Sommaires de jurisprudence
I/ Les animaux au sein des relations contractuelles
A/ Les contrats
Cet onglet est habituellement réservé aux contrats dont l’objet est un animal, mais nous ne résistons à l’envie d’y inclure, à titre préliminaire, le contrat dont le thème - et non l’objet - est l’animal. Par une mise en abyme savoureuse, le droit animalier devient aujourd’hui son propre objet de réflexion.
Cass. civ. 1e, 26 février 2025, n° 23-21.522
Droit animalier – Colloque – Personnalité juridique de l’animal – Contrat d’édition
Deux enseignants-chercheurs de l’Université de Toulon ont organisé un colloque sur le droit animalier avec pour intitulé précis « La personnalité juridique de l’animal (II). Les animaux liés à un fonds ». Par la suite, une convention d’édition a été signée entre un éditeur et la Fondation Brigitte Bardot par laquelle les deux organisateurs sont mentionnés comme coordinateurs du futur ouvrage. Dans ce cadre, ils sollicitent un autre enseignant-chercheur, la Cour de cassation lui offrant la précision statutaire de professeur agrégé, afin d’assurer la synthèse des actes du colloque. Sa contribution a manifestement déplu aux coordinateurs puisqu’ils estiment que celle-ci comporte des éléments inexacts et est formulée de manière à nuire à leurs travaux. Ils refusent alors la publication de cette synthèse. S’en suit une assignation de la part de l’auteur éconduit afin qu’ils soient condamnés sous astreinte à transmettre ses écrits en vue de leur publication et, subsidiairement, à réparer le préjudice subi par ce refus. Malgré une multiplicité de moyens, son pourvoi est rejeté.
Premièrement, la Cour de cassation rappelle qu’un tiers peut agir sur le fondement de la responsabilité délictuelle pour invoquer un manquement contractuel qui lui a causé un préjudice. Encore faut-il qu’il y existe un manquement contractuel, ici entre les coordinateurs de l’ouvrage et l’éditeur, ce qui n’est pas caractérisé en l’espèce.
Deuxièmement, sur le plan de la liberté d’expression garantie par l’article 10 de la Conv.EDH, la Cour de cassation rappelle qu’elle peut être soumise à des restrictions qui peuvent être justifiées par des objectifs énumérés dans l’arrêt : sécurité nationale, intégrité territoriale ou sécurité publique, défense de l’ordre et prévention du crime, protection de la santé ou de la morale, protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire. La liberté éditoriale est englobée dans la liberté d’expression et, dans le cas présent, elle doit être conjuguée avec la liberté d’expression propre aux enseignants-chercheurs. Cette dernière inclut les principes de tolérance et d’objectivité tels qu’ils ressortent des traditions universitaires et des dispositions du Code de l’éducation, ce que la Cour de cassation ne considère pas comme une loi au sens de l’article 10 de la Conv.EDH. Dès lors, même si le refus de publication d’une contribution dans un ouvrage collectif peut heurter les traditions universitaires et les principes d’objectivité et de tolérance, il ne peut être considéré comme abusif, sur le plan de la liberté d’expression, à défaut de texte spécial.
Troisièmement, le pourvoi réitère le grief lié à la liberté d’expression en invoquant la proportionnalité à établir entre deux droits de même valeur normative (la liberté d’expression de l’auteur et celle des coordinateurs). Cependant, au regard de la réponse apportée au moyen précédent, l’absence d’atteinte à la liberté d’expression du professeur agrégé ne permet pas de procéder à un contrôle de proportionnalité. Le moyen est par conséquent inopérant.
D. T.
a/ La vente
Cass. Civ. 1e, 12 février 2025, n° 23-20.269
Chiot – Certificat vétérinaire – Dysplasie génétique – Obligation de conformité (oui)
Un couple a acheté auprès d’un éleveur professionnel un chiot de race berger allemand moyennant le somme de 950 euros. Lors de la vente, un certificat vétérinaire leur a été remis par lequel il était attesté que l’animal était en bonne santé et que le vétérinaire n’avait décelé aucune anomalie.
Moins d’un an plus tard, les propriétaires du chien soutiennent qu’il est affecté d’une dysplasie génétique et ont assigné l’éleveur aux fins d’indemnisation au titre des articles L. 217-4 et suivants du Code de la consommation consacrés à l’obligation de conformité.
Débouté en première et deuxième instance, le couple forme un pourvoi. Bien leur en a pris puisque la Haute juridiction casse l’arrêt de la cour d’appel qui n’avait pas reconnu l’application de la garantie en conformité. Pour cela, la Cour de cassation vise non seulement le Code de la consommation, mais aussi le Code rural et de la pêche maritime dans ses dispositions spécifiques à l’action en garantie en cas de vente d’un animal. Les juges rappellent que ces articles (art. L. 213-1 du Code rural et de la pêche maritime) s’appliquent lorsque le vendeur est professionnel et que l’acheteur agit en qualité de consommateur, ce qui est le cas en l’espèce. Quant au Code de la consommation, il permet d’établir l’obligation pour le vendeur de livrer un bien conforme et de répondre des défauts de conformité existant lors de la délivrance. Ici, la situation est simple : le chiot a été déclaré en bonne santé au moment de sa délivrance, mais présentait en réalité une maladie génétique. Dès lors, les juges du fond auraient dû reconnaître l’application de l’obligation de conformité.
D. T.
b/ Le bail rural
Cass. Civ. 3e, 6 février 2025, n° 23-12.274
Interdiction de cession – EARL – Associés
En 1989, un couple a donné à bail rural des parcelles agricoles à trois personnes qui les ont mises à disposition d’une EARL dont seules deux de ces trois personnes étaient associées. Les vicissitudes de l’activité agricole ont abouti à ce que l’EARL ne comporte plus qu’un seul associé, lequel demande alors aux bailleurs que le contrat se poursuive à son seul nom. Le couple s’y oppose et formule une demande en résiliation de bail pour cession prohibée.
La Cour de cassation rappelle que toute session de bail est interdite, sauf si elle est consentie, avec l’agrément du bailleur, au profit du conjoint ou du partenaire d’un pacte civil de solidarité du preneur participant à l’exploitation ou aux descendants du preneur (art. L. 411-35 du Code rural et de la pêche maritime). Par ailleurs, le preneur associé peut mettre à la disposition de la société, pour une durée qui ne peut excéder celle pendant laquelle il reste titulaire du bail, tout ou partie des biens dont il est locataire, sans que cette opération puisse donner lieu à l’attribution de parts. Mais c’est à la condition de continuer à se consacrer à l’exploitation du bien loué mis à disposition (art. L. 411-37 du Code rural et de la pêche maritime).
En l’occurrence, il ne restait plus que deux copreneurs mais un seul était associé à l’EARL au profit de laquelle les terres louées étaient mises à disposition. Cette seule circonstance ne permet pas aux juges du fond d’établir l’existence d’un manquement aux règles relatives à la prohibition de cession et il ne s’agit donc pas d’une cession illicite. L’arrêt est donc cassé.
D. T.
c/ Le dépôt
Aucune jurisprudence pour ce numéro.
B/ La responsabilité contractuelle
Aucune jurisprudence pour ce numéro.
C/ Le droit du travail/les relations de travail
Aucune jurisprudence pour ce numéro.
II/ Les animaux protégés
A/ Espèces protégées
CAA Toulouse, 27 mai 2025, n° 24TL01764
Rapaces – Éoliennes – Risques de collision – Protection effective
Sur renvoi du Conseil d’État, pour erreur de droit (CE, 8 juillet 2024, n° 471174, RSDA 2024-2), la Cour annule l'arrêté du préfet de l'Aveyron du 16 janvier 2020, qui imposait des prescriptions complémentaires à l'autorisation d'exploiter le parc éolien dit " la Baume " situé sur la commune de Lapanouse-de-Cernon. Elle retient en particulier un risque significatif de collision pour plusieurs espèces protégées de rapaces (dont le vautour moine menacé d’extinction, l’aigle royal, le milan royal et d'autres espèces). Conformément à la jurisprudence du Conseil d’État, elle rappelle qu’il appartient à l’administration, même dans le cadre de prescriptions complémentaires apportées à une autorisation devenue définitive, de vérifier à tout moment que les mesures imposées à l’exploitant garantissent une protection effective des espèces concernées (CAA Toulouse, 8 décembre 2022, n° 20TL22215).
B. des B.
CAA Toulouse, 28 mai 2025, n° 25TL00597, n° 25TL00642 et n° 25TL00653
Espèces protégées – Projet autoroutier – Raison impérative d’intérêt public majeur (oui)
La cour a jugé, à titre provisoire, que le moyen tiré de l’existence d’une raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM), de nature à justifier l’octroi d’une dérogation à l’interdiction de porter atteinte aux espèces protégées pour la réalisation du projet de liaison autoroutière Castres Toulouse, était sérieux et susceptible de justifier l’annulation des jugements rendus par le Tribunal administratif de Toulouse. Dans l’attente de sa décision au fond, la cour a donc ordonné le sursis à exécution des jugements du 27 février 2025, qui avaient annulé les autorisations environnementales accordées aux sociétés Atosca et ASF pour la réalisation des projets autoroutiers A69 (Verfeil–Castres) et A680 (Castelmaurou–Verfeil) permettant ainsi la reprise des travaux.
B. des B.
TA Martinique, 4 mars 2025, n° 2500144
Cétacés – Recherches sismiques – Aire marine protégée – Liberté fondamentale de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de l’environnement
À la demande des associations Le Toto-Bois - association pour l’étude et la protection de la vie sauvage dans les petites Antilles (AEVA), l’association pour la sauvegarde et la réhabilitation de la faune des Antilles (ASFA), l’association Sea Shepherd France et l’association Vétérinaires pour la biodiversité, le juge a suspendu l’exécution de l’arrêté préfectoral du 13 janvier 2025 autorisant la campagne de recherche sismique menée par l’IFREMER dans les aires marines protégées des Antilles françaises. Le juge a considéré que l’arrêté autorisant cette campagne ne tenait pas compte de la présence de plusieurs espèces protégées de cétacés à cette période dans la zone d’intervention retenue, dénommée « sanctuaire Agoa », dont la baleine à bosse et le cachalot, et que les appareils acoustiques utilisés, étaient susceptibles de porter une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de l’environnement, liberté fondamentale protégée par le juge (art.L.512-2 CJA) qui, comme en témoigne cette ordonnance, s’applique indifféremment à tous les êtres vivants.
B. des B.
CE, 29 janvier 2025, n°489718
Salamandre tachetée – Construction de logements sociaux – Raison impérative d’intérêt public majeur (oui)
Le Conseil d'État annule l’arrêt de la Cour administrative d'appel de Nancy du 28 septembre 2023 qui avait rejeté l’appel formé contre le jugement du Tribunal administratif de Nancy du 30 octobre 2020. Cette juridiction saisie par l'association " La salamandre de l'Asnée ", avait annulé les deux arrêtés préfectoraux du préfet du 16 novembre 2018 accordant à la SA Batigère Habitat et à la SA Batigère Maison Familiale des dérogations aux interdictions de capture avec relâché et destruction de spécimens de salamandres tachetées, sur le fondement de l'article L. 411-2 du Code de l'environnement.
Le Conseil d'État a conclu que la cour a inexactement qualifié les faits en jugeant que le projet de construction de logements sociaux dans la commune de Villers-lès-Nancy, commune en situation de tension en matière d’habitat, ne répondait pas à une raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM). En outre, il ressort de l’examen du dossier que l’état de conservation de la salamandre tachetée, y compris au niveau local, n’est pas préoccupant et que la dérogation ne compromet pas le maintien de l’espèce dans un état de conservation favorable, conformément à l’arrêté du 19 novembre 2007 relatif aux espèces protégées.
B. des B.
CE, 14 avril 2025, n° 489739
Espèces protégées – Interdiction de destruction – Dérogation – Parc photovoltaïque – Consultation irrégulière – Conseil national de protection de la nature – Conseil scientifique régional du patrimoine naturel
Le juge des référés du Conseil d'État rejette le pourvoi formé par l’association pour la protection des animaux sauvages (ASPAS) contre l’ordonnance du 13 novembre 2023 (n° 2309725) du juge des référés du tribunal administratif de Marseille. Cette ordonnance rejetait la demande de suspension de l'exécution de l'arrêté du 29 septembre 2023 par lequel le préfet des Alpes-de-Haute-Provence a complété son arrêté du 17 janvier 2020 portant dérogation aux interdictions de destruction, de perturbation intentionnelle ou de dégradation de spécimens et d'habitats d'espèces animales protégées dans le cadre d'un projet de parc photovoltaïque sur le territoire de la commune de Cruis (Alpes-de-Haute-Provence).
Le Conseil d'État considère que le juge des référés n’a pas commis d’erreur de droit, ni dénaturé les textes, en jugeant que les moyens invoqués par l’association notamment une consultation du public irrégulière, l’absence de saisine du Conseil national de protection de la nature et du Conseil scientifique régional du patrimoine naturel, ainsi qu’une motivation insuffisante au regard de l’article L.411 du code de l’environnement, n’étaient pas de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de l’arrêté préfectoral attaqué.
B. des B.
TA Nancy, 28 mars 2025, n° 2500805
Grand tétras – Introduction – Espèces protégées – Dérogation – Intérêt général
Le Tribunal administratif de Nancy rejette une nouvelle requête en référé présentée par les associations SOS Massif des Vosges, Oiseaux nature, Vosges nature environnement, Avenir et Patrimoine 88 et Paysage nature et patrimoine de la montagne vosgienne.
Elles demandaient la suspension de l'exécution de l'arrêté préfectoral du 16 avril 2024 autorisant l'introduction de spécimens de Grand Tétras (Tetrao urogallus) dans le milieu naturel, en dérogation à la réglementation sur la protection stricte des espèces protégées. Le juge considère que l’exécution de l’arrêté ne porte pas une atteinte suffisamment grave à la protection des oiseaux, pour justifier une suspension. Leur introduction est motivée par l’intérêt général visant à conserver l’espèce dans le massif des Vosges et les conséquences néfastes pour l’environnement, alléguées par les requérantes ne sont pas établies. Enfin, ni le décès d’un des dix Grands Tétras capturés pendant le transport, ni celui des sept des neufs individus relâchés en 2024, ne suffisent à remettre en cause la pertinence du projet.
B. des B.
CE, 25 mars 2025, n°48631
Liste des espèces protégées – Raies – Requins – Espèces menacées – Marge d’appréciation
Le Conseil d’État rejette le recours en excès de pouvoir formé par des associations environnementales Sea Shepherd France, Le Taille-vent, et VAGUES contre le refus implicite du ministre de compléter la liste des espèces protégées afin d'y inscrire tous les Carcharhinidés et Sphyrnidae, ainsi que la grande raie guitare, la raie Manta, la raie pastenague, le grand requin blanc, le requin taupe bleu, le requin émissole d'Arabie, le requin nourrice fauve et le requin renard commun. Bien que certaines espèces soient menacées, le juge considère que l’État dispose d’une marge d’appréciation pour déterminer les mesures appropriées de protection. Des dispositifs nationaux et internationaux existent déjà, et le refus ministériel n’est pas entaché d’illégalité ni d’erreur manifeste d’appréciation.
B. des B.
B/ Chasse et pêche
CE, 12 mars 2025, n° 488642
Chasse – Tir mortel – Sécurité des personnes – Inaction – Ministre- Politique publique
L’Association One Voice a saisi le Conseil d'État pour contester l’inaction du Premier ministre à la suite du décès d’un tiers causé par un tir de chasseur. Elle lui demandait de prendre toutes mesures utiles garantissant la sécurité des personnes lors du déroulement d'actions de chasse ou de destruction d'animaux d'espèces non domestiques, notamment vingt-cinq mesures dont une part est issue des conclusions du rapport d'information du Sénat, intitulé « La sécurité : un devoir pour les chasseurs, une attente de la société », publié le 14 septembre 2022.
Le rapporteur public a conclu au rejet de la requête pour plusieurs motifs. Sur le fond, en l’absence d’obligation juridique directe pesant sur le Premier ministre en matière de sécurité de la chasse dans le cadre de son pouvoir de police administrative générale, la demande relève de l’arbitrage politique, et tend en réalité à la détermination d'une politique publique en matière de sécurité de la chasse qu’il n'appartient pas au Conseil d’État, statuant au contentieux, de déterminer.
B. des B.
C/ Santé animale et protection des races
CE, 20 décembre 2024, n° 488081
Livre généalogique – Chiens – Société centrale canine – Service public administratif
Le Conseil d’État rejette le recours pour excès de pouvoir de Mme B… contre la décision du 14 septembre 2022 de la Société centrale canine (SCC) pour l'amélioration des chiens de race en France, subordonnant l'inscription des chiots au Livre des origines français à l'identification génétique de leurs reproducteurs à compter du 2 janvier 2023.
Il rappelle que la SCC, en tant que fédération agréée en vertu des articles L. 214-8 et art. D. 214-8 du code rural et de la pêche maritime assure un service public administratif (SPA). À ce titre, elle dispose de la compétence pour fixer les règles d’inscription au livre généalogique applicable à l’ensemble des races indépendamment des compétences des associations spécialisées agréées les plus représentatives, confirmant ainsi la solution retenue dans son arrêt du 26 février 2024, n°469858, relative au livre généalogique des chats.
B. des B.
Cass. civ. 3e, 5 juin 2025, n° 23-23.775
Exploitation bovine – Décharge – Pollution – Mesures de réhabilitation – Trouble anormal du voisinage (non) – Partage de responsabilité (oui)
Une entreprise a été autorisée par le préfet à exploiter une ancienne carrière aux fins de décharge permettant de recevoir du sulfate de fer. En 1997, après la cession de l’exploitation en 1992, le préfet a ordonné la remise en état de la décharge et prescrit des mesures de réhabilitation qui se sont achevées en 1999. Cependant, un exploitant bovin invoque une pollution de ses parcelles et de la rivière, ce qui lui aurait causé un préjudice. Il a obtenu la désignation d’un expert en 2001. Se plaignant de la persistance de la pollution, cet exploitant ainsi que sa femme et sa fille obtiennent la désignation d’un nouvel expert en 2009. Le rapport produit par cet expert ainsi que deux autres ont été contestés. Finalement, l’exploitant et sa famille assignent l’entreprise au titre d’un trouble anormal du voisinage, ce qui a été intégralement reconnu par la cour d’appel. L’entreprise a dès lors formé un pourvoi afin d’obtenir un partage de responsabilité. La Cour de cassation répond en se fondant sur l’article 1240 du Code civil qui permet d’établir que la faute de la victime vient réduire son droit à réparation. En l’espèce, les juges du fond ayant bien établi que l’exploitant a maintenu le pâturage sur des parcelles dont il connaissait la pollution et les effets sur les animaux et alors même qu’il avait d’autres parcelles saines à disposition, ils auraient dû conclure à un partage de responsabilité. L’arrêt est donc cassé sur ce point.
D. T.
D/ Cause animale
Cass. Civ. 1e, 19 mars 2025, n° 23-21.072 et n° 24-11.116
Élevage de lapins – Vidéos – Absence d’autorisation
Le contentieux des vidéos tournées sans autorisation dans des lieux de maltraitance animale est dorénavant bien connu des lecteurs de la RSDA. Il revient encore ce semestre avec l’intervention de l’association L214 dans deux élevages de lapins. Les deux arrêts illustrent la tension existant entre le droit de propriété et la liberté d’expression. Dans les deux cas, la société exploitant l’élevage cunicole a assigné L214 afin d’obtenir le retrait de la vidéo, l’interdiction de son utilisation et une provision à valoir sur la réparation du préjudice. S’y ajoutait dans le deuxième arrêt la publication de la décision. Les deux sociétés ont vu leur assignation annulée. La Cour de cassation rappelle dans les deux espèces qu’une assignation fondée sur un trouble manifestement illicite résultant de la violation du droit de propriété (avec l’article 1er du protocole additionnel 1 de la Conv.EDH comme fondement) qui ne contient pas de dénonciation d’allégations ou d’imputations de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la considération ne relève pas de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Le sort du pourvoi sera cependant différent dans les deux espèces. En effet, dans le premier arrêt, les juges du fond ont correctement appliqué cette règle, ce qui justifie la nullité de l’assignation. En revanche, dans la deuxième espèce, l’arrêt de la cour d’appel sera cassé car les juges n’ont pas tenu compte du fait que l’assignation comportait des éléments relevant d’une dénonciation d’allégations et d’imputations. Était ainsi souligné dans l’assignation que les faits de maltraitance animale de grande ampleur étaient imputés à tort à l’entreprise et jetaient le discrédit sur elle.
D. T.
III/ Les animaux, êtres sensibles
A/ L’alimentation animale (aspects sanitaires)
Aucune jurisprudence pour ce numéro.
B/ Maltraitance, actes de cruauté
CE, 30 avril 2025, n° 470443
Animal de compagnie – Cession – Certificat d’engagement – Maltraitance – Abandon – Errance – Absence de sanctions pénales
Rejet de la requête de l’association Animalia - Refuge et sanctuaire qui demandait l’annulation pour excès de pouvoir de l’instruction technique DGAL/SDSBEA/2022-835 du 14 novembre 2022 du ministre de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire, précisant les modalités d’application du certificat d’engagement et de connaissance requis avant l’acquisition d’un animal de compagnie.
L’association soutenait que l’absence de sanctions pénales à l’encontre de l’acquéreur en cas de non-respect de ce document portait atteinte aux articles 2, 4 et 6 de la Charte de l’environnement et était préjudiciable à une prévention efficace de l’errance animale.
Le Conseil d’État rejette la requête, considérant que l’instruction technique n’a pas de portée normative nouvelle, mais se borne à expliciter la réglementation en vigueur, en rappelant les obligations du cédant, qui doit s’assurer notamment, de la signature du certificat par l’acquéreur avant la cession de l’animal, et avoir fait mention des sanctions encourues en cas de maltraitance ou d’abandon.
B. des B.
Cass. Civ. 3e, 5 juin 2025, n° 23-11.500
Élevage – Juge des libertés et de la détention – Direction départementale de la protection des populations – Perquisition – Saisie
Mme I. exploite un élevage de chiens. Elle conteste des perquisitions qui ont eu lieu à son domicile et au sein de l’élevage de la part d’agents de la direction départementale de la protection des populations (DDPP) de la Gironde après une ordonnance du juge des libertés. Outre l’impossibilité pour l’élevage de former un recours en cassation faute d’avoir la personnalité juridique, la Cour rappelle ici les règles de perquisitions et de saisies au regard des deux fondements utilisés en l’espèce : l’article L. 172-5 du Code de l’environnement concernant les infractions relatives à l’environnement et les articles L. 206-1 et L. 214-23 du Code rural et de la pêche maritime qui s’intéressent à l’alimentation, la santé publique vétérinaire, la protection des végétaux et la protection des animaux. Le dernier texte cité cible en particulier les questions de garde, de circulation des animaux et la protection des animaux.
Concernant le premier fondement trouvé dans le Code de l’environnement, la Cour de cassation rappelle que les agents de la DDPP ne peuvent effectuer de visite de lieux comportant des parties à usage d’habitation ou des locaux d’habitation sans l’assentiment de l’occupant des lieux. Cette condition peut être écartée en cas d’enquête préliminaire, mais il faut pour cela que le juge des libertés et de la détention soit saisi par le procureur de la République.
Pour ce qui relève de l’application du Code rural et de la pêche maritime, même si les prérogatives des agents de la DDPP sont plus importantes, ils doivent néanmoins obtenir une ordonnance du juge des libertés et de la détention si l’accès leur est refusé par le propriétaire ou si les locaux comprennent des parties à usage d’habitation.
Dans les deux cas, ce cadre procédural n’ayant pas été respecté, l’ordonnance rendue par le premier président de la Cour d’appel de Bordeaux est cassé.
D.T.
C/ Euthanasie, bien-être animal
Conseil constitutionnel, 14 février 2025, n° 2024-1121 QPC
Animaux sauvages – Établissements itinérants – Établissements fixes – Principe d’égalité – Dignité humaine – Souffrance animale
Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) par l’Association One Voice, le Conseil constitutionnel a validé la conformité à la Constitution des articles L. 413-10 et L. 413-11 du Code de l’environnement. Ces dispositions opèrent une distinction entre les établissements itinérants et les établissements fixes, interdisant aux seuls établissements itinérants la possibilité de détenir des animaux non domestiques. L’association soutenait que cette différence de traitement contrevenait à plusieurs principes constitutionnels, notamment le principe d’égalité devant la loi, le principe de sauvegarde de la dignité humaine et l’article 8 de la charte de l’environnement (relatif à l’éducation à l’environnement), et qu’elle ne prenait pas suffisamment en compte la souffrance animale. Le Conseil constitutionnel a jugé que la distinction créée par le législateur ne méconnait pas le principe d’égalité devant la loi et reposait sur des différences objectives tenant aux conditions de détention et de transport des animaux dans les établissements itinérants et qu’elle poursuivait l’objectif légitime de protection du bien-être de l’animal. S’agissant des autres principes constitutionnels, le Conseil constitutionnel indique que le principe de dignité humaine n’avait pas lieu de s’appliquer en l’espèce et enfin que l’article 8 de la Charte de l’environnement ne crée pas de droit ou une liberté que l’on puisse invoquer dans le cadre d’une QPC (CE, 19 novembre 2024, n° 487936, QPC, RSDA 2024-2).
B. des B.
CE, 6 mars 2025, n° 501216
Établissements itinérants – Reproduction d’animaux non-domestiques – Condition d’urgence (non)
L’association One Voice s’est fondée sur le référé-liberté (Art. 512 CJA) pour obtenir la suspension de la décision implicite de la ministre de la Transition écologique refusant d’adopter un arrêté interdisant la reproduction d’animaux d’espèces non domestiques dans les établissements itinérants, conformément à l’article L. 413-10 du Code de l’environnement. Le juge des référés rejette la requête, estimant que la condition d’urgence n’était pas remplie, l’association n’apportait pas d’éléments démontrant en quoi ce refus portait atteinte à une liberté fondamentale, justifiant une intervention dans les 48 h, rappelant ainsi que l’urgence ne se déduit pas de considérations générales (souffrance animale), mais doit être concrète, précise et caractérisée.
B. des B.
CE, 8 avril 2025, n° 502844
Cétacés – Marineland d’Antibes – Bien-être animal – Travaux – Sanctuaire
Les associations Sea Shepherd France et Sea Shepherd Rescue ont saisi le juge des référés du Conseil d'État, pour obtenir qu’il soit enjoint à l'État de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer le maintien des animaux hébergés dans le parc Marineland (Antibes), dans des conditions respectueuses du bien-être animal, dans l'attente de la création d'un sanctuaire adapté au sein du parc. Elles demandent que des travaux soient réalisés dans les bassins. Elles soutiennent que la société Marineland, en tant que société commerciale exploitant un parc zoologique fixe et permanent, ne peut être qualifiée de sanctuaire au sens de l'article L. 413-1-1 du Code de l’environnement. Elles font valoir enfin que compte tenu de la fermeture de l’établissement à l’exploitation commerciale et de l'absence de refuge ou sanctuaire, un transfert vers un delphinarium étranger, même temporaire, doit être évité.
Le juge des référés rejette la requête estimant que les mesures demandées sont manifestement dépourvues d’utilité, sans se prononcer sur la compétence du juge des référés en premier ressort.
B. des B.
CE, 16 juin 2025, n° 493820
Expérimentation animale – Rapports d’inspection – Transmission (non)
M. C. B. avait demandé la communication des derniers rapports d’inspection des établissements pratiquant l’expérimentation animale dans les Bouches-du-Rhône. L’administration a implicitement refusé. Par un jugement n° 2009988 du 7 mars 2024, le Tribunal administratif de Marseille a annulé ce refus, ordonnant la communication des rapports avec certaines occultations.
Saisi en appel par le ministre de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire, le Conseil d'État annule les articles 1er et 2 du jugement du Tribunal administratif de Marseille qui n’a pas suffisamment démontré qu’il avait pris en compte les risques de préjudice résultant de la divulgation d’informations concernant d’éventuelles non-conformités. Toutefois le Conseil d'État juge que ces documents sont communicables, sous réserve d’occultations portant sur des mentions dont la divulgation porterait atteinte à la sécurité publique. Il enjoint au préfet de procéder à cette communication, dans un délai de deux mois, conformément aux précisions apportées aux points 9 et 10 de cette décision.
B. des B.
IV/ Les animaux, être aimés
TA Châlons-en-Champagne Ord.,16 janvier 2025, n° 240322 (cf. TA Poitiers, 21 janvier, 2023, n° 23033271)
Sanglier « Rillettes » – Détention d’un animal non domestique
Un répit pour le « sanglier, dénommé Rillettes » dont la détention était remise en cause par la décision préfectorale du 28 novembre 2024. Par cette décision, la préfète de l’Aube s’est opposée à la déclaration de détention d’un animal non domestique déposée par la requérante le 12 novembre 2024. Le juge des référés a suspendu cette décision considérant qu’un doute sérieux existait quant à sa légalité, en raison notamment de l’erreur de droit que commet la préfète en retenant que « le sanglier directement prélevé dans la nature, n’a pas d’origine licite et ne pourra jamais en disposer ».
Le tribunal enjoint à la préfète de l’Aube de délivrer à la propriétaire un récépissé de détention d’un animal non domestique, Sus Scrofa (sanglier), dès la notification de l’ordonnance à intervenir et sous une astreinte de 100 euros par jour de retard.
B. des B.
V/ Les animaux, causes de troubles
A/ La responsabilité civile
Aucune jurisprudence pour ce numéro.
B/ La responsabilité administrative
Aucune jurisprudence pour ce numéro.
C/ La santé humaine
Aucune jurisprudence pour ce numéro.
D/ Les animaux dangereux
a/ Imprudence – Négligence
Aucune jurisprudence pour ce numéro.
b/ Dégâts causés par les animaux
CE, 18 avril 2025, n° 493510 et n° 497013
Loup – Protection – Dérogation – Prévention des dommages – Proportionnalité (non)
Par deux décisions rendues le 18 avril 2025, le Conseil d’État rejette les recours pour excès de pouvoir introduits par plusieurs associations de protection de la nature (l'association Aves, l'association One Voice et l'association Animal Cross, et l'association Aves, l'association Ferus et autres) contre l'arrêté interministériel du 21 février 2024 qui encadre les dérogations à l’interdiction de destruction du loup.
Le Conseil d’État juge que cet arrêté est conforme aux exigences du 4° du I de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, visant à prévenir des dommages occasionnés, notamment aux cultures, à l’élevage… , tout en respectant le statut d’espèce protégée du loup (Canis lupus), et ne méconnait pas le principe de précaution énoncé à l'article 191 du Traité de l'Union européenne, ni les données et expertises scientifiques les plus récentes attestant d’une population de loups supérieure au seuil de 1000 individus recensés sur le territoire national depuis l'année 2022.
En revanche, le Conseil d’État fait partiellement droit à la requête de l’association Férus et annule le point 8 de l'instruction du 23 février 2024 de la préfète coordonnatrice du plan national d'actions sur le loup, en tant qu’il qualifie certains troupeaux, notamment de bovins, de « non protégeables », sans évaluation individuelle. Une telle généralisation contrevient à l’obligation d’examiner au cas par cas les alternatives aux tirs de destruction, et est contraire au principe de proportionnalité exigé en matière de dérogation à la protection des espèces.
B. des B.
CE, 13 mai 2025, n° 480617, n° 488620, n° 488690 et n° 488738
Espèces susceptibles d’occasionner des dégâts – Justification – Données scientifiques
Par une décision du 13 mai 2025, le Conseil d’État a partiellement annulé l’arrêté du 3 août 2023, du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, fixant la liste des espèces susceptibles d’occasionner des dégâts (ESOD).
Saisi par plusieurs associations de protection de la nature et des animaux (One Voice, LPO, FNE, l'association Franco-belge pour la protection de la nature, ASPAS), les juges ont estimé que l’inscription de certaines espèces (la martre, la fouine, le renard, le corbeau freux, la corneille noire, la pie bavarde, l'étourneau sansonnet, le geai des chênes, dans certains départements) sur la liste n’était pas suffisamment justifiée. De plus, le manque de précisions sur les modalités de destruction du renard dans plusieurs départements (Alpes-de-Haute-Provence, Alpes-Maritimes, Aude, Bouches-du-Rhône, Finistère, Gard, Jura, Loire, Bas-Rhin, Territoire de Belfort et Val-d'Oise) rendait l’arrêté partiellement illégal.
Enfin, l’arrêté est insuffisamment motivé, notamment au regard les données scientifiques disponibles et du principe de prévention de l'article L. 110-1. Les juges rappellent que l’administration doit tenir compte des services écosytémiques rendus par ces espèces et ne pas porter atteinte à la biodiversité.
B. des B.
CE, 10 février 2025, n° 488718
Espèces susceptibles d’occasionner des dégâts – Départements – Atteinte significative aux intérêts protégés (non) – Vénerie sous terre – Renard – Régulation
Le Conseil d’État rejette les requêtes introduites par huit fédérations départementales de chasseurs (Aube, Corrèze, Eure, Haute-Loire, Manche, Meurthe-et-Moselle, Meuse, Seine-et-Marne) demandant l’annulation partielle de l’arrêté ministériel du 3 août 2023 fixant la liste des espèces susceptibles d’occasionner des dégâts (ESOD), au motif que certaines espèces (fouine, pie bavarde, martre, renard) n’y étaient pas inscrites dans leur département respectif. Le Conseil d’État a estimé que les espèces concernées (fouine, pie bavarde, martre) n’étaient ni suffisamment répandues, ni responsables d’atteintes significatives aux intérêts protégés (santé, sécurité, agriculture, biodiversité) dans les départements concernés. S’agissant de la vénerie sous terre du renard dans la Meurthe-et-Moselle, le juge considère qu’elle n’était pas nécessaire à la régulation de l’espèce, d’autant que cette mesure n’avait pas été proposée par le préfet. En conséquence, aucune erreur d’appréciation n’a été commise par le ministre de la Transition écologique.
B. des B.
TA Poitiers, 13 mars 2025, n° 2301380
Faune sauvage – Régulation – Battues administratives – Absence de danger – Absence de concertation
Par un arrêté du 3 janvier 2023, la préfète de la Charente a autorisé le lieutenant de louveterie de la circonscription n° 16 à organiser autant de battues administratives de destruction de sangliers, cerfs, daims et chevreuils que nécessaire sur les communes d’Angoulême, Dirac, Fléac, Linars, La Couronne, Puymoyen, Saint-Michel, Trois-Palis et Vœuil-et-Giget pour la période du 3 janvier au 31 décembre 2023. Saisi par L’association Charente Nature et l’association Agir pour le vivant et les espèces sauvages (AVES France), le Tribunal administratif de Poitiers annule l’arrêté préfectoral considérant qu’il est entaché d’irrégularités, d’une part le danger que représentaient ces animaux pour les cultures ou la sécurité publique n’est pas suffisamment démontré, d’autre part il n’y a pas eu de concertation préalable justifiant la prise de mesures de régulation de la faune sauvage.
B. des B.
Cass. Crim., 1er avril 2025, n° 23-85.211
Requin – Sortie en mer – Blessures involontaires
Lors d’une sortie en mer afin d’observer les baleines, Mme J. a été victime d’une attaque de requin. La guide de plongée ayant organisé l’activité a été poursuivie pour blessures involontaires ainsi que pour deux infractions au Code de l’environnement de la Polynésie française. Le tribunal correctionnel ne l’a condamnée qu’au titre de chasse audiovisuelle de mammifère marin non autorisée, ce qui a conduit à un appel fructueux de la part de la victime et de son assureur, ainsi que du ministère public. Devant la Cour de cassation, la question de l’autorisation à exercer une activité d’approche des baleines et autres mammifères marins retient tout d’abord l’attention des juges. En effet, le ministre de la Culture et de l’environnement, par le biais d’un arrêté, a soumis cette activité à une autorisation dépendant de la validité du permis de navigation du navire utilisé pour celle-ci. Les juges du fond ont souligné, qu’en l’occurrence, le permis n’était valide que jusqu’au 23 août 2019 et n’a été prorogé qu’à partir du 22 octobre, soit le lendemain de l’accident. L’autorisation n’était donc pas en vigueur le jour des faits. Le pourvoi est dès lors rejeté sur ce point.
Ensuite, la question des blessures involontaires devait être analysée. Là encore, le pourvoi est rejeté. La guide de plongée avait de l’expérience et savait que le requin présent à proximité des baleines lors de la troisième plongée pouvait attaquer de manière imprévisible. Dès lors, il existait bien une faute caractérisée qui a créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage subi par la victime.
Enfin, c’est le droit des assurances qui est mobilisé par le pourvoi, toujours sans succès. Les juges du fond ont valablement justifié la mise à l’écart de la contestation de sa garantie par l’assureur. En effet, le permis valide est la seule condition non remplie par la guide pour exercer l’activité en cause et celle-ci est sans lien avec le dommage subi par la victime. La clause générale d’exclusion de garantie ne peut donc jouer.
D. T.
Cass. Crim., 8 avril 2025, n° 24-83.776
Requins – Danger – Critique – Politique – Liberté de la presse
Faut-il être un requin de la politique pour lutter contre les dangers du requin ? À tout le moins, la gestion du requin permet d’aiguiser la critique politique si l’on en croit l’arrêt rapporté ici. Une maire et son adjoint ont agi en justice contre un directeur de publication pour diffamation publique envers un citoyen chargé d’un mandat public en raison d’un éditorial critiquant vertement la passivité des élus face aux attaques de requins, cette passivité étant attribuée au fait que les requins « ne bouffent que les blancs » ou les « Zorey » (étrangers, métropolitains en langue créole selon le terme utilisé à la Réunion et en Nouvelle-Calédonie). Déboutés en appel, les deux élus ont formé un pourvoi en cassation. Celui-ci est l’occasion de rappeler les règles en matière de liberté de la presse et particulièrement concernant la diffamation qui est constituée par « toute imputation ou allégation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne à laquelle le fait est imputé, même si elle est présentée sous une forme déguisée ou dubitative ou par voie d’insinuation ». Pour les juges du fond, les propos de l’éditorialiste n’ont pas dépassé le cadre de la liberté d’expression et l’auteur a exprimé librement une opinion qui peut être combattue. La Cour de cassation, au contraire, estime que les allégations portaient atteinte à l’honneur et à la considération du maire et de son adjoint car les propos leur imputaient une abstention volontaire de mettre en place des mesures de protection pour lutter contre les attaques répétées de requins, les services de l’État ayant dû agir à leur place et ce comportement étant susceptible d’entrainer leur responsabilité administrative et pénale. L’arrêt est donc cassé.
D. T.
Cass. Civ. 3e, 13 mars 2025, n° 23-20.474
Termites – Bail commercial – Travaux – Résiliation judiciaire
Une SCI a donné à bail commercial des locaux à une société en vue de l’exploitation d’un supermarché. Comme le bail l’y autorisait, le locataire a réalisé des travaux. À cette occasion, la présence de termites a été découverte, ainsi que des dégâts très importants puisque la structure de l’immeuble s’en trouvait affectée. La résiliation judiciaire du bail aux torts exclusifs de la bailleresse est alors demandée avec paiement de dommages-intérêts correspondant notamment au montant des travaux réalisés. Le locataire a obtenu gain de cause devant la Cour d’appel mais forme un pourvoi relatif au montant des sommes à lui verser car il n’a obtenu que la restitution des loyers, du dépôt de garantie et de la taxe foncière. La Cour de cassation va casser cet arrêt en rappelant deux règles essentielles : le contractant ayant contrevenu à l’une de ses obligations est tenu de réparer le préjudice résultant de son manquement (art. 1147 du Code civil dans sa rédaction antérieure à la réforme de 2016) et le bailleur est obligé de délivrer au preneur la chose louée (art. 1719 du Code civil). Pour la Cour de cassation, les juges du fond ont, par des motifs impropres, exclu tout lien de causalité entre le manquement à l’obligation de délivrance et le préjudice invoqué par le locataire au titre des travaux réalisés.
D. T.
c/ Retrait
Aucune jurisprudence pour ce numéro.
E/ Les animaux nuisibles
TA Caen, 14 mai 2025, n° 2501257 et n° 2501292
Goélands – Stérilisation des œufs – Solutions alternatives
Saisi par plusieurs associations de protection de l'environnement (FNE Normandie, LPO Normandie, Manche Nature) opposées aux opérations de stérilisation des œufs de goélands argentés dans les communes littorales de Port-en-Bessin-Huppain (Calvados) et de Cherbourg-en-Cotentin (Manche), le juge des référés du tribunal administratif de Caen admet l’existence d’un doute sérieux quant à la légalité des arrêtés préfectoraux autorisant ces opérations. Ce doute repose essentiellement sur l’absence de démonstration de solutions alternatives satisfaisantes et sur le risque encouru pour la conservation des populations de Goélands argentés. Constatant également que la condition de l’urgence est avérée du fait de l'imminence de leur exécution, par ces deux ordonnances, le juge suspend leur mise en application jusqu’à ce qu’il soit statué sur le fond.
B. des B.
CE, 28 mars 2025, n° 502061
Grands cormorans – Destruction – Espèces protégées – Risques – Cadre général
L’Association d’étude et de protection des poissons dans les Bouches-du-Rhône et le Gard a demandé en référé la suspension de l’arrêté ministériel du 24 février 2025, qui autorise les préfets à déroger aux interdictions de perturbation et de destruction des grands cormorans, en invoquant des risques pour des espèces protégées (notamment la loutre et treize espèces d'oiseaux) présentes dans des sites Natura 2000. L’association soutient qu’une évaluation des incidences Natura 2000 aurait dû être réalisée préalablement à l’adoption de l’arrêté.
Le juge des référés du Conseil d’État rejette la requête, considérant que l’arrêté ne constitue pas une autorisation de destruction, mais fixe un cadre général, laissant aux préfets le soin de prendre des décisions individuelles. Dès lors, l’arrêté ne produit pas en lui-même d’effets juridiques directs susceptibles d’entraîner sa suspension en référé.
B. des B.
Cass. Crim., 13 mai 2025, n° 24-80.261
Taupes – Produits biocides (oui) – Produits phytosanitaires (non) – Pratiques commerciales trompeuses
Une société a commercialisé pendant trois ans des fumigènes taupicides après le retrait de leur autorisation sur le marché au titre de produits phytopharmaceutiques (en raison de la présence de souffre). Par ailleurs, la DGCCRF a qualifié ces mêmes fumigènes de produits biocides. La société et son représentant légal ont été relaxés par le tribunal correctionnel relativement à la qualification de pratiques commerciales trompeuses. Après un appel de la part du ministère public et d’une association de défense de l’environnement, l’affaire fait l’objet d’un pourvoi en cassation.
L’enjeu est de qualifier les fumigènes en cause afin de savoir s’ils étaient ou non autorisés. Tout d’abord, comme les juges du fond l’ont rappelé, les produits biocides sont définis par le règlement (CE) n° 528/2012 du 22 mai 2022 qui indique que cela correspond à toute substance ou mélange destiné à détruire, repousser ou rendre inoffensifs les organismes nuisibles. Dès lors, il faut également définir ce que sont ces organismes nuisibles : il s’agit de tout organisme dont la présence n’est pas souhaitée ou qui produit un effet nocif sur l’homme, ses activités ou les produits qu’il utilise ou fabrique, pour les animaux ou l’environnement. Ce cadre peut donc s’appliquer aux taupes qui creusent « des galeries » et génèrent « des monticules », ce qui nuit « aux activités de jardinage et à l’esthétique des pelouses et jardins ». En revanche, le règlement CE n° 1107/2009 du 21 octobre 2009 relatif aux produits phytosanitaires ne peut leur être appliqué car ces animaux ne causent pas de dégâts aux végétaux, dont ils ne se nourrissent d’ailleurs pas. La commercialisation des fumigènes taupicides en cause nécessitait alors une autorisation sur le marché au titre de produits biocides, ce qui n’était pas le cas. Autrement dit, en matière de taupicide, la taupinière a bien la qualité d’une montagne !
D. T.