Droit de l'Union européenne et du Conseil de l'Europe
- Christophe Maubernard
Professeur de droit public
Université de Montpellier
IDEDH - David Szymczak
Professeur Droit public
Sciences Po Bordeaux
1/ Le droit du Conseil de l’Europe (jurisprudence)
De la liberté de manifester pacifiquement contre l’exploitation des animaux de cirque
CourEDH, arrêt du 3 avril 2025, Bogay et autres c. Ukraine, n° 38283/18
Rendu le 3 avril 2025, l’arrêt Bogay c. Ukraine ne mérite qu’une rapide évocation dans le cadre de cette chronique. Si les faits de l’espèce concernaient à l’évidence la question du bien-être animal, le raisonnement suivi par la Cour de Strasbourg ne présente en effet guère de « spécificité animalière » et pourrait en ce sens figurer dans bien d’autres affaires relatives aux limitations à la liberté de manifester. Il n’empêche qu’incidemment mais nécessairement la liberté de manifester pacifiquement en faveur de la cause animale se trouve ici confortée, l’intérêt principal de l’arrêt reposant selon nous sur l’évaluation de ce caractère « pacifique », lequel est interprété assez généreusement par la Cour pour l’occasion.
A l’origine de l’affaire, les douze requérants avaient participé en 2018 à une manifestation organisée à Lviv contre l’usage d’animaux dans les spectacles de cirque. Une manifestation d’une quarantaine de personnes dont la mairie avait été prévenue par les organisateurs et à laquelle tentèrent de s’opposer des individus présumés appartenir à des groupes d’extrême droite. Présente sur les lieux, la police intervint pour empêcher les affrontements. Puis, sous les invectives, elle procéda à la fouille des manifestants et de leurs opposants et trouva notamment sur deux des requérants une barre en fer et un couteau. D’autres objets similaires furent jetés au sol et la police recensa en tout sept couteaux, quatorze tiges métalliques, trois marteaux et quatre bonbonnes de gaz. Une vingtaine de manifestants, dont l’ensemble des requérants, furent arrêtés et transférés vers le poste de police où ils restèrent entre deux à trois heures. Aucun rapport de détention administrative ne fut toutefois établi et la plupart des requérants furent simplement inscrits dans le registre des visiteurs du poste de police. Des procès-verbaux d’infraction administrative en matière de « petit hooliganisme » furent en revanche dressés à l’égard de trois requérants pour possession d’arme lors d’un évènement public et pour langage obscène, une vidéo montrant que les policiers avaient été traités de « nazis » lors de la manifestation. Les poursuites contre les deux premiers requérants furent ultérieurement abandonnées pour prescription et aucune décision n’a été rendue à ce jour l’encontre du troisième requérant.
La Cour relève tout d’abord une violation de l’article 5 § 1 de la Convention. L’applicabilité de cette disposition ne faisait guère de doute, la Cour ayant déjà jugé, à de nombreuses reprises, que le fait d’emmener des personnes dans un poste de police et de les y laisser constituaient une « privation de liberté » (par ex. Osypenko c. Ukraine, 9 novembre 2010) et ceci même si la durée de la détention était brève (Shimovolos c. Russie, 21 juin 2011 : 45 mn ; Duğan c. Türkiye : 2 heures). En outre, l’argument du Gouvernement selon lequel les requérants auraient décidé de se présenter à la police de leur plein gré ne convainc guère le juge européen, tous ayant affirmé qu’ils avaient été contraints de se rendre au poste, certains menottés ce qui révélait bien un élément de coercition. Applicable, l’article 5 § 1 est en outre violé. Pour les requérants arrêtés mais non poursuivis, aucun des alinéas de cette disposition ne trouvaient à s’appliquer, pas même de l’alinéa b) faute d’obligation ou d’ordre spécifique auquel ils auraient été tenus de se conformer (comp. avec S., V. et A. c. Danemark, Gde. ch., 22 octobre 2018). Quant aux trois requérants finalement poursuivis, la privation aurait pu être justifiée sur le fondement de l’alinéa c), à ceci près que la Cour exige que les privations de liberté soient documentées en temps utile par un rapport d’arrestation (par ex. Grubnyk c. Ukraine, 17 septembre 2020), ce qui n’avait pas été le cas en l’espèce. Une carence qui, rappelle la Cour, constitue un « manquement très grave » et une « négation complète des garanties fondamentales de l’article 5 » et qui ne pouvait être compensée en l’espèce par la seule inscription au registre des visiteurs, lequel s’avérait « fragmentaire » voire « illisible » donc « non fiable ».
Concernant ensuite la liberté de manifester (art. 11), interprétée pour la circonstance à la lumière de la liberté d’expression (art. 10), la Cour la juge aussi applicable au litige, ce qui n’allait pas forcément de soi, l’article 11 ne couvrant effectivement pas les manifestations dont les organisateurs et participants ont des intentions violentes. La Cour rappelle cependant que « même s’il existe un risque réel qu’une manifestation publique entraîne des désordres en raison d’événements échappant au contrôle de ceux qui l’organisent, une telle manifestation ne constitue pas pour autant une menace pour les droits de l’homme ». En vue de savoir si un requérant peut prétendre à la protection de l’article 11, elle cherche plutôt à déterminer : (i) si le but du rassemblement était pacifique ou si les organisateurs avaient des intentions violentes ; (ii) si le requérant a manifesté des intentions violentes lorsqu’il s’est joint au rassemblement ; et (iii) si le requérant a infligé des lésions corporelles à quelqu’un (Shmorgunov et al. c. Ukraine, 21 janvier 2021). Or, selon la Cour, rien le dossier ne permet de considérer que la manifestation contre le traitement des animaux dans les cirques n’était pas pacifique. En particulier, aucun affrontement violent avec les forces de police n’a été signalé et le passé des manifestants n’a révélé aucun antécédent de violence lors d’une manifestation. Quant à la présence sur les lieux d’armes – par nature ou par destination – aucune preuve n’a été rapportée que les requérants avaient tenté de les utiliser pour porter atteinte à des personnes ou à des biens et rien n’indique qu’ils avaient de tels projets. Or, selon la Cour, il appartenait aux autorités internes de statuer sur la crédibilité des allégations des requérants selon lesquelles ces objets avaient été apportées « à des fins innocentes » (notamment afin de hisser des banderoles) et, plus généralement, de rapporter la preuve que les manifestants avaient des intentions violentes. Ce qui n’a pas été fait en l’espèce, justifiant l’applicabilité de l’article 11 de la Convention.
S’agissant enfin du point de savoir de savoir si cette disposition a été violée, la Cour distingue la question des fouilles de celle de l’arrestation des requérants. Concernant les fouilles, elle conclut à l’absence de violation, estimant qu’à supposer même qu’il y ait eu ingérence, l’inspection par la police des effets des requérants constituait, dans les circonstances de l’espèce, un moyen adéquat de préserver le caractère pacifique de la manifestation, de protéger la sécurité des personnes présentes et de prévenir le risque de provocations violentes. En particulier, la Cour se réfère aux Lignes directrices de l’OSCE et de la Commission de Venise sur la liberté de réunion pacifique, qui prévoient que les participants à un rassemblement peuvent se voir interdire le port d’armes et d’objets assimilables à des armes, et être soumis à un contrôle de la présence de ces objets. Compte tenu de la découverte d’objets dangereux en possession des manifestants et du climat de tension entre eux et le groupe adverse, il ne fait aucun doute pour la Cour que cette mesure était « nécessaire dans une société démocratique ».
Concernant l’arrestation des requérants, l’article 11 lu à la lumière de l’article 10, a en revanche été violé. Tout d’abord, l’arrestation et la détention des requérants ont bien constitué une ingérence dans leur liberté de réunion pacifique : l’arrestation de la plupart des manifestants a en effet abouti à mettre fin de facto à la manifestation peu après son début. Plus généralement, une ingérence dans le droit à la liberté de réunion ne doit pas nécessairement équivaloir à une interdiction pure et simple, légale ou de fait, mais peut consister en diverses autres mesures prises par les autorités. Le terme « restrictions » figurant à l’article 11 § 2 doit donc être interprété comme incluant à la fois les mesures prises avant ou pendant un rassemblement et celles, telles que les mesures punitives, prises après qui peuvent avoir un effet dissuasif (chiling effect) pour le futur. Ensuite, compte tenu des conclusions relatives à l’article 5 et, en particulier, au constat selon lequel l’arrestation et la détention n’étaient pas motivées, il semble difficile pour la Cour d’admettre que l’ingérence était « prévue par la loi ». Toutefois, à supposer même que la base légale puisse être établie, la Cour juge que l’ingérence n’était de toute façon ni proportionnée ni nécessaire dans une société démocratique. En particulier, il n’a jamais été dûment expliqué pourquoi la police avait décidé d’interrompre la manifestation et d’arrêter tous les requérants, au lieu de recourir à des mesures moins restrictives. Au vu des faits du litige et compte tenu notamment du nombre considérable de policiers présents sur place, à peu près égal à celui des manifestants et des membres du groupe adverse additionnés, il apparaît que la police maîtrisait parfaitement la situation. Dans ces circonstances, et en l’absence de tout explication du gouvernement défendeur, la Cour considère que des solutions moins restrictives que l’arrestation devaient exister, mais n’ont à aucun moment été envisagées par la police.
En définitive, on pourra être un peu troublé par l’apparent paradoxe qui consiste pour la Cour à présumer que la manifestation était pacifique (au stade de la recevabilité), tout en légitimant ensuite (lors de l’examen au fond) les mesures de fouilles par la découverte d’objets dangereux. Ceci étant, même si dans un monde idéal, aucun manifestant pacifique ne devrait être en possession d’une arme, conclure à l’inapplicabilité de l’article 11 au motif que des objets dangereux ont été retrouvés sur certains participants engendrerait le risque d’exclure de facto de très nombreuses manifestations du champ de cette disposition. Sauf à imposer aux organisateurs une fouille préventive de l’ensemble des participants (y compris d’éventuels « opposant infiltrés »), ce qui serait totalement illusoire notamment pour des manifestations de grande ampleur. En apparence généreuse, l’approche de la Cour articulée autour de l’idée que c’est aux autorités interne de prouver les intentions non pacifiques des manifestants est donc en réalité plutôt réaliste sauf à priver l’article 11 de la Convention de son effet utile. Ce qui ne fera pas forcément plaisir à certains gouvernements mais ce dont pourront se réjouir les organisateurs de manifestations en général et, en l’espèce, les défenseurs de la cause animale.
D. S.
2/ Le droit de l’Union européenne (jurisprudence)
« Couloir biologique » pour les chauves-souris et évaluation des incidences notables d’un projet immobilier sur l’environnement
A la suite de l’autorisation donnée par les autorités irlandaises d’un projet d’aménagement pour la construction de logements résidentiels, une association de résidents (Waltham Abbey Residents Association) a contesté celle-ci devant les autorités compétentes en se fondant en particulier sur la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement1. Pour l’association requérante le projet était susceptible d’affecter, notamment, un « couloir biologique » bordant une rivière où vivent plusieurs variétés de chauves-souris, alors que selon l’expert mandaté par les autorités irlandaises « le site concerné n’offrait pas d’habitats adéquats pour les animaux sauvages ou les espèces dignes de conservation » (point 22).
Les questions renvoyées à la Cour de justice par la High Court portaient sur la nécessité de disposer d’études scientifiques permettant d’écarter les doutes quant aux conséquences néfastes éventuelles sur l’environnement de tels projets, mais aussi sur la possibilité au vu de la directive 2011/92/UE d’imposer des obligations spécifiques au maître d’ouvrage et aux autorités lorsqu’une tierce personne rapporte des preuves objectives de telles incidences notables potentielles.
La Cour de justice relève tout d’abord que la directive litigieuse ne comporte pas de dispositions obligeant les autorités compétentes de l’Etat à imposer des obligations complémentaires au maître d’ouvrage à la suite d’informations recueillies auprès du public ou à recueillir elles-mêmes ces informations. Toutefois, elle considère qu’il est nécessaire de lire les dispositions de cette directive à la lumière du principe de précaution notamment « (…) lorsqu’il ne peut être exclu, sur la base d’éléments objectifs, que ce projet est susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement » (point 41).
Dans ces conditions, la Cour estime que les autorités compétentes chargées de délivrer de telles autorisations doivent d’abord se demander s’il existe de tels risques notables pour l’environnement sur la base de toutes les informations dont elle dispose, y compris donc celles fournies spontanément par des tiers comme l’association requérante en l’espèce. C’est alors sur la base de l’ensemble de ces informations que ces autorités pourront décider s’il est nécessaire ou non de procéder à une évaluation des incidences du projet sur l’environnement et si, à ce titre, des informations voire des obligations complémentaires peuvent être demandées au maître d’ouvrage. Enfin, la Cour précise en dernier lieu qu’ « un projet est considéré comme étant susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement lorsque, en raison de sa nature, il risque de transformer de façon substantielle ou irréversible des facteurs d’environnement, tels que la faune et la flore, le sol ou l’eau, indépendamment de ses dimensions » (point 46).
Quotas relatifs à la chasse aux loups (Estonie) – Le loup n’a pas de nationalité et c’est bien dommage pour la population eurasienne de cette espèce !
Dans une affaire MTÜ Eesti Suurkiskjad c/ Keskkonnaamet2 la Cour devait répondre une fois encore à une question préjudicielle portant sur le quotas d’abattage du loup, en Estonie cette fois-ci. En 2012 le ministre estonien de l’environnement avait adopté un Plan d’action pour la protection et la gestion des grands prédateurs, lequel considérait que l’état de conservation des populations estoniennes de grands prédateurs se trouvaient dans un état « favorable ». En 2020 l’Office de l’environnement fixa, sur la base de ce Plan d’action, la première tranche du quota relatif à la chasse au loup à 20 spécimens répartis sur 20 zones de gestion. L’association de protection de l’environnement requérante introduisit un recours tendant à l’annulation de l’arrêté définissant ce quota, au motif principalement que l’état de conservation du loup ne pouvait être considéré comme « favorable » et que l’arrêté ne ferait ainsi qu’aggraver la situation.
Saisie en dernier instance, la Cour suprême d’Estonie observait tout d’abord que s’il existait un consensus sur l’état de conservation « favorable » de la population balte du loup, tel n’était pas le cas selon l’association requérante de la population estonienne en se fondant sur un rapport de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN)3, réseau international auquel contribue aussi l’Estonie. En outre, le juge de renvoi se demande si au regard de la directive « habitats » et de la jurisprudence de la Cour de justice elle-même, une population considérée comme « vulnérable » classée au sein de la liste rouge des espèces menacées établie par l’UICN, pourrait malgré tout être jugée dans un état de conservation « favorable » par un Etat membre ? Enfin, la Cour suprême estonienne relevait qu’il n’existait pas de coopération institutionnelle entre les Etats dont le territoire abrite l’aire de répartition naturelle des loups (Estonie, Lituanie, Lettonie, Pologne et Biélorussie), sinon du point de vue des chercheurs.
Dans ces conditions, les questions renvoyées par cette dernière juridiction portaient tout d’abord sur le fait de savoir si, au sens de la directive « habitats », l’obligation des Etats membres de garantir un état de conservation favorable des populations concernées se limite à une seule zone régionale (au sein d’un Etat) ou bien s’il est possible de tenir compte de l’état de conservation de l’ensemble de la population se trouvant sur le territoire de plusieurs Etats (comme en l’espèce) et, dans cette dernière hypothèse, doit-il exister une coopération formalisée entre eux ? En outre, la Cour suprême se demandait si un état de conservation jugé « favorable » était compatible avec le fait que la population animale concernée était classée dans la catégorie « vulnérable » par l’UICN et si pour définir l’état de conservation il pouvait être tenu compte d’exigences économiques, sociales et culturelles ainsi que des particularités régionales et locales ?
Répondant tout d’abord aux trois premières questions (zone pertinente et classement dans la catégorie « vulnérable » par l’UICN), la Cour commence par rappeler que si le loup relève, au sens de l’article 12 de la directive « habitats » des espèces « d’intérêt communautaire » exigeant une « protection stricte », tel n’est pas le cas des populations estoniennes du loup qui peuvent faire l’objet de mesures de gestion au sens de l’article 14 du même texte. Ces mesures de gestion permettent donc aux Etats de prévoir des prélèvements dans la nature de tels animaux, à la condition cependant que leur état de conservation soit jugé « favorable ». A ce titre, la Cour rappelle pertinemment que « l’évaluation de l’état de conservation d’une espèce et de l’opportunité d’adopter des mesures fondées sur l’article 14 de la directive « habitats » doit être effectuée en tenant compte, notamment, des données scientifiques les plus récentes obtenues grâce à la surveillance prévue à l’article 11 de cette directive (…). À cet égard, en vertu du principe de précaution consacré à l’article 191, paragraphe 2, TFUE, si l’examen des meilleures données scientifiques disponibles laisse subsister une incertitude sur le point de savoir si l’exploitation d’une espèce d’intérêt communautaire est compatible avec le maintien de celle-ci dans un état de conservation favorable, l’État membre concerné doit s’abstenir d’autoriser une telle exploitation » (point 42).
Ensuite, la Cour de justice fait valoir que l’évaluation de l’état de conservation doit se faire d’abord et avant tout au niveau local et national (points 47). Il y a là, cependant, une certaine contradiction ou à tout le moins une difficulté possible au regard du reste de son raisonnement. En effet, après avoir indiqué que l’article 1er de la directive « habitats » pose trois conditions cumulatives afin de déterminer l’état de conservation « favorable » d’une population (une dynamique « favorable » fondées sur des données scientifiques, une aire de répartition naturelle qui ne doit pas diminuer et un habitat suffisamment étendu pour que la population s’y maintienne à long terme), la Cour suivant en cela les conclusions de l’avocat général observe qu’ « aux fins de la définition de la notion d’« état de conservation d’une espèce », ni l’article 1er, sous i), de la directive « habitats » ni aucune autre disposition de cette directive ne se réfèrent à la liste rouge de l’UICN ou aux critères selon lesquels celle-ci est établie en tant qu’indicateur de l’état de conservation favorable ou non d’une espèce. » (point 49). Si cette classification de l’UICN peut donc relever des données scientifiques que l’Etat devra prendre en considération, elle n’est pas de nature à écarter pour autant, selon le juge de l’Union, la conclusion d’un état de conservation favorable dès lors que les trois conditions cumulatives de la directive « habitats » sont réunis. Dès lors, les données relatives à cette population animale relevant d’autres Etats membres voire d’Etats tiers (comme la Biélorussie en l’espèce) sont aussi des données pertinentes en vue de l’évaluation de son état de conservation, en particulier lorsqu’il existe des « échanges » entre ces populations se trouvant dans des Etats différents comme c’est le cas en l’espère pour la population eurasienne de loups. Dans ces conditions, selon la Cour de justice, il faut s’attacher au caractère pérenne de cette situation « favorable » s’étendant à plusieurs territoires, du niveau de protection juridique garanti dans les autres Etats concernés y compris les Etats tiers et, enfin, du degré de coopération existants entre eux. Or, au regard de la situation conflictuelle qui existe aujourd’hui avec la Russie et son allié la Biélorussie, il est peu probable qu’une telle coopération (sans parler des garanties juridiques existantes au sein de cet Etat) soit une option réaliste…
Enfin la Cour estime que les exigences économiques, sociales et culturelles ainsi que les particularités régionales et locales ne sauraient constituer une dérogation autonome dans l’hypothèse où l’état de conservation ne serait pas jugé « favorable » au sein d’un Etat ou d’un territoire comprenant celui de plusieurs Etats (points 68 à 70).
C.M.
- 1 CJUE, 6 mars 2025, Waltham Abbey Residents Association c./ An Bord Pleanála, aff. C-41/24.
- 2 CJUE, 12 juin 2025, aff. C-629/23.
- 3 L’UICN a été créée en 1948 et comprend aujourd’hui 1400 membres représentant les gouvernements et la société civile et plus de 17000 experts. Voir : https://iucn.org/fr/propos-de-luicn#overview