Actualité juridique : Bibliographie

La sensibilité, ou comment une notion scientifique peut être au cœur de la condition juridique animale actuelle et future

Emeline Doré, La sensibilité animale en droit - Contribution à la réflexion sur la protection de l’animal, Editions Mare&Martin, Le Kremlin-Bicêtre, 2025, 876p., 65 euros.

Chères lectrices, chers lecteurs, mon propre travail de recherche étant paru en ce début d’année je me permets dès lors de vous en faire une brève présentation au sein de ce numéro de la RSDA.

L’objectif du travail ici présenté fut de démontrer en quoi la notion de « sensibilité animale », si présente dans les textes portant sur la condition juridique de l’animal et applicables en France, parait constituer le fondement de la protection instaurée au profit de cette entité et, à la fois, comment elle peut servir pour penser une meilleure protection juridique au profit de l’animal par le biais de sa subjectivisation. Cette dernière consistant « à opérer un changement de paradigme juridique [conduisant] à modifier […] son appréhension juridique, le faisant passer d’une place d’entité dépourvue d’intérêts propres à protéger par le biais de droits subjectifs à celle d’entité […] détentrice de tels intérêts qu’il convient de préserver au mieux grâce aux droits susmentionnés »1. Grâce à ce processus de subjectivisation, l’animal passe ainsi d’objet de droits, sa perception actuelle par le système juridique français (I), à sujet de droits, sa perception future possible (II), toutes deux fondées sur sa capacité à ressentir des maux divers.

Il convient, me semble-t-il, d’ajouter que pour parvenir à cette étude il fut recouru à l’interdisciplinarité2 tant sur le plan des disciplines mobilisées – sources juridiques, scientifiques et philosophiques - qu’au sein même du droit en usant à la fois de celui public, privé, ainsi que de l’histoire du droit.

 

I – la sensibilité animale comme porte d’entrée à la réflexion portant sur l’amélioration de la condition juridique de l’animal en France

Consacrer un travail de recherche à la notion de sensibilité animale parut
particulièrement pertinent en raison des multiples références faites à celle-ci, expressément comme implicitement au sein du droit français comme européen. Plus encore étant donné les débats ayant entouré la création du nouvel article 515-14 du Code civil consacrant les animaux en tant qu’« êtres vivants doués de sensibilité ». En outre, le vide juridique et doctrinal l’entourant en termes de définition, prise en considération et autres, en fait un sujet d’étude source d’intérêt semblant pouvoir et devoir être comblé dans un souci de clarification du droit relatif à l’animal. Enfin, la sensibilité paraissant revêtir un rôle majeur en tant que caractéristique distinguant l’être des autres entités objets de droits et justifiant sa protection3, réaliser un travail sur cette notion et en faire le fondement d’une nouvelle réflexion portant sur le droit positif relatif à l’animal parut extrêmement intéressant.

Ainsi, le dessein poursuivi à travers ce travail fut en premier lieu de démontrer que si le législateur a effectivement accordée une place centrale à la sensibilité animale, il n’en a pas tiré toutes les conséquences. Cela permettant de proposer, ensuite, les moyens d’y remédier.

La première partie de la recherche est dès lors consacrée à la mise en lumière des incohérences du système juridique et de la relativité de la protection octroyée à l’animal dit sensible. Elle permet alors de justifier la modification nécessaire du système interne au profit de l’animal.

Y est notamment développé la façon dont cette notion de sensibilité fut intégrée dans l’ordre juridique national et européen en analysant notamment les termes récurant intégrés aux dispositions régissant le sort de l’animal et démontrant sa faculté à ressentir (« douleur », « souffrance », « angoisse », etc.)4, la difficulté en matière d’identification de ce que recouvre exactement la notion5, la relativité et les paradoxes qui entourent la consécration de cette notion et la protection actuellement pensée pour l’animal - à l’image par exemple de l’appréhension divergente des animaux par le droit de l’environnement et les autres branches du droit6 ou bien encore du dessein implicite qui se dissimule parfois derrière des textes protecteurs ayant finalement pour volonté de préserver davantage l’intérêt humain lié à l’utilisation de l’animal7.

Cette partie fut également l’occasion de mettre en évidence une hétérogénéité en termes d’identification de ce que représente l’animal sensible sur le plan juridique. Des normes paraissent ainsi s’orienter bien davantage vers un maintien de la réification juridique traditionnelle de l’être8 tandis que d’autres semblent privilégier une conception déréificatrice à l’instar du droit pénal l’appréhendant plutôt comme un patient moral9.

Enfin, il fut mis en exergue le fait que la multiplicité des dérogations accompagnant les principes protecteurs profitant à l’animal sensible conduit à une protection désordonnée de ce dernier, nuisant à son efficience et à la cohérence du système10.

C’est ainsi que la première phase de cette étude s’achève, constituant à la fois une étape explicative des carences du droit et justificative de la réflexion posée en aval, dans une seconde partie consacrée à un droit prospectif élaboré dans le but d’améliorer la cohérence normative en pensant une condition juridique plus protectrice de l’animal dit sensible.

 

II – La sensibilité animale prise au sérieux pour l’avenir, l’animal sensible nouveau sujet de droits

Justifié par la démonstration réalisée au sein de la première partie de l’étude, le développement présenté dans un second temps représente un ensemble de propositions destinées à repenser la condition juridique de l’animal en France, plus particulièrement celle de l’animal pouvant être qualifié de sensible selon une définition élaborée par mes soins en recourant aux données scientifiques11. Le droit n’ayant pas tiré toutes les conséquences de la consécration de l’animal en tant qu’être sensible il semblait en effet nécessaire de repenser le système lorsqu’il appréhende cet être.

C’est ainsi que cette seconde partie tente de construire une nouvelle condition juridique pour cette entité en se fondant pour cela sur un pan important de la théorie et de l’histoire du droit. Déréifier – et non personnifier12 - juridiquement l’animal sensible peut ainsi se justifier lorsqu’est mobilisée dans un premier temps la notion d’intérêts. Aujourd’hui au cœur de la théorie du droit s’interrogeant sur les raisons pour lesquelles une entité doit pouvoir détenir des droits subjectifs, l’analyse de la notion paraissait opportune. L’étude de la doctrine, notamment les textes de René DEMOGUE et Rudolf von JHERING, portant sur l’intérêt, fit dès lors ressortir le principe selon lequel l’existence d’un tel intérêt possédé par une entité peut constituer le fondement de l’établissement de la norme juridique, et, notamment, du droit subjectif dont elle devrait être titulaire. Or, aujourd’hui, le système juridique français ne conçoit le droit qu’en tant qu’avantage détenu par une entité sujet. Les travaux semblant concevoir l’intérêt et le droit subjectif comme deux chaînons entremêlés du système, cela permet alors de justifier la nécessité de repenser le statut juridique de l’entité animale, d’objet à sujet, dès lors qu’est estimé qu’elle détient au moins un intérêt pouvant être pris en compte juridiquement : celui de ne pas ressentir négativement13.

Si la théorie du droit permet de justifier ce pour quoi des droits peuvent être pensés pour l’animal, l’histoire du droit permet de mettre en exergue des conditions juridiques particulières ayant régit le sort d’individus humains à la fois titulaires de droits et soumis à ceux d’autrui – l’esclave, la femme, le mineur et plus particulièrement l’infans, les descendants du paterfamilias en droit romain pré-Empire14. C’est alors cette possibilité qui permet de rendre concevable l’élaboration pour l’animal sensible, ayant en commun avec les individus susmentionnés notamment la vulnérabilité, de nouveaux statut et régime juridiques compatibles à la fois avec une amélioration notable de sa protection et un maintien restreint de son utilisation.

Le statut d’« être sensible dépendant » alors créé15 fut accompagné de nombreuses propositions en termes de modifications du régime juridique16 applicable à cet animal sensible – octroi de droits fondamentaux et de droits spécifiques, droit de propriété repensé et notion d’autorité familière créée, modification du droit pénal, etc.

 

Je ne peux évidemment vous proposer une conclusion / appréciation de mon propre travail, je ne peux que vous indiquer qu’il saura retenir votre attention si vous vous intéressez aux possibilités d’évolution de la condition juridique de l’animal, au travail interdisciplinaire, et à cette notion si prégnante dans notre système interne qu’est la « sensibilité » animale.

 

Dans le prochain numéro de la Revue vous retrouverez une chronique portant sur la thèse de Madame Diane Menard relative à l'encadrement juridique de l'élevage canin appréhendé sous l’angle de la notion de bien-être animal.

  • 1 Voir : p.44. Toute mention de numéro de page en note de bas de page sans référence à un ouvrage signifie qu’il s’agit de page(s) contenue(s) dans la thèse ici présentée aux Editions Mare&Martin.
  • 2 Voir notamment en ce sens : p.59-60 sur le plan de la méthodologie ; p.144 et s. sur le plan de la mobilisation des sciences naturelles ; p.324 et s. sur le plan de la mobilisation de la philosophie ; p.520 et s. sur le plan de la mobilisation de l’histoire du droit.
  • 3 Voir en ce sens, notamment : le chapitre intitulé « La sensibilité : caractéristique de l’être justifiant sa protection », p.181 et s.
  • 4 Voir : p.81-136.
  • 5 Voir : p.137-176.
  • 6 Voir : p.223-247.
  • 7 Voir en ce sens, de façon plus générale : le chapitre intitulé « La sensibilité subsidiairement protégée, la primauté des intérêts humains sur la sensibilité animale », p.257 et s.
  • 8 Voir notamment : p.339-350.
  • 9 Voir : p.323-338.
  • 10 Voir : p.407-461.
  • 11 Voir : p.585-607.
  • 12 Au sein du droit prospectif pensé en l’espèce, l’animal sensible n’est ni personne physique, ni personne morale. Voir dans ce sens : p.509-516.
  • 13 Voir : p.481-489.
  • 14 Voir : p.520-581.
  • 15 Voir : p.582-633.
  • 16 Voir : p.697-793.
 

RSDA 1-2025

Actualité juridique : Bibliographie

Une prise en considération effective des êtres vivants « ignorés »(1) de l’Océan

Marine Calmet et François Sarano, Justice pour l’étoile de mer – vers la reconnaissance des droits de l’Océan, Editions Actes Sud, Arles, 2025, 90p., 12 euros.

 

Si l’ensemble de l’ouvrage faisant ici l’objet d’une présentation est extrêmement instructif il ne fera cependant pas l’objet de cette chronique. Seules les parties consacrées spécifiquement au droit des animaux, en l’espèce aux animaux marins, feront l’objet de ladite présentation.

« Justice pour l’étoile de mer » est un ouvrage qui se prête particulièrement bien à une chronique en ce mois de juin 2025 au cours duquel s’est tenu un évènement dédié à l’avenir de l’Océan : la Conférence de Nations Unies sur l’Océan, 5 jours durant lesquels divers acteurs se sont retrouvés à Nice pour penser l’action future destinée à préserver l’Océan et ses « ressources »2.

L’ouvrage prend essentiellement la forme d’une discussion entre Marine Calmet, juriste spécialisée dans l’étude des « droits de la nature »3, et François Sarano, océanographe, plongeur, explorateur, auteur et participant à différents documentaires relatifs entre autres choses à la protection de cette immense étendue qu’est l’Océan et de ses occupants4.

D’accessibilité certaine, ce livre se décompose en 5 parties en plus d’une annexe contenant une Déclaration des droits de l’Océan. Les diverses parties sont pour leur part dédiées notamment au droit prospectif – droits pour l’Océan, droits pour les vivants animaux vivant dans celui-ci – mais encore à des explications relatives à l’écosystème marin ou bien au lien pouvant unir appréhension juridique des animaux marins et survie de l’espèce humaine.

« Les droits […] doivent protéger et être adaptés à tous les individus conformément à leurs caractéristiques, leurs processus vitaux, leurs cycles de vie […] qui différencient chaque espèce »5.

Fruit d’un travail interdisciplinaire, union du droit et de la science, l’ouvrage en l’espèce présenté s’ouvre sur une explication de l’intérêt qu’il y a, peut-être plus encore aujourd’hui, à se pencher sur l’avenir juridique de l’Océan et de sa population. Les auteurs, expliquant ainsi que les destins de cette immensité et de son peuple d’une part et de l’humanité d’autre part sont entrelacés6, démontrent l’urgence d’agir dans l’optique d’améliorer notablement la protection de ce milieu à l’échelle mondiale.

Marine Calmet expose clairement et rapidement lors de l’échange retranscrit avec François Sarano la particularité du système juridique français – notamment – qui conduit à une appréhension des entités vivantes autres qu’humaines permettant leur utilisation de façon plus ou moins absolue, davantage encore lorsque l’être se retrouve classé dans la catégorie juridique des « res nullius », favorisant leur exploitation et leur protection relative7. Cette appréhension divergente des animaux selon leur considération par l’humain et la place qui leur est octroyée à ses cotés n’a pas lieu d’être sur le plan scientifique tel que le souligne Monsieur Sarano. Chaque être, chaque espèce, est considéré8. Il n’existe pas de hiérarchisation contrairement à ce qui fut mis en place par les normes. Proposer un ouvrage interdisciplinaire mêlant droit et science est ainsi d’autant plus intéressant car cela permet cette mise en exergue de la subjectivité du droit lorsqu’il porte sur l’autre, sur le vivant non humain.

Mettant en avant les particularités qui marquent également le droit de l’environnement9, les deux auteurs permettent aux lecteurs de constater une nouvelle fois les lacunes juridiques en termes de protection des êtres et espèces qui vient dépendre, dans le cadre de cette branche du droit public, de l’intérêt humain et non pas de l’existence même de chaque individu.

 Afin de palier ces lacunes du système mais encore, plus globalement, pour mieux préserver les écosystèmes, interdépendances, espèces et individus, il est alors proposé de le repenser. Mettant alors en exergue l’adaptabilité des normes10, Madame Calmet explique de manière claire et illustrée qu’une modification du système juridique en faveur des entités jusque-là non bénéficiaires de droits est alors tout à fait envisageable par analogie à ce qui a déjà pu être intégré à ce système11. Qu’ainsi, l’élaboration d’un nouveau statut et d’un nouveau régime juridique au profit de « l’étoile de mer » devenant alors titulaire de droits semble effectivement possible12.

Et, s’il est alors bien évoqué une possibilité de création de droits au profit de « l’étoile de mer », les auteurs ne manquent pas de procéder à la distinction entre droits octroyés aux animaux et droits octroyés à la nature qui, pour leur part, ont déjà pu être expressément consacrés au sein de quelques Etats13.

Conclusion

La lecture de cette œuvre de l’esprit, ouvrage court et accessible, pourrait presque aujourd’hui être considérée comme nécessaire. Il permet en effet de se familiariser simplement et rapidement avec les questions qui touchent au droit de l’environnement, à la biologie, et plus particulièrement au fonctionnement des écosystèmes marins, à l’adaptabilité des normes, ou bien encore au lien unissant humains et non humains. Il constitue enfin une porte d’entrée, pour tous, à la réflexion portant sur la subjectivisation de l’Autre, du vivant non humains, entité naturelle ou entité animale. 

  • 2 

    1=Voir : p.60. Toute mention de numéro de page en note de bas de page sans référence à un ouvrage signifie qu’il s’agit de page(s) contenue(s) dans l’ouvrage ici présenté.

  • 3ème Conférence des Nations unies sur l’Océan Nice, Juin 2025 - S’engager ensemble pour une gestion durable de l’océan, https://unocnice2025.org/.

  • 3 
  • Notamment Présidente de l’association Wild Legal.

  • 4 
  • Voir notamment parmi ses ouvrages : SARANO F., Au nom des requins, Editions Actes Sud, Arles, 2022, 303p. SARANO F. et SCHAUB C., Réconcilier les hommes avec la vie sauvage, Editions Actes Sud, Arles, 2020, 224p.

  • 5 
  • Voir : p.62, citant un extrait de jurisprudence rendue en 2022 par la Cour Suprême d’Equateur.

  • 6 
  • Voir : p.14-16.

  • 7 
  • Voir : p.28-29.

  • 8 
  • Voir : p.31-32.

  • 9 
  • Voir : p.40-42.

  • 10 
  • Voir : p.59.

  • 11 
  • Voir : p.59, au sein de laquelle la juriste explique que droits et devoirs peuvent être indépendants et qu’il en est notamment ainsi pour la personne « atteinte de démence ». Il semble néanmoins important de souligner que, même dans une moindre mesure, toute personne physique quelle que soit sa condition – mineur, majeur, majeur incapable sur le plan juridique - est bénéficiaire de droits et à la fois soumise à des obligations (la responsabilité civile concerne ainsi depuis une trentaine d’années même le mineur en bas âge).

  • 12 
  • Voir : p.60.

  • 13 
  • Voir : p.60-63.

 

RSDA 1-2025

Actualité juridique : Législation

Législation

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L’Arrêté du 3 mars 2025 relatif aux conditions d’accueil des animaux de compagnie en EHPAD prévu par l’article 26 de la loi n° 2024-317 du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir et de l’autonomie1

Dans une précédente Chronique législative de la Revue Semestrielle de Droit Animalier2, la loi n° 2024-317 du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir et de l’autonomie3 a été analysée. En particulier, l’article 26 de cette loi a inséré un nouvel article L. 311-9-1 dans le Code de l’action sociale et des familles. Selon cette nouvelle disposition issue de la loi de 2024, sauf avis contraire du conseil de la vie sociale de l’établissement, les établissements accueillant des personnes âgées doivent désormais garantir aux résidents le droit d’accueillir leurs animaux de compagnie, sous réserve de leur capacité à assurer les besoins physiologiques, comportementaux et médicaux de ces animaux et de respecter les conditions d’hygiène et de sécurité définies par arrêté du Ministre chargé des personnes âgées. Ce même arrêté doit également déterminer les catégories d’animaux pouvant être accueillis et peut prévoir des limitations de taille pour chacune de ces catégories.

Ainsi, l’arrêté relatif aux conditions d’accueil des animaux de compagnie en EHPAD prévu par l’article 26 de la loi n° 2024-317 du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir et de l’autonomie a été adopté le 3 mars 2025 par la Ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles et la Ministre déléguée auprès de la Ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles, chargée de l’autonomie et du handicap. Outre les précisions formellement apportées par ce texte relativement à la mise en œuvre du droit devant être garanti aux résidents concernant l’accueil de leurs animaux de compagnie en EHPAD (I), des interrogations peuvent être formulées quant à son implémentation (II).

 

I.- Les précisions formellement apportées par l’arrêté du 3 mars 2005 relativement à la mise en œuvre du droit devant être garanti aux résidents concernant l’accueil de leurs animaux de compagnie en EHPAD

Les conditions d’hygiène et de sécurité inhérentes à l’accueil des animaux de compagnie en EHPAD. Selon l’article 1er de l’arrêté du 3 mars 2025 relatif aux conditions d’accueil des animaux de compagnie en EHPAD, les résidents souhaitant accueillir un animal de compagnie doivent :

- produire au moment de leur admission ou de l’arrivée de l’animal un certificat vétérinaire datant de moins de trois mois, établi sur la base des informations portées à la connaissance du vétérinaire et d’un examen de l’animal. Selon l’annexe du texte réglementaire, le certificat vétérinaire doit comporter les mentions suivantes : l’identification de l’animal, les caractéristiques de l’animal (espèce, race le cas échéant, âge, poids et autres signes distinctifs), les vaccinations réalisées le cas échéant, un certificat vétérinaire de stérilisation le cas échéant, les traitements et les soins requis le cas échéant, ainsi que la non-dangerosité et la capacité à cohabiter de l’animal ;

- assurer et prendre en charge les soins vétérinaires requis par l’état de santé de l’animal ;

- veiller à l’absence de comportement dangereux de l’animal, y compris dans les espaces privatifs ; 

- respecter les règles, fixées par le directeur de l’établissement pour assurer l’hygiène, la sécurité des personnels et résidents, ou la tranquillité des résidents, et relatives aux espaces soumis à des interdictions ou des restrictions d’accès pour les animaux ;

- fournir et mettre à disposition de l’établissement le matériel permettant de contenir l’animal en tant que de besoin ;

- fournir en permanence un accès à une eau propre et potable, renouvelée autant que de besoin, dans un récipient que le résident tient propre ;

- prendre en charge la nourriture adaptée aux besoins de l’animal ;

- fournir les soins quotidiens permettant d’assurer le bien-être de l’animal.

Ces conditions d’hygiène et de sécurité posées par l’arrêté de 2025 semblent évidentes et justifiées. De plus, il apparaît tout à fait pertinent et opportun qu’au-delà des seules conditions inhérentes à l’hygiène et à la sécurité stricto sensu, les besoins et le bien-être de l’animal soient également pris en compte dans la définition des conditions liées à l’accueil d’un animal de compagnie au sein d’un EHPAD. L’arrêté de 2025 ne semble d’ailleurs pas se limiter à définir strictement les seules conditions d’hygiène et de sécurité à respecter, mais renvoie également à la capacité des résidents à assurer les besoins physiologiques, comportementaux et médicaux de leurs animaux, expressément mentionnés par l’article 26 de la loi du 8 avril 2024, ainsi qu’à leur bien-être.

Les catégories d’animaux de compagnie exclus de l’accueil en EHPAD. L’article 2 de l’arrêté du 3 mars 2025 prévoit que les animaux mentionnés à l’article L. 211-12 du Code rural et de la pêche ne peuvent pas être accueillis en EHPAD. Il s’agit des « chiens susceptibles d’être dangereux ». Ceux-ci sont répartis par la loi en deux catégories, la liste des types de chiens relevant de chacune de ces deux catégories étant fixée par un arrêté du Ministre de l’Intérieur et du Ministre de l’Agriculture4. Les deux catégories de « chiens susceptibles d’être dangereux » sont ici visées. En conséquence, les « chiens d’attaque », qui relèvent de la première catégorie, ainsi que les « chiens de garde et de défense », qui relèvent de la seconde catégorie, ne peuvent pas être accueillis en EHPAD. Seules ces exclusions sont posées par l’arrêté de 2025. Celles-ci peuvent paraître conformes à la réglementation applicable aux « chiens susceptibles d’être dangereux », qui comporte toute une série de mesures spécifiques posées par les articles L. 211-11 et suivants du Code rural et de la pêche maritime, parmi lesquelles figurent notamment l’interdiction, la restriction ou l’encadrement – selon la catégorie des « chiens susceptibles d’être dangereux » concernée – de l’accès aux transports en commun et aux lieux publics et du stationnement dans les parties communes des immeubles collectifs5.

En outre, il peut être observé que l’arrêté du 3 mars 2025 ne définit pas de limitations de taille pour chacune des catégories d’animaux pouvant être accueillis en EHPAD, comme l’y « invitait » la loi du 8 avril 2024, en ouvrant la possibilité de le faire – « Ce même arrêté […] peut prévoir » –, sans poser toutefois d’« obligation » sur ce point.

 

II.- Les interrogations pouvant être formulées relativement à l’implémentation du droit devant être garanti aux résidents des établissements accueillant des personnes âgées concernant l’accueil de leurs animaux de compagnie

Quant à l’appréciation des catégories d’animaux pouvant être accueillis en EHPAD ? Sur la base, d’une part, des exclusions posées par l’arrêté du 3 mars 2025, qui se limitent aux « chiens susceptibles d’être dangereux » et, d’autre part, de l’absence de limitations de taille pour chacune des catégories d’animaux pouvant être accueillis, il semble que des questions qui avaient déjà été précédemment formulées relativement aux dispositions issues de la loi du 8 avril 20246, concernant les « contours » ou les « limites » à entendre et à comprendre pour la notion d’« animaux de compagnie » dans le cadre de l’application du droit nouveau garanti aux résidents des établissements qui accueillent des personnes âgées, demeurent en suspens, en particulier dans l’hypothèse où des animaux « exotiques », voire « originaux », seraient les « compagnons » d’une personne âgée et détenus par elle pour son agrément.

La limitation des exclusions expressément posées par l’arrêté de 2025 concernant les catégories d’animaux pouvant être accueillis en EHPAD peut être saluée, tant à l’égard des personnes âgées propriétaires d’animaux de compagnie qu’à l’égard des animaux de compagnie détenus par des personnes âgées.

Néanmoins, outre les « chiens susceptibles d’être dangereux » relevant de la première et de la seconde catégorie, qui sont expressément exclus de l’application du droit nouveau garanti aux résidents des établissements qui accueillent des personnes âgées, qu’en est-il, en pratique, de l’appréciation des autres catégories d’animaux qui peuvent être accueillis en EHPAD ? Celle-ci relève-t-elle de l’appréciation discrétionnaire de chaque établissement concerné ? Ou bien le droit d’accueillir en EHPAD tous les animaux de compagnie autres que les « chiens susceptibles d’être dangereux » doit-il être garanti, sous réserve, évidemment, de remplir les autres conditions posées par les textes, notamment la capacité à assurer les besoins physiologiques, comportementaux et médicaux des animaux, ainsi que le respect des conditions d’hygiène et de sécurité ? Autrement dit, l’exclusion posée par l’arrêté de 2025 relativement aux catégories d’animaux pouvant être accueillis en EHPAD doit-être elle entendue et interprétée comme étant stricte et exhaustive, ou bien d’autres exclusions additionnelles peuvent-elles être décidées de façon discrétionnaire par chaque établissement concerné ? Concrètement, il convient de rappeler qu’en application de l’article L. 311-9-1 du Code de l’action sociale et des familles inséré par l’article 26 de la loi du 8 avril 2024, l’avis contraire du conseil de la vie sociale de l’établissement peut « écarter » la garantie du droit nouvellement reconnu aux résidents des établissements qui accueillent des personnes âgées à l’accueil de leurs animaux de compagnie.

Quant au sort de l’animal accueilli en EHPAD en cas d’inaptitude de son propriétaire à respecter les conditions posées par les textes ? Comme précédemment relevé, des conditions d’hygiène et de sécurité, incluant également la prise en compte des besoins et du bien-être de l’animal, sont explicitement posées par l’arrêté de 2025 quant à l’accueil des animaux de compagnie en EHPAD.

Des interrogations concrètes peuvent alors être soulevées. Qu’advient-il de l’animal ou des animaux concerné(s) dans l’hypothèse où la personne âgée deviendrait soudainement inapte à s’occuper de son animal en raison de la dégradation de son état de santé et/ou subitement inapte à assurer et à prendre en charge financièrement les soins vétérinaires requis par l’état de santé de son animal ou la nourriture adaptée aux besoins de son animal et/ou inapte à fournir les soins quotidiens permettant d’assurer le bien-être de son animal ? Autrement dit, qu’advient-il de l’animal lorsque les conditions de l’accueil de celui-ci en EHPAD, expressément posées par les textes, ne sont plus respectées ? Qu’en est-il en cas d’inaptitude définitive de la personne propriétaire de l’animal, mais aussi en cas d’inaptitude seulement temporaire de celle-ci, par exemple dans l’hypothèse d’une maladie ou d’une infirmité impermanente ? Quelles procédures doivent alors être suivies ? Quelles décisions peuvent être prises ? Qui décide ? Les mêmes questions peuvent – évidemment – également se poser dans l’hypothèse du décès de la personne propriétaire de l’animal.

En pratique, il est permis d’imaginer que les réponses à ces questions seront apportées par le règlement d’ordre intérieur de l’établissement. Cependant, comme le rappelle l’article 515-14 du Code civil, les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité. Leur qualité d’êtres vivants et sensibles confère une importance et une portée particulières à ces questions et aux réponses qui doivent leur être apportées.

Quant aux établissements concernés par la garantie à leurs résidents du droit d’accueillir leurs animaux de compagnie ? Enfin, il peut être relevé que la loi du 8 avril 2024 ne distingue pas selon le type d’établissement qui accueille des personnes âgées, relativement au droit d’accueillir leurs animaux de compagnie devant être garanti aux résidents par ces établissements. En effet, l’article 26 de la loi du 8 avril 2024 renvoie expressément aux établissements mentionnés au 6° du I de l’article L. 312-1 du Code de l’action sociale et des familles. Or, cette disposition se réfère très largement aux « établissements et [aux] services qui accueillent des personnes âgées ou qui leur apportent à domicile une assistance dans les actes quotidiens de la vie, des prestations de soins ou une aide à l’insertion sociale ».

Les EHPAD, explicitement visés par l’intitulé de l’arrêté du 3 mars 2025, se définissent comme des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes. Ainsi, en pratique, la notion d’« EHPAD » ne recouvre pas la totalité des établissements qui accueillent des personnes âgées. A titre d’exemple, il existe également les résidences autonomie, qui sont destinées à accueillir dans un logement des personnes âgées majoritairement autonomes qui ne peuvent plus ou qui n’ont plus l’envie de vivre chez elles.

Aussi, pourquoi l’arrêté du 3 mars 2025 se réfère-t-il uniquement aux seuls EHPAD dans son intitulé et ne vise-t-il pas, plus largement, tous les établissements qui accueillent des personnes âgées visés au 6° du I de l’article L. 312-1 du Code de l’action sociale et des familles ? S’agit-il d’une « erreur » dans le choix des termes de l’intitulé du texte, alors même que le corps du texte de l’arrêté renvoie expressément aux établissements mentionnés au 6° du I de l’article L. 312-1 du Code de l’action sociale et des familles ? Ou bien ce texte ne vise-t-il effectivement que les EHPAD et devrait le cas échéant être complété par un autre ou par d’autres textes, de façon à réglementer tous les établissements et services qui accueillent des personnes âgées, explicitement visés par la loi du 8 avril 2024 et concernés par la garantie aux résidents du droit d’accueillir leurs animaux de compagnie ?

Jordane SEGURA-CARISSIMI

 

La Proposition de Règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au bien-être des chiens et des chats et à leur traçabilité 

Une proposition de Règlement a été faite par le Commission européenne le 7 décembre 2023 (COM(2023) 769 final 2023/0447(COD)). Ce texte fait suite à plusieurs résolutions adoptées par le Parlement européen7 ainsi qu’à l’étude de la Commission de 2015 sur le bien-être des chats et des chiens impliqués dans des pratiques commerciales8.  Il vise également à prendre en compte la récente étude scientifique de l’EFSA sur le bien-être des chiens et des chats dans les élevages9. Par ailleurs, en même temps que ce texte, une proposition de règlement visant à réviser le règlement relatif à la protection des animaux pendant le transport avait été proposée10.

Cette proposition de règlement a pour ambition de :

garantir des normes minimales communes en matière de bien-être des animaux pour l’élevage, la détention et la mise sur le marché de chiens et de chats élevés ou détenus dans des établissements ;

améliorer la traçabilité des chiens et des chats mis sur le marché de l’Union ou cédés, y compris lorsqu’ils sont proposés à la vente ou à l’adoption en ligne ;

garantir des conditions de concurrence équitables entre les opérateurs qui détiennent et mettent sur le marché des chiens et des chats à travers l’Union ;

promouvoir la compétence des soigneurs animaliers ; et

compléter les règles existantes en matière d’importation de chiens et de chats.

En particulier, ce règlement viendrait préciser certaines dispositions de la législation européenne sur la santé animale11.

Au-delà de ces objectifs, la proposition établit des exigences minimales en matière de bien-être des animaux en ce qui concerne l’élevage, la détention et la mise sur le marché de l’Union de chiens et de chats. Entre autres, la proposition de règlement souhaite mieux prendre en compte le marché en ligne des chiens et des chats, incluant le cas des refuges.

Ce type de propositions législatives devrait en principe être chaleureusement accueilli par les défenseurs de la cause animale, car l’on se souvient des années pendant lesquelles la Commission était strictement réfractaire à tout texte touchant au bien-être d’animaux n’entrant pas dans la chaîne alimentaire. Le principe de subsidiarité était ainsi régulièrement invoqué, souvent à tort. C’est donc incontestablement un progrès de voir une telle proposition aujourd’hui. Pour autant, une inquiétude demeure : ne serait-ce pas un texte en trop ? En effet, les mouvements de chiens et de chats sont déjà règlementés par le Règlement (UE) 576/201312, le Règlement (UE) 2016/42913 et le Règlement (UE) 1/200514 (en cours de révision). La législation santé animale prévoit notamment la possibilité pour la Commission d’adopter des règlements délégués et d’exécution afin de préciser certaines parties. Ne serait-ce pas plus efficace de passer par ces instruments plutôt que d’adopter une nouvelle législation ? L’abondance de textes ne risque-t-elle pas de créer un flou juridique ?

Ces craintes semblent notamment se justifier à la lecture du champ d’application et des définitions données par cette proposition : désormais à côté du mouvement « commercial » et « non-commercial » des animaux de compagnie, déjà difficile à appliquer, s’ajoute les notions de « chiens et chats mis sur le marché »15 ainsi que de « cession »16. À la lecture notamment de la définition de la « cession », l’on comprend toute la difficulté d’application dans les exceptions qu’elle propose : « à l’exclusion des cessions occasionnelles de chiens ou de chats, par des personnes physiques, effectuées par d’autres moyens que par l’intermédiaire d’une plateforme en ligne; ».

En outre, alors que la législation sur la santé animale avait à l’époque de sa proposition fait bondir les ONG en incluant dans sa définition de « l’animal sauvage » les chiens et les chats sans maître, cette nouvelle proposition restreint désormais les notions de « chienne »17 et « chatte »18 aux animaux ayant été saillies et ce jusqu’à la dernière portée produite.

Enfin, les notions d’ « établissement » de la législation de santé animale et celle de cette nouvelle proposition semblent être en complète contradiction :

Dans la proposition19 :

«établissements»: les établissements d’élevage, les refuges pour animaux et les animaleries ;

«établissement d’élevage»: tout local ou toute structure, y compris les foyers, dans lequel des chiens et des chats sont détenus à des fins de reproduction en vue de la mise sur le marché de leur progéniture ;

Dans la législation santé animale20 :

«établissement», tout local, toute structure ou, dans le cas de l'agriculture de plein air, tout milieu ou lieu dans lequel sont détenus des animaux ou des produits germinaux, à titre temporaire ou permanent, à l'exclusion :

  1. a) des habitations où sont détenus des animaux de compagnie ;
  2. b) des cabinets ou cliniques vétérinaires ;»

La proposition législative a été présentée comme celle qui rendra l’identification et l’enregistrement des chiens et des chats obligatoires. Or, cette obligation existait déjà dans la législation sur la santé animale21. De manière complétement contradictoire, des amendements ont été proposés au sein de la Commission AGRI du Parlement européen, qui réduirait le champ de l’obligation d’identification et d’enregistrement des chiens et des chats.

Le 6 juin 2025, le vote a eu lieu au sein de ce comité. Le rapport est désormais prévu à l’ordre du jour de la plénière pour la première lecture22. S’il est adopté, les négociations avec les ministres des États membres débuteront (le trilogue).

Sophie DUTHOIT-LULOV

 

Le Décret n° 2024-1153 du 4 décembre 2024 relatif à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques et modifiant le code rural et de la pêche maritime23.

« Cher (indispensable ?) animal de laboratoire… »

Depuis longtemps, les animaux sont utilisés au sein de procédures expérimentales dans les laboratoires, en dépit d’un vaste mouvement qui souhaite l’interdiction de ces pratiques. Il n’existe malheureusement pas d’alternative au vivant pour certains essais scientifiques. L’article R 214-90 du Code rural et la pêche maritime fixe les contions requises pour l’utilisation de ces animaux qui sont au nombre de trois : l’espèce animal en question doit figurer sur une liste fixée par arrêté ministériel, l’animal doit avoir été élevé exclusivement à cette fin, et l’animal doit provenir d’éleveurs ou de fournisseurs agréés (qu’ils soient européens ou hors Union européenne).

Si la souris blanche est le représentant le plus emblématique des animaux de laboratoire, elle ne constitue pas la seule espèce utilisée. Les primates constituent en effet des animaux de choix, de par leur proximité génétique avec l’être humain. Le décret n° 2024-1153 du 4 décembre 2024, texte particulièrement court (trois articles), modifie le Code rural en permettant l’utilisation de primates de première génération élevés à des fins scientifiques dans des procédures expérimentales. La nuance est subtile, le quatrième alinéa de l’article R. 214-90 étant à peine modifié : « les primates sont issus d'animaux élevés [et non plus d’élevages, ndlr] en captivité ou de colonies entretenues sans apport d'effectifs extérieurs ».

La notice explicative du texte indique qu’il s’agit de la mise en conformité (tardive) de la loi nationale avec la directive européenne sur la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques24, directive bien connue pour avoir mis en place la règle dites des « trois R » (remplacement, réduction et raffinement de l’utilisation des animaux de laboratoire). La réalité est sans doute bien différente, et il faut davantage y voir une régularisation de l’utilisation de certains primates -non concernés par le code auparavant- sous la pression des industriels.

Le décret créé par ailleurs l’article R. 214-138 nouveau dans le Code rural et de la pêche maritime destiné à déclarer démissionnaires d’office les membres de la Commission nationale pour la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques et ceux du Comité national de réflexion éthique sur l'expérimentation animale, lorsque ceux-ci sont absents de manière répétée ou trois fois de manière consécutive sans motif valable. En effet, ils sont tenus d'assister personnellement aux séances ou d'y être suppléés. Cette modification, purement technique, traduit toutefois une réalité malheureuse : certains membres de ces commissions recherchent davantage une ligne supplémentaire sur leur CV que la protection des animaux de laboratoire.

 

C’est peut-être ce qui a motivé le dépôt de la proposition de loi n° 1294 déposée le 17 avril 2025 par le député Aymeric Caron, de la France insoumise, qui vise le droit à l’objection de conscience à l’expérimentation animale pour les étudiants et à encourager la réduction du nombre d’animaux utilisés dans la recherche et l’enseignement.

Cette proposition de loi dans son exposé des motifs dresse de manière détaillée le portrait de la situation française en termes d’utilisation d’animaux de laboratoire : la France est championne en la matière, et la directive européenne de 2010 apparaît comme un coup d’épée dans l’eau. Aymeric Caron souhaite inclure dans le texte de loi des objectifs chiffrés et atteignables (diminution de 50 % des animaux d’ici le 31 décembre 2050). Elle propose en outre d’élargir le panel des membres des comités d’éthique en expérimentation animale afin d’inclure des experts en droit animalier, en analyses statistiques, ou encore en éthologie (article 1 et 2).

Il propose la création d’une très innovante clause de conscience à destination des étudiants, stagiaires, apprentis, ou élèves de la formation professionnelle lorsqu’ils sont confrontés à un acte d’expérimentation animale : ils pourraient alors refuser de pratiquer ou de concourir à un tel acte (article 3).

Enfin, un droit à un repos bien mérité (la proposition de loi parle de « droit à la retraite », article 4) est reconnu à tout animal utilisé à des fins scientifiques ou éducatives. L’objectif est que l’animal puisse bénéficier d’une continuité de vie sereine et adaptée aux besoins physiologiques de son espèce après sa vie dans les laboratoires. La charge matérielle et financière de cette retraite reposerait sur les laboratoires.

Il conviendra de suivre l’évolution parlementaire de ce texte dont les ambitions sont loin d’être inintéressantes.

Matthias MARTIN

 

Le Décret n° 2025-396 du 30 avril 2025 relatif à l'accompagnement financier des établissements itinérants de présentation au public d'animaux d'espèces non domestiques25.

« À votr’ bon cœur ! Une petite pièce pour compenser le lion que j’ai perdu ! »

Plus de trois ans après l’adoption de la loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes26, les décrets d’application continuent d’être adoptés les uns après les autres afin de rendre applicables les différentes mesures adoptées. Parmi les mesures phares de la loi, l’interdiction des animaux sauvages dans les cirques, ou -pour reprendre les mots de la loi - la fin de la captivité d’espèces non domestiques utilisées à des fins commerciales dans les établissements itinérants, avait particulièrement retenu l’attention du grand public. Les éléphants à quatre pattes sur des tabourets et les tigres au travers de cerceaux enflammés allaient définitivement appartenir au passé. Cette mesure a été codifiée aux articles L. 413-9 et suivants du Code de l’environnement.

L’interdiction est particulièrement extensive : non seulement elle concerne absolument tous les animaux sauvages sans exception, y compris des hybrides qui pourraient ainsi échapper à la qualification légale27, mais aussi tout mode de détention (« Il est interdit d'acquérir, de commercialiser et de faire se reproduire des animaux appartenant aux espèces non domestiques […] »28 sans oublier « la détention, le transport et les spectacles » desdits animaux29), ainsi que tout type d’établissements itinérants, et même plus, les discothèques étant également visées30. Des délais d’application sont prévus : deux ans pour l’interdiction d’acquisition, de commercialisation et de reproduction des animaux (il fallait prévoir le cas où des femelles étaient en gestation), et sept ans pour la détention et la présentation des animaux sauvages (soit le 1er décembre 2028), ce dernier délai étant nécessairement plus long pour laisser le temps aux cirques de trouver des solutions d’accueil pour les animaux.

Mettre en place une interdiction de détention d’animaux sauvages afin de favoriser le bien-être animal ne reste néanmoins qu’un vœux pieu en l’absence de mesures concrètes d’accompagnement des propriétaires. L’échec du sort des cétacés du Marineland d’Antibes (entre un délai d’application de la loi vraiment trop court et des exigences dantesques d’adaptation des bassins31) a visiblement servi de leçon au législateur qui a donc prévu par le présent décret du 30 avril 202532 un plan d'accompagnement financier pour les établissements itinérants de présentation au public d'animaux d'espèces non domestiques. Il s’agit d’aides étatiques, dérogatoires33 et temporaires, afin d’assurer la transition de cirques traditionnels à des cirques wild-free.

Cinq mesures financières sont prévues34 afin de permettre la reconversion professionnelle des établissements concernés et de leurs personnels :

1/ Une aide à la transition économique des entreprises à travers le développement de nouvelles activités ;

2/ Une aide à la reconversion des personnels détenteurs d'un certificat de capacité de présentation au public d'animaux d'espèces non domestiques, qui doivent alors s’engager à abandonner leur ancienne activité professionnelle ;

3/ Une aide pour les établissements ayant procédé à la mise au repos de leur animaux sauvages (c’est-à-dire qu’ils ont déjà cédé à titre gratuit leurs animaux à un refuge ou à un zoo fixe depuis l’adoption de la loi de 2021) ;

4/ Une aide pour les établissements à l'entretien et au nourrissage des animaux sauvages dans l'attente -par manque de place- de leur placement en structure fixe, preuve de la démarche à l’appui ;

5/ et enfin, une aide à la stérilisation des fauves35 détenus par ces établissements, afin d’éviter une reproduction naturelle désormais interdite depuis la loi de 2021.

De manière concrète, c’est l'Agence de services et de paiement qui instruit les différentes demandes d’aides (à l’exception de la stérilisation36), ainsi que les recours et contestations afférents37. La procédure se fait classiquement en ligne, via un guichet unique. L’Agence de service et de paiement est aussi en charge du versement des aides et du contrôle de celles-ci en cas de fraude. Le décret définit de manière précise les conditions requises pour bénéficier de chacune des cinq aides ; le point commun étant que l’établissement doit agir de manière pro-active et honnête. Ainsi, l’animal sauvage doit nécessairement être enregistré dans un des fichiers nationaux d'identification38, l’établissement doit disposer d’un numéro SIREN et des différentes autorisations nécessaires à son activité, la situation fiscale doit être à jour, etc. L’idée est de ne pas transformer ces aides en un business mafieux de transfert d’animaux sauvages.

Deux remarques d’ordre général sont à faire. D’une part, ces aides allouées par l’État sont importantes39 : la première mesure jouit d’un montant forfaitaire de 100 000 € par établissement ; la deuxième mesure d’un montant de 100 à 150 000 € selon le nombre d’espèces animales différentes dont pouvait s’occuper le dresseur ; la troisième mesure oscille entre 1000 € (pour un python par exemple) et 50 000 € (pour un éléphant) selon l’animal « perdu » par le cirque, dans la limite de 200 000 € ; la quatrième mesure est de 600 € par mois pour l’entretien d’un gros animal sauvage (60 € pour les « petits ») ; et la cinquième mesure est de 2000 € par animal. L’ensemble de ces aides ne peut pas excéder 300 000 € par établissement40. Si cette somme est sans doute un peu faible pour les plus gros cirques, elle permet toutefois d’apporter un vrai soutien aux plus petites structures qui n’ont pas nécessairement les moyens d’assurer seules cette reconversion forcée. D’autre part, les établissements itinérants présentant au public exclusivement des oiseaux ne font pas partie des établissements éligibles. C’est une exception que nous ne nous expliquons pas pour le moment. Sans doute la reconversion est-elle jugée plus facile et l’impact financier moindre que pour les cirques avec des fauves.

Matthias MARTIN

 

Les arrêtés du 24 mars 2025 portant création, modification ou approbation des plans de gestions des réserves biologiques de la Confluence Ill-Rhin (Bas-Rhin), de la Haute Chaume (Oise), de Lacanau (Gironde), de la Sainte-Baume (Var), du Stampfthal (Bas-Rhin) et du Hochfeld (Bas-Rhin)41.

Le classement de certains territoires en réserves biologiques est un mécanisme peu connu de protection de certains espaces naturels, et donc des animaux sauvages qui y vivent. Ce régime date pourtant des années 1950.  Les réserves biologiques sont des espaces relevant du régime forestier, classés volontairement par l'Office National des Forêts (ONF) sous un statut de protection.

Contrairement aux réserves naturelles nationales ou régionales qui peuvent concerner tous types de propriétés (privées comme publiques, sur terre comme en mer), les réserves biologiques sont un statut de protection spécifique aux espaces relevant du régime forestier, c’est-à-dire les forêts du domaine public qu’il s’agisse de l'État (forêts domaniales) ou des forêts des collectivités ou d'établissements publics (communes, départements, Conservatoire du littoral…). C’est ce qui explique également la différence de gestion des deux régimes : alors que la gestion des réserves naturelles est confiée à des associations, à des établissements publics ou à des collectivités territoriales, les réserves biologiques sont quant à elles gérées par l'Office National des Forêts (ONF).

Les réserves biologiques relèvent de l’article L. 212-2-1 du Code Forestier et sont créées par arrêté conjoint des ministres chargés de la forêt et de l'environnement, après avis du Conseil national de la protection de la nature, puis accord de la collectivité ou de la personne morale intéressée lorsque tout ou partie des bois et forêts concernés appartient à une collectivité ou à une personne morale.

Les réserves biologiques prévoient un statut de protection du milieu naturel en fonction d’objectifs de conservation, visant notamment à réguler les activités humaines, soit en les interdisant, soit en les soumettant à des conditions particulières afin d’éviter qu’elles puissent compromettre la réalisation des objectifs fixés. 

Il existe deux types de réserves biologiques : les réserves biologiques dirigées et les réserves biologiques intégrales.

Les réserves biologiques dirigées (RBD) reposent sur des objectifs de gestion conservatoire spécifique. Ainsi, la gestion est interventionniste et ciblée sur des enjeux patrimoniaux forts, comme la création ou l’entretien de milieux ouverts, la réalisation de travaux de gestion hydraulique (pour maintenir ou restaurer des zones humides), la lutte contre des espèces exotiques envahissantes, etc… Le plus souvent, les RBD protègent des milieux ouverts comme les landes ou les tourbières, qui risqueraient de subir une fermeture ou une régression du fait du développement naturel de la végétation arbustive ou arborescente. Ces réserves concernent une très grande diversité de milieux, depuis les espaces littoraux jusqu'aux pelouses alpines. Les RBD sont reconnues comme espaces protégés de catégorie 4 par l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

Les réserves biologiques intégrales (RBI) sont quant à elles consacrées à la libre évolution des forêts. A l'opposé des réserves biologiques dirigées et de leur gestion active, les RBI favorisent une gestion passive de ces espaces et une restriction des interventions humaines. L’objectif principal de ces réserves est de pouvoir disposer d’observatoires de la dynamique naturelle de ces forêts sur le long terme, notamment dans le contexte du changement climatique. Elles constituent également des conservatoires d'une biodiversité particulière qui est plus rare que dans les forêts exploitées (insectes et champignons liés au bois mort...). Les RBI sont reconnues comme espaces protégés de catégorie 1 par l'UICN.

Si les RBI constituent des terrains d’études privilégiés pour les naturalistes et scientifiques, d’autres activités humaines y sont également autorisées sous certaines conditions. En effet, l’objectif n’est pas de soustraire ces territoires au public mais au contraire de prévoir des modalités d'accueil du public compatibles avec les enjeux de préservation. Parmi les activités admises sont ainsi prévues notamment la sécurisation de voies longeant ou traversant les réserves (sentiers pédestres balisés, chemins, routes), l'élimination d'espèces végétales ou animales allochtones, la régulation des ongulés par la chasse en l'absence de prédateurs afin d'éviter le déséquilibre des écosystèmes, certaines actions de gestion des risques naturels, etc.

Dans l'Hexagone comme dans les départements et régions d'outre-mer, les réserves biologiques offrent un statut de protection fort, contribuant à la Stratégie nationale aires protégées (SNAP) 2020-2030. La France compte plus de 250 réserves biologiques représentant en tout 145 708 ha de forêt dont 58 809 ha en France métropolitaine et 86 899 ha en outre-mer. La plus grande réserve biologique intégrale se trouve en Guyane et dépasse 60 000 hectares.

Le développement du réseau des réserves biologiques se poursuit au rythme de cinq créations par an, auxquelles s'ajoutent régulièrement des extensions de réserves existantes. C’est ainsi que plusieurs arrêtés du 24 mars 2025 sont venus créer ou modifier certaines réserves biologiques.

Ainsi l’Arrêté du 24 mars 2025 portant création de la réserve biologique dirigée (RBD) de la Haute Chaume (Oise) et approbation de son premier plan de gestion (JORF n° 0075 du 28 mars 2025) crée la réserve biologique dirigée (RBD) de la Haute Chaume, d'une superficie de 130,96 ha, en forêt domaniale d'Ermenonville sur les communes d'Ermenonville et de Fontaine-Chaalis, dans le département de l'Oise.

L’Arrêté du 24 mars 2025 portant modification de la réserve biologique de la Confluence Ill-Rhin (Bas-Rhin) et approbation de son plan de gestion (JORF n° 0075 du 28 mars 2025) vient agrandir la réserve biologique de La Wantzenau dans le département du Bas-Rhin, portant la surface de la réserve biologique de 52,64 ha à 103,43 ha, dont 70,41 ha en forêt communale de La Wantzenau et 33,02 ha en forêt domaniale de Honau. Cette modification a pour conséquence un changement de nom de la réserve qui portera dorénavant le nom de réserve biologique de la Confluence Ill-Rhin. Cette réserve est mixte. Elle est pour partie une réserve biologique intégrale (43.23 ha), ayant pour objectif de permettre la libre expression des processus d'évolution naturelle d'écosystèmes forestiers représentatifs de la bande rhénane, à des fins d'accroissement et de préservation de la naturalité forestière et de la diversité biologique associée, et de développement des connaissances scientifiques. Elle est également pour une autre partie une réserve biologique dirigée (60,2 ha) ayant pour objectif de garantir la conservation de milieux rivulaires et de milieux ouverts, l'accroissement et la préservation de la matrice forestière, ainsi que la conservation d'espèces remarquables, en assurant notamment la quiétude d'espèces animales sensibles.

L’Arrêté du 24 mars 2025 portant modification de la réserve biologique de la Sainte-Baume (Var) et approbation de son plan de gestion (JORF n° 0075 du 28 mars 2025) vient à la fois agrandir la réserve biologique en portant sa surface de 138,32 ha à 488,3 ha et changer la nature de la réserve qui était jusqu’à présent une RBD et devient une réserve mixte comprenant 429,37 ha de réserve biologique intégrale et 58,93 ha de réserve biologique dirigée. L 'objectif principal de la RBI est la libre expression des processus d'évolution naturelle d'écosystèmes forestiers représentatifs du massif de la Sainte-Baume depuis l'étage méso-méditerranéen jusqu'à l'étage montagnard, à des fins d'accroissement et de préservation de la naturalité forestière et de la diversité biologique associée, ainsi que de développement des connaissances scientifiques (art. 3).

L’Arrêté du 24 mars 2025 portant modification de la réserve biologique dirigée (RBD) de Lacanau (Gironde) et approbation de son plan de gestion (JORF n° 0075 du 28 mars 2025) vient également agrandir la surface de la réserve biologique dirigée en le portant de de 216,35 ha à 262,88 ha, ce qui a également pour conséquence un changement de nom de la réserve auparavant dénommée « réserve biologique dirigée de Vire Vieille, Vignotte et Batejin en forêt domaniale de Lacanau, en forêt départementale de Vignotte et en forêt du Conservatoire du littoral de Vire Vieille sur la commune de Lacanau » et désormais simplement nommée réserve biologique dirigée de Lacanau.

Toutes les réserves mettent en place des mesures restrictives aux activités humaines en prévoyant des dérogations. En ce qui concerne les animaux, elles prévoient généralement que toute introduction d'espèces végétales ou d'espèces animales non domestiques est interdite. Elles interdisent également la chasse et la pêche, à l'exception de la régulation des populations d'ongulés. En complément, elles interdisent tout agrainage, affouragement ou dispositif d'attraction du gibier tant dans la réserve que dans les parcelles de sa zone de transition. La destruction d'espèces animales susceptibles d'occasionner des dégâts telles que définies par l'article R. 427-6 du Code de l'environnement est aussi interdite, à l'exception, le cas échéant, d'espèces exotiques envahissantes ou d'ongulés. La régulation des populations d'ongulés par la chasse est autorisée afin d'éviter le déséquilibre des écosystèmes. Les modalités de cette régulation sont fixées par l'ONF. Une disposition spécifique pour la chasse à courre est prévue pour la réserve biologique de la Haute Chaume (Oise) : l'attaque est interdite dans la réserve et les parcelles de sa zone de transition mais il y a possibilité de suite pour les chiens accompagnés par deux veneurs à pied ou à cheval. Enfin, généralement les réserves biologiques interdisent la divagation des chiens y compris les chiens de chasse et n’autorisent les chiens que sur les itinéraires balisés, à condition qu’ils soient tenus en laisse.

L’objectif de ces réserves est donc de permettre un équilibre entre la protection de ces espaces naturels remarquables et les activités humaines. Ces réserves sont pensées comme des vitrines de ce que la nature peut nous offrir de meilleur et nous invitent à repenser notre relation à celle-ci en permettant à chaque citoyen d'avoir accès à une nature préservée près de chez lui. On ne pourra donc que se féliciter de l’ampleur grandissante ce ces réserves !

Lucille BOISSEAU

 

En Bref…

La Proposition de Directive Du Parlement Européen et du Conseil modifiant la directive 92/43/CEE du Conseil en ce qui concerne le statut de protection du loup (Canis lupus)42.

Le 6 décembre 2024, le comité permanent de la convention de Berne a adopté la proposition de l’Union européenne visant à modifier le statut de protection du loup (Canis lupus) en retirant l’espèce de l’annexe II (espèces de faune strictement protégées) et en l’ajoutant à l'annexe III (espèces de faune protégées).

Le changement est entré en vigueur le 7 mars 2025. Faisant suite à cela, la Commission européenne a soumis le même jour, une proposition de Directive visant à réduire le statut de protection du loup dans l’Union européenne. Le loup passe ainsi de l’annexe IV de la Directive 92/43/CEE (Directive Natura 2000)43 à l’annexe V. Désormais, le loup ne fait donc plus partie des espèces nécessitant une « protection stricte », mais de celles « dont le prélèvement dans la nature et l’exploitation sont susceptibles de faire l’objet de mesures de gestion ». Concrètement cela signifie que désormais l’interdiction de tuer intentionnellement un loup ne s’appliquera plus, et que les Etats membres seront libres d’adopter des règles quant à la « gestion » des populations de loups.

La Commission a réussi ainsi à faire voter le texte par le parlement européen deux mois après l’avoir soumis, le 8 mai 2025, en utilisant la procédure d’urgence. Le texte est désormais dans les mains du Conseil, qui l’a en réalité déjà validé. Les Etats auront 18 mois pour se conformer aux nouvelles règles.

Sophie DUTHOIT-LULOV            

 

La Proposition de loi n° 1299 visant à interdire les euthanasies dites de convenance des chiens et des chats, déposée le 17 avril 2025

« Je t’aime à (te faire ?) mourir. »

Le député Aymeric Caron a été très actif le 17 avril 2025 : parmi les cinq différentes propositions de lois qu’il a déposées (« Abolir la corrida : un petit pas pour l’animal, un grand pas pour l’humanité, n° 1292 ; « Interdire l’élevage de poulpes sur le territoire français », n° 1293 ; « Droit à l’objection de conscience à l’expérimentation animale pour les étudiants et encouragement à la réduction du nombre d’animaux utilisés dans la recherche et l’enseignement », n° 1294 ; « Interdire les pièges de régulation non-sélectifs », n° 1300), une a particulièrement retenu notre attention dans le contexte de l’actualité législative actuelle : il s’agit de la proposition de loi visant à interdire les euthanasies dites de convenance des chiens et des chats (n° 1299).

Cette proposition de loi vient à la suite du controversé article 27 de la loi dite Dombreval du 30 novembre 202144 qui crée l’article 522-1 nouveau du Code pénal : « le fait, sans nécessité, publiquement ou non, de donner volontairement la mort à un animal domestique, apprivoisé ou tenu en captivité, hors du cadre d'activités légales, est puni de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende ». Nous avions alors dans ces colonnes exprimé nos doutes sur la réalité de l’application concrète d’un tel article45.

La présente proposition de loi entend lutter contre les euthanasies de convenance, c’est-à-dire les mises à mort d’un animal non justifiée par une décision médicale (le texte ne parle pas des décisions judiciaires, qu’il convient évidemment d’inclure). Aymeric Caron vise deux cas en particulier : d’une part, les euthanasies effectuées par les refuges et fourrières pour manque de place, surpopulations et questions économiques ; d’autre part, les euthanasies faites en cabinet vétérinaires par des praticiens peu scrupuleux du moment que leurs clients payent.

Si le but est louable, les moyens proposés semblent inadéquats : la stérilisation est imposée pour tout animal en fourrière, la question financière étant à la charge de la municipalité (en plus de celle de la stérilisation des chats errants imposée par la loi de 202146 et pour lesquelles les municipalités avaient tiré la sonnette d’alarme compte tenu de la diminution de leurs budgets). L’article 2 de la proposition de loi est encore plus radical : il impose la stérilisation de l’ensemble de la population canine et féline pour tous les propriétaires de France, à l’exception des éleveurs (c’est la fin des portée « sauvages » dans les familles), et sauf « si cette opération pose un risque pour la santé de l’animal ». Une contravention de 5ème classe accompagne cette obligation, afin de forcer les propriétaires récalcitrants.

Cette proposition de loi est étrange : qui avantage-t-on ? Le bien-être animal n’est-il pas un prétexte utilisé par des lobbys d’éleveurs (seuls désormais détenteurs du droit de reproduction des animaux) ou par des lobbys de vétérinaires (pour stériliser les 25 millions de chats et de chiens en France47) ?

Mais l’essentiel est sans doute ailleurs : à l’heure où la France débat de manière cruciale et douloureuse de la question de l’euthanasie, des soins palliatifs et de la fin de vie48, cette proposition de loi sonne mal. Est-il raisonnable de sanctionner l’euthanasie non justifiée pour les animaux d’une peine de trois ans d’emprisonnement et de 50 000 euros d’amende49 tout en prévoyant une peine de deux ans de prison et de 30 000 euros d’amende en cas d’entrave à l’euthanasie humaine ?50 Les questions financières qui sous-tendent l’euthanasie animalière ne seront-elles pas bientôt à se poser pour l’euthanasie humaine ? Ne souhaite-t-on pas refuser d’un côté ce que l’on veut autoriser de l’autre ? Comme toujours, les animaux -surtout de compagnie- agissent comme un miroir envers notre société humaine et la question de l’euthanasie animale nous renvoie à notre propre monde. Aimera-t-on plus Choupette que Mamie ? Voilà la vraie question.

Matthias MARTIN

  • 1 
  • JORF n° 54 du 4 mars 2025, texte n° 3.

  • 2 
  • RSDA 1-2024.

  • 3 
  • JORF n° 83 du 9 avril 2024.

  • 4 Cf. arrêté du 27 avril 1999 pris pour l’application de l’article 211-1 du code rural et établissant la liste des types de chiens susceptibles d'être dangereux, faisant l’objet des mesures prévues aux articles 211-1 à 211-5 du même code, JORF n° 101 du 30 avril 1999 ; modifié par l’ordonnance n° 2000-914 du 18 septembre 2000 relative à la partie législative du code de l’environnement, JORF n° 219 du 21 septembre 2000.
  • 5 
  • Cf. article L. 211-16 du Code rural et de la pêche maritime.

  • 6 
  • Cf. RSDA 1-2024, Chronique législative.

  • 7 
  • La dernière : Résolution du Parlement européen du 12 février 2020 sur la protection du marché intérieur et des droits des consommateurs de l’UE contre les conséquences néfastes du trafic d’animaux de compagnie [2019/2814(RSP)].

  • 8 
  • Study on the welfare of dogs and cats involved in commercial practices, Commission européenne, 2015: https://food.ec.europa.eu/system/files/2016-10/aw_eu-strategy_study_dogs-cats-commercial-practices_en.pdf.

  • 9 
  • EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments), 2023, «Scientific and technical assistance on welfare aspects related to housing and health of cats and dogs in commercial breeding establishments». EFSA Journal, 21(9), 1–105. https://doi.org/10.2903/j.efsa.2023.8213

  • 10 
  • Proposition de RÈGLEMENT DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL relatif à la protection des animaux pendant le transport et les opérations annexes, modifiant le règlement (CE) nº 1255/97 du Conseil et abrogeant le règlement (CE) nº 1/2005 du Conseil (COM(2023) 770 final 2023/0448(COD))

  • 11 
  • Règlement (UE) 2016/429 du Parlement Européen et du Conseil du 9 mars 2016 relatif aux maladies animales transmissibles et modifiant et abrogeant certains actes dans le domaine de la santé animale (« législation sur la santé animale») (JO L 84 du 31.3.2016, p. 1–208).

  • 12 
  • Règlement (UE) nº 576/2013 du Parlement européen et du Conseil du 12 juin 2013 relatif aux mouvements non commerciaux d’animaux de compagnie et abrogeant le règlement (CE) nº 998/2003 (JO L 178 du 28.6.2013, p. 1).

  • 13 
  • Ibid.

  • 14 
  • Règlement (CE) nº 1/2005 du Conseil du 22 décembre 2004 relatif à la protection des animaux pendant le transport et les opérations annexes et modifiant les directives 64/432/CEE et 93/119/CE et le règlement (CE) nº 1255/97 (JO L 3 du 5.1.2005, p. 1).

  • 15 
  • Art. 3, point 5

  • 16 
  • Art. 3, point 4.

  • 17 
  • Art. 3, point 9.

  • 18 
  • Art. 3, point 10.

  • 19 
  • Art. 3, points 11 et 12.

  • 20 
  • Art. 4, point 27.

  • 21 
  • Article 84, tel que précisé par le RÈGLEMENT D’EXÉCUTION (UE) 2022/1345 DE LA COMMISSION du 1er août 2022 portant modalités d’application du règlement (UE) 2016/429 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne l’enregistrement et l’agrément des établissements détenant des animaux terrestres et procédant à la collecte, à la production, à la transformation ou au stockage de produits germinaux.

  • 22 
  • La procédure peut être suivie sur le site Internet du Parlement européen : https://oeil.secure.europarl.europa.eu/oeil/fr/procedure-file?reference=2023/0447(COD).

  • 23 
  • JORF n°0287 du 5 décembre 2024 ; texte n° 165

  • 24 
  • Directive 2010/63/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 septembre 2010 relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques.

  • 25 
  • JORF n°0103 du 2 mai 2025, texte n° 33

  • 26 
  • JORF 1er déc. 2021, texte n° 1.

  • 27 
  • Art. L. 413-14 C. envir.

  • 28 
  • Art. L. 413-10 -I C. envir.

  • 29 
  • Art. L. 413-10 -II C. envir.

  • 30 
  • Art. L. 413-11 et L. 413-13 C. envir.

  • 31 
  • Voir notre chronique : « Le remake 2024 d’Il faut sauver Willy sera-t-il Bientôt Willy en sushi ? », RSDA 2-2024

  • 32 
  • JORF 2 mai 2025, texte n° 33.

  • 33 
  • Notamment aux règles de concurrence du marché commun, cf. le visa qui fait expressément référence aux art. 107 et 108 du TFUE ainsi qu’au décret n°2001-495 du 6 juin 2001 pris pour l'application de l'article 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 et relatif à la transparence financière des aides octroyées par les personnes publiques.

  • 34 
  • Art. 1er du décret.

  • 35 
  • Sont visés uniquement les lions, tigres, léopards, hyènes ou loups ; art. 11 du décret.

  • 36 
  • La gestion administrative et financière de la mesure 5 est assurée par le service déconcentré dont relève le siège social de l'établissement itinérant de présentation au public d'animaux d'espèces non domestiques.

  • 37 
  • Art. 3 du décret.

  • 38 
  • Cf. art. L. 413-6 C. envir., et art. L. 212-9 et R. 212-15 CRPM.

  • 39 
  • Art. 17 à 21 du décret.

  • 40 
  • Art. 5 et 22 du décret.

  • 41 
  • Arrêté du 24 mars 2025 portant création de la réserve biologique dirigée (RBD) de la Haute Chaume (Oise) et approbation de son premier plan de gestion, JORF n° 0075 du 28 mars 2025, Texte n° 46 ; Arrêté du 24 mars 2025 portant modification de la réserve biologique de la Confluence Ill-Rhin (Bas-Rhin) et approbation de son plan de gestion, JORF n° 0075 du 28 mars 2025, Texte n° 47 ; Arrêté du 24 mars 2025 portant modification de la réserve biologique de la Sainte-Baume (Var) et approbation de son plan de gestion, JORF n° 0075 du 28 mars 2025, Texte n° 43 ; Arrêté du 24 mars 2025 portant modification de la réserve biologique dirigée (RBD) de Lacanau (Gironde) et approbation de son plan de gestion, JORF n° 0075 du 28 mars 2025, Texte n° 44 ; Arrêté du 24 mars 2025 portant approbation du plan de gestion de la réserve biologique dirigée (RBD) du Hochfeld (Bas-Rhin) , JORF n° 0075 du 28 mars 2025, Texte n° 45 ; Arrêté du 24 mars 2025 portant approbation du plan de gestion de la réserve biologique (RBD) du Stampfthal (Bas-Rhin), JORF n° 0075 du 28 mars 2025, Texte n° 44.

  • 42 
  • 2025/0058 (COD).

  • 43 
  • Directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, JO n° L 206 du 22/07/1992 p. 7 – 50.

  • 44 
  • Loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes.

  • 45 
  • Voir notre chronique : « "Animal joli, joli, joli, tu plais à mon père, tu plais à ma mère…", éléments de réflexion à propos de la loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021 », RSDA 2/2021, p. 247 à 256

  • 46 
  • Art. 11 de la loi.

  • 47 
  • À noter que 50 % des chiens et 80 % des chats détenus sont déjà stérilisés ; https://www.i-cad.fr/articles/plus-de-la-moitie-des-fran%C3%A7ais-possede-un-chien-ou-un-chat (consulté le 2 juin 2025).

  • 48 
  • Le 27 mai 2025, l'Assemblée nationale a adopté la proposition de loi relative aux soins palliatifs et d’accompagnement, ainsi que la proposition de loi relative au droit à l'aide à mourir.

  • 49 
  • Nouvel art. L. 211-24 CRPM proposé.

  • 50 
  • Nouvel art. L. 1115‑4 CSP proposé.

 

RSDA 1-2025

Actualité juridique : Bibliographie

Zoopolis ou comment instaurer un « vivre-ensemble » optimal entre animaux

Sue Donaldson et Will Kymlicka, Zoopolis - Une théorie politique des droits des animaux, Editions Hermann, Paris, 2025, 418p., 27 euros

 

En ce début d’année 2025 fut réédité ce qu’il serait possible de qualifier de classique de la littérature juridico-philosophico animalière : Zoopolis, Une théorie politique des droits des animaux. Les auteurs, Sue Donaldson et Will Kymlicka, ont grandement œuvré par le biais de cet écrit à faire connaitre au grand public le droit des animaux, appréhendé en l’occurrence davantage sous l’angle de la philosophie politique.

Plus précisément, ce sont la justice et l’organisation optimale des relations qui sont au cœur de la réflexion proposée par les auteurs.

L’ouvrage se décompose en 6 grands thèmes – tels que consacrés à l’élaboration de droits bénéficiant à l’intégralité des animaux ou bien encore à la particularité caractérisant les animaux dits « liminaires » - consacrés à la possibilité d’octroi de droits à l’animal selon la relation l’unissant à l’être humain et la qualification pouvant lui être attribuée en tant qu’individu animal.

A cet ouvrage et ces questionnements se trouve adjointe une préface rédigée par la chercheuse française Corine Pelluchon autrice de nombreux écrits1 relatifs notamment à cette question qu’est l’octroi de droits à d’autres êtres que ceux appartenant au genre humain.

Cet ouvrage - œuvre centrale de la bibliothèque « animaliste » - étant déjà bien connu, il ne s’agira donc pas ici de rentrer dans le détail de la recherche réalisée par Sue Donaldson et Will Kymlicka mais bien davantage de proposer une synthèse, rapide, des grandes idées qui y sont mises en exergue par les auteurs.

I - Des droits pour tous

Le premier thème de réflexion proposé par les auteurs est consacré à la possibilité d’octroi de droits à l’ensemble des animaux non humains2.

Leur vulnérabilité commune de même que les caractéristiques sensorielles – les deux chercheurs basant leur réflexion sur la qualification d’être sentient renvoyant à l’existence d’une vie à la fois physique et mentale - et besoins primaires que chacun possède exigent, selon les auteurs, d’octroyer en effet à l’ensemble des animaux des droits « universels » afin de satisfaire au mieux les dits besoins et de les préserver des diverses atteintes susceptibles de les affecter.

Les droits pensés par Sue Donaldson et Will Kymlicka sont tantôt positifs tantôt négatifs en cela qu’ils accordent soit une possibilité de jouir d’un droit de façon immédiate tel qu’ici celui de bénéficier de la justice destinée à préserver les intérêts des êtres à l’instar de ce dont disposent les Hommes, soit une protection « à l’encontre de », telle la propriété ou bien encore la torture. L’objectif final étant l’instauration d’une communauté d’êtres dont les intérêts sont considérés et protégés par des droits inviolables.

Recourant à un vocabulaire clair, détaillant différents arguments avancés dans la cadre de la TDA – Théorie des Droits des Animaux - par divers chercheurs et ouvrages et illustrés d’exemples multiples3, ce premier chapitre constitue une entrée en matière particulièrement intéressante et adaptée à tout public, profane comme expérimenté.

II – De nouveaux citoyens

Par le prisme privilégié de la notion de citoyenneté, les auteurs proposent en outre une réflexion quant au lien pouvant unir droits octroyés aux animaux et place qu’ils occupent auprès des humains4. L’identification des différents types de relations unissant ces êtres est au cœur de la théorie de la citoyenneté car d’elle dépend alors la pensée d’une nouvelle forme de communauté plus respectueuse des intérêts de chacun de ses membres.

Ils y expliquent ainsi, et notamment, qu’aux droits pouvant être qualifiés d’universels s’adjoignent des droits spécifiques détenus en tant qu’individu citoyen, qu’une remise en question du droit de propriété affectant l’animal peut découler de la mise en place d’une citoyenneté animale, qu’une relation de dépendance unit chaque animal à l’humain de manière plus ou moins directe et qu’alors cela influe sur le degré de vulnérabilité de chacun et de ce fait sur les droits et responsabilités pouvant être instaurés à l’avenir pour une communauté de vivants animaux plus équilibrée.

C’est en outre en se focalisant davantage sur les animaux pouvant être qualifiés de domestiques – les seuls selon les deux chercheurs à pouvoir bénéficier de la citoyenneté du fait de leurs facultés relationnelles, communicatrices vis-à-vis de l’Homme et d’action - que les auteurs démontrent tout l’impact que la théorie de la citoyenneté peut avoir sur la vie quotidienne de l’être animal5 - d’un point de vue de la santé, de l’alimentation de l’animal domestique ou bien encore par exemple du travail de l’animal. Ils y mettent en exergue le fait notamment que l’approche citoyenne peut être à l’origine de l’instauration d’un nouveau type de relation à l’autre, dépourvu ou du moins plus faiblement marqué par des iniquités et de la domination.

III – La place de l’animal « liminaire » dans la TDA : la Cité « occupée » par l’animal sauvage 

Tel que l’expliquent Sue Donaldson et Will Kymlicka, aux cotés des animaux domestiques et des humains vivent des animaux appartenant à la catégorie des animaux sauvages, au sein même de la communauté mais néanmoins distants dans leurs facultés relationnelles et de communication – les rats, les moineaux, les écureuils parfois. Ce sont les « animaux liminaires »6.

Ce groupe d’animaux fait l’objet d’une réflexion particulière par les auteurs. Ainsi, au travers de leur sixième chapitre les chercheurs ont pu considérer que ces individus devaient être appréhendés non comme des citoyens mais des résidents.

Cette qualification caractériserait alors une relation d’interdépendance moins marquée que celle unissant animaux domestiques et humains, dont découle alors un nombre de droits – ainsi que des responsabilités à leur égard – moins élevé. Il s’agirait davantage d’une relation d’adaptation à sens unique : des animaux liminaires envers les humains et leur environnement mouvant si rapidement.

Afin de garantir à ces individus liminaires une meilleure protection, davantage de justice dans leur relation à l’autre, les auteurs ont alors pensé un statut d’animal résident. Selon les auteurs cela permettrait de s’adapter au mieux aux spécificités du lien unissant les êtres concernés et de leur octroyer quelques droits protecteurs spécifiques : celui de pouvoir vivre de façon sereine dans la communauté, celui de pouvoir satisfaire leurs besoins primaires – exemple pris en l’occurrence notamment de la relation prédateur/proie – et enfin celui de ne pas subir d’atteintes non strictement juridiquement contrôlées de par la modification de l’environnement par l’humain.

IV – Des animaux sauvages « souverains » : réduire l’emprise humaine directe et indirecte pour garantir une coexistence paisible

Enfin, les animaux sauvages qui n’évoluent pas au sein même de la communauté des citoyens ne sont pas oubliés. Un statut spécifique est créé pour eux au sein de l’ouvrage ici présenté : celui d’animal sauvage souverain7.

Il en résulte un affranchissement de la prise en considération des facultés de chaque être, un droit pour chacun de ces animaux sauvages d’évoluer librement sur le territoire qu’ils occupent et dont ils ont besoin pour satisfaire leurs différents besoins – faisant ainsi référence à la notion de souveraineté, et, enfin, une unique intervention de l’humain vis-à-vis des ces êtres dans le dessein d’assurer une réduction des risques auxquels ils peuvent être exposés au cours de leur existence (pollution, changement climatique, réduction de l’espace de vie du fait du développement humain avec l’artificialisation des zones naturels, etc.). L’assistance directe à l’animal sauvage souverain n’étant pour sa part envisagée que dans des cas particuliers tels que le réensauvagement ou bien le soin dans des centres de sauvegarde de la faune sauvage et autres structures adaptées.

Conclusion

La recherche réalisée est tout particulièrement intéressante en cela qu’elle propose une nouvelle TDA allant au-delà de celle consistant généralement à penser des droits pouvant être octroyés aux animaux non humains sans nécessairement aller plus loin en termes de conséquences et de réflexion quant aux implications relationnelles avec l’humain et les autres individus animaux. Rééquilibrer ces relations par le biais de l’insertion du concept de justice dans la TDA présentée et prendre en compte l’interdépendance relationnelle entre espèces sont au cœur de cette thèse particulièrement novatrice pour la fin des années 2000.

  • 1 
  • Voir par exemple : Pelluchon C., Manifeste animaliste – Politiser la cause animale, Éditions Payot rivages, Paris, 2021. Pelluchon C., Éléments pour une éthique de la vulnérabilité – les hommes, les animaux, la nature, Éditions du Cerf, Paris, 2011.

  • 2 
  • « Des droits universels de bas pour les animaux », Première partie, chapitre 1 de l’ouvrage Zoopolis.

  • 3 
  • Il importe toutefois de souligner que des analogies avec des situations humaines sont régulièrement réalisées tout au long de l’ouvrage afin de construire l’argumentation présentée en l’espèce au sein de la recherche.

  • 4 
  • Voir pour une explication de la théorie de la citoyenneté : chapitre 2 de l’ouvrage Zoopolis.

  • 5 
  • Voir sur ce point : chapitre 4 « Les animaux domestiques citoyens » de l’ouvrage Zoopolis.

  • 6 
  • Voir : chapitre 6 « Les animaux liminaires résidents » de l’ouvrage Zoopolis.

  • 7 
  • Voir : chapitre 5 « La souveraineté des animaux sauvages » de l’ouvrage en l’espèce étudié.

 

RSDA 1-2025

Actualité juridique : Législation

Chronique d'actualité des initiatives parlementaires d'intérêt animalier

Entre novembre 2024 et juin 2025, on a encore pu recenser près d'une vingtaine d'initiatives parlementaires d'intérêt animalier qui sont presque exclusivement des propositions de lois et qui ont été majoritairement déposées par des députés. Les traits marquant de ce semestre sont l'absence de propositions, pour ne plus dire PPL, visant directement à protéger contre les animaux et la multiplication de celles qui visent à limiter les souffrances des animaux sauvages ou liminaires. Le plan sera donc réaménagé en conséquence et ne comprendra pour cette fois que deux parties.

 

I/ Les initiatives visant à renforcer la protection des animaux

 

A/ Protéger les animaux liminaires

 

L'article 515-14 du Code civil proclamant que les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité sans distinguer, comme le fait l'article L 214-1 du Code rural et de la pêche maritime, selon qu'ils ont un propriétaire ou qu'ils n'en n'ont pas, tous devraient être protégés contre les sévices graves et les actes de cruauté. Nul parlementaire ne se risque plus guère, comme l'avait encore fait le 19 juin 2014 la députée Laurence Abeille par un amendement CD 358 à la loi sur la biodiversité, à proposer une extension des dispositions de l'article 521-1 du Code pénal aux animaux sauvages, mais la cruauté particulière qui frappe certains d'entre eux ne laisse pas indifférents les députés et les sénateurs. Au cours du semestre considéré, ils ont été plus nombreux que d'ordinaire à exprimer ce remords sélectif. Les premiers bénéficiaires de cette sollicitude sont les animaux souvent dénommés liminaires depuis que le Zoopolis de Kamlincka et Donaldson les a mis en évidence. Bien que dépourvus de propriétaires ils vivent essentiellement dans un milieu anthropisé et urbanisé à proximité des humains, lesquels n'hésitent pas à utiliser les moyens les plus sordides pour s'en défaire, à l'exemple des pièges à colle qui visent les rats et les souris.

C'est précisément pour interdire les captures d'animaux par des pièges à colle que, le 17 avril 2025, été déposée par le député Gabriel Amard et ses collègues du groupe LFI une proposition de loi n° 1324 qui fait écho à une proposition n° 388 déposée quelques semaines plus tôt, le 3 mars 2025, par le sénateur socialiste Bernard Jomier. La proposition sénatoriale, relevant que de nombreuses enseignes spécialisées ont fait récemment le choix de ne plus commercialiser des pièges à colle qui infligent de longues souffrances intolérables, a le mérite de prévoir des sanctions pénales pouvant aller jusqu'à 30 000 euros d'amende et un an de prison à l'encontre des distributeurs qui n'auraient pas le même sens de la responsabilité éthique et environnementale. Même si elle s'en tient à inscrire l'interdiction de la fabrication, de la vente et de l'utilisation des pièges à colle dans le Code de l'environnement, la proposition du député Amard mérite une mention particulière. Dans l'exposé des motifs, il invoque en effet un argument dont on s'étonne qu'il ne soit pas plus régulièrement mis en avant depuis l'introduction de l'article 515-14 dans le Code civil, à savoir que les interdictions relatives aux pièges à colle ''sont la solution pour réellement respecter les droits des animaux, êtres vivants doués de sensibilité et ayant des droits''. Certes, cette affirmation exagère-t-elle la portée de l'innovation introduite par la loi du 16 février 2015 qui, si elle a procédé à l'extraction des animaux de la catégorie des biens, n'en a pas fait pour autant des sujets de droit. Le raisonnement dans lequel elle inscrit le rappel de la formule de l'article 515-14 suivant laquelle les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité n'en est pas moins remarquable et devrait, à l'avenir, en inspirer d'autres, pour tirer plus rigoureusement les conséquences de la nouvelle qualification civile des animaux. Il est d'autant plus louable que, de manière à peu près inédite, il est développé à l'égard de pratiques frappant essentiellement des animaux qui ne sont pas appropriés.

D'autres animaux liminaires, les pigeons ont retenu l'attention de la députée Ersilia Soudais et ses collègues du groupe LFI qui ont déposé le 4 février 2025 une proposition n° 903 importante à plusieurs égards. Elle l'est tout d'abord parce que, tenant compte de la violence des méthodes de capture, de gazage, d'effarouchement, de stérilisation chirurgicale utilisées pour en assurer la gestion, elle vise à ''interdire les méthodes cruelles sur les pigeons''. Elle l'est aussi parce qu'elle tend à créer, dans le code de l'environnement, la catégorie inédite des animaux liminaires définis comme les animaux non domestiques vivant en liberté dans un environnement urbain.

 

 B/ Protéger les animaux sauvages

 

Même s'ils n'ont pas cru devoir viser directement la première phrase de l'article 515-14 du Code civil , le député apparenté LFI Aymeric Caron et les députées écologistes Marie-Charlotte Garin et Julie Ozenne sont partis de l'idée que les animaux non-humains sont des êtres doués de sensibilité dont l'intégrité physique et psychologique doit être protégée pour déposer, le 17 avril 2025, une proposition n° 1300 visant à interdire, sous la menace d'une peine de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende les pièges de régulation non sélectifs. Cette nouvelle tentative d'étendre à des animaux sauvages vivants à l'état de liberté naturelle dédaignés par l'article 521-1 du Code pénal une protection contre les traitements les plus cruels qui puissent leur être infligés par des pièges à chasse qui les tuent, les mutilent, les blessent ou les étranglent doit être vivement saluée.

La proposition n°653 visant à interdire la pêche au vif déposée le 3 décembre 2024 par le député Gabriel Amar et ses collègues du groupe LFI ne visent pas seulement la protection des animaux d'élevage puisque les appâts vivants utilisés de la plus sordide des manières proviennent régulièrement d'élevages. Il n'en reste pas moins que les poissons, céphalopodes et crustacés dont la proposition prend acte de ce que, suivant un consensus scientifique, ils ressentent la douleur, sont des animaux sauvages retirés du même plan d'eau pour appâter, dans les plus cruelles souffrances qu'il s'agit de limiter sans en venir à des sanctions pénales, les carnassiers à savoir brochets, sandres, perches et autres silures.

Indépendamment de leur sensibilité, ce sont indirectement mais exclusivement les animaux sauvages vivants à l'état de liberté naturelle qui profiteraient des éventuels succès des tentatives de régulation de l'importation et de l'exportation des trophées de chasse d'espèces protégées relayées par la proposition transpartisane n° 1320 du 17 août 2025 déposée par la députée écologiste Sandra Regoul suivie par plus de 80 collègues de presque tous les bords à laquelle fait écho la proposition n° 741 du 12 juin 2025 du sénateur écologiste Yannick Jadot.

Au confluent du droit animalier et du droit de l'environnement, on trouve la proposition n° 1495 présentée le 4 juin 2025 par le député LFI Loïc Prud'homme et 5 de ses collègues de gauche qui vise à renforcer l'indépendance et la transparence des procédures d'autorisation des pesticides dont l'influence néfaste sur les insectes pollinisateurs et particulièrement les abeilles domestiques et sauvages est dûment rappelée. On y observe également la proposition n° 492 du 27 mars 2025 déposée par la sénatrice écologiste Mathilde Ollivier et plusieurs de ses collègues visant à mieux protéger les écosystèmes marins qui a donné lieu le 4 juin 2025 à un rapport n° 697 rédigé par le sénateur Jacques Fernique au nom de la Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.

 

 C/ Protéger les animaux domestiques

 

Pour surmonter les échecs successifs de propositions d'abolition de la corrida, le député apparenté LFI Aymeric Caron a cru devoir, le 17 avril 2025, ressusciter sous le n° 1292 sa célèbre proposition avortée qui vise à l'obtenir sans la moindre référence à la qualité d'êtres sensibles des taureaux de combat sous l'intitulé toujours aussi lunaire ''un petit pas pour l'animal, un grand pas pour l'humanité''. Plutôt que de critiquer à nouveau le caractère plus théâtral que juridique de l'exposé des motifs de cette proposition, il conviendra de mettre en lumière la remarquable qualité technique d'autres propositions de lois déposées le même jour par ce médiatique député. Sous le n° 1293, il en a présenté une tendant à interdire l'élevage de poulpes sur le territoire français qui invoque avec une grande précision les aptitudes cognitives hors du commun de ces céphalopodes ainsi que leur qualité d'animaux sentients capables de ressentir la douleur, la souffrance, l'angoisse, l'ennui et la joie. Peut-être l'initiative aurait-elle gagné encore en rigueur technique si, plutôt que de se référer à la sentience, qui est encore scientifiquement trop imprécise pour devenir un concept juridique opérationnel, elle s'était placée dans le prolongement logique de l'article 515-14 du Code civil. En revanche, cette référence, essentielle pour assurer la cohérence de l'évolution du droit animalier français, n'a pas été oubliée dans le très dense exposé des motifs de la proposition n° 1294 visant à reconnaître le droit à l'objection de conscience à l'expérimentation animale pour les étudiants et à encourager la réduction du nombre des animaux utilisés dans la recherche et l'enseignement. Il est politiquement intéressant d'observer la convergence technique de cette proposition venue des frontières de LFI avec celle visant à interdire l'expérimentation animale et créant une objection de conscience que, avec la même référence majeure à l'article 515-14 du Code civil, le député du groupe RN Sébastien Chenu et, notamment, sa présidente Marine Le Pen avaient déposée le 22 février 2022 sous le n° 5086 de la 15ème législature. Toujours le 17 avril 2025, le député Aymeric Caron a présenté une proposition n° 1299, moins richement argumentée mais néanmoins digne d'intérêt, visant à interdire les euthanasies de convenance des chiens et des chats qui ont gagné depuis longtemps la qualification d'animaux de compagnie. La proposition n° 228 déposé le 7 janvier 2025 par le sénateur LR Arnaud Bazin tend à aider les lapins à y entrer de plain-pied. Présentée comme une mise en conformité tardive avec la Convention européenne pour la protection des animaux de compagnie du 13 novembre 1987 et ratifiée par la France le 1er mai 2004, elle a en effet pour objet le contrôle des élevages des lapins de compagnie et leur identification. Se fonder sur les sources internationales du droit animalier pour tenter d'améliorer le sort de certains animaux est une très louable initiative que l'on avait déjà pu observer dans les propositions qui invoquaient les recommandations et les observations du Comité des droits de l'enfant de l'ONU pour justifier l'interdiction aux mineurs de 16 ans de l'accès aux corridas (Cf. cette chronique RSDA n° 1/2024). Elle ne devrait pourtant pas dispenser de s'abreuver aussi aux sources du droit animalier français et notamment à la première phrase de l'article 515-14 du Code civil qui pourrait aussi renforcer la cohérence de la protection des lapins de compagnie.

Participe aussi à la protection des animaux de compagnie ou qui l'ont été dans un passé récent, la proposition n° 1310 présentée le 17 avril 2025 par le député de la droite républicaine Corentin Le Fur visant à exonérer de la TVA les actes de stérilisation et de castration des chiens et des chats errants réalisés à la demande des associations de défense et de protection des animaux. Il faut accorder une attention particulière à la proposition n° 241 visant à faciliter la mobilité des chiens d'assistance accompagnant les militaires en état de stress post-traumatique, déposée le 15 janvier 2025 par la sénatrice de l'Union centriste Jocelyne Guidez suivie par plus de 90 de ses collègues. Pour convaincre de compléter par une nouvelle catégorie de chiens accompagnateurs la loi qui s'est déjà intéressée aux chiens-guides et aux chiens d'assistance des personnes atteintes d'un handicap, elle présente en effet le double intérêt de mettre en évidence le concept de binôme constitué d'un animal et d'un être humain et de donner de la consistance à l'objectif de conforter le lien entre les animaux et les hommes que la loi du 30 novembre 2021 affiche crânement dans son intitulé sans en tirer grande conséquence.

 

II/ Les initiatives visant à préserver les activités profitant des animaux

 

Si les propositions tendant à protéger contre les espèces et les animaux dangereux, envahissants, inquiétants ou dérangeants se sont raréfiées, celles qui cherchent à préserver les conditions de telle ou telle modalité de leur exploitation devenue problématique ont gardé une certaine vitalité. Les députés se sont intéressés à la chasse et à la tradition, les sénateurs se sont occupés de la pêche.

 

A/ Soulager les chasseurs et les organisateurs de festivités traditionnelles du poids de la responsabilité

 

On sait que, en contrepartie de la mission de régulation des populations de gibier dont le Code de l'environnement les a investies pour leur plus grande fierté, les fédérations départementales de chasseurs sont tenues d'indemniser les sylviculteurs et les agriculteurs des dommages causés par le grand gibier. Comme ils seraient déshonorés si la régulation s'opérait par des méthodes contraceptives alternatives à la chasse, elles sont un peu dépassées par la prolifération des sangliers et la multiplication des demandes d'indemnisation qui en résulte. Cependant, la passion de la chasse leur confère évidemment un titre légitime à exiger le beurre et l'argent du beurre. Aussi n'ont-elles pas eu trop de difficultés à convaincre la député RN Stéphanie Galzy et un grand nombre d'autres membres de son groupe parlementaire de déposer le 4 juin 2025 une proposition n° 1500 visant à réformer le système d'indemnisation des dégâts du grand gibier qui les déchargeraient de l'obligation d'indemniser pour la remplacer par une simple contribution à un fonds national d'indemnisation des dégâts causés par le grand gibier qui en prendrait le relais.

Dans le même ordre d'idée généreuse de transfert du poids de la responsabilité, le député Charles Alloncle de l'Union des droites pour la République a présenté le 10 juin 2025 une proposition n° 1543 visant à modifier le régime de responsabilité applicable en matière de fêtes traditionnelles camarguaises. Les manadiers, sont responsables sur le fondement classique de l'article 1243 du Code civil des dommages causés aux cours de ces manifestations festives par les animaux dont ils sont juridiquement les gardiens. Or, les accidents sont si nombreux que les primes d'assurance ont augmenté à un niveau tellement élevé que l'assureur historique de la plupart des manadiers a annoncé son désengagement imminent au grand risque d'entraîner la disparition des festivités traditionnelles et la fermeture de nombreuses manades. C'est pourquoi la proposition Alloncle vise à introduire une dérogation aux règles de la responsabilité civile qui exonérerait les manadiers, les organisateurs lorsque le spectateur blessé aurait enfreint les consignes de sécurité dûment communiquées.

 

 B/ Abriter la filière pêche des conséquences de la protection des petits cétacés

 

On sait que, sous la menace d'une procédure d'infraction ouverte par la Commission européenne depuis 2020 et sur injonction du Conseil d'État, les autorités françaises ont décidé en octobre 2023 une fermeture spatio-temporelle, c'est à dire dans le Golfe de Gascogne et pendant un mois, soit du 22 janvier au 20 février jusqu'en 2026, de la pêche aux moyens d'engins tels que les filets, les chaluts pélagiques et les sennes coulissantes qui provoquent de nombreuses prises accessoires et accidentelles de petits cétacés, autrement dit de dauphins. L'efficacité de la mesure a été démontrée puisque, en 2024 les captures accidentelles de dauphins ont été divisées par 4. Seulement la rapidité de leur mise en œuvre aurait entraîné des conséquences disproportionnées en déstabilisant la filière pêche et en exacerbant les tensions entre professionnels, scientifiques et associations de la nature. C'est pourquoi, le 9 avril 2025, les sénateurs Alain Cadec, Yves Bleunven et Philippe Grosvalet, respectivement LR, centriste et socialiste, ont délivré au nom de la Commission des affaires économiques un rapport d'information enregistré sous le n° 525 relatif à la pêche dans le Golfe de Gascogne. Qualifiant de légitimes les critiques relatives au coût disproportionné pour la filière pêche d'une mesure efficace pour la protection des petits cétacés, il préconise une réouverture de la pêche après 2026 dans des conditions qui permettraient quand même un maintien de l'état de conservation favorable au dauphin commun.

     

    RSDA 1-2025

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