Doctrine et débats

« Préjudice animalier », neutralisation des décisions de l’État attentatoires à la vie de l’animal sauvage… : quelles avancées pour le droit français de la protection animale ?

  • Cassandre Genonceau
    Avocat et Docteur en droit

Résumé

 

À ce jour la protection de l’animal est appréhendée par le droit français sous un prisme anthropocentrique. La protection de cet être vivant implique une conciliation entre le souci de ne pas lui infliger de souffrances inutiles et celui d’assurer le respect des droits humains en lien avec l’exploitation de l’animal, ce qui n’est pas sans difficultés. Le droit positif n’a pas encore consacré de véritable statut juridique propre à l’animal : qualifié de bien meuble mais se distinguant des choses inertes, les règles qui lui sont applicables découlent de considérations strictement humaines. Néanmoins, ces dernières années ont été marquées par une évolution favorable de la législation et de la jurisprudence quant au souci de reconnaître et de limiter la souffrance de l’animal, au point que le droit de la protection animale pourrait finalement être animé par le souci de conférer une protection propre à ce dernier, quitte à préjudicier aux droits et libertés de l’Homme. À cet égard, la position de certaines juridictions judiciaires et administratives de première instance a récemment relancé le débat sur la personnalisation de cet être vivant. En tout état de cause, en tant qu’être sensible1 partie intégrante du patrimoine commun de la nation2, l’animal est semblable à l’Homme ; la présente contribution se propose d’interroger les effets juridiques de cette similarité sous le prisme de la protection contre la maltraitance et du bien-être animal.

1. Fin 2024, le sort d’une laie sauvage apprivoisée surnommée Rillette par sa détentrice a heurté une partie de la société. Le mammifère était menacé de saisie et d’euthanasie par la préfecture de l’Aube compte tenu des irrégularités administratives afférentes à sa détention – l’animal, alors marcassin et vivant à l’état sauvage mais nécessitant des soins, avait été extrait de la nature sans déclaration préalable. Des pétitions engendrant un grand nombre de signatures ont manifesté la forte désapprobation de l’opinion publique quant aux risques encourus par l’animal, eu égard notamment au lien d’affection manifeste unissant l’animal et sa détentrice et à l’absence de dangerosité de cet être vivant apprivoisé, avant que la justice n’ordonne finalement à la préfecture de revoir sa copie3. Au-delà de l’imbroglio administratif afférent à la détention d’un animal sauvage, cette affaire révèle également à quel point il est délicat pour le droit de se saisir de la question de la protection animale. Cela implique de s’interroger sur le rapport de l’Homme à l’animal, et subséquemment de questionner la nature juridique de ce dernier et d’évaluer la teneur et la portée de la responsabilité de l’Homme à son égard.

2. Être dénué de raison et nécessaire à la survie et au bien-être de l’Homme, l’animal est destiné à l’exploitation. Pour autant, l’animal n’est dénué ni de conscience, ni d’émotions – certaines espèces, tout du moins. Ainsi, il ne saurait être l’égal de l’Homme, mais il ne saurait davantage être assimilé à une chose. Si le législateur a depuis longtemps entendu contrôler la liberté de l’Homme de disposer d’un animal, qui ne saurait (plus) être absolue, des efforts restent à fournir. Récemment, certaines juridictions administratives et judiciaires ont pris le parti d’alourdir la responsabilité de l’État et des particuliers à l’égard des animaux dans une mesure tout à fait inédite, qu’il s’agisse d’interrompre brutalement un vaste projet économique et social afin de ne pas détruire des espèces animales protégées, de personnaliser l’animal objet de maltraitance en lui reconnaissant implicitement la qualité de victime d’une infraction pénale, ou encore de suspendre en urgence une décision administrative susceptible de conduire à la mise à mort d’une espèce sauvage apprivoisée. La présente contribution propose de dresser un état des lieux des évolutions jurisprudentielles récentes dans le domaine de la protection animale et des perspectives législatives qu’il reste à explorer pour parfaire cette protection ; elle interroge également les limites d’une telle protection en termes de moyens et d’objectifs eu égard à l’indispensable primauté de la personne humaine par rapport à tout autre être vivant4, ne serait-ce que pour garantir la survie et la conservation de l’Homme.

3. Sensible à son environnement et dépendant de celui-ci – et partant semblable à l’Homme –, l’animal n’est définitivement pas un objet de droit comme les autres (I). En dépit de son incapacité à jouir de droits subjectifs, sa protection est garantie par le législateur et le juge, qui ont progressivement consenti à limiter les droits et libertés de l’Homme en faveur du bien-être animal (II).

 

I. L’animal, être sensible et partie intégrante du patrimoine naturel : fondement de la protection

 

4. La sensibilité de l’animal est explicitement reconnue par le droit français et a été réaffirmée avec force en 2015 en intégrant le Code civil ; partant, elle est opposable à l’Homme et produit nécessairement des effets juridiques. Pour autant, le droit n’offre pas de protection à l’animal pour ce qu’il est mais pour ce qu’il représente pour l’Homme, de sorte que le rapport juridique de l’Homme à l’animal n’a pas fondamentalement changé (A). Il reste que la sensibilité de l’animal justifie la consécration d’un régime juridique propre, distinct de celui afférent aux autres biens meubles (B).

 

A. Le rapport de l’Homme à l’animal saisi par le droit

 

5. L’étude du rapport de l’Homme à l’animal, riche d’enseignements en ce qu’il intéresse l’interaction entre la morale et le droit, a naturellement fait l’objet de nombreuses réflexions sociologiques, historiques, philosophiques ou environnementales5. Néanmoins, ce rapport reste délicat à appréhender pour le droit. Évaluer le degré de protection à offrir à l’animal implique en définitive de questionner la part de sacrifice que l’Homme est prêt à consentir pour garantir le bien-être animal, sans autre contrepartie que la satisfaction de protéger un être vivant qui n’échappera en tout état de cause jamais à sa condition de dominé. Cette problématique intéressait déjà les jusnaturalistes il y a quelques siècles, sans que le législateur français ne s’en saisisse. L’animal n’était autrement perçu que comme une chose, certes animée mais privée de raison6, de sorte que, si la cruauté et l’exploitation déraisonnées était contraires à la morale7, cet automate en mouvement était voué à la domination absolue8. Au milieu du XXème siècle, l’appréhension de la condition de l’Homme par le droit a paradoxalement éveillé la conscience de la communauté internationale (ou au moins européenne9) sur la condition de l’animal : ainsi, s’ils poursuivent des objectifs distincts, le droit de l’environnement – qui prône la protection du patrimoine naturel et de ses composantes, au service de l’être humain – et celui afférent aux droits de l’Homme ont révélé que l’humanité, au-delà d’être précieuse et sacrée pour l’ensemble des peuples démocratiques, était synonyme de responsabilité. Vis-à-vis de l’animal, cette responsabilité apparaît toutefois limitée par rapport au respect dû à la vie, à la liberté et à la dignité de l’être humain.

6. Le droit français de la protection animale, dont les normes sont principalement contenues dans le Code rural et de la pêche maritime, le Code pénal et le Code de l’environnement, s’est construit autour de deux considérations :

  • d’une part, l’animal est un être sensible, capable de ressentir et de communiquer des émotions. Ainsi, la notion de sensibilité10 a été érigée comme fondement légal de la protection de l’animal11. Si elle peut paraître critiquable au premier abord, l’absence de définition de la notion d’être vivant « sensible » dans les textes permet au droit d’appréhender un grand nombre de situations attentatoires à la vie ou à l’intégrité physique ou psychique de l’animal, qu’il s’agisse d’un animal domestique, apprivoisé et de rente et – dans une moindre mesure cependant – vivant à l’état sauvage ;
  • d’autre part, l’animal (sauvage) est considéré comme une partie intégrante du patrimoine naturel dans le droit de l’environnement. À la différence d’autres branches du droit (droit pénal, droit rural), la protection de l’animal sauvage, notamment régie par le Code de l’environnement, présente une dimension moins morale qu’utilitariste. L’animal sauvage n’est pas qualifié d’être sensible. Certaines espèces méritent d’être protégées parce qu’elles présentent un intérêt scientifique ou environnemental particulier pour l’Homme12 (la primeur de la protection étant en définitive donnée à l’épanouissement de l’être humain13) ; la souffrance de l’animal sauvage est admise même lorsqu’il ne représente pas un danger sécuritaire ou sanitaire pour l’Homme (destruction d’espèces nuisibles – mais pas nécessairement dangereuses14 –, expériences scientifiques15, chasse – qualifiée d’activité à caractère environnemental, culturel, social et économique16).

7. Ainsi, la protection de l’animal en droit français présente une dimension largement anthropocentrée. L’animal n’est pas protégé pour lui-même mais pour ce qu’il représente pour l’Homme ou pour ce qu’il lui apporte : la protection de l’animal en droit français découle de son utilité pour l’être humain (protection de certaines espèces sauvages indispensables à la préservation de l’environnement, lui-même indispensable aux besoins essentiels de l’Homme ; respect des besoins physiologiques de l’animal de rente dans le cadre d’un enjeu sanitaire), de l’affection que l’Homme lui porte (animaux de compagnie, qu’ils soient domestiques, apprivoisés ou captifs) et des valeurs morales que l’Homme choisit de s’appliquer à lui-même (réglementation applicable à la lutte contre la maltraitance des animaux domestiques, apprivoisés ou captifs). On le constate dans les réactions suscitées par le sort de Rillette : l’émoi de l’opinion publique découle avant tout de l’attachement profond que lui porte sa détentrice. L’Homme s’identifie et compatit à la souffrance de son semblable. De la même façon, pour rejeter les demandes répétées de sa détentrice de garder l’animal, la préfète de l’Aube avait estimé que, dans la mesure où l’Homme n’avait pas choisi et organisé sa captivité avant sa naissance, l’animal ayant été « directement prélevé dans la nature », la laie n’avait aucune « origine licite » et ne pouvait en conséquence être appréhendée par le droit applicable à la détention d’animaux non domestiques17, de sorte que la nature juridique de l’animal ne dépendrait pas de son essence même mais de la seule volonté de l’Homme. Les prémices de la conceptualisation du droit de la protection animale apparus au XVIIIe siècle étaient marquées par cet anthropocentrisme : d’une part, l’Homme serait naturellement sensible à la souffrance de l’animal, être faible qu’il prend en pitié18 ; d’autre part, cet attribut naturel ferait naître un devoir moral, celui de lui éviter des souffrances inutiles19, mais sans pour autant créer de devoirs envers l’animal lui-même20.

8. La protection de l’animal est donc circonscrite à l’intérêt de l’Homme, ce qui entraîne des incidences concrètes sur son régime juridique. L’animal est un être sensible mais n’en reste pas moins un objet de droit. Son degré de protection dépend de la volonté du législateur, et à travers lui des valeurs que la société s’applique à elle-même, pour elle-même.

 

B. L’animal, un objet de droit particulier

 

9. S’il est évident que l’animal dénué de Raison ne saurait être titulaire d’obligations, il ne saurait davantage, à notre sens, être titulaire de droits21. En effet, l’accessibilité de l’animal à la catégorie de sujet – y compris passif – de droit ne paraît pas acceptable en l’état du droit positif français. D’abord, transposer la théorie des droits fondamentaux de l’Homme (fondés sur la condition d’être humain) à l’animal (droits qui seraient par exemple fondés sur son appartenance à la famille des êtres vivants doués de sensibilité) aurait pour effet de désacraliser l’Humanité. Ensuite, à supposer que l’animal se voit reconnaître la qualité de « personne non humaine », les droits subjectifs qui lui seraient reconnus se trouveraient nécessairement confrontés aux droits de l’Homme afférents à la vie, à la santé, à la propriété ou encore à la religion, et à l’impératif de sécurité et de salubrité publiques. L’on ne saurait concevoir un sujet de droit de seconde zone. Par ailleurs, comment arbitrer entre la vie de l’animal et la liberté de l’Homme d’en disposer22 ? Enfin, la reconnaissance de droits à l’animal ne présenterait aucun effet utile dans la mesure où cet être n’a ni conscience de sa position de dominé, ni les capacités d’échapper à cette condition23. Certes, la jouissance d’un droit n’est pas conditionnée à une capacité d’exercice pour son titulaire : ainsi des enfants et des personnes majeures protégées, considérées comme vulnérables ; de la même manière, la sensibilité de l’animal est reconnue par le législateur, qui attribue à l’Homme voire à l’État la responsabilité de sa protection. Il reste que l’enfant devient discernant à mesure qu’il grandit d’une part, et qu’il est voué à exercer pleinement ses droits à sa majorité d’autre part. Quant à l’adulte bénéficiaire d’une protection juridique et qui ne peut exercer ses droits par lui-même, c’est son appartenance à la communauté humaine qui fonde ses droits ; la sacralisation de son existence promue par les droits humains24, qui reflète la valeur de la personne humaine et constitue un idéal à atteindre25, ne saurait s’étendre à l’animal sans heurter les principes fondateurs des droits de l’Homme.

10. Faute pour l’animal de pouvoir prétendre à la qualité de sujet de droit, la protection qui lui est reconnue par le droit atteint ses limites à partir du moment où elle nuit au bien-être ou à la conservation de l’Homme, ou à ses droits et libertés. L’animal est un objet de consommation, de commerce, d’agrément, de divertissement et de culte26. Il est cessible, objet de paiement, de garantie27 ou de partage28, et saisissable29. Son sort dépend de la volonté de son propriétaire, qui peut « l’utiliser »30 comme bon lui semble : sous réserve des normes réprimant les actes de cruauté, les sévices graves et les mauvais traitements, le pouvoir du propriétaire sur le corps de l’animal (castration/stérilisation, insémination, toilettage, corrections éducatives31), sur sa liberté de mouvement, sur son environnement de vie et sur le choix de sa destination (agrément, élevage, commerce) apparaît absolu. La mise à mort d’animaux (y compris domestiques) est admise même lorsqu’ils ne présentent pas de danger pour l’Homme32, notamment s’ils sont errants33 ou qu’ils causent des « dégâts »34, sans que cela ne constitue un acte de cruauté au sens de la loi pénale. La contravention de mise à mort involontaire (mais fautive) d’un animal35 est moins réprimée que le délit d’acte de cruauté ou les sévices graves36, de sorte que le législateur pénal ne s’est pas donné pour objectif de conférer un caractère sacré à la vie de l’animal mais de sanctionner la violence purement gratuite de l’Homme – la répression de tels actes étant en définitive favorable à la moralité de l’être humain dans ses rapports avec ses semblables. Quant à l’intégrité de l’animal, le respect dû à la dépouille de l’être humain ne s’étend pas aux cadavres d’animaux (qualifiés selon les cas de « sous-produits animaux » ou de carcasses37), et à travers la répression des actes sexuels sur les animaux, c’est en réalité la déviance de l’Homme qui est sanctionnée38. Finalement, la primeur de la protection juridique est systématiquement donnée à l’Homme39, y compris lorsque cela induit pour l’animal une souffrance ou une mort parfaitement étrangères aux besoins strictement essentiels de l’être humain (chasse, corridas, expériences scientifiques…).

11. Pour autant, l’animal a progressivement acquis un statut juridique particulier qui le distingue des choses inertes, dépossédées de conscience et d’émotion40. Ainsi, l’animal n’a ni droits ni devoirs : c’est un objet particulier de droit qui se distingue des autres biens meubles eu égard à sa nature (un être vivant sensible) et à sa destination (voué à la domination de l’Homme). Certes, il est regrettable que l’absence de rationalisation du droit animalier n’ait pas encore permis la consécration d’une nouvelle catégorie juridique, celle des êtres sensibles, le régime juridique applicable à l’animal étant toujours inclus dans la catégorie des biens insérée dans le livre II du Code civil. Néanmoins, depuis 2015 l’animal n’est plus assimilé à un bien meuble qui se meut par lui-même (ancien article 528 du Code civil), c’est-à-dire à une sorte de machine animée, mais est désormais qualifié d’être vivant « soumis au régime des biens »41, et ce, « sous réserve des lois qui les protègent », de sorte que la protection animale constitue un motif légitime de limitation des droits et libertés de l’Homme (liberté de commerce ou de consommation42, droit au respect de la vie privée et familiale43, droit de propriété44…). Sa détention, son « utilisation » et sa cession sont régies par une réglementation spécifique45. La souffrance du propriétaire d’un animal dont la vie ou l’intégrité physique sont mises à mal par l’action ou l’abstention fautives de l’Homme constitue un préjudice moral indemnisable fondé sur le lien particulier qui unit l’animal à son détenteur46, distinct du préjudice matériel (frais d’entretien et de garde des animaux saisis47, perte de l’animal faisant naître un préjudice patrimonial et renvoyant l’animal à une valeur de remplacement48). C’est ce même lien d’affection qui protège l’animal de compagnie d’une saisie visant son propriétaire débiteur, l’animal étant considéré comme nécessaire « à la vie du débiteur et de sa famille »49. Le bien-être psychique de l’animal est également protégé à travers la consécration d’infractions constitutives non plus de sévices sexuels mais de véritables « atteintes sexuelles »50, qualification parfaitement identique à celles qui visent la personne humaine51 ; réprimées indépendamment de toute souffrance physique causée à l’animal, ces infractions semblent reconnaître une forme d’intégrité morale chez l’animal semblable à celle de l’être humain.

12. La protection reconnue à l’animal en considération de sa sensibilité le distingue nécessairement des autres biens meubles. Sans forcément lui reconnaître des droits, la sensibilité de l’animal justifie de faire peser sur l’être humain et l’État une responsabilité renforcée aux fins de le protéger. À cet égard, l’animal est un être incapable de jure comme de facto: il est dépourvu de la capacité intellectuelle et physique qui lui permettrait de se protéger de l’Homme en cas de besoin d’une part, et de la capacité juridique d’imposer par lui-même le respect par l’Homme de ses besoins fondamentaux d’autre part. Or, le législateur français ne semble manifestement pas prêt à consacrer une protection purement désintéressée de l’animal, c’est-à-dire allouée dans son intérêt propre et non pour satisfaire les besoins ou la moralité de l’Homme. Cependant, ces dernières années une conception moins anthropocentrée de la protection animale semble voir le jour dans la jurisprudence administrative et judiciaire.

 

II. L’animal, être incapable: quelle protection ?

 

13. La reconnaissance juridique de la sensibilité de l’animal aurait pu conduire à une protection accrue de cet être vivant. Pour autant, les normes applicables à la protection animale restent limitées dans leurs objectifs ou leurs effets et souffrent d’un manque de cohérence, ce qui nuit à la protection effective de tous les animaux (A). Pour autant, certaines juridictions de première instance semblent aujourd’hui promouvoir une protection renforcée de l’animal en priorisant le respect de sa vie et de ses besoins fondamentaux face à des enjeux humains économiques et sociaux ou liés à l’ordre public, voire en le personnalisant ; in fine, une approche désintéressée du droit de la protection animale pourrait voir le jour (B).

 

A. La lutte contre la maltraitance animale : un champ de protection inachevé

 

14. La répression de la maltraitance animale a intégré le droit pénal français au XIXe siècle par l’incrimination de la mise à mort d’un animal d’élevage ou domestique sans nécessité52 et des actes de maltraitance commis sur les animaux domestiques (infraction opposable au propriétaire ou au gardien comme à toute personne53), avant de faire l’objet d’une codification de ses principes et de ses règles au sein de l’ancien Code rural54 puis du nouveau Code pénal55. Le nouveau Code pénal du début des années 1990 consacre une protection propre à l’animal pour ce qu’il est, en dissociant la lutte contre la maltraitance de la protection du droit de propriété lorsque le fait est imputable non au propriétaire mais à autrui56. L’animal n’est plus assimilé à un (simple) bien mais à un être vivant capable de ressentir des émotions. Ce rejet de la chosification de l’animal en droit pénal impactera bien plus tard le droit civil : ce n’est qu’en 2015 que le Code civil proclamera la notion d’« être vivant doué de sensibilité » au sein du Livre II consacré aux biens (loi n° 2015-177 du 16 février 2015), nuançant (sans toutefois la renier) la traditionnelle classification des personnes et des biens. Outre la grave maltraitance envers un animal domestique, apprivoisé ou tenu en captivité, qui excède les simples « mauvais traitements », le législateur pénal qualifie de « sévices graves ou actes de cruauté57 » :l’abandon d’un animal domestique, apprivoisé ou tenu en captivité, les atteintes sexuelles commises sur un animal domestique, apprivoisé ou tenu en captivité, et le fait de mener des expériences scientifiques sur les animaux en violation de la réglementation applicable58. En parallèle, le Code rural et de la pêche maritime et le Code pénal consacrent une interdiction générale de se livrer à des mauvais traitements59 sur les animaux (« sans nécessité »60 ajoute toutefois le Code pénal) ; une telle interdiction est opposable à toute personne, notamment le gardien au sens large61 et l’exploitant d’un établissement détenant des animaux62, tel qu’un abattoir63. La protection contre la maltraitance animale s’étend à l’utilisation d’animaux vivants dans le cadre d’activités commerciales (vente, transport, hébergement, stationnement des animaux64) ou de divertissement65. L’on constate que le législateur français est progressivement passé d’une logique de bientraitance, limitée au respect des besoins physiologiques de l’animal à celle de bien-être animal66. Ainsi, la législation fait obligation à l’être humain – non seulement au propriétaire mais également à « tout Homme » – de détenir un animal dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce67 ; cette protection tient compte de la nature de l’animal, de ses caractéristiques propres et de la sensibilité à son environnement. Si les mauvais traitements ne sont pas définis par la loi, il apparaît que leur qualification recouvre non seulement le non-respect des besoins physiologiques de l’animal ou les blessures causées à l’animal, mais également les souffrances morales constitutives d’un état d’anxiété, de peur, d’angoisse ou de stress intense68 incompatible avec sa sensibilité – étant précisé que la notion de souffrance visée dans la loi n’est pas limitée à une douleur physique69. En cela, la notion de mauvais traitements sur les animaux est similaire à celle consacrée dans les normes issues du droit international et européen des droits de l’Homme destinées à protéger la dignité humaine, l’interdiction des traitements inhumains et/ou dégradants recouvrant des souffrances tant physiques que morales dès lors qu’elles excèdent un certain seuil70. En ce qui concerne l’animal de rente, sous l’impulsion du droit européen71 la loi française met à la charge de l’exploitant un certain nombre d’obligations positives et négatives72 destinées à offrir à l’animal captif un environnement de vie compatible avec les caractéristiques de son espèce. La loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes a renforcé la répression des infractions afférentes à la maltraitance animale (nouvelles infractions pénales, renforcement des peines encourues, nouvelles circonstances aggravantes), limité l’exploitation des animaux non domestiques à des fins de divertissement et de spectacles, et intégré une logique préventive à l’arsenal législatif, le candidat à la propriété d’un animal domestique (chiens, chats, équidés…73) devant désormais attester de ses connaissances des besoins spécifiques de l’espèce animale concernée avant de l’acquérir. Finalement, si l’animal n’est pas (encore ?) une personne au sens juridique du terme titulaire de droits, et que l’Homme a le droit de limiter sa liberté de mouvement et de procéder à sa mise à mort sous réserve des dispositions prévues par la loi, cet être vivant sensible et conscient de son environnement est en droit de voir ses besoins fondamentaux respectés74 ; ainsi, le droit de la protection animale présente aujourd’hui une dimension indubitablement éthique75.

15. Néanmoins, le droit de la protection animale souffre à ce jour d’un défaut de rationalisation de la matière. Premièrement, les normes pénales en matière de protection animale manquent de cohérence. La loi pénale réserve notamment la qualification de délit aux actes de cruauté, aux sévices graves, à l’abandon d’animaux captifs, à la mise à mort infligée sans nécessité ainsi qu’aux « mauvais traitements » infligés par l’exploitant76. Or, certaines actions ou abstentions fautives de l’Homme susceptibles de causer des souffrances physiques ou psychiques particulièrement graves eu égard à leur durée ou à leurs effets sont réprimées en tant que simples contraventions : ainsi des mauvais traitements volontaires77 ou des manquements constatés dans la satisfaction des besoins essentiels de l’animal78 imputables à un particulier, avec toutes les incidences qu’une telle qualification entraîne en ce qui concerne la nature de la peine encourue et la caractérisation d’un état de récidive légale ; un défaut de soins, d’alimentation ou d’abreuvement constitue une contravention distincte du délit sanctionnant les sévices graves, l’abandon et les actes de cruauté, alors même que l’abstention volontaire du gardien expose nécessairement l’animal à une souffrance physique grave et prolongée, et est commise en toute connaissance de cause du danger encouru pour la vie ou la santé de l’animal79. Il serait finalement plus cohérent de supprimer la contravention de défaut de soins au profit d’une application élargie du délit d’abandon, ce qui apparaît cohérent eu égard à la volonté réaffirmée du législateur en 2021 de renforcer la lutte contre toute forme de maltraitance animale. De plus, alors que les mauvais traitements infligés à des animaux captifs par l’exploitant ou tolérés par l’exploitant sont qualifiés de délit, les mauvais traitements volontaires infligés par un agent de l’exploitant constituent une simple contravention, alors même que le bien-être de l’animal relève de la responsabilité première du gardien80 ; ainsi, les manquements à la réglementation applicable à l’abattage des animaux imputables aux opérateurs et qui sont de nature à exposer les animaux à des souffrances prolongées ou intenses revêtent la nature d’une contravention de 4ème classe81. Plus généralement, en l’absence de définition claire des sévices graves, des mauvais traitements et de l’abandon, il appartient à l’autorité judiciaire et à la juridiction de jugement de fixer le seuil de protection à assurer aux animaux exposés à la maltraitance de l’Homme. Cela peut aboutir à des décisions de justice variables en ce qui concerne la qualification juridique retenue, ce qui a une incidence non seulement sur les peines prononcées et le montant de l’indemnisation allouée en réparation des préjudices causés mais aussi sur l’intervention à l’instance des associations de protection des animaux82. Enfin, l’on précisera que bien que la mise à mort volontaire et sans nécessité sur un animal domestique, apprivoisé ou captif ait été requalifiée en délit depuis la réforme de 2021 (nouvel article 522-1 du Code pénal), l’ancienne contravention n’a pas été abrogée et apparaît toujours dans la partie réglementaire du Code pénal (article R 655-1 du Code pénal). Si cela n’emporte pas d’incidence sur l’application de cette nouvelle infraction, d’un point de vue symbolique cette négligence questionne.

16. Deuxièmement, alors que le législateur s’est donné pour objectif de sanctionner les souffrances inutiles infligées aux êtres vivants sensibles, les corridas et les combats de coq, qui ont pour objet – ou a minima pour effet – la mort d’un animal et qui impliquent un risque de blessures graves et un état de stress intense, bénéficient toujours d’une dérogation protégeant ses organisateurs de toute sanction pénale83. Pour le Conseil constitutionnel, la tolérance du législateur, fondée sur le souci de respecter une tradition locale ininterrompue (simplement « supposée » ou bien « effective» d’après les termes de la loi84) se justifierait par le fait que ces activités ne portent atteinte à aucun droit constitutionnellement garanti85 – il reste qu’aucun droit constitutionnel à la culture n’a jamais été reconnu par le Conseil constitutionnel pour renforcer cette assertion. Le maintien de cette exemption pénale étonne également compte tenu de l’interdiction de construction de nouveaux gallodromes86 – qui, certes, a été érigée pour accompagner progressivement l’extinction de cette pratique87, mais qui n’en demeure pas moins contraire à l’esprit de la loi pénale sur la protection animale – et de la prohibition d’autres formes de tuerie ou d’actes de cruauté sur des animaux captifs commis à des fins de divertissement ou de loisir88 . D’autres agissements gravement attentatoires au bien-être animal n’entraînent aucune sanction pénale : c’est le cas des actions ou abstentions volontaires qui nuisent à l’intégrité physique ou à la vie des animaux sauvages vivant dans la nature. Ainsi, la lutte contre la maltraitance animale n’a pas vocation à protéger les espèces sauvages non captives mais les animaux domestiques ainsi que les « animaux sauvages apprivoisés ou tenus en captivité »89, la protection de la faune sauvage (certaines espèces seulement) étant régie par des dispositions spécifiques du Code de l’environnement90 qui intéressent la protection de l’environnement promue dans l’intérêt exclusif de l’Homme. La notion de captivité induit l’incapacité de l’animal à se mouvoir librement du fait de l’Homme, qui le place sous son contrôle91 ; tel n’est pas le cas d’un animal sauvage qui ne peut fuir en raison de son état de santé. En conséquence, ignorer le sort d’un animal blessé alors que celui qui le trouve a la capacité de le soigner ou de concourir à ce qu’il soit soigné sans se mettre en danger n’expose son auteur à aucune sanction pénale. Si certaines associations se sont données pour mission d’apporter les premiers soins à des espèces sauvages non captives, le citoyen92 tout comme les représentants ou agents de l’État93 n’ont aucune obligation d’abréger les souffrances d’un animal sauvage, y compris lorsque le fait de l’Homme est à l’origine de son état (collision sur la route94, animal pris au piège dans une clôture ou une infrastructure, activité de chasse95…). En somme, il n’existe aucune obligation pour l’Homme de protéger les animaux sauvages en raison de leur sensibilité96. Une protection indirecte est envisagée à travers l’exonération de la responsabilité pénale de celui qui abat sciemment un animal sauvage mortellement blessé sans être titulaire d’un permis de chasse97, sans toutefois qu’une autorisation expresse d’abattre l’animal ne soit expressément prévue par la loi98. Certes, il n’apparaît pas raisonnable de consacrer une obligation générale de respect et de protection des animaux sauvages par l’Homme, qui ferait peser sur ce dernier la responsabilité indéfinie et illimitée de porter secours à tous les animaux trouvés en état de détresse du fait d’un prédateur, d’un accident ou d’une insuffisance de ressources. L’animal sauvage qui vit dans la nature est imprévisible et potentiellement dangereux pour la santé ou la sécurité de l’Homme, et il n’appartient pas à l’Homme de substituer sa propre loi à la « sélection naturelle ». En revanche, le droit a vocation à appréhender les interactions entre l’être humain et les animaux99, et le droit de l’environnement prône une certaine harmonie entre l’Homme et la nature, le législateur concédant que la « protection » des êtres vivants captifs comme non captifs et la « préservation de leur capacité à évoluer » concourent à atteindre l’objectif de développement durable100. À cet égard, la chasse de loisir101 (parfaitement étrangère à un impératif de régulation des espèces, et donc inutile aux besoins essentiels de l’être humain), bien que réglementée, semble incompatible avec cet objectif ; difficile en revanche de la prohiber eu égard à son rôle social et économique, cette activité étant au demeurant ancrée dans les mœurs et la coutume.

17. Troisièmement, en ce qui concerne les normes applicables à l’élevage et à l’abattage des animaux de rente, le législateur a confié au gouvernement le soin de définir les mesures à mettre en œuvre pour protéger les animaux contre « les mauvais traitements » ou « les utilisations abusives » – sans définir ces dernières – et pour « leur éviter des souffrances lors des manipulations inhérentes aux diverses techniques d'élevage, de parcage, de transport et d'abattage des animaux102 ». Pour autant, le législateur français n’a pas adhéré à la possibilité offerte par le législateur européen aux États membres de l’Union européenne de prohiber l’abattage rituel sans étourdissement103, cette forme d’abattage n’étant au demeurant autorisée par l’Union qu’à titre dérogatoire104. Si en de multiples occasions le Conseil d’État a souligné que la réglementation française en la matière se justifiait par le souci d’assurer une juste conciliation entre les objectifs de police sanitaire (et non le bien-être animal…) et l’égal respect des croyances et traditions religieuses105 – le Conseil d’État se refuse manifestement à qualifier l’abattage sans étourdissement de mauvais traitement106, non sans une certaine incohérence107 –, la justice semble aujourd’hui prête à réinterroger la légitimité du recours à la saignée d’un animal en état de conscience108 dans la mesure où le bien-être animal découle des valeurs morales et démocratiques inhérentes à tout État de droit109. Une modification de la réglementation de l’abattage rituel ne manquerait pas d’agiter l’opinion publique. Il reste que le bien-être animal ne constitue pas seulement un moyen d’action ou un critère d’appréciation mais un véritable objectif assigné par le législateur à la politique en faveur de l’agriculture, de l’alimentation et de la pêche maritime110.

18. Finalement, il appert que la loi ne protège pas les animaux pour ce qu’ils sont, des êtres qui ressentent et expriment des émotions, mais parce que l’Homme, qui les a domestiqués ou placés en captivité, a la responsabilité morale de les protéger en sa qualité d’exploitant, de gardien ou de propriétaire. L’année 2025 pourrait-elle marquer les prémices d’un changement de paradigme pour le droit de la protection animale ?

 

B. La personnalisation de l’animal au service d’une protection désintéressée et renforcée

 

19. À l’analyse de trois décisions récentes rendues respectivement le 16 janvier 2025111 et le 27 février 2025112, le juge administratif prend fait et cause pour la vie d’animaux sauvages, quitte à limiter la liberté de l’Homme et l’autorité de l’État ; ce faisant, il semble remettre en question l’anthropocentrisme qui imprégnait jusqu’ici le droit de la protection animale. Dans la première décision, le juge des référés de Châlons-en-Champagne était appelé à statuer sur une demande de suspension de l’exécution de la décision du 28 novembre 2024 par laquelle le préfet de l’Aube s’était opposé à la déclaration de détention d’un animal non domestique – la laie Rillette, que sa détentrice avait trouvée, en détresse, à l’état de marcassin avant de l’apprivoiser. Au-delà de considérer qu’un doute sérieux apparaissait quant à la légalité de l’acte administratif, la décision innove en ce que le juge de céans a admis la nécessité de statuer dans l’urgence, en application de l’article L 521-1 du Code de justice administrative, en considération du risque de confiscation et de mort encouru par l’animal113 ; pourtant, le critère de l’urgence qui conditionne la recevabilité du référé-suspension est habituellement apprécié en tenant compte d’un risque d’atteinte grave et immédiate à la situation du requérant, aux intérêts qu’il entend défendre ou à un intérêt public114, c’est-à-dire en considération d’un risque de préjudice pour l’être humain115. Bien que le juge administratif ne fasse pas expressément référence à la sensibilité de l’animal, cette décision a pour effet de juridiciser la souffrance propre de ce dernier, quitte à désavouer l’autorité régalienne chargée d’assurer la santé et la salubrité publiques – étant précisé que le juge aurait pu s’en tenir à la seule démonstration d’un risque de souffrance morale encouru par la détentrice de la laie pour justifier sa décision. En substance cette décision tend également à admettre pour la première fois l’existence d’un éventuel droit de porter secours aux animaux sauvages nés dans la nature, et de les détenir subséquemment conformément aux conditions prévues par la loi du moment que ce prélèvement ne porte pas atteinte à la préservation de l’espèce en cause et n’est contraire ni à la santé humaine, ni à la santé animale, ni à la sécurité publique116. En ce qui concerne les deux jugements rendus par le Tribunal administratif de Toulouse en février dernier, la juridiction de céans a annulé deux autorisations environnementales délivrées deux ans auparavant par l’État aux fins d’élargissement de l’autoroute A 69 en considération du risque encouru par des espèces animales protégées, alors même que les travaux avaient commencé, la biodiversité étant déjà largement impactée. Certes, les motifs des décisions sont basés sur une application classique « bénéfices/risques » pour l’environnement dans un souci de conciliation entre la protection de la nature et l’intérêt de l’Homme ; la singularité de cette décision réside dans le fait que le Tribunal administratif a privilégié la prise en compte des incidences de la poursuite d’un tel projet sur l’animal sauvage (à savoir la capture, l’enlèvement, la destruction et la perturbation intentionnelle d’un grand nombre de spécimens d’espèces protégées, et la destruction, l’altération ou la dégradation de sites de reproduction ou d’aires de repos de ces espèces) par rapport aux (lourdes) conséquences socio-économiques provoquées par une mise en suspens brutale du projet, les juges de céans ayant en tout état de cause estimé que le projet ne répondait pas à un impératif d’intérêt public majeur susceptible de justifier l’octroi d’une dérogation à l’interdiction de porter atteinte aux espèces protégées117. À cet égard, et bien que la Cour administrative d’appel de Toulouse ait finalement prononcé le sursis à exécution des jugements emportant annulation des autorisations environnementales trois mois plus tard118, ces deux décisions de première instance sont historiques : jamais aucune juridiction administrative n’avait pris le parti de suspendre un projet urbain aussi avancé en considération d’autres impératifs que ceux afférents à la vie, à la santé ou à la sécurité de l’Homme.

20. L’on pourrait percevoir dans toutes ces décisions la tentation des magistrats de concevoir une protection purement désintéressée pour l’animal, protégé pour lui-même et non (plus seulement du moins) pour ce qu’il représente pour l’Homme ou pour ce qu’il lui apporte, qui pourrait s’étendre à d’autres domaines du droit de la protection animale, notamment la matière pénale. Certaines juridictions pénales (peu nombreuses, certes) ont de leur côté tenté de personnaliser l’animal à travers la reconnaissance ambitieuse d’un « préjudice animalier » destiné à indemniser la souffrance propre de l’animal née d’une infraction imputable à l’Homme. C’est le cas du Tribunal correctionnel de Lille qui, le 12 février 2025119, a reconnu à une association de protection animale le droit de solliciter une indemnisation destinée à réparer la souffrance endurée par un animal domestique mort des suites d’un acte de cruauté. Cette notion de préjudice animalier, loin d’avoir encore imprégné la jurisprudence mais qui avait déjà été consacré par cette même juridiction le 11 janvier 2024120, se distingue selon les cas du préjudice qui réside dans l’affliction du propriétaire de l’animal ou dans l’atteinte aux intérêts collectifs d’une association qui s’est donnée pour mission de protéger les animaux ou l’environnement121. À ce jour, la souffrance de l’animal découlant du comportement fautif de l’Homme n’est reconnue qu’à travers celle des personnes physiques ou morales122. Or, dans cette décision du 12 février 2025, l’animal n’est plus objet mais victime de l’infraction dès lors qu’une indemnisation peut être allouée en son nom à la demande de la partie civile. Si la notion de préjudice animalier avait déjà été conceptualisée dans la doctrine123, sa consécration prétorienne – qui ne manquera sans doute pas d’être un jour soumise au contrôle de la Cour de cassation – est inédite. Reste à en déterminer la base légale. En matière pénale, elle pourrait résider dans une lecture combinée des articles 2 et 2-13 du Code de procédure pénale ainsi que de l’article L 142-2 du Code de l’environnement selon les cas (qualité pour agir) et de l’article 3 du Code de procédure pénale (tous les préjudices moraux découlant des faits objet de la poursuite sont indemnisables) ; en matière civile, le fondement légal pourrait découler d’une lecture combinée de l’article 1240 du Code civil et de l’article 515-14 du Code civil associé à l’article L 214-1 du Code rural et de la pêche maritime (reconnaissance de la sensibilité animale). L’intérêt de ce préjudice animalier est de permettre le cas échéant au propriétaire de l’animal ou à une association de porter la souffrance propre de l’animal devant la justice, leur qualité pour agir et leur intérêt à agir pouvant selon nous découler du commandement fait par la loi (article L 214-1 du Code rural et de la pêche maritime) ou par leurs statuts de défendre la cause animale, et du fait que la loi a érigé la protection des animaux en un objectif d’intérêt général (article L 110-1 du Code de l’environnement). En revanche, hors le cas prévu par les articles L 142-1 et L 142-2 du Code de l’environnement, une demande d’indemnisation formulée au titre du préjudice souffert par l’animal apparaît plus difficile à envisager à l’occasion d’une instance administrative : la notion d’intérêt à agir n’est certes définie par aucun texte mais a fait l’objet d’une longue construction prétorienne au cours de laquelle le juge administratif a bien souvent pris ses distances avec les principes qui régissent la réparation d’un préjudice en matière civile ; l’on constate plus particulièrement une réticence du Conseil d’État à admettre l’existence d’un préjudice né de la seule atteinte portée à la vie ou à l’intégrité physique d’un animal : ainsi, la haute juridiction administrative ne semble pas favorable à admettre l’existence d’un préjudice qui ne se rattacherait pas de façon concrète et effective à l’intérêt de l’association requérante124 – contrairement à la Cour de cassation, qui admet que la seule atteinte aux intérêts statuaires d’une association de protection des animaux fait naître un préjudice moral indirect indemnisable125. Quant à son bien-fondé, la reconnaissance d’un préjudice animalier en droit pénal présente indubitablement un effet dissuasif (la création d’un nouveau chef de préjudice augmentant le montant des sommes allouées126 – même si le montant purement symbolique fixé par le Tribunal correctionnel de Lille dans ses deux décisions n’a pas excédé 100 euros). En outre, elle pourrait conduire le législateur à étendre le champ d’application de l’article 2-13 du Code de procédure pénale – limité aux infractions constitutives de sévices graves, d’actes de cruauté, d’un abandon ou de mauvais traitements127 – de sorte qu’une association pourrait désormais solliciter réparation à l’occasion de la commission de toute infraction pénale préjudiciable à la vie ou à l’intégrité physique et psychique d’un animal (défaut de soin, conditions de garde incompatibles avec les caractéristiques propres de l’espèce, non-respect des règles en matière d’abattage attentatoire au bien-être animal, vol…). Enfin, la consécration d’un tel préjudice pourrait inviter le législateur à réévaluer la réglementation des corridas, des combats de coq ou de la chasse de loisir, ou encore à renforcer la protection des animaux sauvages vivant dans la nature128 ou celle des espèces animales aquatiques (l’abattage d’espèces animales aquatiques n’est pas réglementé par la législation française et européenne129 en dépit de leur sensibilité apparente pour certaines). Il reste que le législateur français n’a pas souhaité consacrer de préjudice animalier en même temps que le préjudice écologique, constitutif d’une atteinte à l’environnement lui-même, qui a intégré les dispositions du Code civil sur la responsabilité extracontractuelle en 2016130 et dont la consécration avait été préalablement confirmée par la Cour de cassation131. En tout état de cause, si un préjudice animalier venait à être consacré par d’autres juridictions ou confirmé par la Cour de cassation, voire par le législateur lui-même, il nous semble impératif de limiter son champ d’application eu égard à la nécessité pour l’Homme de maintenir la primauté de sa conservation et de son bien-être sur celles de l’animal. En effet, si la consécration de ce nouveau préjudice poursuit un objectif louable, promouvoir le bien-être animal tout en dissuadant plus efficacement autrui de se livrer à des mauvais traitements sur les animaux, elle pose nécessairement la question de la personnalisation de l’animal132, qui ne semble, elle, pas opportune. À notre avis, l’on ne saurait reconnaître la qualité de sujet de droit à l’animal sans que cela ne porte atteinte aux principes fondamentaux du droit civil et à l’Homme. Accorder des droits aux animaux captifs comme non captifs impliquerait une augmentation significative des devoirs de l’être humain à leur égard, quitte à préjudicier gravement à ce dernier : toute intervention de l’Homme visant à modifier l’environnement (constructions d’infrastructures, de maisons d’habitation…), à interagir avec l’environnement (chasse de régulation, agriculture…) et à exploiter l’animal (élevage, abattage, vente) serait nécessairement compromise, avec toutes les incidences socio-économiques qu’une telle limitation des activités humaines engendrerait. Toutes les formes de domination de l’animal au profit de l’Homme ne seraient plus acceptables puisqu’elles heurteraient nécessairement a minima la liberté de l’animal. En effet, comment concevoir des droits pour l’animal sans lui reconnaître au préalable une certaine liberté d’action, de mouvement ou d’expression inhérente à sa nature ? À terme, la personnalisation de l’animal ferait se confronter la vie (quid de l’abattage aux fins de consommation ?), la dignité (quid des techniques d’insémination artificielles du point de vue de la notion d’atteinte sexuelle ? – hors du champ pénal pour le moment133) et la liberté (quid de la détention d’un animal non domestique incompatible avec sa nature ?) de l’animal à celles de l’Homme. Il nous semble plus raisonnable de limiter l’application du préjudice animalier à l’action en réparation découlant de la commission d’une infraction pénale, d’une faute civile voire de l’illégalité d’un acte administratif ; à cet égard, l’on rappellera que la reconnaissance du préjudice écologique pur n’avait ni pour objet ni pour effet de personnaliser l’environnement, à ce jour dépourvu de droits. De cette façon l’on préserverait la primauté des droits humains essentiels sur le bien-être animal tout en assurant à l’animal, victime directe de l’Homme, une protection désintéressée et renforcée à partir du moment où celle-ci n’a pas pour effet de nuire à l’Humanité.

 

Conclusion

 

21. La prise en compte des droits et libertés de l’Homme dans l’appréciation du degré de protection à accorder aux animaux est indispensable à la conservation de l’être humain. Le droit de la protection animale ne saurait avoir vocation à extraire l’animal de sa condition de dominé. Pour autant, le fait de l’Homme ne saurait impliquer une atteinte à la vie ou au bien-être de l’animal lorsque cette intervention n’est pas strictement nécessaire ; à cet égard, le cadre applicable aux conditions d’abattage, à l’exploitation de l’animal à des fins de divertissement ou de loisirs et à la lutte contre la maltraitance animale mériterait d’être réévalué. En outre, l’on ne saurait dénier toute responsabilité à l’être humain vis-à-vis du sort d’un animal sauvage vivant dans la nature du seul fait que la souffrance endurée par ce dernier n’impacte pas ou n’intéresse pas l’être humain. Certes, il apparaît dangereux de sacraliser l’existence de l’animal, au risque de nuire à la vie, au bien-être et à la sécurité de l’Homme. En revanche, les valeurs morales afférentes au bien-être animal auxquelles s’attachent les sociétés démocratiques contemporaines, de même que l’accroissement des données scientifiques qui tendent à démontrer objectivement la souffrance physique et psychique de l’animal, sont autant de motifs qui devraient pousser le législateur à concevoir une protection désintéressée pour l’animal. Il n’est pas question d’opposer les besoins fondamentaux des animaux aux droits humains, mais de concevoir la responsabilité morale de l’Homme vis-à-vis des animaux comme une composante de son humanité134, ce qui justifierait la consécration de nouveaux droits, concepts ou catégories juridiques135 en faveur de la protection animale, à l’image du « préjudice animalier » reconnu par certaines juridictions. Ce changement de paradigme pour le droit de la protection animale impliquerait pour l’Homme des sacrifices susceptibles d’heurter son mode de vie, sa culture ou sa religion, de sorte que tout effort de modification législative en faveur d’une protection renforcée des animaux sera vraisemblablement fastidieux. En tout cas, une partie de la société est prête à adopter un mode de vie plus éco-responsable et se montre de plus en plus sensible au bien-être animal. Les juridictions judiciaires et administratives continueront sans doute à alimenter le débat de la place de l’animal au sein du corpus juridique dans les prochaines années, avec l’aide du juge européen.

 

  • 1 Art. 515-14 du Code civil.
  • 2 Art. L 110-1, I, du Code de l’environnement.
  • 3 TA, réf., Châlons-en-Champagne, 16 janv. 2025, n° 2403226.
  • 4 Art. 16 du Code civil : « La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie ».
  • 5 Étienne Bonnot de Condillac, Traité des animaux (1755), Paris : Vrin, 2004, 256 p. ; Sébastien Bouchard, Humanimalité et indignation : apports de la fiction romanesque à la question philosophique du rôle de l'animalité dans le devenir humain de l'homme après Darwin, Thèse de doctorat (dir. Jean-Pierre Cléro, Thierry Belleguic), Université Laval Québec/Université de Rouen Mont-Saint-Aignan, 2016, 480 p. ; David Chauvet, « L’appropriation des animaux », Revue française de théorie, de philosophie et de culture juridiques, oct. 2020, n° 72, pp. 239-258 ; Elisabeth de Fontenay, Sans offenser le genre humain : réflexions sur la cause animale, Paris : A. Michel, 2008, 213 p. ; Florence Dossche, Paul-Henry Delvaux, Le droit des animaux : perspectives d'avenir, Bruxelles : Larcier, 2019, 346 p. ; Isabelle Doussan, Droit et animal : pour un droit des relations avec les humains, Versailles : Quae, 2024, 88 p. ; Alain Finkielkraut, Des animaux et des Hommes, Paris : Stock, 2018, 300 p. ; Catherine Kerbrat-Orecchioni, « Ce ne sont que des animaux », le spécisme en question, Paris : Le Pommier, 2023, 467 p. ; Julien Lagoutte, « La protection différenciée des êtres vivants : spécisme, antispécisme (et au-delà) du droit pénal français ? », Revue de la recherche juridique - Droit prospectif, janv. 2022, n° 1, pp. 101-128 ; David Le Blanc, Éric Lemonnier, « L'homme, l'animal et le droit (1re partie) », RD rur., n° 489, janv. 2021, pp. 15-37 ; Pierre Serna, L’animal en République. 1789-1802. Genèse du droit des bêtes, Toulouse : Anacharsis, 2016, 256 p. ; Romain Steffenoni, Antispécisme : l'animal moral, Paris : L’Harmattan, 2020, 228 p. ; Christophe Traïni, La cause animale. Essai de sociologie historique (1820-1980), Paris : PUF, 2011, 240 p.
  • 6 Emmanuel Kant, Éléments métaphysiques de la doctrine de la vertu (1797), vol. 1, Paris : Durand,1855, § 17, p. 110.
  • 7 Arthur Schopenhauer, Éthique, droit et politique, 1851, tr. Auguste Dietrich, Félix Alcan, 1909, pp. 38-40 : « L'homme est en effet l'unique animal qui inflige des douleurs aux autres sans but déterminé. (...). Aucun animal ne torture uniquement pour torturer ; mais l'homme le fait, et ceci constitue le caractère diabolique, infiniment pire que le caractère simplement bestial ».
  • 8 Jean-Luc Guichet (dir.), De l'animal-machine à l'âme des machines. Querelles biomécaniques de l'âme (XVIIe-XXIe siècle), Paris : Éditions de la Sorbonne, coll. Philosophie, 2010, 206 p. Pour Descartes, « de par ses connaissances de la force et des actions du feu, de l'eau, de l'air, des astres, des cieux et de tous les autres corps qui [les] environnent (…) [les hommes peuvent se] rendre comme maîtres et possesseurs de la nature » : René Descartes, Discours de la méthode (6èmepartie), 1637.
  • 9 Sous l’égide du Conseil de l’Europe, v. not. : Convention européenne sur la protection des animaux dans les élevages (1976) ; Convention européenne sur la protection des animaux d'abattage (1979) ; Convention européenne pour la protection des animaux de compagnie (1987). Sous l’égide de l’Union européenne, v. not. : Protocole n° 33 au traité instituant la Communauté européenne sur la protection et le bien-être des animaux (1997) ; art. 13 du TFUE (2007) (« (…) dans les domaines de l'agriculture, de la pêche, des transports, du marché intérieur, de la recherche et développement technologique et de l'espace, l'Union et les États membres tiennent pleinement compte des exigences du bien-être des animaux en tant qu'êtres sensibles (…) ») ; Directive 98/58/CE du Conseil concernant la protection des animaux dans les élevages (1998) ; Règlement (CE) n° 1/2005 du Conseil relatif à la protection des animaux pendant le transport et les opérations annexes (2004) ; Règlement (CE) n° 1099/2009 du Conseil sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort (2009, ancienne directive 93/119/CE du Conseil).
  • 10 Aloïse Quesne, Jean-Paul Costa, La sensibilité animale : approches juridiques et enjeux transdisciplinaires, Paris : Mare & Martin, 2023, 333 p.
  • 11 En ce qui concerne l’animal captif ou domestique : art. L 214-1 du Code rural et de la pêche maritime ; en ce qui concerne l’animal au sens large : art. 515-14 du Code civil.
  • 12 Art. L 411-1, I, du Code de l’environnement.
  • 13 Art. L 110-1, III, 4° du Code de l’environnement.
  • 14 Art. R 427-1 à R 427-28 du Code de l’environnement.
  • 15 Art. L 412-2 du Code de l’environnement.
  • 16 Art. L 420-1 du Code de l’environnement.
  • 17 TA, réf., Châlons-en-Champagne, 16 janv. 2025, n° 2403226, cons. 2 (cet argument ayant en définitive été analysé par le juge comme faisant naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision à la lecture des normes applicables : cons. 11-13).
  • 18 Emmanuel Kant, Éléments métaphysiques de la doctrine de la vertu (1797), vol. 1, Paris : Durand,1855, § 17, p. 110 ; Jean-Jacques Rousseau, Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes, 1755.
  • 19 Jean-Jacques Rousseau, « Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes », Préface, 1755 : « Il semble, en effet, que si je suis obligé de ne faire aucun mal à mon semblable, c'est moins parce qu'il est un être raisonnable que parce qu'il est un être sensible ; qualité qui, étant commune à la bête et à l'homme, doit au moins donner à l'une le droit de n'être point maltraitée inutilement par l'autre ».
  • 20 Pour Kant, l’Homme n’a de devoirs qu’envers l’Homme (Emmanuel Kant, Éléments métaphysiques de la doctrine de la vertu (1797), vol. 1, Paris : Durand,1855, § 16, p. 108).
  • 21 Une partie de la doctrine s’est toutefois sérieusement penchée sur cette hypothèse compte tenu de l’évolution favorable du droit international et européen en matière de bien-être animal : Florence Burgat, Les animaux ont-ils des droits ?, Paris : La documentation française, coll. Doc’ en poche, 2022, 112 p. ; Anne-Blandine Caire, « Les animaux ont-ils des droits ? L'animal, éternel atopos ? », La Revue du Centre Michel de L’Hospital, déc. 2014, n° 6, pp. 3-17 ; Séverine Nadaud, « Droits de l'homme et droits des animaux : la quadrature du cercle? », RTDH, n° 126, avr. 2021, pp. 375-390 ; Aloïse Quesne, Jean-Paul Costa, Laëtitia Romeiro Dias, Quel(s) droit(s) pour les animaux ?, Paris : Mare & Martin, 2023, 176 p. ; Enrique Utria, « Quels animaux, quels droits ? », RSDA, n° 1-2/2019, pp. 517-523 ; Claire Vial, « Et si les animaux avaient des droits fondamentaux ? », RDLF, chron. n° 39, 2019 ; Steven M. Wise, Tant qu’il y aura des cages. Vers les droits fondamentaux des animaux, trad. D. Chauvet, Villeneuve-d'Ascq : PU Septentrion, 2016, 360 p.
  • 22 Sur le refus par une juridiction étrangère de reconnaître à l’animal un droit à la liberté, v. Olivier Le Bot, « La cour suprême censure une décision ayant reconnu le droit à l'habeas corpus au profit d'animaux », RSDA, n° 2/2017, pp. 105-107.
  • 23 D’aucuns questionnent toutefois une organisation naturelle de la vie en communauté chez certaines espèces animales : Philippe Jestaz, « Existe-t-il un pré-droit animal ? », RTD Civ., 2022, n° 1, pp. 81-87.
  • 24 Préamb. de la Déclaration française des droits de l’Homme et du citoyen du 26 août 1789, consacrant les « droits naturels, inaliénables et sacrés de l’Homme ».
  • 25 Préamb. (al. 3) de la Charte des Nations Unies du 26 juin 1945 ; préamb. (al. 4) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 16 déc. 1966.
  • 26 François-Xavier Roux-Demare (dir.), L’animal et l’homme (actes de colloque), coll. Droit privé et sciences criminelles, Kremlin-Bicêtre : Mare & Martin, 2019, 384 p.
  • 27 Fabien Marchadier, « Le droit de rétention sur l'animal », RSDA, n° 1/2017, p. 28.
  • 28 L’animal est un bien intégré à la liquidation du régime matrimonial qui peut être attribué par commun accord ou par décision de justice à l’un ou à l’autre des époux divorcés qui justifie de sa propriété ou de son utilité : CA Rouen, 5 janv. 2017, n° 15/04272 (comm. Fabien Marchadier, « L'attribution de l'animal de compagnie au cours de la procédure de divorce », RSDA, n° 1/2017, p. 33).
  • 29 CA Dijon, 5 janv. 2016, n° 15/00192. Il n’existe pas d’insaisissabilité de principe des animaux, quand bien même un changement d’environnement les affecterait (v. cependant l’art. L 112-2, 5° et R 112-2, 14° et 15° du Code des procédures civiles d’exécution).
  • 30 Art. L 214-2 du Code rural et de la pêche maritime.
  • 31 Sous réserve de l’art. R214-24 du Code rural et de la pêche maritime : « L'exercice des activités d'éducation et de dressage d'un animal de compagnie dans des conditions de nature à lui infliger des blessures ou des souffrances inutiles est interdit ».
  • 32 Art. L 427-6 du Code de l’environnement.
  • 33 Sur la mise à mort d’animaux errants, y compris domestiques : art. L 211-20 à L 211-22 et L 211-25 du Code rural et de la pêche maritime ; TA Limoges, 26 juin 2024, n° 2400968.
  • 34 Art. L 427-8 du Code de l’environnement ; art. R 427-1 à R 427-28 du Code de l’environnement.
  • 35 Art. 522-1 et R 653-1 du Code pénal.
  • 36 Art. 521-1 du Code pénal. La mort de l’animal constitue toutefois une circonstance aggravante du délit de sévices graves ou d’actes de cruauté.
  • 37 Art. L 226-1 du Code rural et de la pêche maritime. Sur l’interdiction de jeter des cadavres d’animaux en violation des règles sanitaires édictées en matière de destruction de sous-produits animaux : art. L 228-5 du Code rural et de la pêche maritime ; TC Béziers, 17 juin 2024, n° 24030000043.
  • 38 Art. 521-1-3 du Code pénal. Sur l’absence d’obligation de bientraitance de l’exploitant à l’égard des cadavres d’animaux par le droit pénal : Cass. Crim. 28 janv. 2020, n° 19-83.205, Inédit (comm. Jacques Leroy, « Mauvais traitements à animal placé sous la garde d'un éleveur », RSDA, n° 1/2020, pp. 49-51).
  • 39 Sur le déplacement forcé d’animaux en lien avec un trouble anormal du voisinage : CA Douai, 22 fév. 2024, RG n° 21/06394 ; Cass. civ. 2, 14 déc. 2017, n° 16-22.509 ; Cass. Crim. 7 oct. 2008, n° 08-80.852, Inédit ; art. R1334-31 du Code de la santé publique ; Grégoire Leray, « Comportement normal de l'animal et trouble anormal de voisinage », RSDA, n° 1-2/2019, pp. 31-34. De la même manière, le propriétaire ne saurait imposer à ses semblables la présence de son animal lorsque cela a pour effet d’attenter aux droits d’autrui ou à l’intérêt général, l’accès de l’animal pouvant être refusé ou limité dans certains établissements, modes de transport ou locaux à usage d’habitation (Fabien Marchadier, « Nouvelle atteinte au droit à la présence de l'animal », RSDA, n° 2/2017, pp. 26-27 ; « L’animal de compagnie restera à la porte de l’EHPAD », RSDA, n° 1/2017, p. 29 ; « Les restrictions au droit à la présence de l’animal : entre consolidation et élargissement », RSDA, n° 1/2012, p. 59).
  • 40 Du point de vue de la responsabilité civile délictuelle, l’animal n’est pas « une chose » mais « un bien » vivant, de sorte que l’article 1242 du Code civil ne s’applique pas au fait de l’animal (art. 1243 du Code civil). Sur ce sujet, v. Jean-Pierre Marguénaud, L’animal en droit privé, Limoges : PULIM, coll. Publications faculté de droit, 1993, 577 p. ; Nadège Reboul-Maupin, « Droit des animaux : opérer une distinction fondamentale entre biens vivants et biens inertes (biens organiques et bien inorganiques) », Les Petites Affiches, 2023, n° 1, pp. 4-13 ; Magali Bouteille-Brigant, « La qualification juridique de l'animal au regard de la distinction des personnes et des choses », RD rur., 1er janv. 2021, n° 489, pp. 19-23 ; François Pasqualini, « L'animal et le droit ; l'animal et la responsabilité civile », Les Petites Affiches, nov. 1994, n° 140, pp. 19-22.
  • 41 Art. 515-14 du Code civil issu de la loi n° 2015-177 du 16 février 2015.
  • 42 Sur le contrôle de la capacité à détenir un animal de compagnie ou d’agrément, v. les art. L 214-8, V, et L 211-10-1 du Code rural et de la pêche maritime (L. n° 2021-1539 du 30 novembre 2021).
  • 43 Art. L 214-23, 3° et 5°du Code rural et de la pêche maritime.
  • 44 Saisie conservatoire et confiscation d’un animal : art. 99-1 du Code de procédure pénale (autorité judiciaire) et art. L 214-23, II du Code rural et de la pêche maritime (autorité administrative). Peines d’interdiction provisoire ou définitive de détenir un animal : art. 521-1 et 521-1-1 du Code pénal ; art. L 215-11 et L 215-2-1 du Code rural et de la pêche maritime. Sur ce sujet, v. Fabien Marchadier, « La propriété de l'animal à l'épreuve de la maltraitance », RSDA, n° 2/2017, pp. 21-23.
  • 45 Art. L 214-4, art. L 214-6 à L 214-8-2, et art. R 214-19-1 à R 214-34 du Code rural et de la pêche maritime ; art. L 413-1 A à L 413-14 du Code de l’environnement. Sur l’utilisation à des fins scientifiques d’animaux, réglementée et conditionnée à un critère de nécessité : art. R 214-87 à R 214-138 du Code rural et de la pêche maritime ; art. L 412-2 du Code de l’environnement.
  • 46 Cass., civ. 1ère, 16 janv. 1962, publié au bulletin, note C.-I. Foulon-Piganiol, D. 1962, p.199, note R. Rodière, JCP1962.II, p.12557, note P. Esmein, RTDC 1962, p. 316 ; CA Bordeaux, 3 juill. 2017, n° 16/01398 (comm. Fabien Marchadier, « Le dommage subi par l'animal et l'indemnisation du préjudice moral souffert par ses maîtres », RSDA, n° 2/2017, pp. 24-25) ; CA Aix-en-Provence, 17 janv. 2017, n° 15/16280 et CA Nîmes, 6 avr. 2017, n° 15/00437 (comm. Fabien Marchadier, « Le préjudice du fait des souffrances endurées par l'animal », RSDA, n° 1/2017, pp. 31-32) ; CA Aix-en-Provence, ch. 1A, 6 sept. 2011, n° 10/14901 ; CA Paris, 23 janv. 2009, JurisData n° 2009-37-4911.
  • 47 Cass. crim. 31-05-2016, n° 15-82.062, Inédit.
  • 48 CA Paris, ch. 5, 7 avr. 2011, n° 07/17877 ; Juridiction de proximité de vire, 9 déc. 2010 (250 euros alloués au propriétaire éleveur au titre de la perte de deux agneaux et d’une brebis).
  • 49 Art. R 112-2, 14°, du Code des procédures civiles d’exécution.
  • 50 Art. 521-1-1 et s. du Code pénal issus de la loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021.
  • 51 Art. 222-22 du Code pénal.
  • 52 Art. 452 à 454 de l’ancien Code pénal (1810).
  • 53 Loi du 2 juillet 1850 relative aux mauvais traitements exercés envers les animaux domestiques (la répression n’est à l’époque réservée qu’aux actes commis publiquement).
  • 54 Consécration d’un chapitre portant sur « La protection de l’animal » dans la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature et modifiant l’ancien Code rural (« Titre V : De la protection des animaux domestiques et des animaux sauvages apprivoisés ou tenus en captivité »).
  • 55 Art. 521-1 à 522-2 et art. R 653-1 à R 655-1 du nouveau Code pénal.
  • 56 L’ancien code pénal (1810) sanctionnait la mise à mort d’un animal commise sans nécessité et les sévices graves ou actes de cruauté au sein d’un chapitre II dédié aux « crimes et délits contre les propriétés » (sect. III, « Destructions, dégradations, dommages »). Le nouveau code pénal (1994) consacre depuis lors un article 521-1 réprimant les actes de cruauté, sévices graves et abandons commis contre les animaux dans un livre V (« Des autres crimes et délits ») distinct du livre III afférent aux crimes et délits contre les biens (la partie réglementaire du Code sanctionnant les contraventions attentatoires aux animaux étant par ailleurs distincte du livre consacré aux contraventions constitutives d’une atteinte aux biens).
  • 57 Titre du chap. Ier du Titre II du Livre V du Code pénal.
  • 58 Art 521-1 à 521-2 du Code pénal.
  • 59 Art. L 214-3 du Code rural et de la pêche maritime.
  • 60 Art. R 654-1 du Code pénal.
  • 61 Art. R 654-1 du Code pénal ; art. R 215-4 du Code rural et de la pêche maritime.
  • 62 Art. L 215-11 du Code rural et de la pêche maritime.
  • 63 Art. R 215-8 du Code rural et de la pêche maritime.
  • 64 Art. L 214-6 et s. et art. R 214-82 du Code rural et de la pêche maritime.
  • 65 Art. R 214-84 à R 214-86 du Code rural et de la pêche maritime. Sur l’interdiction de détention, de transport et de spectacles incluant des espèces animales non domestiques dans les établissements itinérants, les établissements proposant une participation de cétacés et leurs contacts directs avec le public, dans les discothèques ou encore à l’occasion d’émissions réalisées en plateau : art. L 413-10 à L 413-14 du Code de l’environnement issus de la loi du 30 novembre 2021 (la mise en œuvre de cette loi étant toutefois différée afin de tenir compte de la nécessaire adaptation des exploitants à ces nouvelles règles).
  • 66 OMSA, « Code sanitaire pour les animaux terrestres », 2024, art. 7.1.1. ; ANSES, « Bien-être animal : contexte, définition et évaluation », avis, fév. 2018, p. 16 : le bien-être animal peut être défini comme « l’état mental et physique positif lié à la satisfaction des besoins physiologiques et comportementaux de l’animal ainsi que de ses attentes, au regard des conditions dans lesquelles il vit et meurt ».
  • 67 Art. L 214-1 et L 214-2 du Code rural et de la pêche maritime.
  • 68 Art. R 214-108 du Code rural et de la pêche maritime et art. L 412-2 du Code de l’environnement (expériences scientifiques) ; art. R 214-65 et R 214-67 du Code rural et de la pêche maritime (abattage).
  • 69 Art. L 214-3 (animaux domestiques ou sauvages captifs), art. R 214-17, 3° à 5° (animaux de rente) et R 214-24 (animaux de compagnie) du Code rural et de la pêche maritime.
  • 70 Constitue un traitement inhumain et dégradant le traitement entraînant de vives souffrances physiques ou morales de nature à créer en ses victimes des sentiments de peur, de détresse et d'angoisse intenses (CEDH [GC], Labita c. Italie, 6 avr. 2000, req. n° 26772/95, § 120 ; CEDH, Mubilanzila Mayeka et Kaniki Mitunga c. Belgique, 12 oct. 2006, req. 13178/03, § 70).
  • 71 L’Union européenne a érigé le bien-être animal en un objectif intégrant la politique commune en matière d’agriculture, de pêche et de transport (art. 13 du TFUE). Les règles générales de bien-être animal applicables aux conditions d’abattage des animaux de rente sont principalement contenues dans le règlement n° 1099/2009 du 24 septembre 2009 sur la protection des animaux au moment de leur abattage ou de leur mise à mort, reprises dans le Code rural et de la pêche maritime. Une réglementation spécifique protège certaines catégories d'animaux d’élevage (veaux, cochons, poules pondeuses, poulets destinés à la production de viande), les animaux utilisés à des fins expérimentales et les animaux détenus dans des zoos.
  • 72 Art. R 214-17 du Code rural et de la pêche maritime. Sur la réglementation des conditions d’élevage, de parcage, de garde, de transit, de transport et d’abattage des animaux de rente, v. les art. R 214-18 à D 214-19, l’art. R 214-36, les art. R 214-49 à R 214-81 du Code rural et de la pêche maritime, l’arrêté du 12 décembre 1997 relatif aux procédés d'immobilisation, d'étourdissement et de mise à mort des animaux et aux conditions de protection animale dans les abattoirs, ou encore le décret n° 2022-137 du 5 février 2022 relatif à l'interdiction de mise à mort des poussins des lignées de l'espèce Gallus gallus destinées à la production d'œufs de consommation et à la protection des animaux dans le cadre de leur mise à mort en dehors des établissements d'abattage.
  • 73 Art. L 214-8, V, L211-10-1 et D 214-37-1 du Code rural et de la pêche maritime ; arrêté du 11 août 2006 fixant la liste des espèces, races ou variétés d'animaux domestiques.
  • 74 Le bien-être animal implique le respect par l’Homme des cinq libertés fondamentales et individuelles de l’animal, telles que définies notamment par l’Organisation mondiale de la Santé Animale : l’absence de faim, de soif et de malnutrition, l’absence de peur et de détresse, l’absence de stress physique et/ou thermique, l’absence de douleur, de lésions et de maladies, et la liberté d’expression d’un comportement normal de l’espèce (OMSA, « Code sanitaire pour les animaux terrestres », 2024, art. 7.1.2.).
  • 75 Gérald Hess, Corine Pelluchon, Jean-Philippe Pierron et al., Humains, animaux, nature : quelle éthique des vertus pour le monde qui vient ?, Paris : Hermann, 2020, 395 p. ; Lucie Dupin, « Petite introduction d'éthique animale à l'usage des juristes et de droit animalier à l'usage des philosophes », RSDA, n° 1-2/2019, pp. 463-482.
  • 76 Art. 521-1 à 522-2 du Code pénal ; art. L 215-11 du Code rural et de la pêche maritime.
  • 77 Art. R 654-1 du Code pénal, la peine principale encourue n’étant pas aggravée si l’infraction est commise par le propriétaire de l’animal.
  • 78 Art. R 215-4 du Code rural et de la pêche maritime.
  • 79 En l’état de la jurisprudence, l’acte délictuel d’abandon, qui se distingue de la contravention de défaut de soins et de la contravention de mauvais traitements, se caractérise notamment par une organisation des soins manifestement insuffisante (Cass. crim. 29 juin 2021, n° 20-84.017), le caractère prolongé du défaut de soins (Cass. crim. 31 mai 2016, n° 15-82.062, inédit) et ses effets irréversibles (Cass. crim. 16 juin 2015, n° 14-86.387, publié au bulletin).
  • 80 Art. L 214-2, al. 1er du Code rural et de la pêche maritime.
  • 81 Art. R 215-8, II, 2° à 6° du Code rural et de la pêche maritime ; ainsi du fait de suspendre un animal conscient, ou de ne pas l’étourdir avant son abattage ou sa mise à mort – hors le cas de l’abattage rituel.
  • 82 Cass. Crim. 22 mai 2007, n° 06-86.339, publié au bulletin (v. infra, B. La personnalisation de l’animal au service d’une protection désintéressée et renforcée).
  • 83 Art. 521-1, 522-1 et R 654-1 du Code pénal. Et pourtant, l’exploitation de l’animal à cette occasion ne saurait recevoir d’autre qualification que celle d’acte de cruauté eu égard à l’intention des organisateurs de tels événements : celle d’assister à la mise à mort d’animaux incapables de se défendre ; le législateur lui-même conçoit que ces événements donnent lieu a minima à des mauvais traitements (art. R 214-85 du Code rural et de la pêche maritime).
  • 84 Art. 521-1, al. 11, art. 522-1, al. 2 et art. R 654-1, al. 3 du Code pénal.
  • 85 Cons. const., déc. n° 2012-271 QPC du 21 septembre 2012, cons. 5 (comm. L. Sermet, RJE 2015, n° 4, pp. 717-733).
  • 86 Art. 521-1 du Code pénal.
  • 87 Cons. const., déc. n° 2015-477 QPC du 31 juillet 2015, cons. 4 (obs. Th. Renoux et X. Magnon, RPDP 2015, p. 678).
  • 88 Tir aux pigeons vivants : art. R 214-35 du Code rural et de la pêche maritime ; manèges à poney : art. L 214-10 du même code.
  • 89 V. not. art. L 214-3 du Code rural et de la pêche maritime et art. 521-1 et s. du Code pénal.
  • 90 Art. R 214-6 du Code rural et de la pêche maritime et art. L 411-1 et s. du Code de l’environnement.
  • 91 La captivité implique une détention (arrêté du 8 octobre 2018 fixant les règles générales de détention d'animaux d'espèces non domestiques, art. II).
  • 92 La répression du défaut de soins à un animal blessé n’intéresse que le gardien de l’animal domestique, apprivoisé ou captif (art. R 214-17, 2° du Code rural et de la pêche maritime). Si la détentrice de Rillette, qui nécessitait des premiers soins d’urgence lorsqu’elle a été découverte affamée dans une poubelle à l’état de marcassin, avait délibérément ignoré son sort, elle n’aurait nullement été inquiétée par la loi.
  • 93 L’obligation du préfet de s’assurer que les soins nécessaires soient prodigués à l’animal blessé ou en état de misère physiologique, et la faculté d’abréger ses souffrances en ordonnant sa mise à mort le cas échéant, ne profite qu’à l’animal domestique et l’animal sauvage apprivoisé ou captif (art. R. 214-17, al. 10 et R 214-58 du Code rural et de la pêche maritime). Le maire, autorité la plus à même d’intervenir rapidement, n’a aucune compétence à l’égard d’animaux sauvages trouvés en état de détresse ou en danger de mort mais peut au contraire ordonner la mise à mort d’un animal « malfaisant ou féroce » aux fins d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques (art. L 2212-2, 7° du CGCT). Pour le reste, les missions des « lieutenants de louveterie » en matière de destruction de spécimens d'espèces animales non domestiques ne répondent pas à une logique de bien-être animal mais de protection de la sécurité ou de la santé humaines et de l’environnement (art. L 427-1 du Code de l’environnement).
  • 94 Le Code de la route ne comporte aucune disposition relative aux atteintes involontaires aux animaux sauvages, au risque de faire peser une responsabilité bien trop lourde sur les usagers de la route. En revanche, il est dommageable qu’aucune obligation de prévenir les services vétérinaires de l’État ou d’abréger les souffrances d’un animal sauvage gravement blessé du fait de l’Homme et dans l’incapacité de se mouvoir ne soit consacrée. Le Code de la route réglemente uniquement la circulation des animaux par l’Homme et réprime les atteintes à la sécurité routière commises en violation de ces dispositions (art. R 421-2, et R 412-44 à R 412-50). Blesser un animal sauvage par imprudence en dépit de panneaux avertissant que la route est habituellement fréquentée par des animaux sauvages n’est pas davantage réprimé par le Code pénal, l’infraction d’atteinte involontaire à la vie d’un animal n’ayant pas vocation à protéger l’espèce sauvage vivant dans la nature (art. R 653-1, al. 1er).
  • 95 La chasse est encadrée en ce qui concerne les modes et moyens employés (art. R 428-8 à R 428-10 du Code de l’environnement) non du point de vue du bien-être animal, cette activité étant notamment exclue du champ d’application du règlement n° 1099/2009 sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort (cons. 14). Ainsi, le fait d’abattre un animal sauvage blessé n’est aucunement exigé du chasseur qui en est la cause. Par ailleurs, n’encourt aucune sanction pénale le chasseur qui se contente de poursuivre ou de tirer sur le gibier sans prendre le soin de procéder à la recherche de l’animal blessé ou de contrôler le résultat de son tir si l’on s’en tient à une interprétation littérale de la notion de captivité. À cet égard, la conduite de chiens de sang est purement bénévole et n’est pas réglementée par la loi (JORFdu 15 août 2023, p. 7528).
  • 96 Jean-Pierre Marguénaud, « Les enjeux de la qualification juridique de l'animal », p. 253, in Maryse Baudrez, Thierry Di Manno, Valérie Gomez-Bassac (dir.), L'animal, un homme comme les autres ?, Bruxelles : Bruylant, 2012 ; Caroline Regad, Cédric Riot (dir.), La personnalité juridique de l'animal. Les animaux sauvages, t. III, coll. Droit & science politique, Le Kremlin-Bicêtre : Mare & Martin, 2024, 172 p.
  • 97 Ne constitue pas un acte de chasse le fait d’achever un animal sauvage aux abois ou mortellement blessé (art. L 420-3, al. 2 du Code de l’environnement), la notion de blessure mortelle étant toutefois sujette à une appréciation variable (CA Rennes, 3 sept. 2018 ; CA Rouen 22 juin 2005, n° 05/00298).
  • 98 A contrario, en ce qui concerne les animaux captifs : art. R 231-6 et R 214-78, 4° du Code rural et de la pêche maritime.
  • 99 Sur l’obligation de l’État d’aménager le territoire aux fins de prévenir l'accès des grands animaux sauvages sur les voies publiques : CAA Marseille, 3e, 19 fév. 2004, n° 00MA00944 ; CAA Versailles, 2e, 2 juin 2005, n° 03VE00909.
  • 100 Art. L 110-1 du Code de l’environnement.
  • 101 L’activité de chasse – qui a vocation à capturer et à tuer du gibier – n’est conditionnée à aucun impératif de régulation (art. L 420-3 du Code de l’environnement), de sorte que la chasse exclusivement exercée à titre de loisir est admise, sous réserve des dispositions relatives aux espèces sauvages protégées (art. L 411-1 et s. du même code).
  • 102 Art. L 214-3, al. 2 du Code rural et de la pêche maritime.
  • 103 Art. 4 § 4 et art. 26 § 2 du règlement n° 1099/2009 sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort ; art. R 214-70, I, 1° du Code rural et de la pêche maritime.
  • 104 CJUE [GC], 29 mai 2018, aff. C‑426/16, points 55 à 57 et points 62 à 65.
  • 105 CE, 5 juill. 2013, n° 361441, cons. 5 (comm. Hervé De Gaudemar, « La légalité de la dérogation à l'obligation d'étourdissement des animaux à l'abattoir », RSDA, n° 2/2013, pp. 67-74 ; Gweltaz Eveillard, « Abattage rituel et police administrative », Droit administratif, déc. 2013, n° 12, pp. 44-48 ; Rémi Pellet, « Interdits alimentaires, hygiénisme et lien social », RDSS, janv. 2022, pp. 86-97). V. aussi CE, 1er juill. 2022, n° 441260, inédit au recueil Lebon, cons. 5.
  • 106 CE, 4 oct. 2019, n° 423647, mentionné aux tables du recueil Lebon.
  • 107 Le Conseil d’État a admis que l’intervention du législateur visant à encadrer les conditions du recours volontaire à l’étourdissement dans le cadre d’un abattage rituel avait pour finalité d'atténuer autant que possible la douleur, la détresse, la peur et les autres formes de souffrance que peut provoquer la mise à mort des animaux (CE, réf., 17 fév. 2021, n° 449083, inédit au Recueil Lebon, cons. 6).
  • 108 à mort illégale d’animaux en dehors d’un abattoir, v. Cass. Crim. 5 nov. 2019, n° 18-84.554, inédit (note Stéphane Detraz, « Au-dessus de la religion, la loi commune : là est le hic », Gaz. Pal., fév. 2020, n° 5, p. 47 ; Julien Lagoutte, « Nul ne peut se prévaloir de ses croyances religieuses pour s'affranchir des règles communes édictées par la loi pénale. De beaux draps pour un matelas sale ? », pén., fév. 2020, n° 2, pp. 14-20) : la Cour de cassation souligne que « nul ne peut se prévaloir de ses croyances religieuses pour s'affranchir des règles communes édictées par la loi pénale », en ce compris les particuliers qui n’usent d’aucune méthode d’endormissement avant de procéder à l’abattage rituel d’un grand nombre d’animaux.
  • 109 CJUE [GC], 26 fév. 2019, aff. C-497/17, points 48-49 ; CEDH, 13 févr. 2024, n° 16760/22 et al., § 107 et § 123 (Émilie Barbin, « La morale du bien-être animal », Droit administratif, avr. 2024, n° 4, pp. 5-6 ; Gérard Gonzalez, « L'étourdissement préalable dans l'abattage rituel nécessaire au bien-être animal », JCP G, mars 2024, n° 10, p. 439 ; Jean-Pierre Marguénaud, « L'abattage rituel avec étourdissement préalable réversible : une conquête du droit animalier européen », note, D. avr. 2024, n° 14, pp. 711-716 ; Marie-Christine de Montecler, « La convention européenne des droits de l'homme... et de l'animal ? », AJDA, fév. 2024, n° 6, p. 298) ; CJUE [GC], 17 déc. 2020, aff. C-336/19, point 77 (Mélina Oguey, « Abattage rituel : la nécessaire mise en balance entre le bien-être animal et la liberté religieuse », RDLF 2021, chron. n° 08).
  • 110 Art. L 1, I, 5° du Code rural et de la pêche maritime.
  • 111 TA, réf., Châlons-en-Champagne, 16 janv. 2025, n° 2403226.
  • 112 TA Toulouse, 27 fév. 2025, jugements n° 2303830 et n° 2303544.
  • 113 Alors que le risque de confiscation ou d’euthanasie de l’animal est considéré comme établi, le juge estime que la condition d’urgence doit être regardée comme remplie « eu égard aux risques encourus aussi bien par Mme (…) que par son animal en l’absence de suspension de l’exécution de la décision attaquée » (cons. 4).
  • 114 CE, réf., 19 juill. 2024, n° 496067, inédit au recueil Lebon ; CE, 6 oct. 2021, n° 445733, mentionné aux tables du recueil Lebon.
  • 115 Sur le défaut d’urgence attachée à un risque d’atteinte au bien-être animal au moment de la mise à mort en abattoir : CE, réf., 17 fév. 2021, n° 449083, inédit au Recueil Lebon, cons. 7.
  • 116 TA, réf., Châlons-en-Champagne, 16 janv. 2025, n° 2403226, cons. 12.
  • 117 Pour les magistrats, les bénéfices d’ordre social ainsi que le souci de conforter le développement économique d’un territoire attachés à une telle construction ne constituent pas « une raison impérative d’intérêt public majeur » au sens de l’article L 411-2, I, 4° du Code de l’environnement encadrant les dérogations à la destruction d’espèces animales protégées (cons. 12 à 19).
  • 118 CAA Toulouse, 4ème ch., 28 mai 2025, arrêts n° 25TL00597, n° 25TL00642 et n° 25TL00653.
  • 119 TC Lille, 7ème ch., 12 fév. 2025, n° 23320000398.
  • 120 V. aussi Tribunal de police de Béziers, 23 sept. 2024.
  • 121 Sur la possibilité pour certaines associations de se constituer partie civile à l’occasion d’une infraction attentatoire à l’animal, v. l’art. 2-13 du Code de procédure pénale (espèces animales domestiques ou captives) et l’art. L 142-2, al. 1erdu Code de l’environnement (espèces animales sauvages protégées). L’association qui argue d’un grief attentatoire aux intérêts qu’elle défend peut initier une instance civile ou administrative aux mêmes fins : Cass. 1ère civ. 18 sept. 2008, n° 06-22.038, publié au bulletin ; art. L 142-1 du Code de l’environnement. Il n’est pas question pour l’association de prendre fait et cause pour l’animal, mais d’obtenir réparation à l’occasion d’un préjudice qui lui est personnel.
  • 122 
  • 123 

    CA Douai, 25 février 2010, n° 09/01234, inédit. Finalement, le préjudice moral ne serait destiné qu’à « compenser l’altération des sentiments d’affection qu’inspire l’animal à l’homme » (Fabien Marchadier, « L'indemnisation du préjudice d'affection : la banalisation d'une action ... attitrée !? », RSDA, n° 2/2011, p. 35). Thibault Goujon-Bethan, Hania Kassoul, « Pour un aggiornamento de la responsabilité civile : vers la reconnaissance d’un préjudice animal pur », RSDA, n° 2/2022, pp. 527-582.

  • 124 CE, 30 mars 2015, n° 375144 ; CE, 26 fév. 2016, n° 390081, inédit au recueil Lebon. Il est vrai que l’article L 142-2 du Code de l’environnement distingue la démonstration de l’existence d’un préjudice de la preuve de l’objet statutaire, contrairement à l’article 2-13 du Code de procédure pénale.
  • 125 Y compris lorsque le non-respect de la loi n’a causé aucun dommage avéré aux éléments de l’environnement : Cass. 3ème civ., 9 juin 2010, n° 09-11.738, publié au bulletin.
  • 126 La fixation par le juge pénal ou administratif du montant de l’indemnisation allouée en réparation de l’atteinte portée aux intérêts collectifs d’une association de protection des animaux n’excède généralement pas 1 000 euros (Cass. crim. 31 mai 2016, n° 15-82.062, inédit) – sur l’abandon d’animaux domestiques, v. toutefois TC Béziers, 17 juin 2024, n° 24030000043y compris lorsqu’une décision administrative illégale a donné lieu à la destruction de centaines d'animaux (CAA Nancy, 4ème ch., 22 mars 2010, n° 08NC00735, inédit au recueil Lebon, et CAA Nancy, 1ère ch., 19 déc. 2013, n° 12NC01893, inédit au Recueil Lebon). Sur l’indemnisation plus élevée allouée à une association de protection des animaux en réparation d’un préjudice moral résultant moins de l’atteinte portée à ses intérêts statuaires qu’à son implication directe dans la révélation des mauvais traitements de l’exploitant d’un abattoir et de ses employés, v. TA Pau, 20 juill. 2023, n° 2101030.
  • 127 À la lecture de l’article 2-13 du Code de procédure pénale, ne sont pas autorisées à se constituer partie civile dans une instance pénale les associations qui auraient connaissance d’atteintes involontaires mais fautives à la vie ou à l’intégrité d’un animal (art. R 653-1 du Code pénal ; Cass. Crim. 22 mai 2007, n° 06-86.339, publié au bulletin), d’un défaut de soin et/ou de conditions d’accueil incompatibles avec la sensibilité de l’animal (art. R 215-4 du Code rural et de la pêche maritime ; Cass. Crim. 30 mai 2012, n° 11-8826, comm. Jacques Leroy, « Défaut de soins à animal. Constitutions de partie civile d'associations de protection animale. », RSDA, n° 1/2012, pp. 81-82 ; Cass. Crim. 22 mai 2007, n° 06-86.339, publié au bulletin, note Michel Véron, « Les limites de l'action des associations de défense », pén., 1er sept. 2007, n° 9, pp. 48-49), du non-respect des conditions d’abattage exposant l’animal à une souffrance psychique ou psychique (art. R 215-8, 3° à 6° du Code rural et de la pêche maritime) ou du vol d’un animal de compagnie ou d’agrément l’arrachant ainsi à son environnement de vie habituel (Cass. crim. 24 oct. 2000, n° 99-87.682, inédit).
  • 128 Sans intervention du législateur l’on peut difficilement porter la voix de l’animal sauvage : le préjudice animalier ne saurait s’appliquer aux souffrances de l’animal sauvage non captif, non appréhendé par les infractions pénales de droit commun, et le préjudice écologique n’a vocation qu’à réparer une atteinte « non négligeable » aux éléments ou aux fonctions des écosystèmes.
  • 129 Art. R 214-64, 1° et 2° du Code rural et de la pêche maritime ; arrêté du 12 décembre 1997 relatif aux procédés d'immobilisation, d'étourdissement et de mise à mort des animaux et aux conditions de protection animale dans les abattoirs (dispositions applicables aux établissements d’abattage des ongulés domestiques, des volailles, des lagomorphes et du gibier d'élevage) ; cons. 11 du règlement n° 1099/2009 sur la protection des animaux au moment de leur abattage ou de leur mise à mort (« Les poissons sont physiologiquement très différents des animaux terrestres, et les poissons d’élevage sont abattus et mis à mort dans un contexte très différent (…) » ; néanmoins, « [d]’autres initiatives (…) devraient être prises sur la base d'une évaluation scientifique des risques relative à l'abattage et à la mise à mort des poissons, réalisée par l'EFSA, et en tenant compte des incidences sociales, économiques et administratives ») ; CJUE [GC], 17 déc. 2020, aff. C-336/19, point 93.
  • 130 Art. 1246 et s. du Code civil (L. n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages).
  • 131 Cass. crim. 25 sept. 2012, n° 10-82.938, publié au bulletin.
  • 132 Art. 2, al. 1er du Code de procédure pénale : « L'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ».
  • 133 Art. 521-1-1, al. 2 du Code pénal.
  • 134 Jean-Marie Coulon, « Antagonisme ou complémentarité entre les droits humains et les droits des animaux », RSDA, n° 1/2020, pp. 287-294.
  • 135 Jérôme Leborne, « Une protection pénale pour l'intérêt de l'animal : vers un droit post-moderne du vivant ? », RSDA, n° 1/2020, pp. 497-531 ; Pierre-Jérôme Delage, « L'animal en droit pénal : vers une protection pénale de troisième génération ? », pén., fév. 2018, n° 2, pp. 18-22.
 

RSDA 1-2025

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