces d’extinction.

    20. Cet éveil des idées de protection de la nature profite d’une période particulièrement difficile pour la Société d’acclimatation, qui subit à partir des années 1880 une crise multiforme : chute du nombre d’adhérents, déficit des finances, contestation de la direction et de sa gestion défaillante. Simultanément, l’association s’éloigne du MNHN31 et rompt ses relations avec un Jardin d’acclimatation qui a tourné au spectacle et au « zoo humain »32. Isolée, malmenée, avec un projet en panne, l’association est au bord du gouffre et sa dissolution envisagée. L’arrivée d’Edmond Perrier entouré d’une nouvelle équipe va la sauver : elle retrouve sa proximité avec le MNHN33 (Edmond Perrier en est le directeur et l’association y est hébergée), réoriente ses travaux à l’appui de la politique coloniale et dispose à nouveau de la sollicitude d’un pouvoir en quête d’experts des ressources naturelles des nouveaux territoires34. Cette crise porte en elle une remise en cause profonde de l’acclimatation. La réussite scientifique de l’introduction de plusieurs espèces ne suffit pas à masquer l’échec du projet économique et social : l’acclimatation n’a pas véritablement enrichi les ressources agricoles, alimentaires et industrielles françaises. De plus, de nombreux savants contestent la possibilité d’une adaptation physiologique à un nouveau climat que ce soit de l’homme (société d’anthropologie, médecins coloniaux), des animaux ou des plantes35. Ils cantonnent alors l’acclimatation au transfert d’êtres vivants entre des régions de climats similaires. Cette définition minimaliste du projet tend à s’imposer à la fin du XIXe siècle, y compris au sein de la Société d’acclimatation, réduisant singulièrement le profit que l’on peut en attendre.

    21. Plus intéressant pour notre propos, la pertinence de l’acclimatation est affaiblie à la même époque par des exemples d’introductions problématiques (cas du lapin en Australie)36 ce qui conduit la Société d’acclimatation à accueillir avec beaucoup de prudence, par exemple, celle du poisson-chat dans les rivières : « Il est prudent d’étudier encore par des élevages en eaux closes les mœurs de l’Ameiurus nebulosus, afin de pouvoir connaître exactement quelle est sa valeur et quels peuvent être ses inconvénients au point de vue de la destruction des autres Poissons, avant de l’introduire dans les eaux libres et publiques, d’où il serait impossible de le chasser plus tard, s’il était ultérieurement démontré que cette espèce présente plus de défauts et d’inconvénients que de qualités »37. Au milieu du XIXe siècle, de telles précautions n’auraient pas été de mise tant l’enrichissement semblait provenir d’une accumulation d’espèces, si possible allochtones. En cinquante ans, la notion d’équilibre a émergé et, en permettant de mieux comprendre les perturbations provoquées dans les écosystèmes par les introductions, a remis en cause l’acclimatation. « L’étranger », « l’exotique », perçu jusqu’alors comme une manne et un enrichissement, est devenu un « problème », un « envahissant ». Dans les décennies qui précèdent et suivent 1900, la figure de « l’étranger » connaît un basculement assez complet. De nombreux travaux scientifiques et des synthèses attestent depuis du rôle majeur que jouent les « espèces exotiques envahissantes » dans l’extinction d’espèces et l’effondrement de la biodiversité38.

    22. Pourtant, jusqu’à notre époque et malgré la précocité de ces constats scientifiques, les introductions n’ont cessé, voire augmentent, qu’elles soient volontaires ou accidentelles, à tel point que le sujet des espèces exotiques envahissantes est devenu un enjeu majeur des politiques publiques en matière de biodiversité. Cependant, force est de constater que l’on traite plus, et de façon violente, le symptôme (régulation des populations introduites comme les ragondins (Myocastor coypus)) que les causes (circulation massive et qui s’accélère d’espèces en lien avec des logiques de libre-échange et l’essor du commerce international).

    IV. La question de la « juste place » et des « harmonies »

    23. En définitive, les différents éléments que nous avons évoqués jusqu’à présent, qu’ils soient très précis avec les études de cas concernant le castor canadien, ou bien plus généralisateurs comme pour les espèces migratrices ou l’idéologie de l’acclimatation, nous conduisent à constater que, pour les humains d’hier mais aussi pour ceux d’aujourd’hui, la seule question qui semble se poser est celle qui consiste à réfléchir à l’harmonie du monde et à la « juste place » de chaque espèce (dont les humains) dans celui-ci.

    24. En réalité, depuis longtemps, et encore de façon tout à fait dominante de nos jours, bien que de plus en plus contestée, les humains imaginent se séparer du vivant et des animaux sauvages tout en leur assignant une place bien délimitée, loin d’eux si possible, et surtout en les sommant d’y rester. Avec un brin d’ironie, on pourrait parler de confinement du vivant par les humains, d’assignation à résidence (assortie de répression pour y rester le cas échéant), que le douloureux épisode de COVID-19 a inversé : beaucoup ont été surpris de voir à ce moment-là la nature « reprendre ses droits » selon l’expression journalistique qui a fait florès. Le « monde d’après » est cependant vite revenu au « monde d’avant » et les animaux voyageurs ont souvent continué à être désignés, que ce soit par les autorités et les politiques publiques ou dans l’opinion publique, comme étrangers, exotiques, envahisseurs, nuisibles, « espèce susceptibles d’occasionner des dégâts », proliférants, etc.

    25. Si le voyage implique bien un déplacement, et donc un franchissement de frontière, il est important de ne pas se cantonner à étudier ces figures de l’égo-anthropo-centrisme existant mais réinterroger les concepts anthropocentrés appliqués aux autres êtres vivants, aux autres animaux, selon une perspective animale : qu’est-ce qu’une frontière pour un animal sauvage ? Le castor d’Europe est sur ces questions, comme sur bien d’autres, un formidable objet d’étude car, outre ses spécificités éco-éthologiques et sa grande adaptabilité aux conditions anthropisées, il connaît une dynamique historique particulière qui le conduit à revenir dans des cours d’eau dont les humains l’avaient éradiqué au cours des siècles passés. Et son retour télescope les représentations et pratiques des humains riverains mettant souvent au jour de façon criante le phénomène d’amnésie environnementale et générationnelle39.

    26. Pour un castor, les frontières sont d’abord celles du territoire (2 à 4 km de linéaire de cours d’eau en moyenne) qui abrite sa famille (environ 6-8 individus en moyenne). Il le connaît par cœur et le parsème de marques très explicites pour les autres castors : pieds d’arbres rongés appelés « miroirs », coupes diverses, constructions. Mais surtout ce sont les dépôts de castoréum de la famille qui vont dessiner un paysage olfactif. Le castoréum est une huile sécrétée par deux glandes anales, dont l’odeur est propre à chaque individu, à chaque famille, à chaque lignée (les humains ne font pas la différence). Ainsi, en émergeant de l’eau et en humant la rive, les castors savent chez qui ils sont. La famille de castor défend parfois férocement son territoire contre tout castor qui voudrait s’y installer. Pour autant ils semblent accepter la présence temporaire d’un castor « étranger » qui serait de passage, les limites des territoires paraissent assez fluides et les conflits entre voisins établis assez rares. On trouve d’ailleurs parfois un individu solitaire installé entre deux familles.

    27. Il peut donc sembler curieux d’évoquer la question du voyage pour un animal territorial qui passe l’essentiel de sa vie au sein d’un noyau familial sur une portion bien délimitée d’un cours d’eau. Et pourtant il existe bien un moment dans la vie d’un castor où il part à l’aventure : entre 2 et 3 ans, le jeune castor, devenu fraichement adulte, quitte sa famille de naissance pour remonter ou descendre la rivière. Il recherche une famille dont un des deux adultes serait récemment mort : si les choses se passent bien pour lui et qu’il est du bon sexe, il le remplace et perpétue ainsi l’existence de sa nouvelle famille sur le territoire. Le jeune castor peut aussi rechercher un territoire libre de castors pour s’y établir et attendre l’arrivée d’un partenaire. Quand les castors sont en phase de retour sur un cours d’eau, ils peuvent s’établir à 30 ou 40 km des autres familles, sur un territoire très favorable. Quand la rivière est déjà bien occupée par les castors, ils sont contraints de chercher des endroits moins favorables : petits ruisseaux, étangs, fossés, canaux de drainage…

    28. Lors de ces voyages de jeunesse les castors peuvent rencontrer des obstacles, des frontières. Certaines sont naturelles. Torrents, cascades, fortes pentes, vallées sèches peuvent empêcher leur déplacement, jusqu’à ce qu’un castor plus téméraire parvienne à franchir la difficulté ou à la contourner. La plupart des obstacles actuels à la progression des castors sont en réalité anthropiques. Barrages hydroélectriques, canaux aux rives bétonnées, zones d’agriculture industrielle avec des rives de cours d’eau fortement dévégétalisées sont des difficultés parfois infranchissables. Cette artificialisation et la fragmentation qu’elle produit sont hautement préjudiciables à cette espèce, comme à bien d’autres. Elle conduit également à une surmortalité des jeunes castors, particulièrement quand ils cherchent sur terre à contourner les obstacles : une route leur est souvent fatale (principale cause de mortalité accidentelle des castors en France). Ainsi les humains, dans leur façon d’occuper l’espace, peuvent dans certains cas être une réelle limite à la libre circulation de cette espèce.

    29. Mais les humains sont également une solution par la pratique des réintroductions40. En France, depuis 1957, plusieurs opérations ont permis aux castors de revenir sur des bassins dont ils avaient disparu, parfois depuis plusieurs siècles. Ainsi la réintroduction de Blois en 1974 a permis de repeupler la Loire moyenne et avale, et ses affluents (dynamique toujours en cours). Celle du Forez en 1994, a permis d’établir des castors entre les barrages de Villerest et de Grangent. Les réintroductions dans les Cévennes dans les années 1970 permettent aux castors de redescendre (péniblement, sans doute en raison de la fréquence des barrages humains) le Tarn et d’atteindre désormais la Garonne.

    30. Et puis les castors savent utiliser les irrégularités et les délaissés des territoires humains. Ainsi une famille s’est établie en plein cœur de Lyon, sur un bout de rive ceinturé par une autoroute urbaine. D’autres reviennent dans la région des Hauts-de-France par la partie aval de cours d’eau franco-belges. Des castors canadiens survivent malgré les pressions humaines à la frontière entre Luxembourg, Belgique et Allemagne : on peut émettre l’hypothèse qu’ils déjouent ainsi, bien involontairement, les politiques publiques pas toujours coordonnées des trois administrations. Autre exemple, depuis l’hiver 2022, les castors sont particulièrement nombreux et actifs dans leurs constructions (huttes, barrages, canaux) à la frontière entre la Biélorussie et l’Ukraine, devenue un no man’s land suite à l’invasion russe. No man’s land : tout est dit dans ce mot, et cela explique la liberté retrouvée de cette population de castor… dont certains Ukrainiens se félicitent par voie de presse car cela rend le franchissement de la frontière par des engins blindés quasiment impossible tant le territoire est redevenu une zone humide renaturée.

    Conclusion : ségrégation, coexistence, cohabitation : le grand débat de notre époque

    31. Ainsi, par leur façon d’être au monde et de s’y faire une place, même quand il est anthropisé, par leur agentivité, les castors réinterrogent les conceptions et occupations humaines du territoire et la nature des frontières spatiales (en franchissant des lignes de partage de bassins versants par exemple ou des limites administratives), scientifiques (leur nouvelle répartition et les surprises éthologiques), ou des imaginaires (animal bâtisseur). En définitive, la grande question de notre époque ne serait-elle pas de savoir si les humains ont la capacité de cesser cette assignation à résidence du sauvage, cette ségrégation spatiale et spéciste, afin de laisser plus d’espaces aux vivants autres qu’humains, qu’ils soient sédentaires ou voyageurs ? Plutôt que de coexister, sans doute serait-il utile d’apprendre à cohabiter ?41 Le vent de la crise écologique se lève !... Il faut tenter de vivre ensemble !42

     

     

    Mots-clés : histoire contemporaine ; France ; faune sauvage ; migrateurs vs sédentaires ; acclimatation ; introduction ; réintroduction ; castor

    • 1 Clément Cornec, « Le manchot empereur, une vie dans l’extrême », Le Courrier de la nature, n° 343, novembre 2024, dossier « Vivre le froid », p. 37-41.
    • 2 Rémi Luglia, Vivre en castor. Histoires de cohabitations et de réconciliation, Versailles, Éditions Quæ, avril 2024, 160 p.
    • 3 Bertrand Sajaloli, Sylvain Dournel, Laurent Lespez, Rémi Luglia, Philippe Valette, Corinne Beck, Marie-Christine Marinval, « Les temps de l’environnement, d’une construction interdisciplinaire commune à la crise des temporalités ? », Natures Sciences Sociétés, dossier « « Temps de la nature, temps de la société, temps scientifique à l’heure du changement global » », 2024, 31-4, p. 429-442. ⟨hal-04832984⟩
    • 4 Guillaume Lecointre, « Enseigner l’évolution : un parcours semé d’embûches », Le Courrier de la nature, n°343, novembre 2024, p. 6-12.
    • 5 Aline Treillard, « Le législateur français a-t-il peur des nuisibles ? », in Rémi Luglia (dir.), Sales bêtes ! Mauvaises herbes ! « Nuisible », une notion en débat, Rennes, PUR, 2018, p. 206.
    • 6 Rémi Luglia, « Quelle(s) place(s) laisser aux autres qu’humains ? Regard historien sur deux figures et récits : l’étranger et le nuisible », in Raphaël Larrère (dir.), Le renouveau du sauvage, HDiffusion, à paraître au printemps 2025.
    • 7 André Micoud, Des êtres « nuisibles », ou des « gêneurs » dans la communauté biotique ?, in Rémi Luglia (dir.), Sales bêtes ! Mauvaises herbes !..., op. cit., 2018, p. 27-37. André Micoud, « Comment en finir avec les animaux dits nuisibles ? », Études rurales, 129­‑130, 1993, p. 83‑94.
    • 8 Corinne Beck et Élisabeth Rémy, « Allochtone, autochtone, invasif : catégorisations animales et perception d’autrui », Politix, n°82, vol. 21, 2008, p. 193‑209.
    • 9 Sandra Díaz et al. (éd.), Summary for Policymakers of the Global Assessment Report on Biodiversity and Ecosystem Services of the Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services, IPBES, 2019, https://www.ipbes.net/news/Media-Release-Global-Assessment-F. Stanislas Rigal, Vasilis Dakos, Hany Alonso et Vincent Devictor, « Farmland practices are driving bird populations decline across Europe », PNAS, 120 - 21, 2023, https://doi.org/10.1073/pnas.2216573120. Aurélien Carré, Marion Péguin, Brigitte Poulin (dir.), Liste rouge des écosystèmes de l’UICN. Exercice d’application sur quelques écosystèmes de zones humides de France métropolitaine, UICN France, 2012.
    • 10 Cf. la synthèse collective récente Philippe Sierra, Farid Benhammou, Maie Gérardot et Guillaume Marchand (dir.), Géographie des animaux. De la zoogéographie à la géopolitique, Paris, Armand Colin, 2024, 288 p.
    • 11 Rémi Luglia, Des savants pour protéger la nature. La Société d’acclimatation (1854-1960), Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », 2014, 434 p. Rémi Luglia, « Regards historiques sur les premiers espaces naturels protégés de France métropolitaine (XIXe-XXe s.) », Revue semestrielle de droit animalier, 1, 2016, p. 283-300. Rémi Luglia, Sales bêtes ! Mauvaises herbes ! « Nuisible », une notion en débat, Rennes, PUR, coll. « Histoire », 2018, 344 p. Rémi Luglia, « Premiers jalons pour une histoire de la protection des oiseaux en France métropolitaine (milieu XIXe s. – entre-deux-guerres) », Revue semestrielle de droit animalier, 2, 2020, p. 481-496. Rémi Luglia, Rémi Beau, Aline Treillard (dir.), De la réserve intégrale à la nature ordinaire. Les figures changeantes de la protection de la nature en France (XIXe s. - XXIe s., Rennes, PUR, coll. « Espace et territoires, 2023, 368 p.
    • 12 Éric Baratay, « Pour une histoire éthologique et une éthologie historique », Études Rurales, 189 (1), 2012, p. 91-106, doi:10.4000/etudesrurales.9556. Éric Baratay, Le Point de vue animal. Une autre version de l’histoire, Paris, Seuil, 2012, 388 p. Éric Baratay, Biographies animales, Paris, Seuil, coll. « L’univers historique », 2017, 300 p. Éric Baratay (dir.), Aux sources de l’histoire animale, Paris, Éditions de la Sorbonne, coll. « Homme et société », 2019, 288 p. Éric Baratay (dir.), Croiser les sciences pour lire les animaux, Paris, Éditions de la Sorbonne, coll. « Homme et société », 2020, 318 p. Éric Baratay (dir.), L’Animal désanthropisé. Interroger et redéfinir les concepts, Paris, Éditions de la Sorbonne, coll. « Homme et société », 2021, 320 p. Éric Baratay (dir.), Les Animaux historicisés. Pourquoi situer leurs comportements dans le temps et l’espace ?, Paris, Éditions de la Sorbonne, coll. « Homme et société », 2022, 384 p. Éric Baratay (dir.), Écrire du côté des animaux, Paris, Éditions de la Sorbonne, coll. « Homme et société », 2023, 318 p.
    • 13 Cf. l’ouvrage collectif récent qui met lumière toute la pertinence d’une telle approche Philippe Valette, Albane Burens, Laurent Carozza et Cristian Micu (dir.), Géohistoire des zones humides. Trajectoires d’artificialisation et de conservation, Toulouse, Presses Universitaires du Midi, 2024, 382 p.
    • 14 Philippe Descola, Par-delà nature et culture, Paris, Gallimard, 2006, 618 p.
    • 15 International Platform on Biodiversity and Ecosystem Services (IPBES), Résumé à l’intention des décideurs du rapport sur l’évaluation mondiale de la biodiversité et des services écosystémiques de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques, Document IPBES/7/10/Add.1, 29 mai 2019.
    • 16 F. Rosell, H. Parker, “A population history of the beaver Castor fiber fiber in Norway”, Restoring the European Beaver, 50, 2011, p. 19-25.
    • 17 S. Lahti et M. Helminen, “The beaver Castor fiber (L.) and Castor canadensis (Kuhl) in Finland”, Acta Theriologica, no 19, 1974, p. 177-189.
    • 18 C. Choi, “Tierra del Fuego: The beavers must die. War is declared on the introduced pests”, Nature, 453, 2008, p. 968. https://doi.org/10.1038/453968a ; Herrera A. Huertas, M. V. Lencinas, M. Toro Manríquez, J.A. Miller, G. Martínez Pastur, « Mapping the status of the North American beaver invasion in the Tierra del Fuego archipelago”, PLOS One, 15 (4), 2020. doi:10.1371/journal.pone.0232057.
    • 19 M de Confevron, « Procès-verbal de la séance générale du 12 mai 1882 » in Bull. SNAF, n° III9, 1882, p. 357.
    • 20 M. de Confevron, « Procès-verbal de la séance générale du 10 mai 1878 » in Bull. SA, n° III5, 1878, p. 324‑325.
    • 21 Rémi Luglia, « Premiers jalons pour une histoire de la protection des oiseaux en France métropolitaine (milieu XIXe s. – Entre-deux-guerres) », Revue semestrielle de droit animalier, n° 2, 2020, p. 481­-496.
    • 22 Rémi Luglia, « De l’animal nuisible à l’animal protégé (XIXe-XXIe siècle) : les cas des oiseaux et du castor », in Anne-Marie Flambard-Héricher et François Blary (dir.), L’animal et l’homme : de l’exploitation à la sauvegarde, Éd. du CTHS, 2021.
    • 23 Michel Pascal, Olivier Lorvélec et Jean-Denis Vigne, Invasions biologiques et extinctions. 11 000 ans d’histoire des vertébrés en France, Paris, Belin et Quae, 2006, 350 p.
    • 24 L’essentiel de ce qui suit est tiré de ma thèse, et des articles qui en sont issus : Rémi Luglia, Des savants pour protéger la nature. La Société d’acclimatation (1854-1960), Rennes, PUR, coll. « Histoire », 2015, 434 p. Plusieurs historiens se sont intéressés à l’acclimatation, dans une optique d’histoire des sciences et sous l’angle du colonialisme. Les travaux de l’historien états-unien Michael A. Osborne sont les plus précieux à cet égard car ils analysent finement l’influence internationale de la Société et ses rapports avec le MNHN et les colonies ( M.A. Osborne, The « Société zoologique d’acclimatation » and the New French Empire : The Science and Political Economy of Economic Zoology During the Second Empire, Ann Arbor (Michigan), UMI Dissertation Services, 1987 ; Nature, the Exotic, and the Science of French Colonialism, Bloomington and Indianapolis, IUP, 1994 ; M.A. Osborne,« La Brebis égarée du Muséum », in C. Blanckaert, C. Cohen, P. Corsi et J.-L. Fischer (dir.), Le Muséum au premier siècle de son histoire, Paris, MNHN, 1997, p. 125‑153 ; M.A. Osborne, « Science and the French Empire », Isis, n° 96, 2005, p. 80-87). D’autres chercheurs élargissent l’analyse de ce concept scientifique à d’autres espaces et structures (C. Lever, They Dined on Eland. The Story of the Acclimatisation Societies, Londres, Quiller Press, 1992 ; T. H. Dunlap, « Remaking the Land : The Acclimatization Movement and Anglo Ideas of Nature », Journal of World History, vol. 8 n° 2, 1997, p. 303-319. ; P. K. Wells, « “An Enemy of the Rabbit”. The Social Context of Acclimatisation of an Immigrant Killer », Environment and History, vol. 12, n° 3, 2006, p. 297-324). C. Bonneuil (Des savants pour l'Empire. La structuration des recherches scientifiques coloniales au temps de la mise en valeur des colonies françaises. 1917-1945, Paris, ORSTOM, 1991) et R. Grove (Green Imperialism. Colonial Expansion, Tropical Island Edens and The Origins of Environmentalism. 1600-1860, Cambridge, CUP, 1996), entre autres, insistent par ailleurs sur les rapports entre science, scientifiques et colonialisme, en dépassant la seule acclimatation. S. Aragon (« Le rayonnement international de la Société zoologique d’acclimatation. Participation de l’Espagne entre 1854 et 1861 », art. cit.) décrypte quant à lui les liens entre l’Espagne et la Société d’acclimatation.
    • 25 Etienne Geoffroy Saint-Hilaire est le premier titulaire de la chaire de zoologie du MNHN lors de sa création en 1793. Il fonde et dirige la Ménagerie du Jardin des plantes (1793-1798 puis 1802-1837 et 1838-1841). Son fils Isidore naît au Muséum en 1805. D’abord aide-naturaliste de son père, puis membre de l’Académie des sciences, il ne tarde pas à lui succéder comme titulaire de la chaire de zoologie et comme directeur de la Ménagerie. Il accède en 1860 à la direction du MNHN avant de s’éteindre le 10 novembre 1861 dans ce même lieu.
    • 26 I. Geoffroy Saint-Hilaire, « Allocution dans la réunion préparatoire du 20 janvier 1854 », Bulletin de la Société Zoologique d’Acclimation, I, 1854, p. vii-viii.
    • 27 Archives Nationales (AN), F10 1733, essais d’acclimatation en France de nouvelles espèces animales et végétales (1837‑1854).
    • 28 Éric Baratay, Et l’homme créa l’animal. Histoire d’une condition, Paris, Odile Jacob, 2003, p. 24.
    • 29 Rémi Luglia (dir.), Sales bêtes ! Mauvaises herbes ! « Nuisible », une notion en débat, Rennes, PUR, coll. « Histoire », 2018, 344 p.
    • 30 Rémi Luglia, « Premiers jalons pour une histoire de la protection des oiseaux en France métropolitaine (milieu XIXe s. – Entre-deux-guerres) », Revue semestrielle de droit animalier, n° 2, 2020, p. 481­-496.
    • 31 Edmond Perrier, « Note sur le jardin d’acclimatation de Boulogne » (s.d.). MNHN (Bibliothèque centrale, Ms 2226). M. A. Osborne a étudié de façon très détaillée ces questions (M.A. Osborne, Nature, the Exotic, and the Science of French Colonialism, … op. cit. ; M.A. Osborne, « La Brebis égarée du Muséum », art. cit.).
    • 32 N. Bancel, P. Blanchard, G. Boetsch, E. Deroo, et S. Lemaire (dir.), Zoos humains. De la Vénus hottentote aux reality shows, Paris, La Découverte, 2002.
    • 33 Christophe Bonneuil, « Le Muséum national d’histoire naturelle et l’expansion coloniale de la Troisième République (1870‑1914) », Revue française d’histoire d’Outre-mer, n° 322­-323, 1999, p. 143‑169.
    • 34 Ce tournant est parfaitement décrit, avec une temporalité similaire, par Christophe Bonneuil à propos de l’agronomie tropicale. : C. Bonneuilet M. Kleiche, Du jardin d’essais colonial à la station expérimentale 1880-1930. Éléments pour une histoire du CIRAD, Paris, CIRAD, 1993.
    • 35 C. Bonneuil et M. Kleiche, Du jardin d’essais colonial à la station expérimentale 1880-1930… op. cit., p. 21.
    • 36 C. Mougenot et L. Strivay, Le pire ami de l’homme : du lapin de garenne aux guerres biologiques, Paris, La Découverte, 2011 ; P.K. Wells, « “An Enemy of the Rabbit”. The Social Context of Acclimatisation of an Immigrant Killer », Environment and History, vol. 12, n° 3, 2006, p. 297-324.
    • 37 « Procès-verbal de la séance de la section d’aquiculture du 20 janvier 1902 », Bulletin de la Société Nationale d’Acclimatation de France, 49e année, 1902, p. 53-54.
    • 38 IPBES, Summary for Policymakers of the Thematic Assessment Report on Invasive Alien Species and their Control of the Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services, 2023.  https://doi.org/10.5281/zenodo.7430692
    • 39 Nous renvoyons pour cette partie à notre ouvrage récent : Rémi Luglia, Vivre en castor. Histoires de cohabitations et de réconciliation, Versailles, Éditions Quæ, 2024, 160 p.
    • 40 Une réintroduction est une action consistant, après avoir identifié puis maîtrisé la cause de la disparition, à relâcher un certain nombre d’individus d’une espèce sur un territoire d’où elle a disparu. Le prérequis est que la présence historique récente (quelques milliers d’années) de l’espèce soit avérée et documentée. Les objectifs peuvent être multiples : consolidation de l’état de conservation d’une espèce ; aide à l’expansion de son aire de répartition ; connexion entre deux populations séparées ; restauration de fonctions écosystémiques liées à cette espèce (herbivorie ou prédation par exemple). Elle est à distinguer de deux autres notions : renforcement de population et introduction. Un renforcement de population prévoit, au sein d’une population existante mais peu nombreuse d’une espèce, l’apport de nouveaux individus pour en consolider le nombre, et donc la viabilité. L’objectif peut en être un soutien à la diversité génétique de l’espèce. Une introduction consiste en l’insertion dans un écosystème d’une espèce n’y ayant jamais existé (exotique ou allochtone). Les introductions perturbent généralement le fonctionnement des écosystèmes, et les espèces introduites peuvent devenir envahissantes.
    • 41 Sur le modèle de la période de la Guerre froide dite de « coexistence pacifique », le terme « coexistence » peut être compris dans le sens d’exister ou de vivre chacun de son côté, séparé, avec une sorte d’obligation à se tolérer parce que l’on ne peut pas s’éradiquer. Il témoigne alors d’une opposition binaire. Cette dualité n’est pas contenue dans le mot de « cohabitation », qui signifie partager la même habitation, la même maison et, donc, vivre ensemble. « Cohabitation » emporte une unicité de lieu, et de destin, particulièrement adaptée quand on cherche à penser dans le cadre d’une « communauté des vivants » (communauté biologique des écologues).
    • 42 Le lecteur aura reconnu l’inspiration du poète Paul Valéry, Le cimetière marin, 1920.
     

    RSDA 2-2024

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