Actualité juridique : Législation

Chronique d'actualité des initiatives parlementaires d'intérêt animalier

Entre novembre 2024 et juin 2025, on a encore pu recenser près d'une vingtaine d'initiatives parlementaires d'intérêt animalier qui sont presque exclusivement des propositions de lois et qui ont été majoritairement déposées par des députés. Les traits marquant de ce semestre sont l'absence de propositions, pour ne plus dire PPL, visant directement à protéger contre les animaux et la multiplication de celles qui visent à limiter les souffrances des animaux sauvages ou liminaires. Le plan sera donc réaménagé en conséquence et ne comprendra pour cette fois que deux parties.

 

I/ Les initiatives visant à renforcer la protection des animaux

 

A/ Protéger les animaux liminaires

 

L'article 515-14 du Code civil proclamant que les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité sans distinguer, comme le fait l'article L 214-1 du Code rural et de la pêche maritime, selon qu'ils ont un propriétaire ou qu'ils n'en n'ont pas, tous devraient être protégés contre les sévices graves et les actes de cruauté. Nul parlementaire ne se risque plus guère, comme l'avait encore fait le 19 juin 2014 la députée Laurence Abeille par un amendement CD 358 à la loi sur la biodiversité, à proposer une extension des dispositions de l'article 521-1 du Code pénal aux animaux sauvages, mais la cruauté particulière qui frappe certains d'entre eux ne laisse pas indifférents les députés et les sénateurs. Au cours du semestre considéré, ils ont été plus nombreux que d'ordinaire à exprimer ce remords sélectif. Les premiers bénéficiaires de cette sollicitude sont les animaux souvent dénommés liminaires depuis que le Zoopolis de Kamlincka et Donaldson les a mis en évidence. Bien que dépourvus de propriétaires ils vivent essentiellement dans un milieu anthropisé et urbanisé à proximité des humains, lesquels n'hésitent pas à utiliser les moyens les plus sordides pour s'en défaire, à l'exemple des pièges à colle qui visent les rats et les souris.

C'est précisément pour interdire les captures d'animaux par des pièges à colle que, le 17 avril 2025, été déposée par le député Gabriel Amard et ses collègues du groupe LFI une proposition de loi n° 1324 qui fait écho à une proposition n° 388 déposée quelques semaines plus tôt, le 3 mars 2025, par le sénateur socialiste Bernard Jomier. La proposition sénatoriale, relevant que de nombreuses enseignes spécialisées ont fait récemment le choix de ne plus commercialiser des pièges à colle qui infligent de longues souffrances intolérables, a le mérite de prévoir des sanctions pénales pouvant aller jusqu'à 30 000 euros d'amende et un an de prison à l'encontre des distributeurs qui n'auraient pas le même sens de la responsabilité éthique et environnementale. Même si elle s'en tient à inscrire l'interdiction de la fabrication, de la vente et de l'utilisation des pièges à colle dans le Code de l'environnement, la proposition du député Amard mérite une mention particulière. Dans l'exposé des motifs, il invoque en effet un argument dont on s'étonne qu'il ne soit pas plus régulièrement mis en avant depuis l'introduction de l'article 515-14 dans le Code civil, à savoir que les interdictions relatives aux pièges à colle ''sont la solution pour réellement respecter les droits des animaux, êtres vivants doués de sensibilité et ayant des droits''. Certes, cette affirmation exagère-t-elle la portée de l'innovation introduite par la loi du 16 février 2015 qui, si elle a procédé à l'extraction des animaux de la catégorie des biens, n'en a pas fait pour autant des sujets de droit. Le raisonnement dans lequel elle inscrit le rappel de la formule de l'article 515-14 suivant laquelle les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité n'en est pas moins remarquable et devrait, à l'avenir, en inspirer d'autres, pour tirer plus rigoureusement les conséquences de la nouvelle qualification civile des animaux. Il est d'autant plus louable que, de manière à peu près inédite, il est développé à l'égard de pratiques frappant essentiellement des animaux qui ne sont pas appropriés.

D'autres animaux liminaires, les pigeons ont retenu l'attention de la députée Ersilia Soudais et ses collègues du groupe LFI qui ont déposé le 4 février 2025 une proposition n° 903 importante à plusieurs égards. Elle l'est tout d'abord parce que, tenant compte de la violence des méthodes de capture, de gazage, d'effarouchement, de stérilisation chirurgicale utilisées pour en assurer la gestion, elle vise à ''interdire les méthodes cruelles sur les pigeons''. Elle l'est aussi parce qu'elle tend à créer, dans le code de l'environnement, la catégorie inédite des animaux liminaires définis comme les animaux non domestiques vivant en liberté dans un environnement urbain.

 

 B/ Protéger les animaux sauvages

 

Même s'ils n'ont pas cru devoir viser directement la première phrase de l'article 515-14 du Code civil , le député apparenté LFI Aymeric Caron et les députées écologistes Marie-Charlotte Garin et Julie Ozenne sont partis de l'idée que les animaux non-humains sont des êtres doués de sensibilité dont l'intégrité physique et psychologique doit être protégée pour déposer, le 17 avril 2025, une proposition n° 1300 visant à interdire, sous la menace d'une peine de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende les pièges de régulation non sélectifs. Cette nouvelle tentative d'étendre à des animaux sauvages vivants à l'état de liberté naturelle dédaignés par l'article 521-1 du Code pénal une protection contre les traitements les plus cruels qui puissent leur être infligés par des pièges à chasse qui les tuent, les mutilent, les blessent ou les étranglent doit être vivement saluée.

La proposition n°653 visant à interdire la pêche au vif déposée le 3 décembre 2024 par le député Gabriel Amar et ses collègues du groupe LFI ne visent pas seulement la protection des animaux d'élevage puisque les appâts vivants utilisés de la plus sordide des manières proviennent régulièrement d'élevages. Il n'en reste pas moins que les poissons, céphalopodes et crustacés dont la proposition prend acte de ce que, suivant un consensus scientifique, ils ressentent la douleur, sont des animaux sauvages retirés du même plan d'eau pour appâter, dans les plus cruelles souffrances qu'il s'agit de limiter sans en venir à des sanctions pénales, les carnassiers à savoir brochets, sandres, perches et autres silures.

Indépendamment de leur sensibilité, ce sont indirectement mais exclusivement les animaux sauvages vivants à l'état de liberté naturelle qui profiteraient des éventuels succès des tentatives de régulation de l'importation et de l'exportation des trophées de chasse d'espèces protégées relayées par la proposition transpartisane n° 1320 du 17 août 2025 déposée par la députée écologiste Sandra Regoul suivie par plus de 80 collègues de presque tous les bords à laquelle fait écho la proposition n° 741 du 12 juin 2025 du sénateur écologiste Yannick Jadot.

Au confluent du droit animalier et du droit de l'environnement, on trouve la proposition n° 1495 présentée le 4 juin 2025 par le député LFI Loïc Prud'homme et 5 de ses collègues de gauche qui vise à renforcer l'indépendance et la transparence des procédures d'autorisation des pesticides dont l'influence néfaste sur les insectes pollinisateurs et particulièrement les abeilles domestiques et sauvages est dûment rappelée. On y observe également la proposition n° 492 du 27 mars 2025 déposée par la sénatrice écologiste Mathilde Ollivier et plusieurs de ses collègues visant à mieux protéger les écosystèmes marins qui a donné lieu le 4 juin 2025 à un rapport n° 697 rédigé par le sénateur Jacques Fernique au nom de la Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.

 

 C/ Protéger les animaux domestiques

 

Pour surmonter les échecs successifs de propositions d'abolition de la corrida, le député apparenté LFI Aymeric Caron a cru devoir, le 17 avril 2025, ressusciter sous le n° 1292 sa célèbre proposition avortée qui vise à l'obtenir sans la moindre référence à la qualité d'êtres sensibles des taureaux de combat sous l'intitulé toujours aussi lunaire ''un petit pas pour l'animal, un grand pas pour l'humanité''. Plutôt que de critiquer à nouveau le caractère plus théâtral que juridique de l'exposé des motifs de cette proposition, il conviendra de mettre en lumière la remarquable qualité technique d'autres propositions de lois déposées le même jour par ce médiatique député. Sous le n° 1293, il en a présenté une tendant à interdire l'élevage de poulpes sur le territoire français qui invoque avec une grande précision les aptitudes cognitives hors du commun de ces céphalopodes ainsi que leur qualité d'animaux sentients capables de ressentir la douleur, la souffrance, l'angoisse, l'ennui et la joie. Peut-être l'initiative aurait-elle gagné encore en rigueur technique si, plutôt que de se référer à la sentience, qui est encore scientifiquement trop imprécise pour devenir un concept juridique opérationnel, elle s'était placée dans le prolongement logique de l'article 515-14 du Code civil. En revanche, cette référence, essentielle pour assurer la cohérence de l'évolution du droit animalier français, n'a pas été oubliée dans le très dense exposé des motifs de la proposition n° 1294 visant à reconnaître le droit à l'objection de conscience à l'expérimentation animale pour les étudiants et à encourager la réduction du nombre des animaux utilisés dans la recherche et l'enseignement. Il est politiquement intéressant d'observer la convergence technique de cette proposition venue des frontières de LFI avec celle visant à interdire l'expérimentation animale et créant une objection de conscience que, avec la même référence majeure à l'article 515-14 du Code civil, le député du groupe RN Sébastien Chenu et, notamment, sa présidente Marine Le Pen avaient déposée le 22 février 2022 sous le n° 5086 de la 15ème législature. Toujours le 17 avril 2025, le député Aymeric Caron a présenté une proposition n° 1299, moins richement argumentée mais néanmoins digne d'intérêt, visant à interdire les euthanasies de convenance des chiens et des chats qui ont gagné depuis longtemps la qualification d'animaux de compagnie. La proposition n° 228 déposé le 7 janvier 2025 par le sénateur LR Arnaud Bazin tend à aider les lapins à y entrer de plain-pied. Présentée comme une mise en conformité tardive avec la Convention européenne pour la protection des animaux de compagnie du 13 novembre 1987 et ratifiée par la France le 1er mai 2004, elle a en effet pour objet le contrôle des élevages des lapins de compagnie et leur identification. Se fonder sur les sources internationales du droit animalier pour tenter d'améliorer le sort de certains animaux est une très louable initiative que l'on avait déjà pu observer dans les propositions qui invoquaient les recommandations et les observations du Comité des droits de l'enfant de l'ONU pour justifier l'interdiction aux mineurs de 16 ans de l'accès aux corridas (Cf. cette chronique RSDA n° 1/2024). Elle ne devrait pourtant pas dispenser de s'abreuver aussi aux sources du droit animalier français et notamment à la première phrase de l'article 515-14 du Code civil qui pourrait aussi renforcer la cohérence de la protection des lapins de compagnie.

Participe aussi à la protection des animaux de compagnie ou qui l'ont été dans un passé récent, la proposition n° 1310 présentée le 17 avril 2025 par le député de la droite républicaine Corentin Le Fur visant à exonérer de la TVA les actes de stérilisation et de castration des chiens et des chats errants réalisés à la demande des associations de défense et de protection des animaux. Il faut accorder une attention particulière à la proposition n° 241 visant à faciliter la mobilité des chiens d'assistance accompagnant les militaires en état de stress post-traumatique, déposée le 15 janvier 2025 par la sénatrice de l'Union centriste Jocelyne Guidez suivie par plus de 90 de ses collègues. Pour convaincre de compléter par une nouvelle catégorie de chiens accompagnateurs la loi qui s'est déjà intéressée aux chiens-guides et aux chiens d'assistance des personnes atteintes d'un handicap, elle présente en effet le double intérêt de mettre en évidence le concept de binôme constitué d'un animal et d'un être humain et de donner de la consistance à l'objectif de conforter le lien entre les animaux et les hommes que la loi du 30 novembre 2021 affiche crânement dans son intitulé sans en tirer grande conséquence.

 

II/ Les initiatives visant à préserver les activités profitant des animaux

 

Si les propositions tendant à protéger contre les espèces et les animaux dangereux, envahissants, inquiétants ou dérangeants se sont raréfiées, celles qui cherchent à préserver les conditions de telle ou telle modalité de leur exploitation devenue problématique ont gardé une certaine vitalité. Les députés se sont intéressés à la chasse et à la tradition, les sénateurs se sont occupés de la pêche.

 

A/ Soulager les chasseurs et les organisateurs de festivités traditionnelles du poids de la responsabilité

 

On sait que, en contrepartie de la mission de régulation des populations de gibier dont le Code de l'environnement les a investies pour leur plus grande fierté, les fédérations départementales de chasseurs sont tenues d'indemniser les sylviculteurs et les agriculteurs des dommages causés par le grand gibier. Comme ils seraient déshonorés si la régulation s'opérait par des méthodes contraceptives alternatives à la chasse, elles sont un peu dépassées par la prolifération des sangliers et la multiplication des demandes d'indemnisation qui en résulte. Cependant, la passion de la chasse leur confère évidemment un titre légitime à exiger le beurre et l'argent du beurre. Aussi n'ont-elles pas eu trop de difficultés à convaincre la député RN Stéphanie Galzy et un grand nombre d'autres membres de son groupe parlementaire de déposer le 4 juin 2025 une proposition n° 1500 visant à réformer le système d'indemnisation des dégâts du grand gibier qui les déchargeraient de l'obligation d'indemniser pour la remplacer par une simple contribution à un fonds national d'indemnisation des dégâts causés par le grand gibier qui en prendrait le relais.

Dans le même ordre d'idée généreuse de transfert du poids de la responsabilité, le député Charles Alloncle de l'Union des droites pour la République a présenté le 10 juin 2025 une proposition n° 1543 visant à modifier le régime de responsabilité applicable en matière de fêtes traditionnelles camarguaises. Les manadiers, sont responsables sur le fondement classique de l'article 1243 du Code civil des dommages causés aux cours de ces manifestations festives par les animaux dont ils sont juridiquement les gardiens. Or, les accidents sont si nombreux que les primes d'assurance ont augmenté à un niveau tellement élevé que l'assureur historique de la plupart des manadiers a annoncé son désengagement imminent au grand risque d'entraîner la disparition des festivités traditionnelles et la fermeture de nombreuses manades. C'est pourquoi la proposition Alloncle vise à introduire une dérogation aux règles de la responsabilité civile qui exonérerait les manadiers, les organisateurs lorsque le spectateur blessé aurait enfreint les consignes de sécurité dûment communiquées.

 

 B/ Abriter la filière pêche des conséquences de la protection des petits cétacés

 

On sait que, sous la menace d'une procédure d'infraction ouverte par la Commission européenne depuis 2020 et sur injonction du Conseil d'État, les autorités françaises ont décidé en octobre 2023 une fermeture spatio-temporelle, c'est à dire dans le Golfe de Gascogne et pendant un mois, soit du 22 janvier au 20 février jusqu'en 2026, de la pêche aux moyens d'engins tels que les filets, les chaluts pélagiques et les sennes coulissantes qui provoquent de nombreuses prises accessoires et accidentelles de petits cétacés, autrement dit de dauphins. L'efficacité de la mesure a été démontrée puisque, en 2024 les captures accidentelles de dauphins ont été divisées par 4. Seulement la rapidité de leur mise en œuvre aurait entraîné des conséquences disproportionnées en déstabilisant la filière pêche et en exacerbant les tensions entre professionnels, scientifiques et associations de la nature. C'est pourquoi, le 9 avril 2025, les sénateurs Alain Cadec, Yves Bleunven et Philippe Grosvalet, respectivement LR, centriste et socialiste, ont délivré au nom de la Commission des affaires économiques un rapport d'information enregistré sous le n° 525 relatif à la pêche dans le Golfe de Gascogne. Qualifiant de légitimes les critiques relatives au coût disproportionné pour la filière pêche d'une mesure efficace pour la protection des petits cétacés, il préconise une réouverture de la pêche après 2026 dans des conditions qui permettraient quand même un maintien de l'état de conservation favorable au dauphin commun.

     

    RSDA 1-2025

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