Actualité juridique : Jurisprudence

Droit criminel

Les dents de la mer par le droit pénal (Cass. Crim., 1er avril 2025, pourvoi n° 23-85.211)

Mots clés : mammifère marin – chasse audiovisuelle – attaque de requin – blessures involontaires – faute caractérisée

 

1 L’affaire. Au cinéma, lorsqu’un requin croque un baigneur, une équipe de héros et d’antihéros, qui subira quelques pertes tragiques, dont au moins un sacrifié, mènera une expédition punitive mouvementée contre le monstre marin. Souvent, il faudra s’y reprendre à plusieurs fois tellement la bête aime la vie, surtout celle de l’homme, et quand bien même elle serait tuée elle trouvera le moyen d’être ressuscitée sinon d’être vengée par sa descendance encore plus cruelle. Une justice privée en somme, parodie hollywoodienne des procès contre les animaux dont on peut trouver quelques traces dans les archives historiques. Pour le droit pénal contemporain, plus civilisé, c’est « l’animal qui cache l’homme ». L’animal n’est pas (ou n’est plus) pénalement responsable de ses actes dès lors qu’il est dépourvu de discernement et d’intention criminelle, principes modernes propres à la personne qui pour cette raison est seule titulaire de la personnalité juridique et alors responsable (principes tout autant applicables à la personne physique organe ou représentant de la personne morale engageant à ce titre sa responsabilité). En d’autres termes, on reproche une faute humaine à l’origine de l’agression animale, constitutive d’une infraction pénale si toutes les conditions sont réunies. En l’espèce, une femme a été attaquée par un requin alors qu’elle participait à une sortie en mer dans le but d’observer les baleines. Deux fautes sont reprochées à l’organisatrice guide de plongée : l’infraction de chasse audiovisuelle de mammifère marin non autorisée sanctionnée par le Code de l’environnement de la Polynésie Française (I) et le délit de blessures involontaires puni par le Code pénal (II).

 

I – La chasse audiovisuelle de mammifère marin

2 La chasse audiovisuelle générale. Certaines chasses sont beaucoup moins sanglantes que d’autres. Elles n’en restent pas moins une atteinte aux espèces animales. Tel est le cas de la chasse audiovisuelle sanctionnée d’une contravention de la 3e classe (450 € d’amende) par l’article R. 415-2 du Code de l’environnement. Marque de fabrique du droit pénal spécial de l’environnement, le texte incrimine par la technique du renvoi, la méconnaissance de la réglementation prévue ailleurs, en l’occurrence aux articles R. 411-19 à R. 411-21 du même code, réglementation relative aux prises de vues ou de son. La chasse photographique peut être réglementée, soit dans le périmètre des cœurs des parcs nationaux, des réserves naturelles et des réserves nationales de chasse, soit en ce qui concerne les espèces protégées au titre de l’article L. 411-1, pendant les périodes ou dans les circonstances où ces espèces sont particulièrement vulnérables, sur tout ou partie du territoire national, y compris le domaine public maritime et les eaux territoriales (art. R. 411-19). La réglementation peut comporter par espèces d’animaux, d’une part, l’interdiction absolue de la prise de vues ou de son pendant les périodes ou dans les circonstances où ces espèces non domestiques sont particulièrement vulnérables (art. R. 411-20, I, 1°), d’autre part, l’interdiction de procédés de recherche ou de l’usage d’engins, instruments ou matériels pour la prise de vues ou de son, de nature à nuire à la survie de ces animaux (art. R. 411-20, I, 2°). Toutefois, des dérogations peuvent être accordées, par autorisation spéciale et individuelle, dans l’intérêt de la recherche ou de l’information scientifiques (art. R. 411-20, II).

À l’instar de toute contravention, l’article R. 415-2 du Code de l’environnement est en principe une infraction matérielle, c’est-à-dire que la constatation des faits suffit à la caractériser. Cela ne signifie pas que l’intention n’existe pas, au contraire, mais elle est présumée. A priori, il s’agit d’une infraction formelle, c’est-à-dire que la loi pénale sanctionne l’observation audiovisuelle de l’espèce animale indépendamment de la réalisation d’un résultat, car à elle seule elle est considérée comme suffisamment dangereuse. L’infraction est préventive. Mais si la prise de photographie ou de son a des conséquences néfastes sur l’espèce animale, il faudra préférer l’article R. 415-1 1° du Code de l’environnement qui sanctionne d’une peine d’amende prévue pour les contraventions de la 4e classe (750 € d’amende), le fait de perturber de manière intentionnelle des espèces animales non domestiques protégées au titre de l’article L. 411-1. Cette contravention, en revanche, est une infraction de résultat, lequel est obligatoire pour la qualifier. Ainsi, un cinéaste amateur a été condamné pour perturbation intentionnelle d’espèce protégée, car il avait filmé la nidification du seul couple de gypaètes barbus présents dans le département de la Haute-Garonne, en reconnaissant avoir gravement porté atteinte à deux tentatives de reproductions. Les oiseaux s’étant envolés, l’œuf resta sans protection pendant plus d’une heure. Après l’éclosion, le poussin n’avait pas survécu. De plus, le dérangement provoqua l’abandon du site de nidification occupé depuis 1997 (TI Saint-Gaudens, 6 mars 2008, n° 37/20008). La certitude du lien de causalité entre le comportement reproché et la perturbation du milieu de l’espèce protégée est établie en l’absence d’autre évènement de nature à provoquer l’éloignement des oiseaux observé à la suite d’une battue prohibée dans une zone de nidification (Pau, 11 juin 2015, n° 14/00253). Très récemment, une société de production de films a été condamnée, au titre du délit de l’article L. 415-3, 1, a, du Code de l’environnement, à une amende de 50 000 € pour la destruction de 520 œufs de flamants roses de Camargue et à une amende de 2 000 € pour la perturbation volontaire de cette espèce. Lors du tournage du film « Donne-moi des ailes » de Nicolas Vanier, deux ULM avaient survolé à basse altitude 8 000 flamants roses en pleine période de couvaison, qui effrayés, s’étaient envolés en détruisant leurs nids dans la panique et en abandonnant les œufs, soit 11,5 % de la reproduction annuelle en France de cette espèce (T. corr. Nîmes, 11 avr. 2025).

Trois principes sont en jeu. Deux principes du droit pénal spécial de l’environnement fondent la contravention tandis que le troisième est propre à la responsabilité pénale. Selon le premier, à l’extérieur des zones protégées, seules les espèces animales inscrites sur une liste, établie par arrêté, peuvent être protégées (art. R. 411-1, C. Env.). La protection des espèces animales sauvages dépend donc de leur identification sur une liste d’espèces protégées, en conséquence de quoi, les autres ne peuvent l’être et sont exclues du champ d’application des dispositions pénales 1, quand bien même elles seraient protégées par le droit de l’Union européenne ou classées sur liste rouge de l’UICN dont la portée juridique est nulle. En vertu du second principe, les différents actes énumérés et normalement interdits ne sont effectivement prohibés que s’ils sont prévus dans l’arrêté ministériel désignant l’espèce comme protégée. Cet arrêté ministériel doit préciser la nature et la durée des infractions, ainsi que les parties du territoire et les périodes de l’année où elles s’appliquent (art. R. 411-3). Ici, le principe de légalité des délits et des peines est soumis à l’arrêté ministériel. Autrement dit, les infractions du Code de l’environnement restent une coquille vide si l’arrêté désignant l’espèce protégée s’abstient de préciser les actes interdits prévus par le Code de l’environnement. Dès lors, l’espèce animale protégée ne peut bénéficier de l’interdiction de la chasse audiovisuelle que si celle-ci est reprise par l’arrêté ministériel de protection de l’espèce en question. Enfin, l’autorisation individuelle, obtenue de l’autorité compétente, d’enfreindre les interdictions constitue un fait justificatif ayant un effet exonératoire de la responsabilité pénale de l’auteur de l’infraction, conformément à la règle de l’article 122-4 du Code pénal. Toutefois, les conditions de l’autorisation doivent être respectées par son bénéficiaire pour qu’elle soit considérée comme fait justificatif, l’arrêt commenté en est une nouvelle illustration.

3 La chasse audiovisuelle spéciale. Afin de mieux les protéger contre les activités touristiques nuisibles à leur bien-être et au développement de l’espèce, la chasse audiovisuelle des mammifères marins fait l’objet d’une réglementation spéciale hors métropole 2. L’arrêt de la Cour d’appel de Papeete en date du 17 août 2023 a déclaré la prévenue coupable, sur le fondement des articles 2212-1 et 2213-1 du Code de l’environnement de la Polynésie Française, d’avoir exercé à titre lucratif une activité d’approche et d’observation des baleines, espèces protégées reconnues vulnérables ou en danger par le même code, sans être titulaire de l’autorisation requise pour le navire utilisé (infractions prévues par les articles 2300-2 et 2300-3 du même code). Dans son pourvoi, la prévenue faisait valoir que l’autorisation accordée de l’exercice de son activité expirait le 30 décembre 2019, celle-ci était alors en cours de validité au jour des faits le 21 octobre 2019. La question était de savoir si la validité de l’autorisation dépendait de la date d’expiration de l’exercice de l’activité (argument du pourvoi) ou de la date d’expiration du permis de navigation du navire utilisé pour l’activité (argument des juges). La Cour de cassation constate que l’arrêté du ministre de la Culture et de l’Environnement du 27 juin 2019 autorisant la société employeur de la prévenue à exercer une activité d’approche des baleines et autres mammifères marins liait expressément cette autorisation à la validité du permis de navigation du navire utilisé pour ladite activité. Or, ce permis, valide jusqu’au 23 août 2019, n’a été prorogé qu’à compter du 22 octobre 2019 alors que l’accident est survenu la veille. La Cour de cassation donne raison aux juges du fond ayant déduit que l’autorisation d’observation et d’approche des mammifères marins délivrée à la prévenue n’était pas en vigueur le jour des faits dès lors que le permis de navigation du navire, auquel l’autorisation était subordonnée, avait expiré. En d’autres termes, l’expiration du permis de navigation utilisé pour l’activité rendait caduque l’autorisation de l’exercice de l’activité. L’autorisation n’étant plus en cours de validité, la prévenue ne pouvait bénéficier du fait justificatif de l’autorisation de la loi.

 

II – Les blessures involontaires causées par l’attaque du requin

4 Distinction des fautes. L’agression d’une personne par un animal qui lui cause un dommage peut être sanctionnée au titre des atteintes non intentionnelles à l’intégrité physique, car elle résulte d’une faute commise par une autre personne. Depuis la loi n° 2008-582 du 20 juin 2008 sur la prévention et la protection contre les chiens dangereux, il faut désormais distinguer les atteintes non intentionnelles en fonction de l’animal impliqué. Lorsque le dommage enduré par la victime est le fait d’un chien, des infractions spéciales s’appliquent. Lorsque le dommage est causé par tout autre animal, on reste sur le terrain des atteintes de droit commun. L’attaque d’un requin entre donc dans la catégorie des atteintes générales.

Pour bien comprendre la faute non intentionnelle, il est important de distinguer préalablement l’infraction intentionnelle et l’infraction non intentionnelle. Dans le cas de l’infraction intentionnelle, l’auteur manifeste une certaine intention de commettre l’acte afin d’atteindre les conséquences de cet acte. Dans le cas de l’infraction non intentionnelle, il est reproché à l’auteur de l’acte d’avoir fait preuve d’un comportement imprudent, d’une attitude négligente, laquelle s’est révélée dommageable. « La non-intention c’est, en quelque sorte, la non-attention » 3. On ne se focalise plus sur l’élément intentionnel à proprement parler, on se préoccupe davantage des conséquences dommageables survenues à la suite de négligences. Dans cette hypothèse, l’auteur est plus ou moins conscient d’adopter un comportement imprudent mais, en aucune façon, il n’a voulu atteindre ou aboutir à des conséquences dommageables. En définitive, un manque de précaution aboutit à un résultat non voulu.

La responsabilité pénale pour une infraction non intentionnelle nécessite de raisonner à rebours de la responsabilité pénale pour une faute intentionnelle. En cas d’infraction intentionnelle, il faut, d’abord, caractériser l’existence de l’infraction afin de pouvoir, ensuite, en faire assumer la responsabilité à son auteur. Pour qu’il y ait infraction, il faut démontrer que les trois éléments constitutifs de celle-ci sont réunis, que sont l’élément légal (l’existence d’un texte), l’élément matériel (l’acte incriminé) et l’élément moral (l’intention). On raisonne à partir de l’acte infractionnel, on caractérise l’infraction qui trouble la paix sociale (résultat) et, sur ce fondement, est engagée la responsabilité pénale de l’auteur. En cas d’infraction non intentionnelle, on emprunte le chemin inverse. À la suite d’un dommage, il faut chercher à comprendre comment en est-on arrivé là. Il faut en quelque sorte remonter dans le temps afin de déterminer quelle initiative malencontreuse, quelle négligence ou imprudence est à l’origine de la survenance du dommage. On raisonne à partir du dommage, on part du dommage, donc du résultat, pour en rechercher la cause (ou les causes) initiale(s). Cette cause correspond à une imprudence plus ou moins avérée qu’il va falloir caractériser. Il s’agit de la faute pénale. Ainsi, une faute pénale, qui se manifeste par un comportement imprudent, causant un dommage, caractérise l’infraction non intentionnelle. Une infraction non intentionnelle est nécessairement une infraction matérielle, elle ne se constitue que si elle cause un dommage.

Toute la difficulté de la faute non intentionnelle est la variété des formes qu’elle peut prendre. L’article 121-3 alinéa 3 concerne la faute simple. La responsabilité de l’auteur est retenue s’il n’a pas accompli les diligences normales de sécurité ou de prudence. Il s’est comporté de manière imprudente. L’article 121-3 alinéa 4 consacre la faute qualifiée. Introduite par la loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition des délits non intentionnels, cette nouvelle forme envisage la responsabilité de la personne dont l’action ou l’inaction est à l’origine du dommage. Il faut remonter encore plus loin la chaîne causale. Mais la faute qualifiée se décompose à son tour en deux variantes : la faute délibérée et la faute caractérisée.

5 Causalité indirecte. L’alinéa 3 de l’article 121-3 vise l’hypothèse de la responsabilité de l’auteur direct de l’infraction : on parle alors de causalité directe. L’alinéa 4 est consacré à la responsabilité de l’auteur indirect de l’infraction : il s’agit de la causalité indirecte. Cette distinction signifie que la faute simple vise la mise en œuvre de la responsabilité de l’auteur direct du dommage, à la différence de la faute qualifiée (délibérée ou caractérisée) qui ne peut être démontrée que pour mettre en cause l’auteur indirect du dommage. Partant, n’est pas punissable celui qui, par l’effet d’une faute simple, a causé indirectement un dommage.

On comprend alors qu’il faut, dans un premier temps, déterminer le lien de causalité existant entre l’auteur et le dommage pour déterminer, dans un second temps, le degré de la faute. Si l’auteur des faits a causé directement le dommage, une faute simple suffit pour retenir sa culpabilité. Si l’auteur des faits a causé indirectement le dommage, une faute qualifiée doit être démontrée pour établir sa culpabilité. Ainsi, plus le lien de causalité est éloigné entre la faute et le dommage, plus grave est la faute reprochée. On peut y voir une sorte de compensation, la doctrine parle parfois de proportionnalité : un lien de causalité proche, direct, entre la faute et le dommage se satisfait d’une faute simple ; un lien de causalité éloigné, indirect, entre la faute et le dommage doit être compensé par la gravité de la faute.

En l’espèce, la détermination du lien de causalité ne pose aucune difficulté, la guide est nécessairement auteur indirect de l’agression du requin envers la victime. Il s’agit de l’approche positive de la causalité indirecte, en ce que la guide a créé ou a contribué à créer la situation à l’origine du dommage en organisant la mise à l’eau durant laquelle la victime a été attaquée alors que la présence du requin avait été signalée. Partant, une faute grave est requise, celle-ci devra être délibérée ou caractérisée. 

6 Exclusion de la faute délibérée. La faute délibérée est définie par l’article 121-3 alinéa 4 du Code pénal comme « la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement ». La faute délibérée est « au sommet de la hiérarchie des fautes » 4 non intentionnelles. En effet, le caractère de la violation, « manifestement délibérée », traduit la volonté indéniable de transgresser l’obligation de sécurité ou de prudence. Il y a une volonté délibérée de violer la loi, comme une infraction intentionnelle, sans pour autant être dans une infraction intentionnelle, car le résultat, lui, n’est pas voulu. On peut ainsi parler d’une « imprudence consciente » ou d’une « faute consciente », à la différence de la faute simple qui est une « faute inconsciente » ou une « imprudence consciente ». Surtout, la nature de l’obligation violée est double. Il faut non seulement une « obligation de prudence ou de sécurité », mais aussi une « obligation particulière […] prévue par une loi ou un règlement ». Il ne s’agit donc pas d’une obligation générale comme dans le cas de la faute simple, au contraire, il s’agit d’une obligation précisément visée par un texte. Cette condition faisant défaut en l’espèce, la faute délibérée sera rapidement écartée au profit de la faute caractérisée.

7 Admission de la faute caractérisée. Contrairement aux dispositions précédentes, le législateur ne fait référence à aucune règle textuelle de sécurité ou de prudence à l’égard de la faute caractérisée. Il n’est plus question de transgression d’une quelconque règle de sécurité préétablie. La situation visée est beaucoup plus générale que la faute simple ou que la faute délibérée. L’auteur va commettre une imprudence grossière, adopter un comportement inadmissible pour un homme normalement raisonnable.

Selon les dispositions de l’article 121-3 alinéa 4 du Code pénal, l’auteur doit exposer autrui à un risque d’une particulière gravité. Il doit s’agir d’une faute dont l’imprudence est particulièrement marquée, au point de recouvrir un degré de gravité certain, pour ne pas dire évident. La situation dans laquelle l’auteur place autrui est objectivement dangereuse. La faute grossière va déboucher sur des conséquences dramatiques que l’auteur ne souhaitait pas atteindre pour autant. La portée de ce risque est le plus souvent mesurée au niveau du dommage enduré par la victime (blessures involontaires ou pire homicide involontaire). L’essentiel étant que la nature de la faute commise permette de rendre le dommage prévisible. L’arrêt commenté s’abstient de préciser l’ampleur des blessures. Pour autant, il est évident que la présence du requin à proximité exposait les plongeurs à un risque d’attaque et de blessures graves.

L’exposition au risque ne suffit pas, l’auteur ne doit pas pouvoir ignorer le risque encouru. Vu le niveau d’imprudence, l’auteur ne peut se retrancher derrière le fait qu’il ignorait le risque qu’il faisait courir à la victime. Il en avait nécessairement conscience parce que ce risque grave était prévisible au moment des faits. Le critère de la prévisibilité doit systématiquement être prouvé même si la survenance du préjudice était évidente. Ainsi, ce qu’on reproche à l’auteur, c’est d’avoir provoqué une telle situation et de n’avoir rien fait pour l’éviter ou d’avoir agi à contretemps. Il appartient au juge pénal de qualifier juridiquement les faits et de s’assurer qu’ils rentrent bien dans les prescriptions législatives. La Cour de cassation se montre vigilante sur ce point, sachant que c’est une question de pur fait qu’elle ne peut elle-même apprécier en sa qualité de juge du droit.

Les juges du fond ont conclu qu’en décidant sans précaution particulière, en présence d’un requin à proximité, d’une troisième mise à l’eau, la prévenue a exposé la victime à un risque d’une particulière gravité qu’elle ne pouvait ignorer. Dans son pourvoi, la prévenue prétendait que, pour constater la faute caractérisée, les juges avaient retenu « surtout », selon ses termes, son manque de précaution lors de la troisième sortie des participants qu’elle a décidée malgré la présence du requin. Elle estimait qu’ils n’avaient pas, dans ces conditions, suffisamment démontré en quoi elle avait commis une faute caractérisée. La Cour de cassation n’est pas de cet avis. Elle constate que l’arrêt précise que tous les participants à la sortie en mer ont remarqué, dès après la première mise à l’eau, la présence à proximité d’un requin, que l’un d’eux, inquiet, a interpellé la guide, qui lui a répondu que ce requin ne mordait pas. En outre, les juges relèvent qu’aucune consigne de sécurité n’a été donnée par la guide avant les mises à l’eau ayant suivi alors que la présence du requin était connue par celle-ci. Ils ajoutent que du fait de son expérience, elle savait que l’espèce de requin parata était capable d’attaques imprévisibles. Ainsi, la Cour de cassation estime que les juges ont parfaitement établi l’existence d’une faute caractérisée dont la guide de plongée était responsable. En droit pénal, le plus dangereux n’est pas le requin qui défend son territoire mais le guide qui n’hésite pas à y faire pénétrer des amateurs pour les divertir.

 

Brèves animalières

Mots clés : constatation et recherche des infractions – mesure de protection des animaux –perquisition et visite – établissements itinérants – loi Grammont

Les dispositions de la loi Grammont ne sauraient donner lieu à un principe fondamental reconnu par les lois de la République (Cons. Const. 14 fév. 2025, n° 2024-1121 QPC ; Dalloz Actualité, 21 fév. 2025, H. Kassoul ; Dr. pénal, 2025, comm. 68, J.-H. Robert ; Dr. rural, 2025, alerte 17, L. Daydie ; Gaz. Pal., 8 avril 2025, jurisprudence, p. 25, Q. Le Pluard) : Issus de la loi du 30 novembre 2021 relative à la lutte contre la maltraitance animale, les articles L. 413-10 et L. 413-11 du Code de l’environnement interdisent la détention et représentation des animaux non domestiques au sein d’établissements itinérants. L’association requérante reprochait à ces dispositions un traitement inégalitaire en excluant les établissements fixes, soumis à la réglementation des parcs zoologiques. Elle reprochait ainsi à la loi d’avoir instauré une différence de traitement injustifiée entre les animaux alors qu’ils sont tous exposés aux mêmes souffrances causées par leurs captivités et exploitation. Elle a notamment demandé au Conseil constitutionnel de reconnaître les dispositions de la loi Grammont du 2 juillet 1850 comme principe fondamental. Selon ladite loi, il est interdit d’exercer publiquement, et sans nécessité, des mauvais traitements envers des animaux domestiques. Le Conseil estime que les dispositions de la loi Grammont n’ont eu ni pour objet ni pour effet de consacrer un principe applicable à tous les animaux, elles ne pouvaient alors donner naissance à un PFRLR.

Le JLD n’est pas compétent pour autoriser une perquisition sans requête préalable du procureur de la République (Cass. Civ 3e, 5 juin 2025, pourvoi n° 23-11.500 ; Dalloz Actualité, 16 juin 2023, P. Dufourq) : Les fonctionnaires et agents habilités à rechercher et constater les infractions prévues par le Code l’environnement ne peuvent procéder à la visite ou à la perquisition des domiciles et des locaux comportant des parties à usage d’habitation, à défaut d’assentiment de l’occupant des lieux, qu’en présence d’un officier de police judiciaire et conformément aux règles du Code de procédure pénale (art. 172-5, C. Env.). Celui-ci prévoit que, dans le cadre d’une enquête préliminaire, en principe le consentement du chef de maison est obligatoire pour procéder à une perquisition des lieux. Par exception, si les nécessités de l’enquête l’exigent et qu’elle porte sur un crime ou un délit puni d’une durée égale ou supérieure à trois ans, le juge des libertés et de la détention (JLD) peut, à la requête du procureur de la République, décider par décision écrite et motivée que la perquisition soit effectuée sans le consentement de la personne (art. 76, al. 4, CPP). Par conséquent, le JLD n’était pas compétent pour autoriser à procéder à des perquisitions et saisies au domicile de la prévenue et au sein de l’élevage de chien, sans son assentiment, à la demande des agents de la DDPP.

Pour l’exercice des inspections, des contrôles et des interventions de toute nature qu’implique l’exécution des mesures de protection des animaux, les fonctionnaires et agents habilités à cet effet peuvent solliciter du JLD, dans les formes et conditions prescrites par l’article L. 206-1 du Code rural et de la pêche maritime, l’autorisation d’accéder à des locaux professionnels ou à des locaux comprenant des parties à usage d’habitation, dont l’accès leur a été refusé par l’occupant (art. L. 214-23, I, 5°, Code rural). Il résulte de l’article L. 206-1, I, alinéa 1er que, lorsque l’accès aux locaux est refusé aux agents, ou lorsque ceux-ci comprennent des parties à usage d’habitation, cet accès peut être autorisé par ordonnance du JLD. Dès lors, celui-ci ne pouvait autoriser les agents de la DDPP à procéder à des perquisitions et saisies, mais seulement à accéder aux locaux.

  • 1 La Cour de cassation l’a récemment rappelé à l’égard des civelles (Cass. Crim., 22 mai 2024, pourvoi n° 23-83.463).
  • 2 En outre-mer, un arrêté limite la recherche, l’approche et l’observation des mammifères marins de façon à éviter toute perturbation de ces animaux (Arr. préfect. n° 2010-49/SEF/DAF, 13 juill. 2010, non publié).
  • 3 X. Pin, Droit pénal général, Dalloz, coll. Cours, 16e éd., 2025, n° 238.
  • 4 A. Darsonville, Droit pénal général, Lefebvre Dalloz, coll. Sirey, 2024, n° 225.
 

RSDA 1-2025

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