Actualité juridique : Bibliographie

Penser un droit international fondé sur le vivant pour lutter contre la crise écologique

Tourme Jouannet Emmanuelle, Un nouveau droit international écologique – Habiter autrement la Terre, Editions Bruylant, Bruxelles, 2024, 341p, 45 euros.

 

Malgré les annonces, rapports, conférences, catastrophes naturelles multiples nous avertissant de la crise écologique mondiale affectant la Terre, le droit international – échelle la plus appropriée pour résoudre une perturbation planétaire – ne fait l’objet d’aucune modification d’ampleur majeure pour y remédier.

Dans son ouvrage, l’autrice parvient à expliquer les raisons pour lesquelles existe un tel immobilisme ou quasi-immobilisme juridique engendrant in fine une inefficacité du droit international actuel – notamment de l’environnement1 – pour résoudre cette crise. En effet, si des tentatives d’adaptations et des recherches de transitions par le biais des textes de droit sont pensées au fil du temps2, la crise écologique ni ne s’efface ni ne diminue.

Au sein de son écrit, l’autrice retrace alors l’histoire de la pensée ayant conduit à la vision anthropocentrique caractérisant le droit international et affectant tant les entités naturelles non humaines que certains peuples humains3, met en exergue les concepts, les travaux de penseurs ayant œuvré pour tenter de modifier la perception des Autres4, et expose régulièrement ce qui nuit à la considération de l’ensemble du vivant par ce droit international.

Surtout, la Professeure Emmanuelle Tourme Jouannet va proposer une modification importante du droit international afin que survivent et cohabitent les espèces dans des conditions adaptées. Elle présente une possibilité de déconstruction de la vision anthropocentrique de ce droit, une rupture avec le « Grand partage »5 ainsi qu’une nouvelle perception du vivant sur le plan juridique mais aussi en termes d’appréhension personnelle de l’Autre vivant.

Les grandes qualités de cet ouvrage reposent sur sa clarté évidente mais encore sur l’appréhension interdisciplinaire du sujet6 qui ne s’observe encore que trop peu souvent au sein des travaux juridiques – et qui s’évère pourtant régulièrement nécessaire. Outre cela, le fait que l’autrice propose un droit prospectif construit de telle sorte que toute entité vivante soit considérée enrichit encore davantage son écrit.

L’anthropocentrisme à l’origine de la négation du vivant non humain

Les trois premiers chapitres de l’ouvrage sont essentiellement consacrés à la mise en évidence du fondement même de la négation plus ou moins relative du vivant non humain au sein du droit international : la pensée anthropocentrique.

Néanmoins, et comme le souligne la Professeure, le droit international ne se caractérise pas uniquement par un actuel anthropocentrisme affectant la considération des Autres vivants. Elle note en effet l’existence d’une vision réductrice qu’ont eu les droits européen et américain à l’égard des autres cultures avant que ne soit forgé, dans sa forme première, le « droit international ». Il serait ainsi possible d’évoquer ici un « anthropocentrisme régional » ayant affecté ce nouveau droit, ce droit international qui pourtant avait vocation à considérer toutes et tous.

De cette pensée résultèrent alors des textes profitant davantage à certains, caractérisés par un esprit de « domination » de la nature mais aussi de certains êtres humains tel que souligné en l’espèce7.

Ces spécificités réduisent alors drastiquement les possibilités de « gestion » raisonnable et réellement commune de la maison de tous les vivants, la Terre8.

Si le droit international est finalement parvenu à instaurer un « égalitarisme juridique formel »9 à compter de la moitié du XXème siècle, il n’en reste pas moins, tel que soulevé dans le chapitre trois, un droit caractérisé par un anthropocentrisme explicite ou suggéré accompagné d’une appréhension de l’Autre en tant qu’alieni iuris10, entité soumise à la puissance de l’humain.

Au sein de ce droit international, c’est le droit relatif à l’environnement qui va en l’espèce davantage intéresser l’autrice et le lecteur étant donné le rôle majeur qu’il tient dans la gestion de la crise écologique. Madame la Professeure Emmanuelle Tourme Jouannet lui consacre notamment la dernière partie de son troisième chapitre en y mettant en exergue les lacunes qu’il présente aujourd’hui et qui nuisent à son efficacité11.

Elle explique entre autres choses que les discussions étant d’autant plus complexes à une telle échelle, et les enjeux économiques si forts et privilégies12, que la recherche d’équilibre, de justice sociale entre Etats, constitue ainsi l’une des causes de manque d’effectivité de ce droit international de l’environnement. La compatibilité des normes et objectifs à atteindre constituant une autre problématique nuisant à cette effectivité13.

Si ce droit international de l’environnement aurait donc vocation en principe à résoudre la crise écologique touchant actuellement la Terre, il s’avère finalement peu ou non efficace14.

La déconstruction de l’anthropocentrisme juridique pour permettre la survie du vivant : l’instauration d’un droit international écologique

 L’objet du chapitre 4 de l’ouvrage est d’expliquer comment il est possible de passer d’une vision anthropocentrique à biocentrique du droit international dans le cadre duquel l’entité vivant, et non seulement l’entité humaine, occuperait alors une place centrale.

L’autrice s’attèle ici à démontrer notamment que les normes internationales sont aujourd’hui caractérisées par un immobilisme juridique en termes de considération et protection du vivant15 malgré les multiples données scientifiques ayant permis de démontrer que ce qui était jusqu’alors pensé comme étant le propre de « l’homme » se trouvait en réalité bien souvent constituer des caractéristiques « en partage ». Tel que l’indique alors si bien l’autrice, cela justifie que soit reconnue « une valeur unique et singulière » à chaque être et que le droit international s’oriente vers une appréhension de tous en tant que centre de la norme16.

Emmanuelle Tourme Jouannet n’oublie néanmoins aucunement de mettre en exergue le fait que le droit international se préoccupe de l’animal et lui consacre des dispositions spécifiques destinées entre autres à le protéger dans diverses circonstances de sa vie. Toutefois, elle note aussi très justement que ces normes lui octroient une protection relative, essentiellement dans un contexte d’utilisation de l’être17.

À la suite de ces observations, Madame la Professeure consacre une partie de son développement à une présentation de solutions juridiques – au nombre de trois - permettant l’instauration d’un droit international écologique biocentrique18 parmi lesquelles celle qui sera au cœur de la réflexion à suivre : l’octroi de droits à la nature ou à des entités vivantes déterminées pour elles-mêmes. Cette troisième solution semble en effet particulièrement adaptée au changement de paradigme juridique : elle permet une véritable nouvelle appréhension du vivant non humain considéré pour lui-même et subjectivisé dans son intérêt19.

Comme l’explique particulièrement bien l’autrice, et de façon très claire – qualité de l’ouvrage à noter une nouvelle fois car permettant une lecture agréable également par les profanes –, l’appréhension repensée du vivant non humain passera par la reconnaissance juridique de sa valeur intrinsèque et de ses intérêts permettant de lui octroyer in fine une personnalité juridique et de l’intégrer – en tout ou partie ; seulement quelques entités par exemple - aux sujets de droits20.

Illustrant son propos par le biais de divers exemples21 – point positif s’il en est –, l’autrice démontre que ces déréification et subjectivisation sont possibles sur le plan juridique. Que ce sont elles qui permettraient l’instauration d’une vision biocentrique du droit à l’échelle internationale car l’entité vivante, qu’importe sa nature humaine ou non, serait considérée pour elle-même, indépendamment de ce qu’elle peut apporter à autrui – essentiellement à l’être humain.

Qualifiant d’« espèce parente » l’Autre vivant22, l’autrice va plus loin dans son explication du biocentrisme juridique en s’attelant à démontrer qu’il n’existe pas d’obstacle empêchant l’octroi de la personnalité juridique au non humain23 ; la personne morale témoignant de cela – la Professeure tenant néanmoins et à juste titre à souligner que cette « fiction » se conçoit toutefois eu égard l’objet actuel du droit : il est pensé par et pour l’humain. Elle note d’ailleurs que cela fut envisagé par divers auteurs, notamment Christopher Stone, auteur du très célèbre « Les arbres devraient-ils pouvoir plaider ? ».

Les droits24 qui seraient attribués à l’« Autre » vivant consisteraient en des droits subjectifs dissociables des obligations – ce qui se conçoit tout à fait dès lors qu’une nouvelle condition juridique est envisagée et que sont prises en compte certaines exceptions déjà existantes tel le cas particulier de la condition du nourrisson. Il ne s’agirait en outre aucunement d’une transposition des droits détenus par les êtres humains mais de droits adaptés aux besoins des autres vivants grâce à l’identification préalable de leurs intérêts propres.

Conclusion

Proposant d’agir concrètement pour lutter contre la crise écologique du moment25 par le biais d’une proposition de changement de paradigme juridique en termes d’appréhension du vivant non humain, Madame Emmanuelle Tourme Jouannet démontre, en recourant à la technique juridique, que la modification du système n’est en aucun cas « insurmontable »26. Elle livre un ouvrage clair, passionnant et porteur d’un message encourageant pour l’avenir.

 

  • 1 Voir en ce sens, p.18-19 de l’ouvrage. Par la suite, chaque note de bas de page renvoyant à une ou plusieurs pages sans autres précisions signifiera qu’il s’agit de page(s) de l’ouvrage de Madame Emmanuelle Tourme Jouannet faisant ici l’objet d’une chronique.
  • 2 Voir en ce sens, p.317-318.
  • 3 Voir le chapitre 1 essentiellement. Voir également le chapitre 2 en ce qui concerne l’aspect dominateur de quelques droits – américain, européen - ayant affecté des peuples.
  • 4 Voir le chapitre 1 essentiellement.
  • 5 Ce terme renvoie à la séparation opérée dans la pensée, les textes de droit et autres travaux entre l’humain d’un coté et la nature de l’autre. Voir pour exemple p.32.
  • 6 Voir en ce sens, notamment : p.44-45, 68-69, 155, 167.
  • 7 Voir en ce sens essentiellement le chapitre 2.
  • 8 P.80 et s.
  • 9 P.88.
  • 10 Voir pour une explication de cette notion, notamment : M. Villey, Le droit et les droits de l’homme, PUF, Paris, 2009, p. 101.
  • 11 P.110 et s.
  • 12 P.138-139.
  • 13 Voir par exemple : p.123 et s.
  • 14 P.143.
  • 15 P.152 et s.
  • 16 P.163 et s.
  • 17 P.191-192. Notons cependant que si l’autrice évoque quelques exceptions à cette protection relative au profit de certaines espèces protégées, il importe de souligner que même dans ce cadre des exceptions ont été instaurées afin qu’une utilisation de l’animal appartenant à une espèce dite protégée puisse finalement être mise en œuvre (exemple des normes de la CITES – voir le texte de la Convention, article 2).
  • 18 P.198-222.
  • 19 Voir plus particulièrement p.208-210.
  • 20 P.210.
  • 21 P.210 et s.
  • 22 Cela permet notamment de rompre avec la vision utilitariste de ces Autres. Voir en ce sens, p.217 et s.
  • 23 P.222-233. Pour justifier l’intégration du non humain à la catégorie des sujets, l’autrice met également en exergue l’évolution par le biais de l’élargissement, au cours des siècles passés, de la sphère des sujets de droits. 
  • 24 Voir le §5 de l’ouvrage, p.234 et s.
  • 25 P.317-318.
  • 26 P.260.
 

RSDA 2-2024

Actualité juridique : Bibliographie

Se fonder sur la sensibilité pour renouveler la considération des relations animaux-humains par les normes

Doussan Isabelle, Droit et animal – Pour un droit des relations avec les humains, Editions Quae, Versailles, 2024, 87p, 16 euros.

 

 Si la notion de sensibilité parait occuper aujourd’hui une place centrale au sein du droit français relatif à l’animal1, l’autrice propose dans son ouvrage de repenser la façon de la concevoir.

Elle suggère ainsi d’appréhender la caractéristique d’être sensible de l’animal non plus seulement comme la raison pour laquelle ce dernier doit être considéré mais essentiellement comme ce qui permet l’encadrement des pouvoirs humains sur les animaux et la recherche d’équilibre dans la relation qui vient unir ces deux entités2.

Au sein de son ouvrage, construit en deux parties, la chercheuse va à la fois exposer les particularités présentes au sein du droit positif français – partie 1 de l’ouvrage3 - et s’atteler à proposer une modification de ce droit afin d’améliorer la protection de l’animal – partie 2 de l’ouvrage4 - sans néanmoins qu’il ne soit intégré à la catégorie des sujets. Cette réflexion reposera sur la notion de sensibilité animale mais aussi, et peut-être surtout, sur les spécificités des relations animaux – êtres humains.

L’autrice nous livre ici un ouvrage relativement court – 80 pages – contrairement à nombre de recherches proposées par des juristes5 et autres chercheurs dans cette discipline6. Toutefois, cette brève démonstration ainsi que sa clarté ont justement le mérite de rendre l’ouvrage et le texte accessibles à tous, y compris donc aux non-juristes qui pourraient être intéressés par ces problématiques ou bien être tentés d’enrichir davantage leurs connaissances déjà acquises sur le sujet en appréhendant nouvellement les questions qu’il soulève.

L’éventail des relations complexes animaux – humains retranscrit au sein des normes

Cette première partie est ainsi consacrée à la « diversité juridique » ; celle des rapports animaux - humains encadrés par le droit. L’autrice a choisi d’y aborder quatre types de relations ayant des conséquences différentes pour les entités concernées : les rapports d’utilisation, de protection, d’attachement, mais aussi « conflictuels » en se focalisant sur les cas particuliers de risques zoosanitaires et de dégâts provoqués par les animaux.

S’agissant des rapports d’utilité7, mettant en exergue la consécration juridique des relations de dominations humains – animaux, la chercheuse distingue de façon bienvenue la relation unissant la personne à l’animal « détenu » de celle l’unissant à l’animal en liberté. Elle souligne alors qu’en fonction de la situation de l’animal le rôle du droit va différer.

Dans la première hypothèse, son rôle sera finalement d’encadrer le pouvoir que la personne peut exercer sur l’animal tandis que dans le cadre de la seconde son rôle est davantage tourné vers la régulation dans un dessein de préservation des entités naturelles pour l’avenir.

Elle note d’ailleurs, à juste titre, que les normes, en qualifiant régulièrement les animaux sauvages et libres de « ressources », mettent en évidence l’appréhension de ces derniers en tant que « tout » et non, à la différence des êtres placés sous l’emprise directe des personnes, en tant qu’êtres individualisés identifiés8 dans leur relation à l’humain.

Enfin, le recours par l’autrice à plusieurs reprises au terme « pouvoir » doit être souligné car il permet d’exposer la relation déséquilibrée et utilitariste consacrée par le droit qui unit l’animal « détenu » à la personne.

Au cours de sa réflexion portant sur l’animal appréhendé en tant que source potentielle de dangers9, Madame Doussan évoque alors la consécration de la protection contre les animaux, souvent moins mise en avant que celle en faveur de ces derniers. En se concentrant sur les risques zoosanitaires et de dégâts occasionnés par l’animal, elle souligne de manière très juste que se sont essentiellement des intérêts économiques humains que le droit vise à préserver par le biais de normes à destination du contrôle des maladies10 – cela pouvant d’ailleurs également se constater à la lecture de celles relatives aux dégâts précités11.

Cette préservation des intérêts humains, expresse ou suggérée, lorsqu’il s’agit de se pencher notamment sur la santé animale vient en outre rappeler une fois encore le caractère anthropocentrique du droit de l’animal.

En matière de protection de celui-ci12, deux principaux points doivent être notés. Tout d’abord le fait que la chercheuse distingue la protection de l’être et de l’espèce – ce qui renvoie à deux pans distincts du droit, ensuite, que la protection instaurée n’est que relative13 et qu’alors peut être déduite une primauté des intérêts humains.

Pour terminer la démonstration opérée au sein de cette première partie, l’autrice consacre un développement au lien d’attachement pouvant unir animal et humain14. Elle y met en exergue un point particulièrement intéressant : l’importance du rôle du juge dans la reconnaissance de ce lien palliant les lacunes des textes en la matière. A travers divers exemples, notamment le célèbre arrêt « Lunus »15, elle met néanmoins en avant le fait que cette reconnaissance s’effectue essentiellement lorsque l’animal est un compagnon de vie et suggère que celle-ci s’étende alors à la relation animal d’élevage – humain16. Madame Doussan s’attèle enfin à soulever un élément notable s’agissant du pouvoir du juge quand il s’agit de s’intéresser à la considération du lien d’attachement : s’il faut souligner son importance lorsque la preuve du droit de propriété ne peut être apportée (exemple de la séparation d’un couple avec un chien ou un chat)17, celle-ci s’effrite dès lors que le juge se trouve dans la situation inverse. Dans ce cas, son appréciation du « lien de fait » s’efface devant la reconnaissance du « lien de droit » qui va s’imposer à lui – même si, tel que le note très justement la chercheuse, les juges ont parfois considéré ce lien dans le cadre du droit des contrats18.

Si cette première partie est intéressante dans sa façon d’appréhender le droit relatif à l’animal, en considérant en premier lieu les relations l’unissant à l’humain, elle ne permettra pas aux initiés de parfaire leurs connaissances mais pourra être particulièrement appréciée néanmoins par les profanes.

La sensibilité, source limitative du pouvoir de la personne sur l’animal réifié

L’approche de l’autrice au sein de cette seconde partie est intéressante en cela qu’elle s’oppose à la déréification juridique de l’animal par le biais de sa subjectivisation19 tout en pensant sa sensibilité comme devant rester le socle du droit ayant trait à celui-ci et permettre la construction d’une condition, si ce n’est « déréificatrice », au moins plus protectrice de l’être.

Tel qu’indiqué ci-dessus, l’autrice s’oppose ainsi à la « personnification » de l’animal considérant les propositions faites en ce sens comme insatisfaisantes.

Parmi ses arguments, elle souligne qu’elles n’octroient majoritairement pas de « droit à la vie » à l’animal. Toutefois, s’il est vrai qu’idéalement un tel droit devrait être consacré en cas de subjectivisation, il ne faut pas nier qu’un temps d’adaptation de la société peut être nécessaire et qu’une construction de condition juridique optimale sur un temps long est envisageable20.

Outre cette problématique, elle évoque également la quasi-obligation de recourir à une catégorisation des êtres et espèces en cas de déréification fondée sur la sensibilité, nuisant ainsi selon elle à l’élaboration d’une nouvelle condition juridique pour tous21.

La fin de l’ouvrage est quant à elle consacrée à une proposition de modification du droit relatif à la « production animale » devant être entendue comme les activités « consistant à faire naitre et tuer des animaux, et à faire commerce des produits qui en sont issus »22. La notion de sensibilité est ici au cœur de la réflexion de l’autrice considérant qu’elle permettrait de repenser le droit relatif aux activités précitées par le biais de la remise en question de la relation de domination animal-humain existante dans ces domaines.

Afin de construire un nouveau droit l’autrice va mobiliser deux notions que sont la vulnérabilité23 de l’être et la nécessité des atteintes et activités « de production »24.

A notre sens, mobiliser davantage la notion de vulnérabilité au sein des textes relatifs à ce type d’utilisation de l’animal, tel que le propose Madame Doussan, parait judicieux. Cela permet en effet à la fois de rendre compte de la relation déséquilibrée et de domination unissant l’animal « de production » à la personne, et de la fragilité de cet être qui devrait alors faire l’objet d’une meilleure considération et protection – tel que le souligne d’ailleurs l’autrice. Sur le plan pratique, cette dernière explique notamment que la prise en compte de cette vulnérabilité pourrait permettre l’instauration d’un classement des activités selon le risque d’atteinte encourue par l’animal. De cela découlerait alors un régime juridique adapté en fonction des dites activités. Néanmoins, nous regrettons que ce point ne soit pas davantage développé.

S’agissant de la « nécessité », notion déjà très présente dans nos normes, la chercheuse souligne un point essentiel : le recours à cette notion dans le cadre du droit relatif à l’animal renvoie à « la recherche d’un compromis entre des intérêts contradictoires »25. Elle opère également un parallèle intéressant entre cette notion et celle des « meilleurs techniques disponibles »26 déjà consacrée notamment en droit de l’environnement et qui, selon elle, devrait être davantage mobilisée car permettant in fine de réduire les atteintes et d’éviter celles « non nécessaires ».

Conclusion

Illustrant son propos avec divers exemples, mobilisant différentes notions tout en expliquant a minima ce qu’elles recouvrent, employant un vocabulaire clair et usant d’un style permettant aux non-juristes d’appréhender la matière – du moins ce qui est en l’espèce abordé, Madame Doussan livre un ouvrage, si ce n’est complet, du moins plutôt efficace s’agissant des points abordés.

  • 1 Voir en ce sens par exemple : Code rural et de la pêche maritime, article L214-1 : « Tout animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce ».
  • 2 Voir en ce sens, pour une explication succincte de l’objet de l’ouvrage : p.5-6. Par la suite, chaque note de bas de page renvoyant à une ou plusieurs pages sans autres précisions signifiera qu’il s’agit de page(s) de l’ouvrage de Madame Isabelle Doussan faisant ici l’objet d’une chronique.
  • 3 P.7-46.
  • 4 P.47-78.
  • 5 Voir par exemple : Brels S., Le droit du bien-être animal dans le monde – Évolution et universalisation, Éditions L’Harmattan, mars 2017. Dardenne E., Introduction aux études animales, Éditions PUF, Paris, 2020. Marguenaud J.-P., Burgat F., Leroy J., Le droit animalier, Éditions PUF, Paris, 2016.
  • 6 Voir par exemple : Gibert M., Voir son steak comme un animal mort, Lux Éditeur, Canada, 2015. Giroux V., Contre l’exploitation animale – un argument pour les droits fondamentaux de tous les êtres sensibles, Éditions L’Âge d’Homme, Lausanne, 2017. Kymlicka W., Donaldson S., Zoopolis – Une théorie politique des droits des animaux, Alma éditeur, Paris, coll. « Essai-Sociétés », 2016.
  • 7 P.7-11.
  • 8 P.9.
  • 9 P.12-18.
  • 10 P.15.
  • 11 Voir en ce sens les dispositions relatives à la « destruction des animaux susceptibles d’occasionner des dégâts » au sein du Code de l’environnement. Code de l’environnement, article R427-6.
  • 12 P.18-26.
  • 13 P.22-23.
  • 14 P.26-46.
  • 15 P27-28. Arrêt dit « Lunus », Cass. civ. 16 janv. 1962.
  • 16 P.33-36.
  • 17 P.37-39.
  • 18 P.39-43. Voir notamment en ce sens l’arrêt dit « Delgado ». Arrêt dit « Delgado », Civ. 1re, 9 décembre 2015, n° 14-25.910.
  • 19 Il doit néanmoins être souligné le fait que Madame Doussan évoque en amont la reconnaissance par le législateur d’un « intérêt juridiquement protégé » (p.21) détenu par l’animal lorsque fut consacrée sa sensibilité. Or, la reconnaissance d’un tel intérêt peut renvoyer à la subjectivisation de l’entité dès lors que l’on se réfère à certaines théories juridiques. Voir en ce sens, par exemple : P. Gerard, F. Ost et M. Van De Kerchove (dir.), Droit et intérêt, vol. 2 : Entre droit et non-droit : l’intérêt, Éditions Presses de l’Université Saint Louis, Bruxelles, 1990, p. 23 et s., citant R. Von Ihering (selon lui, les droits subjectifs sont des « intérêts juridiquement protégés »).
  • 20 Cela peut notamment être observé dans le cadre de construction de la condition juridique de la femme au sein de l’Etat français.
  • 21 P.55-56.
  • 22 P.61.
  • 23 P.63-68.
  • 24 P.68-78.
  • 25 P.69.
  • 26 P.73-76.
 

RSDA 2-2024

Actualité juridique : Jurisprudence

Propriétés intellectuelles

I/ Absence de réservation du concept de maroquinerie sans matière d’origine animale

CA Paris, pôle 5 ch. 2, 14 juin 2024, n° RG 22/20621

 

1 – La société Ashoka commercialise une gamme de produits de maroquinerie dits éthiques, écoresponsables et d’origine non animale, dont les modèles de sacs « Paname » et « Mini Paname ». La société Minuit sur Terre propose également à la vente, sur son site internet, des produits de maroquinerie d’origine non animale, depuis 2017. Estimant que les sacs « Aventure » et « Escapade » de la société Minuit sur Terre reprennent les caractéristiques de ses propres sacs, la société Ashoka intente une action en contrefaçon de droits d’auteur, en concurrence parasitaire et, plus accessoirement, en dénigrement. Par un jugement du 3 novembre 2022, le Tribunal judiciaire de Paris rejette ses demandes. Il estime notamment que la preuve de l’originalité des sacs « Paname » et « Mini Paname » était insuffisamment apportée. En appel, la cour infirme le jugement sur ce point, en considérant que les « choix arbitraires et esthétiques » invoqués, « même s'ils empruntent au fonds commun de l'accessoire de mode existant avant 2019, font que l'aspect global des sacs considérés porte l'empreinte de la personnalité de leur auteur ». Toutefois, l’action est rejetée sur un autre motif, l’absence de caractérisation de la contrefaçon : les sacs litigieux « ne reprennent (…) pas les éléments caractéristiques des sacs "Paname" et "Mini Paname" dans une combinaison identique ou tout au moins une combinaison reprenant dans un même agencement les éléments caractéristiques ». L’absence de reprise des caractéristiques des sacs des demandeurs contribue également à écarter le moyen tiré du parasitisme.

2 – L’arrêt illustre le contentieux récurrent et inégalement passionnant existant en matière d’arts appliqués. L’un des enjeux est d’examiner dans quelle mesure le juge apprécie, dans ces espèces, la protégeabilité de la création antérieure invoquée sans confondre les conditions inhérentes au droit d’auteur (l’originalité) avec celles prévues en droit des dessins et modèles (la nouveauté, entendue comme l’absence d’antériorité, et le caractère « propre » impliquant suivant l’article L. 511-4 du Code de la propriété intellectuelle que « l'impression visuelle d'ensemble [que le dessin ou modèle] suscite chez l'observateur averti diffère de celle produite par tout dessin ou modèle divulgué avant la date de dépôt » ou de priorité). En l’espèce commentée, la cour résiste à la tentation de confondre originalité et nouveauté, en rappelant que « la notion d'antériorité est indifférente en droit d'auteur, celui qui se prévaut de cette protection devant justifier de ce que l’œuvre revendiquée présente une physionomie propre traduisant un parti pris esthétique et reflétant l'empreinte de la personnalité de son auteur ». Par contre, en soulignant qu’une caractéristique des sacs litigieux contribue à produire « une impression d'ensemble que ne dégagent pas les sacs "Paname" et "Mini Paname" », le juge cède à l’influence de la propriété industrielle, en visant l’apparence du produit telle que perçue par un observateur extérieur (forme dite externe), et non l’œuvre telle que conçue par son auteur (forme dite interne).

3 – L’arrêt illustre également le rôle complémentaire des actions en contrefaçon et en responsabilité civile délictuelle (en particulier en concurrence déloyale ou parasitaire). Cette complémentarité ne doit pas conduire, toutefois, à la réservation indirecte, via l’article 1240 du Code civil, d’éléments du domaine public, n’étant l’objet d’aucun droit de propriété intellectuelle. La cour le rappelle, au titre du principe de liberté du commerce et de l’industrie « qui implique qu'un produit qui ne fait pas l'objet d'un droit de propriété intellectuelle, puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit ou par l'existence d'une captation parasitaire, circonstances attentatoires à l'exercice paisible et loyal du commerce ». Les deux parties se prévalaient en l’espèce d’agissements parasitaires de la part de leur concurrent. Pour le demandeur, il s’agissait là de compléter son action en contrefaçon (stratégie assez classique lorsque la protégeabilité des objets reproduits est incertaine sur le fondement des droits de propriété intellectuelle). L’action en parasitisme intentée à titre reconventionnel par le défendeur doit davantage retenir ici l’attention.

4 – La société Minuit sur Terre prétend que la société Ashoka aurait commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme en reprenant à l’identique, notamment, le concept de sac en cuir d’origine non animale, mais aussi son discours, ses éléments de communication et « l’ensemble de ses efforts pour mener à bien son projet ». La cour écarte le moyen, en soulignant que la société Minuit sur Terre n’établit pas « être à l'origine du "concept de sacs centrés sur l'utilisation de cuir d'origine non animale" ni a fortiori l'avoir "imaginé" comme elle le soutient, concept qu'elle ne saurait en tout état de cause s'approprier » ; « aucun effet de gamme n'est caractérisé par la simple commercialisation par deux sociétés concurrentes de produits fabriqués à partir de matière d'origine non animale et vegan qui correspond à une tendance de la mode actuelle ». Au titre du parasitisme, la cour relève que « la société Minuit sur Terre ne peut revendiquer un monopole sur la tendance dite "vegan" ni même sur la maroquinerie fabriquée à partir de matière d'origine non animale », puis que « l'utilisation de rubriques relatives à la vie animale, à l'environnement ou aux conditions de travail (…) est inhérente au domaine considéré. La société Minuit sur Terre ne peut s'approprier le fait (…) d'avoir recours au "crowdfunding" (…) et/ou à une répartition proportionnelle des sommes collectées ainsi qu'à la même association de défense des animaux de laboratoire (…). Le choix d'un chien comme mascotte ou simple référence ou de quatre images postées sur Instagram qui évoquent mais ne reproduisent pas celles de la société Minuit sur Terre, est insuffisant à caractériser les actes de suivisme systématique qui sont reprochés à la société Ashoka ».

 

 

II/ Accès aux documents administratifs relatifs à l’expérimentation animale vs. droit d’auteur : lorsque les chercheurs manquent d’originalité

TA Paris, 5ème section 4ème ch., 3 mai 2024, n° 2220291 et 2221455

5 – Notre précédente chronique1 a été l’occasion d’étudier les multiples recours administratifs intentés par des associations de défense des animaux en vue de se faire communiquer les documents afférents aux expérimentations animales menées à des fins scientifiques. Ce contentieux met souvent en présence, d’une part, le droit d’accès aux documents administratifs consacré par le Code des relations entre le public et l’administration et, d’autre part, la protection des données à caractère personnel et du secret des affaires. La conciliation de ces principes a été, dans ces espèces, assurée d’une manière théoriquement simple mais pratiquement assez complexe, en ordonnant la communication des documents sollicités « sous réserve de l'occultation ou de la disjonction des mentions relevant du secret de la vie privée et du secret des affaires »2. La présente décision s’inscrit dans cette même vague de recours administratifs, mais conduit à appréhender une nouvelle hypothèse de conflit de droits, impliquant cette fois-ci directement la propriété intellectuelle (ici le droit d’auteur).

6 – En l’espèce, l’association de défense des animaux One Voice demande à deux unités INSERM qu’elles lui communiquent les enregistrements audiovisuels de tests réalisés sur des animaux dans le cadre de projets de recherche. L’une des unités (le Neurocentre Magendie) oppose un refus, et l’autre (IPNP) ne répond pas. One Voice saisit alors la Commission d’Accès aux Documents Administratifs (CADA) pour avis. Dans l’affaire Neurocentre Magendie, la CADA estime que les vidéos en cause sont protégeables par droit d’auteur et émet un avis défavorable à leur communication en raison du refus explicite de divulgation émis par leurs auteurs3. Dans l’affaire IPNP, elle émet par contre un avis favorable à la communication des enregistrements, sous réserve (dans l’hypothèse où ils seraient protégeables par droit d’auteur et où ils n’auraient pas déjà fait l’objet d’une divulgation) de l’autorisation de leurs auteurs. L’association saisit alors le tribunal administratif de recours en annulation des décisions (explicite pour l’une, implicite pour l’autre) de refus de l’INSERM. Elle soutient notamment que lesdites décisions sont entachées « d'une erreur manifeste d'appréciation quant à la caractérisation des documents demandés comme des œuvres de l'esprit » et « d'une erreur de droit résultant de l'inapplicabilité de l'alinéa 4 de l'article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle aux agents des établissements publics à caractère scientifique et technologique ». Les deux affaires sont jointes en raison de leurs similarités.

7 – Après avoir cité l’article L. 311-4 du Code des relations entre le public et l’administration suivant lequel « Les documents administratifs sont communiqués ou publiés sous réserve des droits de propriété littéraire et artistique », le tribunal administratif expose le régime applicable aux créations de fonctionnaires en application du Code de la propriété intellectuelle. Pour le tribunal, « Ces dispositions impliquent, avant de procéder à la communication de documents administratifs qui constituent des œuvres de l'esprit n'ayant pas déjà fait l'objet d'une divulgation (…) créées par des enseignants, des enseignants-chercheurs ou des chercheurs, dont la divulgation n'est soumise, en vertu de leur statut ou des règles qui régissent leurs fonctions, à aucun contrôle préalable de l'autorité hiérarchique4, de recueillir l'accord de leur auteur ».

8 – Ce principe ne trouve, toutefois, pas à s’appliquer aux deux espèces, pour des raisons différentes. Dans l’affaire Neurocentre Magendie, le tribunal dénie toute originalité aux enregistrements en cause, réalisés par une « caméra fixe connectée à un système de suivi informatisé pour enregistrer les données résultant de l'application (…) de tests usuels et standardisés en vue de leur recueil et de leur traitement automatisé afin d'élaborer des rapports sur la base de réglages prédéfinis ». Ils ne sauraient dès lors « être regardés comme une création originale reflétant la personnalité de leur auteur et, partant, être qualifiés d'œuvre de l'esprit ». Cette analyse de l’originalité semble plus concluante que celle réalisée en amont par la CADA.

9 – Dans son avis du 8 septembre 2022, la commission avait en effet retenu que :

« Ces vidéos ont été réalisées par des chercheurs du Neurocentre Magendie dans le cadre d’un projet de recherche visant à approfondir les connaissances sur les effets secondaires d’un médicament, en particulier les troubles anxieux. Les résultats de ces recherches ont été publiés dans une revue scientifique. Il ressort des informations transmises à la commission au cours de l’instruction de la demande et de l’audition des représentants de l’INSERM lors de sa séance, que ces vidéos procèdent d’une démarche intellectuelle particulière et originale des chercheurs qui les ont produites, définie dans un protocole de recherche préalablement établi. Ainsi notamment, des choix techniques ont été opérés afin de traduire les "mises en scène" définies dans le protocole en fonction des réactions attendues des animaux et les situations filmées ont été provoquées pour la nécessité de l’étude. La commission déduit de ces éléments que ces enregistrements audiovisuels ne se bornent pas à exposer un contenu scientifique brut mais sont marqués par la personnalité de leurs auteurs, en ce qu’ils traduisent l’originalité des choix méthodologiques qu’ils ont opérés, ainsi que l’analyse personnelle particulière qu’ils ont menée pour les besoins de cette étude »5.

Les choix méthodologiques ou l’intérêt scientifique sont indifférents en droit d’auteur6, seule compte la forme de l’expression. La CADA semble avoir confondu le fond et la forme, et s’être ainsi méprise sur l’objet du droit d’auteur.

10 – La cour d’appel de Bordeaux a récemment rappelé que « (…) s'agissant de texte scientifique, la protection par le droit d'auteur suppose que soit démontrée une mise en forme du texte marquant l'œuvre de l'empreinte de la personnalité de son auteur, les ouvrages scientifiques n'étant pas protégés au titre du droit d'auteur pour leur contenu scientifique dans la mesure où ils énoncent sous une forme banale ou nécessaire des procédés ou des conclusions techniques ou scientifiques eux-mêmes non protégés »7. Le même raisonnement s’applique, évidemment, aux captations vidéo. Le tribunal administratif en semble conscient. En utilisant successivement les termes « fixes », « informatisé », « usuels et standardisés », « automatisé » et « prédéfinis », le tribunal relativise la marge de choix à la disposition des chercheurs, et souligne de ce fait, en d’autres termes, la difficulté à identifier des « choix libres et créatifs »8 aidant à caractériser l’originalité en droit d’auteur.

11 – Un second argument était opposé à la communication des enregistrements : suivant l’article L. 311-5 du Code des relations entre le public et l’administration, « Ne sont pas communicables : (…) 2° Les autres documents administratifs dont la consultation ou la communication porterait atteinte : d) (…) à la sécurité des personnes (…) ». Le tribunal estime toutefois que « La seule circonstance que la publication en 2010 par One Voice sur son site internet d'un vidéogramme d'un lapin enfermé dans un clapier a suscité un commentaire agressif contre le laboratoire concerné ne permet pas de regarder le risque d'atteinte à la sécurité des auteurs des études en cause dans les présentes requêtes comme établi et, dès lors, à justifier leur caractère non communicable ». Les objections tirées du droit d’auteur et des considérations de sécurité étant écartées, le tribunal enjoint à l’INSERM de communiquer les enregistrements en cause.

12 – Dans la seconde affaire par contre, l’équipe (IPNP) apporte la preuve de l’absence de conservation de l’enregistrement demandé, ceci faisant logiquement obstacle à sa communication. Si l’on peut évidemment entendre qu’il soit difficile de conserver durablement tous les documents élaborés dans le cadre d’une recherche scientifique (surtout lorsqu’ils requièrent des capacités de stockage importantes), rappelons que la politique de la science dite ouverte, s’inscrivant dans les missions de la recherche (V. art. L. 411-1 du Code de la recherche), conduit actuellement à favoriser l’accès, non seulement aux résultats de la recherche mais aussi aux données de la recherche9. La conservation et le partage de ces dernières répond à divers enjeux : une telle « ouverture » peut notamment favoriser la reproductibilité des résultats de la recherche (ce qui contribue à en garantir la qualité, la fiabilité), mais aussi peut-être dispenser de procéder à nouveau à des expériences précédemment menées, à défaut d’intérêt scientifique avéré. Dans le contexte de l’expérimentation animale, le partage de ces données pourrait ainsi contribuer à la « Réduction »10 de l’utilisation d’animaux à des fins scientifiques. Indépendamment des faits de l’espèce commentée (qui ne nous sont que très partiellement connus), la destruction des documents relatifs aux expérimentations animales menées ne doit ainsi pas apparaître comme un moyen bien commode de se soustraire aux exigences et objectifs de transparence (de l’Administration en général et de la Recherche en particulier).

  • 1 https://www.revue-rsda.fr/articles-rsda/7573-proprietes-intellectuelles
  • 2 V. notamment TA Paris, 5e section, 3e ch., 24 Janvier 2024, n° 2300100.
  • 3 CADA, 8 septembre 2022, avis n° 20224541.
  • 4 V. art. L. 111-1 du Code de la propriété intellectuelle, in fine. On peut toutefois regretter l’absence de démonstration véritable de l’application de ladite disposition aux agents publics en cause dans les espèces.
  • 5 CADA, 8 septembre 2022, avis n° 20224541.
  • 6 V. sur le sujet V. Bezier, La propriété des conceptions scientifiques, thèse Poitiers, 15 décembre 2023.
  • 7 CA Bordeaux, 11 mai 2021, n° 18/02506, LEPI déc. 2021, n° 200l3, p. 2, obs. A. Zollinger.
  • 8 CJUE, 3ème ch., 1er décembre 2011, C-145/10, Eva-Maria Painer c. Standard VerlagsGmbH et autres, pt. 89.
  • 9 V. par exemple Ministère de l’enseignement supérieur de la recherche et de l’innovation, Plan national pour la science ouverte, 4 juillet 2018, https://www.ouvrirlascience.fr/plan-national-pour-la-science-ouverte/ (en particulier le second axe).
  • 10 L’un des « 3R » autour desquels s’est structurée l’éthique en expérimentation animale : V. notamment Dir. 2010/63/UE du 22 septembre 2010 relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques, art. 1er.
 

RSDA 2-2024

Actualité juridique : Législation

Initiatives parlementaires d'intérêt animalier

La dissolution de l'Assemblée nationale survenue au soir du 9 juin 2024 a marqué, comme eût dit M. De la Palice, la fin un peu brutale de la XVIème législature, riche en propositions de lois d'intérêt animalier au cours de sa brève existence. Alors que l'espérance de vie de la XVIIème qui vient de naître est des plus fragiles, il ne faut pas laisser passer l'occasion de vérifier si son irruption a eu des conséquences directes sur les initiatives parlementaires d'intérêt animalier venant de l'Assemblée nationale ou même indirectement sur celles émanant du Sénat. Ses conditions d'existence sont tellement particulières qu'elles auraient pu se traduire par une montée en puissance de l'argument selon lequel les questions d'intérêt animalier qui ne sont jamais la priorité du moment le sont encore moins de celui-ci. Or, les initiatives parlementaires d'intérêt animalier ont été moins nombreuses entre juillet et novembre 2024, mais elles n'ont pas complètement disparu du paysage. Qu'elles aient réussi à surnager au milieu de la tempête politique est probablement le signe que les questions relatives aux animaux ne s'inscrivent pas dans un phénomène de mode. L'actualité parlementaire animalière ayant quand même perdu un peu d'intensité, elle n'a pas pu gagner beaucoup en originalité. Il convient donc d'en rendre compte suivant à peu près le même plan que pour la précédente édition semestrielle.

 

I-Les initiatives visant à renforcer la protection des animaux

 

L'Assemblée nationale s'est à nouveau efforcée de prolonger la loi du 30 novembre 2021 tandis que le Sénat s'est dévoué pour perdre une nouvelle bataille contre les amateurs de corridas. Une nouvelle espèce d'animaux sauvages a bénéficié d'une attention protectrice et, d'une manière un peu plus originale, une proposition de loi s'est intéressée à la protection des animaux d'élevage contre les nuisances.

 

A-Prolonger la loi du 30 novembre 2021

 

Il faut reconnaître au député Les Républicains Ian Boucard le double mérite d'avoir de la suite dans les idées et de savoir placer les initiatives d'intérêt animalier de l'Assemblée nationale sous une influence transpartisane. Prenant toujours solidement appui sur le socle juridique constitué par ''la célèbre loi n° 2015-177du 16 février 2015 qui intègre la notion d’être vivant doué de sensibilité à l’animal'' et sur ''la très récente loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021 contre la maltraitance animale qui est heureusement venue renforcer notre arsenal législatif en mettant notamment en place, à partir du 1er janvier 2024,l’interdiction de la vente de chats et de chiens dans les animaleries'', il reprend en effet dans une proposition n°388 enregistrée le 15 octobre 2024 sa proposition d'interdire aussi la vente de chiens et de chats dans les salons déjà avancée de manière exemplaire dans la PPL n°1496 du 11 avril 2024 (Cf cette chronique dans le précédent numéro RSDA 1/2024). À nouveau, il a su rallier à cette idée des députées et de députés de tous bords allant de M. Aymeric Caron apparenté LFI jusqu'à Mme Béatrice Roullaud du RN en passant par M. Gérald Darmanin.

 La proposition n° 253, déposée le 17 septembre 2024 visant à mieux protéger les animaux, améliorer leurs conditions de vie et lutter contre la maltraitance qui reprend et amplifie la proposition n° 2565 déjà déposée le 2 mai 2024 par Mme Alexandra Martin, se situe jusque dans son intitulé dans le sillage de la loi du 30 novembre 2021. Elle est cependant moins transpartisane puisqu'elle est portée par un groupe de 8 députées et députés ne comprenant que des Républicains à l'exception de l'élue d'Ensemble pour la République Julie Delpech. Elle est aussi beaucoup moins solidement étayée puisque dans un exposé des motifs d'une brièveté toujours aussi étonnante, elle se borne comme la précédente à évoquer ''de récentes mesures [qui ] ont permis d’obtenir des avancées majeures pour la cause animale et d’améliorer les conditions de bien‑être des animaux domestiques et sauvages''. Sur le fond, elle préconise néanmoins d'intéressantes avancées : pour inciter à la stérilisation des animaux de compagnie par des avantages fiscaux ; interdire la surstimulation ovarienne des chiennes et des chattes et l'électrostimulation des chiens et des chats ; assermenter les bénévoles- enquêteurs des associations de protection des animaux ; stigmatiser les euthanasies de complaisance. À ces mesures déjà prévues dans la proposition du 2 mai 2024 ont été ajoutées l'extension de l'identification et la délivrance d'un certificat d'engagement et de connaissance à tous les NAC et bien sûr l'interdiction de la vente des chiens et des chats dans les salons. Il faut souligner que cette nouvelle proposition de Mme Alexandra Martin n'a pas su davantage résister que la précédente à la tentation d'accentuer la tendance à la surenchère répressive dont la pertinence est pourtant douteuse. Elle persiste en effet à vouloir doubler presque systématiquement les années d'emprisonnement et le montant des amendes prévues par l'article 521-1 du Code pénal pour atteindre dans les cas les plus graves des sommets légèrement surréalistes de 9 ans et de 120 000 euros.

 

B-Surmonter l'échec de la proposition d'abolition de la corrida

 

On se souvient que, après la tentative avortée le 24 novembre 2022 de faire voter par l'Assemblée nationale la proposition du député apparenté LFI Aymeric Caron d'abolir la corrida en France, deux initiatives parlementaires d'origine sénatoriale avaient envisagé d'atténuer cet échec en interdisant la présence de mineurs de 16 ans à ce spectacle vivant qui se termine par la mort (Cf. cette chronique RSDA 1/2024). Ainsi la proposition n° 141 du 22 novembre 2003 portée par la sénatrice EEVL Raymonde Poncet-Monge et la proposition n° 475 du 27 mars 2004 déposée par la sénatrice Renaissance Samantha Cazebonne visaient-elles à interdire aux mineurs de 16 ans les corridas et les écoles taurines pour la première, les corridas et les combats de coqs pour la seconde. De l'extérieur, il était surprenant que deux propositions aussi parentes aient pu être déposées sans la moindre concertation. Heureusement, la concertation a eu lieu. Elle aurait pu se traduire par une synthèse entre les deux propositions ; elle s'est conclue par le ralliement de Mme Poncet-Monge à Mme Cazebonne dont le groupe parlementaire a décidé de l'inscrire dans sa niche parlementaire du 14 novembre 2024. Une telle proposition comptant des défenseurs de tous bords et traduisant une idée partagée par Simone Veil et Robert Badinter semblait devoir être adoptée sans difficultés par le Sénat. Or, emboîtant le pas à la Commission des lois qui, sur le rapport n° 115 du sénateur Louis Vogel déposé le 6 novembre 2024, avait rejeté le texte proposé, le 14 novembre 2024, le Sénat, à l'écrasante majorité de 237 voix contre 64 a refusé d'adopter la proposition de loi visant à interdire les corridas et les combats de coqs en présence de mineurs de moins de 16 ans.

C'est donc un nouvel échec cinglant des adversaires des traditions locales prolongeant la mise en spectacle de la cruauté et des sévices exercés sur des animaux reconnus comme des êtres vivant doués de sensibilité. De revers en déceptions, la tradition, taurine plus particulièrement, est progressivement renforcée dans des conditions que ses plus ardents partisans n'osaient peut-être pas espérer. Peut-être, dès lors, est-il temps de commencer à réfléchir à la manière d'enrayer cette machine à perdre. Quelques lignes n'y suffiront pas, mais dans l'esprit de cette chronique inédite, il est permis de s'interroger déjà sur la qualité technique des propositions de lois d'intérêt animalier qui se multiplient sur ce thème. Hommage avait été rendu dans ces colonnes à la densité de l'exposé des motifs de la proposition n°141 de Mme Raymonde Poncet-Monge. Bien souvent, et même si ce n'est pas précisément le cas de la proposition de Mme Samantha Cazebonne, le lecteur extérieur a l'impression de se trouver face à un exposé des motifs griffonné en 5 minutes entre le dessert et le café. Or, en matière animalière, l'exposé des motifs et l'architecture de la réforme proposée doivent être d'une rigueur absolument irréprochable car la moindre maladresse, la moindre imprécision, peuvent être exploitées avec une facilité déconcertante sous la pression ironique des lobbies puissamment organisés que la promotion de la protection animale dérange. En l'occurrence, les arguments développés par le rapporteur Louis Vogel et les sénateurs majoritaires sont quelquefois très contestables. Dans une Revue de droit de la famille et des personnes on pourrait s'insurger de la désinvolture adoptée face à la Recommandation du Comité des droits de l'enfant de redoubler d'efforts pour faire évoluer les traditions et les pratiques violentes qui ont un effet préjudiciable sur le bien-être des enfants, et notamment d'interdire l'accès des enfants aux spectacles de tauromachie ou à des spectacles apparentés que Mme Cazabonne avait placée en exergue. Dans une Revue de droit animalier, en revanche, il faut bien admettre que certains sont imparables. Comment par exemple, a-t-on bien pu oublier la cohérence la plus élémentaire qui commandait non seulement d'interdire la présence de mineurs de moins de 16 ans comme spectateurs dans les arènes et les gallodromes mais aussi et peut être surtout leur accueil presque en bas âge dans les écoles taurines pour les rendre apprentis-acteurs de la souffrance animale ? Comment avoir oublié de prévoir les difficultés engendrées par le passage de ''la logique cinématographique'' privilégiée par la proposition Poncet-Monge consistant à vérifier l'âge au moment d'entrer dans l'enceinte de spectacles et à punir de manière spécifique les contrevenants, à une approche consistant à soumettre l'organisateur aux sanctions prévues par l'article 521-1 du Code pénal dès lors qu'un seul mineur de moins de 16 ans aurait assisté aux combats ? D'une manière plus générale, ensevelir à ce point l'intérêt de l'animal sous l'intérêt supérieur de l'enfant, n'exposait-il pas à l'accusation de masquer le véritable objectif d'élimination de la corrida et au risque de se faire prendre en défaut sur le terrain du droit de l'autorité parentale insuffisamment déminé ?

La moralité de ce nouvel épisode désastreux pourrait être la suivante : pour faire avancer par la voie d'initiatives parlementaires la protection des animaux, il ne suffit pas d'avoir des convictions profondes et sincères, il faut aussi avoir des compétences juridiques supérieures à celles des autres qui, on peut en être certain, ne pardonneront jamais rien.

 

C- Protéger les animaux sauvages

 

La proposition la plus originale et la plus stimulante du semestre est la proposition n° 597 déposée le 19 novembre 2024 par le député Jean-François Coulomme qui a regroupé derrière lui plus de 80 députés LFI et écologistes pour viser l'abolition de la chasse à la marmotte. Cette chasse qui ne correspond à aucune nécessité de régulation est déjà interdite dans plusieurs départements et ne perdure dans d'autres que pour perpétuer une tradition culinaire. Son abolition générale tendrait donc à éliminer une autre tradition dont les animaux sont victimes . Elle correspondrait cependant à une hypothèse originale puisque rien n'indique que la chasse à la marmotte se réalise suivant des méthodes d'une cruauté particulière. Comme, selon l'exposé des motifs, l'abolition générale est vivement demandée par le secteur économique et touristique de montagne, on en viendrait à se dire que la proposition Coulomme se justifie d'abord parce que, en montagne, la présence de la marmotte est sympathique même si, par ailleurs, elle exerce une heureuse influence sur la biodiversité végétale locale.

 

D- Protéger les élevages contre les nuisances

 

Les animaux sont élevés dans de telles conditions que, à leur corps défendant, ils sont le plus souvent considérés comme des sources de nuisances. Ils peuvent aussi en être les victimes. C'est du moins ce que l'on peut comprendre à la lecture de la proposition de loi n° 585, visant à protéger les élevages des nuisances des éoliennes, déposée le 19 novembre 2024 par le député L.R Corentin Le Fur.

Prenant au sérieux les témoignages de certains éleveurs de bovins qui ont noté la survenance de certains troubles dans leurs troupeaux après la mise en fonctionnement d'éoliennes mais qui ne disposent pas des éléments scientifiques nécessaires pour démonter le lien de causalité entre la baisse de leur production et l'implantation de ces engins ailés, il invoque à leur profit le principe de précaution. En son nom, l'article L. 515-44 du Code de l'environnement devrait être modifié de manière à établir une distance minimum d'un kilomètre entre les éoliennes et les bâtiments d'élevage. Quand on sait que la plupart des syndicats agricoles sont vent debout, si l'on ose dire, contre le principe de précaution qu'ils accusent d'être un principe d'inaction dès qu'un danger hypothétique est soulevé, il vaut avouer que sa mobilisation par le député Corentin Le Fur ne manque pas de sel. Il faut surtout observer que sa proposition se garde bien de viser la protection des animaux d'élevage dont le bien-être en tant qu'êtres sensibles n'est jamais évoqué : la protection des élevages et les bonnes conditions de travail des éleveurs l'intéressent exclusivement. On peut s'étonner de ce que cet élu du peuple n'ait pas encore compris que la protection de la ruralité et la protection des animaux peuvent s'épauler mutuellement. Il est vrai que sa proposition, qui ne semble pas soupçonner l'existence d'animaux ne vivant pas exclusivement dans des bâtiments d'élevage et se déplaçant dans des pâturages à beaucoup moins de 1 000 mètres des éoliennes, ne se préoccupe pas davantage de ruralité.

 

II- Les initiatives visant à protéger contre les animaux

 

À l'Assemblée nationale, le début de la XVIIème législature a été marqué par l'enregistrement de propositions de lois visant à accentuer la protection contre les animaux vivant à l'état de liberté naturelle déjà adoptées par le Sénat. Tel a été le cas, le 24 juillet 2024, d'une proposition visant à créer une zone de protection renforcée contre les loups qui avait été adoptée au Palais du Luxembourg il y a plus de 10 ans, le 30 janvier 2013.Le 25 juillet 2024 est venu le tour d'une proposition tendant à renforcer l'intervention du maire dans la lutte contre l'introduction et la propagation des espèces toxiques envahissantes adoptée par les sénateurs le 7 mai 2019.Pour faire bonne mesure et faire écho à une des plus lancinantes angoisses estivales, c'est la proposition sénatoriale adoptée le 11 avril 2024 visant à endiguer la prolifération du frelon asiatique et à préserver l'élevage avicole qui a été reprise dès le 23 juillet 2024.

Quant au Sénat, qui est souvent à l'initiative des initiatives de lutte contre les animaux sauvages provocateurs de divers dommages et dégâts, il s'est encore signalé dans ce rôle par une proposition n° 681, déposée le 5 juin 2024 par le sénateur LR Laurent Burgoa, visant, dans un contexte caractérisé par un effet ciseaux résultant de la diminution de nombre des chasseurs et de l'augmentation de celui des sanglier, à réformer et à moderniser le régime d'indemnisation des dégâts de grand gibier. La modernisation qui répondrait à la fois aux vœux des agriculteurs dont les récoltes sont dévastées et à l'intérêt des fédérations départementales de chasse croulant sous le poids des demandes d'indemnisation qui leur incombe se traduirait, comme on l'aurait aisément deviné, à transférer à la charge à l'État ce fardeau sans poser la question de savoir s'il n'y aurait pas une manière résolument plus moderne de l'alléger en développant des méthodes alternatives, spécialement contraceptives.

 

III-Les initiatives visant à préserver les activités productrices de souffrance animale

 

La proposition qui se place le plus résolument sous le vent mauvais soufflant depuis quelques années sur la protection des animaux est la proposition n° 579 enregistrée à la Présidence de l'Assemblée nationale le 19 novembre 2024. À l'initiative du député de la droite républicaine Xavier Breton, elle vise, en réaction à l'incendie de l'abattoir de Haut-Valromey dans le département de l'Ain en septembre 2018, à ''renforcer l'arsenal législatif face à la multiplication d'entrave à des activités agricoles, cynégétiques, d'abattage ou de commerce de produits d'origine animale''. Ce renforcement se traduirait notamment par une modification de l'article 431-1 du Code pénal punissant de 3 ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende le fait d'entraver d'une manière concertée et à l'aide de menaces l'exercice d'un certain nombre de libertés parmi lesquelles figure celle du travail et par la création d'un délit sous un nouvel article 432-2-1.Quant au délit d'entrave, il serait désormais constitué sans condition de concertation et il viserait également les actes d'intrusion et d'obstruction ajoutés aux menaces. Quant au nouveau délit, puni de 1 an d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende, il s'agirait de l'introduction sans droit dans un lieu où sont exercées, de manière licite, un certain nombre d'activités notamment les activités agricoles.

On pourrait déplorer le cynisme avec lequel la proposition part d'un fait divers d'une rare violence pour incriminer des agissements qui attirent l'attention sur la brutalité du sort des animaux par des méthodes qui relèvent plutôt d'une culture non violente. On pourrait tout aussi bien mettre en garde contre les risques non négligeables qu'il y à amorcer le cycle perdant-perdant provocation-répression alors que faire changer les choses par le droit n'est plus aujourd'hui une voie tout à fait sans issue.

     

    RSDA 2-2024

    Actualité juridique : Jurisprudence

    Sommaires de jurisprudence

    I Les animaux au sein des relations contractuelles

     

    A Les contrats

     

    a La vente

     

    Aucune jurisprudence pour ce numéro.

     

    b Le bail rural

    Cass. Civ. 3e, 12 septembre 2024, n° 23-10.749

    Bail rural – Renouvellement – Reprise – Convention de pâturage – Cheval – Occupation occasionnelle

     

    Une personne et ses deux enfants ont donné à bail rural à long terme plusieurs parcelles agricoles. L’un des enfants devient par la suite propriétaire et le bail est renouvelé pour 9 ans. Au cours de la période de renouvellement, la propriétaire signifie au locataire un congé pour reprise au profit de son petit-fils. Le locataire saisit alors le tribunal paritaire des baux ruraux afin de demander l’annulation du congé. Après le décès de la propriétaire, ses 3 filles ont repris l’instance et ont formé une demande reconventionnelle en annulation de la convention de pâturage consentie par le locataire à un tiers, résiliation du bail pour cession et sous-location prohibée et expulsion.

    Les juges du fond ont accédé à la demande de nullité du congé pour reprise présentée par le locataire. Pour ce qui est des aspects relatifs au droit animalier, l’arrêt de rejet prononcé par la Cour de cassation permet de s’intéresser à l’utilisation des parcelles par le locataire. Il ressort des faits que son petit-neveu laissait y paître un cheval quelques jours par mois. Ce dernier, dans un souci de sécurité, installait sa propre clôture électrique. Le locataire et son petit neveu ont procédé, une année durant laquelle le cheval était malade, à la récolte de l’herbe (fauchage, fanage, andainage, enrubannage). De plus, à l’aide d’un ami, le locataire a taillé chaque année la haie du pré avec son propre matériel. La Cour de cassation décide que la cour d’appel a pu déduire de ces différents éléments que l’utilisation du pré pour faire paître le cheval ne relevait que d’une occupation occasionnelle à titre gratuit et que le locataire avait conservé la maîtrise de l’exploitation des parcelles litigieuses. Partant, aucune cession ou sous-location prohibée ne peut être caractérisée.

    D. T.

     

    c Le dépôt

    Aucune jurisprudence pour ce numéro.

     

    B La responsabilité contractuelle

     

    Aucune jurisprudence pour ce numéro.

     

    C Le droit du travail/les relations de travail

     

    Cass. Soc., 23 octobre 2024, n° 22-23.050

    Agent cynophile – Chien – Attaque – Manquement aux obligations professionnelles – Faute grave

     

    Un agent de sécurité cynophile conteste son licenciement pour faute grave. Il apparaît que son chien a attaqué et mordu un agent de maintenance présent sur le site dont il avait la charge. Contrairement aux « consignes élémentaires de sécurité », selon l’expression employée par la cour d’appel, le chien n’était ni attaché, ni muselé alors que l’agent de surveillance était encore sur site une heure et demie après la fin de ses vacations. Ayant apprécié souverainement ces éléments, les juges du fond ont pu valablement conclure que le salarié avait manqué à ses obligations professionnelles et que ces faits ne relevaient pas de sa vie privée. Le pourvoi est alors rejeté.

     

    D.T.

     

    Cass. Crim., 28 novembre 2024, n° 24-80.365

    Trafic de stupéfiant – Chien spécialisé – Marquage – Flagrance

     

    À la suite d’une dénonciation anonyme, des fonctionnaires de police se sont rendus à un appartement devant la porte duquel un chien spécialisé en matière de recherche de stupéfiants a effectué un marquage prolongé. Les officiers de police ont alors frappé à la porte, interpellé deux personnes et effectué la saisie de produits stupéfiants en opérant en flagrance. Le tribunal correctionnel a constaté la nullité du procès-verbal et relaxé les deux prévenus. La Cour de cassation a dû ici trancher la question de savoir si le marquage prolongé d’un chien spécialisé en recherche de stupéfiants peut justifier une procédure en flagrance. Après avoir indiqué que le transport sur les lieux était nécessairement un acte d’enquête préliminaire, peu important l’absence de toute mention à cette fin dans le procès-verbal, la Haute juridiction indique que le marquage significatif effectué par le chien après dénonciation anonyme et vérification des antécédents sur un fichier, constitue un indice suffisamment apparent permettant de déclencher une opération en flagrance.

     

    D.T.

     

     

    II Les animaux protégés

     

    A Espèces protégées

     

    TA Besançon,18 juin 2024, n° 2202038 et n° 2202040 et TA Marseille12 novembre 2024, n° 2410864

    Loup – Tirs de défense simple – Troupeau – Caractère non protégeable – Vice de procédure – Risque de dommages importants (non) – Urgence (non)

     

    À la demande des associations Ferus, One Voice et Pôle Grands Prédateurs, le Tribunal administratif de Besançon censure par ces deux décisions les arrêtés du préfet du Doubs autorisant des tirs de défense simple contre le loup pour deux GAEC situés dans le département du Doubs. Il annule le premier arrêté du 10 octobre 2022 pour vice de procédure, le préfet ayant délivré l’autorisation contestée sans l’avoir soumise au préalable pour avis au préfet coordonnateur du plan national d’actions sur le loup, l’analyse technico-économique permettant de reconnaître le caractère « non protégeable » du troupeau de bovins du GAEC de la Combes des Cives conformément aux dispositions du III de l’arrêté ministériel du 23 octobre 2020, portant dérogation aux interdictions de destruction concernant le loup, lorsque le troupeau est reconnu comme ne pouvant pas être protégé. En l’espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette analyse ait été réalisée.

    Le second arrêté préfectoral contesté concernait un troupeau ovin bénéficiant de mesures de protection. Le tribunal a considéré que le critère relatif au risque de dommages importants n’était pas rempli et que l’autorisation n’était pas justifiée, dès lors notamment que le troupeau n’avait pas subi d’attaque depuis plus de treize ans, l’attaque d’octobre 2022 n’ayant visé que le troupeau bovin du même GAEC. En outre, le préfet n’avait pas apporté la preuve de la réalité des mesures de protection du troupeau concerné.

    A contrario, juge des référés de Marseille, saisi par l’association One Voice, a refusé de suspendre l'exécution d'un arrêté du 10 octobre 2024 autorisant le GAEC Ferrand à effectuer des tirs de défense simple contre la prédation des loups sur ses troupeaux, jusqu'à ce qu'une décision soit prise sur la légalité de cet arrêté. Pour le juge, il n’est pas démontré que cet arrêté compromettrait la viabilité de l'espèce du loup ou porterait une atteinte suffisamment grave, irréversible et immédiate aux intérêts défendus par l'association ou à l'intérêt public. Par conséquent, la condition d'urgence requise pour une suspension en l’espèce n'est pas remplie.

     

    B. des B.

     

     

    CE, 8 juillet 2024, n° 468607

    Espèces protégées – Menace – Quotas de destruction – Cormorans – Poissons

     

    Le litige concerne deux espèces protégées dont l’une est une menace pour l’autre. Le Conseil d'État annule partiellement un arrêté interministériel du 19 septembre 2022 qui fixait les quotas de destruction des grands cormorans uniquement pour les piscicultures pour la période 2022-2025 (83.000 oiseaux au total). Cet arrêté, contesté par la Fédération nationale de la pêche en France et de la protection des milieux aquatiques et de l'AAPPMA " Les Deux Vallées " et autres, était critiqué pour ne pas avoir prévu de plafonds départementaux de destruction des cormorans en eaux libres, ce qui risquait de mettre en danger l’état de conservation de certaines espèces de poissons sauvages comme le brochet, le saumon et l'anguille. L'annulation concerne spécifiquement l'absence de plafonds pour les eaux libres dans le département du Doubs, pour la période 2022-2025.

     

    B. des B.

     

     

    CE, 8 juillet 2024, n° 471174  

    Espèces protégées – Rapaces – Parc éolien – Risques de collisions – Modifications substantielles

     

    Le Conseil d’État, saisi par la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO), a annulé l’arrêt 2022 n° 20TL22215 de la Cour administrative d’appel de Toulouse du 8 décembre 2022 pour erreur de droit. Cette décision avait limité l’obligation de l’administration de vérifier le respect des dispositions environnementales (articles L. 181-2 et suivants du Code de l’environnement) aux cas où les caractéristiques d’un parc éolien subissent une modification substantielle.

    Dans cette affaire, le parc éolien de La Baume présente un risque significatif de collision pour plusieurs espèces protégées de rapaces, notamment le vautour moine (menacé d’extinction), l’aigle royal, le milan royal et d'autres espèces. Le Conseil d’État rappelle que l’administration doit vérifier à tout moment si les mesures imposées à l’exploitant assurent la protection des espèces concernées. En cas de risque persistant, elle doit exiger une demande de dérogation à l’interdiction de destruction ou perturbation des espèces protégées, en application de l’article L. 171-1 du Code de l’environnement. Le caractère définitif de l’autorisation initiale ou l’absence de modification de cette autorisation n’y fait pas obstacle, en matière de protection des espèces, aucun droit acquis ne peut être invoqué.

     

    B. des B.

     

     

    CE, 6 novembre 2024, n° 471372  

    Espèces protégées – Menace d’extinction (non) – Parc éolien

     

    Cette affaire concerne un parc éolien de neuf turbines situé en Côte-d’Or, autorisé par un arrêté préfectoral du 7 juin 2013, ayant causé la mort d’espèces protégées (milans royaux et pipistrelles) sans que celles-ci soient menacées d'extinction. Le Conseil d'État, saisi par l’Association pour la défense du patrimoine, annule l'arrêt de la Cour d'appel de Lyon considérant qu’elle a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis en jugeant que le projet litigieux ne présentait pas de risque suffisamment caractérisé d'atteinte aux espèces protégées.

    Cette décision s’inscrit pleinement dans le prolongement de l’avis CE, 9 décembre 2022, n° 463563, précisant à quelles conditions, lors d’une demande d’autorisation environnementale, il convient également de solliciter la délivrance d’une dérogation « espèces protégées » au titre de l’article L. 411-2 du code de l’environnement. Dans ses conclusions, le rapporteur public insiste sur la nécessité de clarifier l'efficacité des mesures d'évitement dans des affaires similaires et de garantir une unité de la jurisprudence sur la question du risque pour les espèces protégées.

     

    B. des B.

     

     

    CE, 8 juillet 2024, n° 465780

    Tortue d’Hermann – Projet de construction – Préjudice d’agrément (non) – Association de protection des animaux (non)

     

    Le présent litige est relatif à la protection des tortues d'Hermann. Dans le cadre d'un projet de construction à Porto-Vecchio, M. B... A... et la SCI Florence ont demandé l'annulation d'un arrêté préfectoral du 19 décembre 2017 autorisant la société Probat à déplacer ces tortues et à détruire leur habitat. La Cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement du tribunal administratif de Bastia du 7 novembre 2019, n° 1800042, qui invalidait l'arrêté préfectoral. Le Conseil d’État rejette le pourvoi de la SCI Florence, estimant qu'elle n'avait pas un intérêt suffisant pour agir, et pour absence de préjudice d'agrément, car le simple fait d'apprécier la présence d'espèces protégées, sans préjudice réel, ne peut justifier un recours. En revanche, un recours aurait pu être recevable s'il avait été initié par une association de protection de l'environnement, dont l'objet statutaire est directement lié à ce type de décision.

     

    B. des B.

     

     

    CE, 9 septembre 2024, n° 489223 et TA Toulouse, 24 août 2024, n° 2405173

    Ours brun – Protection des troupeaux – Mesures d’effarouchement (oui)

     

    Dans la première espèce, le Conseil d'État rejette la requête de l'association Pays de l'ours - ADET (Association pour le développement durable des Pyrénées), l'association Ferus - Ours Loup Lynx Conservation, l'Association pour la protection des animaux sauvages et du patrimoine naturel (ASPAS), le Comité écologique ariègeois, l'association France nature environnement Hautes-Pyrénées, l'association Animal cross et l'association Fonds d'intervention éco-pastoral - groupe ours Pyrénées (FIEP) contestant un arrêté du 4 mai 2023  du ministre de l'agriculture autorisant des mesures d'effarouchement de l'ours brun dans les Pyrénées pour protéger les troupeaux. Les associations estiment que cet arrêté viole le principe de précaution. Cependant, le Conseil d'État a jugé, sur la base des expérimentations menées entre 2019 et 2021, que les mesures d'effarouchement (sons, odeurs, lumières) prévues par l'arrêté n'affectent pas la conservation des populations d'ours dans leur habitat naturel.

    Dans la deuxième espèce, dans le même sens et pour les mêmes motifs, cette ordonnance du juge des référés rejetant la requête de l’association One Voice demandant la suspension de l’arrêté du préfet de l’Ariège du 23 août 2024, autorisant l’effarouchement renforcé de l’ours brun sur l’estive du groupement pastoral du Trapech les nuits des 27 et 28 août 2024 de 20h à 7h30, afin de prévenir les dommages aux troupeaux.

     

    B. des B.

     

    TA Caen, 1er octobre 2024, n° 2303045

    Goëland argenté – Autorisation de tirs légaux – Destruction illégale – Association – Préjudice moral (oui) – Préjudice écologique (non)

     

    Le Tri­bunal admin­is­tratif de Caen saisi par l’as­so­ci­a­tion Manche Nature d’un recours indem­ni­taire ten­dant à obtenir la répa­ra­tion du préju­dice moral et écologique résul­tant de la destruc­tion illé­gale de Goé­lands argen­tés admet la responsabilité pour faute de l’État pour avoir autorisé des tirs létaux d’oiseaux juridiquement protégés. Le tri­bunal admin­is­tratif reconnaît l'illégalité des arrêtés préfectoraux de 2020 et 2022 et accorde une indemnisation pour le préjudice moral subi par l'association. Il rejette cependant la demande concernant le préjudice écologique, estimant que la destruction illégale de spécimens d'une espèce protégée ne constitue pas en elle-même un préjudice écologique réparable selon l'article 1247 du Code civil, et qu’en la circonstance le préjudice n'est pas suffisamment démontré.

     

    B. des B.

     

    B Chasse et pêche

     

    CE, 18 octobre 2024, n° 498433

    Quotas de chasse – Lagopède alpin – Suspension (oui) – Urgence (oui)

     

    Le Conseil d'État a rejeté la requête de la ministre de la Transition écologique visant à annuler l'ordonnance du 4 octobre 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse. Cette décision avait suspendu un arrêté préfectoral de l'Ariège qui autorisait des quotas de chasse au lagopède alpin pour la saison 2024-2025. Le Conseil d'État a estimé que cet arrêté porte une atteinte grave et illégale au droit à un environnement sain et risquait de compromettre les efforts de conservation de cette espèce en danger. Il a également reconnu une situation d'urgence, l'arrêté ayant rapidement produit ses effets après sa publication.

     

    B. des B.

     


    CE, 4 novembre 2024, n° 488725, n° 488728, n° 488732

    Chasse – Oiseaux migrateurs – Vice de procédure – Consultation publique obligatoire –Suspension (non)

     

    Le Conseil d'État a annulé trois arrêtés du 2 août 2023, pris par le ministère de la Transition écologique, qui suspendaient la chasse de trois espèces d'oiseaux migrateurs notamment celle de la tourterelle des bois, du courlis cendré et de la barge à queue noire, jusqu'au 30 juillet 2024. Cette annulation, demandée par l'Union nationale des associations de chasseurs d'oiseaux migrateurs (UNACOM), repose sur un vice de procédure. La consultation publique obligatoire prescrite par l’article L.123-19-1 du Code de l’environnement, s’est tenue en méconnaissance de la condition de durée minimale de vingt-et-un jours, privant ainsi le public d'une garantie ; une telle irrégularité entache, dès lors, d'illégalité les arrêtés attaqués. Toutefois, cette décision n'affectant pas la décision sur le fond, la suspension de la chasse est prolongée pour 2025 par un nouvel arrêté ministériel pris le 22 août 2024.

     

    B. des B.

     

    CE, 21 novembre 2024, ord. n° 498595

    Chasse – Oiseaux de passage – Gibier d’eau – Espèces menacées – Urgence (non) – Incertitudes scientifiques (non) – Principe de précaution (non)

     

    Le juge des référés du Conseil d'État rejette les requêtes de plusieurs associations de protection de la faune (LPO, ASPAS, AMAZONA, AEVA, etc.) demandant la suspension de certains articles de l’arrêté ministériel du 3 octobre 2024 réglementant la chasse aux oiseaux de passage et au gibier d’eau pour la saison 2024-2025 en Guadeloupe, Saint-Martin et Martinique.

    Pour justifier de l’urgence, elles font valoir un risque grave et immédiat pour des espèces en déclin, comme la bécassine de Wilson, le bécasseau à échasses, la maubèche des champs, le bécasseau à poitrine cendrée, le pluvier bronzé, le pluvier argenté, le chevalier semipalmé et le grand chevalier à pattes jaunes. En outre, l’arrêté aurait été adopté sans consultation publique et sans l’avis obligatoire de la Fédération nationale des chasseurs ou de l’Office français de la biodiversité. Enfin, elles invoquent le principe de précaution, la chasse aurait été autorisée malgré la menace pesant sur des espèces classées "quasi menacées" ou "vulnérables".

    Le Conseil d'État considère qu’aucun des moyens soulevés ne permet de remettre en cause la légalité de l’arrêté. Les risques liés à la conservation des espèces sont déjà connus et ne relèvent pas des incertitudes scientifiques justifiant l’application du principe de précaution.

     

    B. des B.

     

     

    CE, 24 juillet 2024, n° 493887 et CC, 18 octobre 2024, n° 2024-1109 QPC

    Engrillagement – Limites – Protection des espaces naturels – Protection de la faune sauvage – Droit de clore sa propriété – QPC (oui) – Conformité à la Constitution

     

    Le Conseil d’État sursoit à statuer sur les requêtes du Groupement forestier Forêt de Teillay et autres, la SCI Les Nardilays et autres et la Fédération nationale des chasses professionnelles et autres, concernant la loi n° 2023 54 du 2 février 2023 visant à limiter l’engrillagement des espaces naturels et à protéger la faune sauvage. Les requérants allèguent que ces dispositions portent atteinte au droit de clore sa propriété, inscrit à l’article 647 du code civil, ce qui pose une question prioritaire de constitutionnalité.

    Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 18 octobre 2024, a jugé conformes à la Constitution les dispositions contestées. Il a estimé qu’elles poursuivent un objectif de protection de l’environnement en encadrant le droit de se clore pour permettre la libre circulation de la faune sauvage, tout en acceptant leur application rétroactive. Cette décision s’appuie sur la nécessité de réduire les enclos étanches en raison de leurs effets négatifs sur l’environnement observés depuis 30 ans.

     

    B. des B.

     

     

    C Santé animale et protection des races

     

    Cass. Civ. 1re, 16 octobre 2024, n° 23-14.745

    Vache Iroise – Sélection et amélioration de la génétique – Information – Naissances – Système national d’information génétique

     

    Après la résiliation, par un éleveur, d’un accord-cadre portant sur la sélection et l'amélioration de la génétique de vaches de race normande ainsi qu'un contrat d'application concernant la vache dénommée Iroise, la partie subissant cette rupture, l’Union des coopératives agricoles évolution, l’a assigné en paiement de dommages et intérêts en raison de manquements. Le litige porte sur le défaut d’information de la part de l’éleveur concernant les naissances de veaux. Les juges d’appel ont accédé à cette demande, mais l’arrêt va être cassé. En effet, s’il appartient à l’éleveur de transmettre les informations relatives aux naissances et de prouver la transmission de ces informations, il s’avère qu’il peut pour ce faire s’appuyer sur les usages de la profession et le fait que l’Union avait accès au Système national d'Information génétique bovin sur lequel les naissances sont mentionnées en temps réel. Dès lors, cette dernière dispose des éléments nécessaires pour analyser l’intérêt de chaque animal sur le plan génétique.

     

    D. T.

     

    D Cause animale

     

    Cass. Civ. 1e, 10 juillet 2024, n° 22-23.170 et 22-23.247

    Liberté d’expression – Droit de propriété – Bien-être animal – Trouble manifestement illicite – Absence d’autorisation – Proportionnalité (non)

     

    Dans les deux espèces, l’association Vegan impact a diffusé sur son site internet et ses réseaux sociaux des images et des vidéos, obtenues sans autorisation, d’élevages de poules pondeuses élevées en plein air. Chacune des sociétés ayant fait l’objet de ces prises de vue a assigné l’association en référé afin d’obtenir le retrait des images et vidéos, ainsi que l’interdiction de leur utilisation. Les juges ont rejeté l’exception de nullité soulevée par l’association, ce qui conduit à un pourvoi en cassation de cette dernière dans chacune des affaires. Dans les deux espèces, le premier moyen permet à la Cour de cassation d’établir que l’assignation de la société ne portait pas sur une atteinte à la réputation et, partant, n’était pas relative à la qualification de diffamation. Ensuite, concernant l’existence d’un trouble manifestement illicite permettant à la société d’agir afin de s’opposer à la diffusion des images, la deuxième espèce est l’occasion de rappeler qu’un référé est possible en la matière, tandis que la première permet à la Cour de cassation d’admettre que les juges du fond ont pu valablement caractériser l’existence d’un trouble manifestement illicite concernant des images tournées dans les locaux de la société sans autorisation. Enfin, toujours dans le premier arrêt, la discussion porte sur les limites à la liberté d’expression avec, comme support, l’article 10 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme et la jurisprudence associée. Ce droit doit être mis en balance avec un autre droit garanti par la Convention, le droit de propriété garanti (art. 1 prot. 1). Ce conflit de droits fondamentaux permet à la Haute juridiction de rappeler la construction jurisprudentielle de la Cour de Strasbourg sur les associations militant pour les droits des animaux. Ainsi, ce thème correspond à un sujet d’intérêt général pour lequel « seul un besoin social impérieux » permet de limiter la liberté d’expression. Cela n’empêche pas l’obligation pour l’association, comme pour les journalistes, de devoir adopter un « comportement raisonnable ». Ces conditions étant posées, il reste à analyser la proportionnalité de l’ingérence faite à la liberté d’expression. Pour cela il doit être tenu compte de la portée de la publication dans le débat d’intérêt général, du comportement antérieur de la personne concernée, de la notoriété de la personne visée, des conditions d’obtention des images, ainsi que leur véracité et la gravité des sanctions imposées. La cour d’appel a bien considéré que le bien-être animal relevait d’un débat d’intérêt général, mais elle a également souligné que le tournage des vidéos sans autorisation pouvait avoir eu des répercussions sur la santé des animaux et provoqué une rupture dans l’application des normes sanitaires avec, dès lors, des conséquences possibles sur la santé des consommateurs. Elle a également noté une présentation « particulièrement accrocheuse » des images.

    Les juges du fond ont ainsi procédé à une mise en balance des droits en présence et justement déduit qu’il y avait une atteinte disproportionnée aux droits de la société. Le pourvoi de l’association est donc rejeté.

     

    D. T.

     

     

    CE, 19 novembre 2024, n°487936

    Animaux sauvages – Établissements fixes – Établissements itinérants – Principe d’égalité – Mauvais traitements – Éducation et formation à l’environnement – QPC (oui)

     

    L'association One Voice a saisi le Conseil d'État pour demander l'annulation d'un arrêté du 3 juillet 2023 du ministre de la Transition écologique, établissant une équivalence entre les certificats de capacité pour la présentation d'animaux sauvages dans des établissements fixes et itinérants. Elle a également soulevé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) concernant les articles L. 413-10 et L. 413-11 du Code de l'environnement.

    L'association soutient que ces dispositions ne respecteraient pas le principe d'égalité devant la loi (article 6 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen), en n'appliquant pas aux établissements fixes les mêmes interdictions concernant la détention, l'exploitation et l'exposition d'animaux sauvages que celles imposées aux établissements itinérants, qu’elles méconnaîtraient le principe constitutionnel d'éducation et de formation à l'environnement (article 8 de la Charte de l'environnement) ; enfin qu’elles contrediraient un principe fondamental des lois de la République interdisant les mauvais traitements envers les animaux, inscrit notamment dans la loi du 2 juillet 1850. Le Conseil d'État estime que la QPC remplit les conditions légales et décide de suspendre l'examen de la requête jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel se prononce.

     

    B. des B.

     

     

    III Les animaux, êtres sensibles

     

    A L’alimentation animale (aspects sanitaires)

     

    Aucune jurisprudence pour ce numéro.

     

    B Maltraitance, actes de cruauté

     

    Cass. Com., 19 juin 2024, n° 22-21.481

    Interdiction d’exercer une activité en lien avec les animaux – Contrôle judiciaire – Gérance de société – Administrateur provisoire

     

    Une femme a été placée sous contrôle judiciaire avec l’obligation de « ne pas se livrer à certaines activités de nature professionnelle ou sociale : en l’espèce, toute activité professionnelle, sociale ou bénévole en lien avec les animaux ». Or, cette femme est gérante d’une société qui a comme activité principale l’élevage et la vente d’animaux. Pour cette raison, une ordonnance du tribunal de commerce a désigné un administrateur provisoire. La gérante a essayé d’obtenir en référé la caducité et, subsidiairement, la rétractation de l’ordonnance. Après rejet de sa demande, elle se pourvoit en cassation. Cet arrêt est l’occasion pour la Cour de cassation de rappeler que l’interdiction faite à une personne de travailler, d’une manière ou d’une autre avec des animaux, l’empêche de rester gérante, même partiellement, d’une société dont l’activité principale implique des animaux. Dès lors, le respect des obligations tenant au contrôle judiciaire dont elle fait l’objet justifie l’ordonnance nommant un administrateur provisoire. Par ailleurs, comme rappelé par la cour d’appel, la nomination de cet administrateur provisoire a débouché sur la vente de nombreux animaux et a assuré la pérennité de la société. Cela a permis à l’ancienne gérante de reprendre la direction de la société à la fin du mandat de l’administrateur. Ainsi, c’est à bon droit que les juges du fond ont établi que la gérante ne pouvait demander le remboursement de certaines sommes d’argent à l’administrateur provisoire et que son action en justice relevait d’un abus de droit. Son pourvoi est donc rejeté.

     

    D. T.

     

     

    Cass. Crim., 18 juin 2024, n° 23-84.094

    Mauvais traitements – Privation de soins ou d’alimentation – Confiscation – Remise à une association – Peine principale – Peine complémentaire

     

    Un homme a été condamné par le tribunal correctionnel pour diverses infractions au Code rural et de la pêche maritime incluant mauvais traitements à des animaux, privation de soins ou d’alimentation. Pour cette raison, 258 bovins ont été saisis sur son exploitation et confiés à l’œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs. Deux points sont essentiellement discutés après pourvoi de la part de l’exploitant : d’une part, la confiscation des animaux et, d’autre part, leur remise à une association. Sur le premier point, la cour d’appel a établi que le propriétaire n'a initié aucune démarche permettant d’assurer un meilleur traitement aux animaux et qu’il est « resté sourd » aux recommandations et avertissements émis par les services vétérinaires avec lesquels il s’est d’ailleurs montré virulent, voire menaçant. Sur le deuxième point, la question porte sur la coexistence dans cette affaire d’un délit de mauvais traitement à animal assorti d’une contravention pour non-respect d’une mise en demeure et de contraventions de 4e classe portant sur les conditions de vie des animaux (au nombre de 396 !). Dans les deux cas, le Code pénal prévoit la possibilité de mettre en place la remise des animaux à une fondation ou à une association de protection animale reconnue d’utilité publique. Il s’agit, d’un côté, d’une modalité de confiscation, mais de l’autre, d’une peine complémentaire. Dès lors, ce sont des peines qui ne sont pas de même nature et qui peuvent ainsi être prononcées envers la même personne. Le pourvoi est donc rejeté.

     

    D. T.

     

    C Euthanasie, bien-être animal

     

    Aucune jurisprudence pour ce numéro.

     

    IV Les animaux, être aimés

     

    Aucune jurisprudence pour ce numéro.

     

    V Les animaux, causes de troubles

     

    A La responsabilité civile

     

    Aucune jurisprudence pour ce numéro.

     

    B La responsabilité administrative

     

    Aucune jurisprudence pour ce numéro.

     

    C La santé humaine

     

    Cass. Civ. 2e, 19 septembre 2024, n° 22-19.698

    Alerte sanitaire – Retrait des produits – Assurance – Faute dolosive

     

    Les autorités sanitaires ont enjoint à une entreprise, la société SEB, fabriquant des steaks hachés commercialisés par l’enseigne Lidl, de retirer de la vente ses produits en raison d’une alerte sanitaire. Le gérant de cette société a été condamné pour blessures involontaires, tromperie, détention de denrées corrompues ou toxiques et mise sur le marché de produits d’origine animale dangereux.

    Parallèlement, durant une procédure de redressement puis de liquidation judiciaire, les organes de procédure collective de la société SEB ont assigné la société Lidl devant le tribunal de commerce pour rupture brutale des relations commerciales, tandis que l’assureur de cette dernière assignait l’assureur de producteur de steaks hachés afin d’obtenir le remboursement des sommes versées aux victimes. Quant à celui-ci, il a assigné son assureur devant le tribunal de commerce en exécution du contrat d’assurance au titre des garanties responsabilité civile.

    Le pourvoi formé devant la Cour de cassation comporte deux moyens entièrement dédiés à la question assurantielle. Sur le premier point, la Cour de cassation rappelle qu’il faut un intérêt né et actuel pour obtenir la garantie de l’assureur, or il n’est pas démontré ici que la société SEB ait fait l’objet d’une demande d’indemnisation de la part de victimes de la crise sanitaire. Sur le deuxième point, l’analyse porte sur la question de la faute dolosive de l’assuré justifiant l’absence de garantie de la part de l’assureur. Cette faute dolosive doit être entendue comme « un acte délibéré de l’assuré commis avec la conscience du caractère inéluctable de ses conséquences dommageables ». À cet égard les juges du fond se sont à juste titre servi de la condamnation pénale du gérant par laquelle il ressortait qu’il savait avoir mis sur le marché un produit alimentaire potentiellement dangereux après en avoir allégé les contrôles sanitaires.

     

    D. T.

     

    D Les animaux dangereux

     

    a Imprudence – Négligence

     

    Cass. Crim., 1er octobre 2024, n° 23-83.421

    Chiens – Divagation – Agression – Manquement manifestement délibéré à une obligation de prudence ou de sécurité (non)

     

    La chienne d’une femme a été attaquée dans la cour de cette dernière par 3 chiens qui se sont échappés de leur enclos. La femme a été blessée à la main en tentant de secourir son animal, mais celui-ci a dû être euthanasié en raison de la gravité des blessures infligées. Le propriétaire des chiens à l’origine de l’attaque a été poursuivi des chefs de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail de moins de trois mois par agression d'un chien, détention d'un chien non identifié et circulation sur la route d'un animal sans conducteur. L’enjeu principal est de savoir si le propriétaire a violé de manière manifestement délibérée une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement. La Cour de cassation rappelle que les dommages causés par l’agression d’un chien peuvent entrer dans le champ de cette qualification pénale. Cependant, il faut que les juges du fond motivent en quoi ce dommage résulte d’un manquement délibéré. Ce n’est pas le cas en l’espèce car si la cour d’appel a détaillé les manquements du propriétaire des chiens qui ont ainsi divagué, alors même que cela s’était déjà produit à plusieurs reprises, elle n’a pas déterminé en quoi ce manquement était manifestement délibéré.

     

    D. T.

     

     

    b Dégâts causés par les animaux

     

    TA Toulouse, 7 mai 2024, n° 2402510 et TA Limoges, 26 juin 2024, n°2400968

    Chiens divagants – Dommages – Troupeaux – Abattage nocturne – Doute sérieux (oui) – Urgence (oui) – Association – Désistement

     

    Le préfet de l'Aveyron a pris un arrêté le 10 avril 2024 autorisant, pour un mois, l'abattage nocturne de chiens divagants identifiés comme responsables ou susceptibles de causer des dommages aux troupeaux dans certaines communes, en cas d'impossibilité de capture, sur le territoire des plusieurs communes. L’association Société Nationale pour la Défense des Animaux (SNDA) et l'association Stéphane Lamart « Pour la défense des droits des animaux » ont contesté cette décision devant le juge des référés de Toulouse. Celui-ci a suspendu l'arrêté en raison d'une motivation insuffisante, d'une méconnaissance de l’article L. 211-11 et suivants du Code rural et du caractère disproportionné de la mesure, de nature à faire naître un « doute sérieux » quant à la « légalité de cette décision ». Il a également reconnu l'urgence à agir, compte tenu de l'atteinte grave aux intérêts défendus par les associations, et de la proximité de l'échéance au 11 mai 2024.

    Dans l’autre affaire de chiens errants, le préfet de la Haute-Vienne retire son arrêté du 30 mai 2024 autorisant la neutralisation de chiens en divagation sur le territoire des communes de Saint-Paul et Saint-Genest-sur-Roselle avant que le Tribunal administratif ne statue sur la requête de l'association Société nationale pour la défense des animaux demandant sa suspension. En conséquence, le Tribunal administratif de Limoges prend acte du désistement de l'association et conclut au non-lieu à statuer.

     

    B. des B.

     

     

    TA Limoges19 septembre 2024, n° 2401599

    Sanglier – Battues affinitaires – Urgence (non)

     

    Le Tribunal administratif de Limoges rejette la demande de l’association One Voice, qui sollicitait la suspension de l’exécution d’un arrêté préfectoral du 1er août 2024 autorisant, du 15 août 2024 au 31 mars 2025, des battues "affinitaires" pour la chasse aux sangliers, organisées par les détenteurs du droit de chasse, sur proposition des lieutenants de louveterie.

    Le juge des référés a estimé que la mesure en cause ne portait pas une atteinte suffisamment grave, ni à la préservation du sanglier, ni à la situation ou aux intérêts défendus par l’association, ni à un intérêt public. En conséquence, la condition d’urgence nécessaire pour suspendre l’exécution de l’arrêté n’étant pas remplie, l’arrêté reste applicable.

     

    B. des B.

     

     

    TA Montpellier, 19 septembre 2024, n° 2206696

    Cervidés – Ragondins – Renards – Sangliers – Tirs individuels – Absence de consultation publique – Rétroactivité – Justification suffisante (non)

     

    Saisi par l'association One Voice, le Tribunal administratif de Montpellier annule l’arrêté du 7 novembre 2022 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a autorisé un lieutenant de louveterie à procéder à des tirs individuels de jour comme de nuit avec sources lumineuses sur certaines espèces animales, dont les cervidés, les ragondins, les renards et les sangliers, sur le territoire de plusieurs communes des Pyrénées-Orientales. Le tribunal a relevé plusieurs irrégularités : l’absence de consultation publique, l’illégalité de la rétroactivité de l'arrêté, et le manque de justification suffisante concernant les moyens invoqués (protection des cultures et sécurité publique). L'arrêté est jugé contraire à l'article L. 123-19-1 du Code de l'environnement, les arguments avancés ne justifiant pas de déroger aux règles de participation publique.

     

    B. des B.

     

     

    c Retrait

     

    Aucune jurisprudence pour ce numéro.

     

    E Les animaux nuisibles

     

    Aucune jurisprudence pour ce numéro.

       

      RSDA 2-2024

      Dernières revues

      Titre / Dossier thématique
      Le cochon
      L'animal voyageur
      Le chat
      Une seule violence
      Le soin