Doctrine et débats

De la Déclaration universelle à la Déclaration européenne des droits de l’animal !

  • Jean-Pierre Marguénaud
    Agrégé de Droit privé et de Sciences criminelles
    Université de Montpellier
    Membre de l'Institut de Droit Européen des Droits de l'Homme (IDEDH)

 

1. Dans le numéro 1/2021 de la RSDA (page 15 et suivantes), avait été proposé un article intitulé « De la Déclaration universelle à la Déclaration européenne des droits de l'animal ? ».
2. Constatant le déficit d'effectivité dont souffre la Déclaration européenne des droits de l'animal, dont la première version date de 1978, par rapport à la Déclaration européenne des droits de l'Homme de 1948 qui a notamment bénéficié de déclinaisons régionales, ce texte s'était attaché à démontrer que, pour le réduire, il serait pertinent d'élaborer une Déclaration européenne des droits de l'animal qui servirait à dégager « une communauté de vue dans les sociétés modernes » sur la nécessité de protéger les animaux par des droits qui sont déjà dans l'antichambre de la Convention européenne des droits de l'homme et à donner à la Cour l'élan nécessaire pour qu'elle admette la recevabilité des requêtes introduites en leur nom et entraîner les juridictions du monde entier dans son sillage comme elle l'a déjà fait de manière parfois très spectaculaire (p. 26).
3. Or, moins de 4 ans plus tard, la Déclaration européenne des droits de l'animal, dite DEDA, dévoilée à la Mairie de Strasbourg le 29 janvier 2025, proclamée dans plusieurs villes françaises à partir du 17 février – à Toulouse, à Nice, à Brive, à Landernau, aux Pennes-Mirabeau, à Pau, à Toulon et ailleurs –, approuvée par la municipalité de Grenoble et quelques autres, est devenue une réalité. Le point d'interrogation qui se trouvait à la fin de l'article publié en 2021 peut donc être remplacé par un point d'exclamation en vue d'une présentation dans la RSDA où elle a fait ses premiers pas.
4. La DEDA ayant déjà eu un certain écho au-delà des limites hexagonales, cette présentation ne sera pas la première à laquelle se sera livré le soussigné puisqu'il en a déjà publié une, le 18 juin 2025, dans le n° 3/2025 de la revue DALPS dirigée par Marita Gimenèz Candela, mais pour la RSDA qui était déjà dans les coulisses, l'approche sera un peu différente. Au moins le sujet sera-t-il rigoureusement le même puisqu'il s'agit du texte de la Déclaration proclamée le 17 février 2025 qu'il faut immédiatement reproduire avant de le commenter, puis examiner comment s'est déroulée sa réception, et enfin tenter de dégager ses perspectives d'influence concrète et effective.

I. Texte de la Déclaration européenne des droits de l’animal du 17 février 2025

Déclaration européenne des droits de l’animal
Rédigée par un collectif de chercheurs en droit animalier coordonné par le professeur Jean-Pierre Marguénaud

Préambule

Considérant la continuité fondamentale entre toutes les formes de vie, de la plus simple à la plus complexe, leur différenciation étant le fruit d’une évolution graduelle et progressive ;
Rappelant que la sensibilité ainsi que les capacités cognitives donnent naissance à des intérêts qui sont au fondement même de droits inaliénables, lesquels sont d’ores et déjà reconnus et protégés au profit des êtres humains ;
Soulignant qu'une protection exigeante des intérêts de tous les êtres vivants, humains ou animaux non humains, est nécessaire encore qu'ils ne possèdent pas les mêmes aptitudes ni ne les possèdent au même degré ;
Considérant que la méconnaissance ou le mépris des intérêts des animaux et des droits qui en découlent ont conduit, d'une part, à banaliser tant les violences et les atrocités commises à leur encontre que leur exploitation abusive, d'autre part, à renforcer l'indifférence aux conséquences des bouleversements climatiques à leur égard et sur leurs relations réciproques avec la flore ;
Tenant compte des caractéristiques morales de l’espèce humaine, de la place qu’elle occupe dans ce monde et de la responsabilité qu’elle assume à l’égard du vivant ;
S'appuyant sur la conviction profonde que la condition des animaux peut et doit s'améliorer sans provoquer l'affaiblissement de la protection de l'intégrité de la personne humaine ;
Constatant le développement des normes protectrices des animaux au sein de l’Union européenne, du Conseil de l’Europe et dans les systèmes juridiques des États membres de ces organisations internationales ;
Affirmant la nécessité de consolider ce patrimoine européen d'idéaux et de valeurs, et de faire apparaître l’existence d’un consensus européen favorable à une augmentation régulière du niveau de protection des animaux ;
Il est proclamé ce qui suit :

Titre I – Les interdictions

Les actes de cruauté

Article 1

Nul animal ne peut être soumis ou exposé à un acte de cruauté.
L'acte de cruauté envers un animal se caractérise soit par le plaisir à le faire souffrir, soit par l'indifférence à l'extrême intensité des souffrances, des douleurs, ou des angoisses qui lui sont infligées.

Article 2

Est réputé acte de cruauté :
- tout délaissement volontaire d'un animal domestique, apprivoisé ou tenu en captivité ;
- tout acte d'abattage qui n'a pas donné lieu à un étourdissement préalable à la saignée ;
- tout acte ayant pour objet d'ôter la vie, qui ne provoque pas la mort instantanée de l'animal ;
- toute souffrance volontairement infligée à un animal donné en spectacle pour le divertissement de l'homme ;
- tout refus de rechercher, de mettre au point ou d'appliquer des méthodes alternatives à la mise à mort des animaux envahissants, soupçonnés d'être atteints de maladies contagieuses ou utilisés à des fins expérimentales.

Les mauvais traitements

Article 3

Nul animal totalement ou partiellement privé de liberté naturelle ne peut être placé dans des conditions incompatibles avec les impératifs biologiques et comportementaux de son espèce, plus particulièrement du point de vue de l'hygiène, de la santé, de l'alimentation, de l'abreuvement, de l'hébergement, du mouvement et des besoins sociaux.
Le placement et le maintien d'un animal dans des conditions incompatibles avec les impératifs biologiques et comportementaux de son espèce constituent des actes de maltraitance.

Article 4

Tout animal que l'homme a choisi pour compagnon, qui a travaillé à son profit, qui a servi à l'approfondissement de ses connaissances ou au renforcement de sa sécurité, doit avoir une durée de vie conforme à sa longévité naturelle dans les conditions nécessaires à son bien-être.

Article 5

Le lien affectif établi entre un être humain et un animal doit pouvoir être maintenu dans l'intérêt de celui-ci dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques et comportementaux de son espèce.

L’insensibilisation

Article 6

Toutes recherches et expériences scientifiques ayant pour objet ou effet de rendre des animaux définitivement insensibles sont interdites.

Titre II – La préservation

Article 7

Nul animal ne peut être retiré du milieu naturel dans lequel il vit à d'autres fins que de lui prodiguer des soins ou de le transférer dans un sanctuaire, une réserve ou tout autre lieu aménagé en vue de favoriser sa survie et celle de l'espèce à laquelle il appartient.

Article 8

Les animaux sauvages doivent pouvoir développer librement leurs cycles, processus et interactions biologiques tant entre populations qu'entre individus les composant.
Ils doivent pouvoir bénéficier des connectivités écologiques nécessaires à leurs déplacements.
Ils doivent pouvoir vivre dans un environnement naturel équilibré, non pollué et non contaminé par les activités humaines.

Article 9

Les États ont l’obligation d’empêcher l’extinction des espèces animales vivant à l’état de liberté naturelle.
La réparation en nature doit être prioritaire en cas d’atteinte à une espèce sauvage et de perte de richesse biologique qui en résulte.

Titre III – La condition juridique

Article 10

La protection juridique de l'animal doit être non seulement répressive et administrative mais également civile et constitutionnelle.
L'animal doit être représenté en justice pour lui-même.

Article 11

La reconnaissance d'une personnalité juridique dotée de droits différenciés propres aux animaux qui en seront progressivement revêtus doit être regardée comme un moyen privilégié d'atteindre les objectifs affirmés dans la présente Déclaration.
Cette personnalité juridique sui generis ne saurait avoir pour effet d'imposer aux animaux des obligations ou des devoirs en contrepartie des droits qui leurs seraient reconnus.

Article 12

Les animaux sauvages vivant à l'état de liberté naturelle, en tant qu'éléments de la nature ou en qualité d'espèces totémiques, peuvent se voir reconnaître une personnalité juridique dotée de droits qui leur sont propres.

Article 13

Il est souhaitable que la prise en charge de la protection juridique des animaux soit assurée par une autorité administrative indépendante dénommée Défenseur des Animaux.

Titre IV – L’éducation

Article 14

Le respect des animaux doit être inculqué aux enfants dès le plus jeune âge et figurer de manière significative dans tous les programmes de l'école à l'Université.
Des modules de formation à la sensibilité animale et aux besoins spécifiques des espèces concernées doivent être dispensés dans toutes les formations scolaires, universitaires et professionnelles qui destinent les personnes à travailler directement ou indirectement avec des animaux.

Les auteurs :

Jacques Leroy
Professeur agrégé de Droit privé et de sciences criminelles, professeur émérite de l'Université d'Orléans, Doyen honoraire de la Faculté de Droit, d’Économie et de Gestion d'Orléans.
Jean-Pierre Marguénaud
Professeur agrégé de Droit privé et de sciences criminelles, chercheur à l'Université de Montpellier
Séverine Nadaud
Maître de conférences HDR en Droit public à l'Université de Limoges, Doyen de la Faculté de Droit et des Sciences économiques de Limoges.
Muriel Falaise
Maître de Conférences en Droit privé et sciences criminelles à l'Université Lyon III
Olivier Le Bot
Professeur agrégé de Droit public à l'Université d'Aix-Marseille.
Fabien Marchadier
Professeur agrégé de Droit privé et de sciences criminelles à l'Université de Poitiers.
François-Xavier Roux-Demare
Maître de conférences en Droit privé et sciences criminelles à l'Université de Brest, Doyen honoraire de la Faculté de Droit, Économie, Gestion et AES de Brest
Claire Vial
Professeur agrégé de Droit public à l'Université de Montpellier.
Jérôme Leborne
Maître de Conférences en Droit privé et sciences criminelles à l'Université de Toulon

Le processus d’élaboration :

Rédigée par Jacques Leroy, Jean-Pierre Marguénaud et Séverine Nadaud le 17 août 2022 ; enrichie le 19 novembre 2022 des observations de Muriel Falaise, Olivier Le Bot, François-Xavier Roux-Demare, Claire Vial et Fabien Marchadier, lequel l'a équipée le 19 mai 2023 d'un préambule précisé le 14 septembre 2023 en fonction des remarques des susdits.
Retravaillée le 30 septembre 2023 par Jean-Pierre Marguénaud en fonction des observations largement convergentes d'une philosophe et d'un historien du droit anthropologue.
Relue et réajustée par Jean-Pierre Marguénaud et Jérôme Leborne le 10 octobre 2024.
Allégée le 21 octobre 2024 par Jacques Leroy et Jean-Pierre Marguénaud après les réactions aux objections de Muriel Falaise et d'Olivier Le Bot relatives à l'articulation des protections des animaux et des êtres humains.

Novembre 2024

II. Commentaire de la Déclaration européenne des droits de l’animal du 17 février 2025

5. Rédigée par 9 universitaires français, 3 femmes et 6 hommes, majoritairement quadragénaires, entourés par un trentenaire et deux septuagénaires, qui ont fortement contribué à faire émerger le droit animalier dans les Facultés de droit du pays de René Descartes, la DEDA s'inscrit exactement dans la ligne indiquée dans le texte publié dans la RSDA en 2021. Ce n'est pas, en effet, une lettre au Père Noël, sommé d'entasser dans sa hotte tous les droits des animaux les plus raffinés que les militants les plus sincères de la cause animale aimeraient trouver dans leurs petits souliers : elle s'en tient à rassembler les données à partir desquels pourrait se dégager « une communauté de vues dans les sociétés modernes » en considération de laquelle la Cour européenne des droits de l'homme et les juridictions ou les institutions qui sont dans son sillage, pourraient accorder plus de poids à l'intérêt des animaux et à l'intérêt de celles et ceux qui les protègent. Elle a donc délaissé, autant que faire se pouvait, le mode incantatoire, pour suivre toujours au plus près possible son fil rouge qui est la quête de l'effectivité.
6. Il faut d'ailleurs souligner que, sur les 14 articles auxquels il a été convenu de s'en tenir, plus du tiers visent exclusivement à promouvoir et préciser les moyens de rendre la protection des animaux plus concrète et effective : en mobilisant le droit civil et le droit constitutionnel à côté du droit pénal et du droit administratif (article 10) ; en préconisant prudemment mais clairement une certaine forme de personnalité juridique (articles 11 et 12) ; en insistant sur l'importance de l'éducation (article 14) et en reprenant l'idée chère à Robert Badinter d'instituer un Défenseur des animaux (article 13).
7. Au risque de se heurter, provisoirement, à la perplexité de certains défenseurs des animaux et de les obliger à s'approprier des mécanismes juridiques qu'ils n'ont pas en tête, la DEDA assume de se situer au confluent des droits de l'animal et du droit européen des droits de l'homme. Avec quelques mois de recul, on peut d'ailleurs vérifier qu'elle correspond exactement aux vues d'une éminente personnalité qui apparaît comme un phare dressé à ce point de convergence : Jean-Paul Costa. Connaisseur sans égal du droit européen des droits de l'homme puisqu'il a présidé la Cour européenne des droits de l'homme de janvier 2007 à novembre 2011, ce grand juriste français a eu à cœur d'établir, à la fin de sa vie qui s'est achevée en avril 2023, la parfaite compatibilité de la protection des droits de l'Homme et de la protection des droits des animaux. Avec pour premier résultat de ruiner définitivement les arguments préhistoriques de ceux qui font valoir qu'il n'y a pas à perdre son temps à protéger les animaux puisqu'il reste tant à faire pour les Hommes, Jean-Paul Costa a en effet apporté deux contributions majeures à l'éclaircissement de cette question polémique. L'une se trouve dans un article intitulé « Remarques ingénues d'un partisan des droits de l'homme » publié dans « Ad bestias... Regards sur le droit animalier », ouvrage dirigé par Ninon Maillard et Xavier Perrot pour marquer le 10ème anniversaire de la RSDA (Neta Varia Edizione, avril 2022). Il y livre, avec prudence, cette importante conclusion suivant laquelle « la progression des droits de l'animal ou des animaux (le pluriel semble en définitive plus judicieux) me paraît à la fois souhaitable et vraisemblable » (p. 446). L'autre a pris la forme d'une communication (disponible sur You Tube) consacrée à « La Déclaration des droits de l'animal » à l'occasion du colloque organisé le 22 octobre 2019 à l'Institut de France par la LFDA et son Président Louis Schweitzer sur le thème « Droits et personnalité juridique de l'animal ». Ayant plus particulièrement à l'esprit la Déclaration universelle des droits de l'animal dont la 3ème version venait d'être mise en circulation, le Président Jean-Paul Costa, qui avait débuté son allocution en insistant sur la convergence entre les droits de l'homme et les droits de l'animal, s'était prononcé sans la moindre équivoque en faveur d'une Déclaration des droits de l'animal parce que, tout en étant dépourvue de force juridiquement contraignante, elle pouvait produire de précieux effets d'encadrement et d'entraînement et servir de levier. Témoignage de la convergence entre les droits de l'Homme et les droits de l'animal, la DEDA est conçue pour lui permettre de produire un effet d'entraînement qui prendrait appui sur les mécanismes de garantie collective des droits de l'homme. Dotée d'un préambule élaboré principalement par le Professeur Fabien Marchadier, remettant prudemment en selle la personnalité juridique qui, au regret exprimé le 22 octobre 2019 par le Président Costa, brillent par leur absence dans la 3ème version de la Déclaration universelle, la Déclaration européenne, instrument de nature purement privée dépourvue de la plus petite force juridique contraignante, est néanmoins de nature à influencer l'évolution de la protection des animaux, de tous les animaux, contre la souffrance due aux actes de cruauté et aux mauvais traitements (articles 1 à 4) et de la préservation des animaux sauvages vivant à l'état de liberté naturelle (articles 7 à 9) auxquels s'est plus particulièrement intéressée la Doyenne Séverine Nadaud.
8. Il importe de remarquer que, dans sa quête d'effectivité guidée par l'expérience européenne acquise en matière de protection des droits de l'homme, la DEDA, dont les rédacteurs ont pleine conscience qu'elle ne changera strictement rien du jour au lendemain, refuse de donner l'illusion dangereuse, si violemment reprochée aux Droits de l'homme dans l'Abécédaire (accessible sur You Tube) de Gilles Deleuze ne jurant que par la jurisprudence dont il ignorait l'existence européenne, qu'elle va conférer d'elle-même des droits aux animaux : elle assume de s'en tenir à montrer le cap et le chemin qui pourraient leur permettre petit à petit d'en acquérir véritablement. Sous la dénomination « Déclaration européenne des droits de l'animal » retenue pour faire écho à la Convention européenne des droits de l'homme dont elle cherche à épouser l'effectivité, il s'agit très exactement d'une Déclaration européenne vers les droits de l'animal. C'est pourquoi, suivant une formulation résolument calquée sur celle des articles 3 et 4 de la Convention européenne des droits de l'homme qui prohibent la torture, les traitements dégradants, l'esclavage, la servitude et le travail forcé, elle affirme généralement, conformément à ce qui avait été préconisé dans l'article publié dans la RSDA en 2021, que « Nul animal ne peut être soumis ou exposé... », au lieu de poser péremptoirement que « Tout animal a droit à... ».
9. L'essentiel reste encore à dire. Pour que la DEDA ouvre la voie vers des droits de l'animal ou des animaux, sa rédaction par 9 juristes universitaires constitue une étape majeure mais elle ne suffira pas. Il faudra, en effet, qu'elle révèle « une communauté de vues dans les sociétés modernes », qu'elle devienne un socle européen suffisamment large et solide pour qu'elle puisse servir de point d'appui aux législateurs et aux juges principalement européens. Autrement dit, il faudra qu'elle devienne durablement l'affaire de tous et de toutes. D'où l'intérêt de savoir quel accueil lui a déjà été réservé.

III. Réception de la Déclaration européenne des droits de l’animal du 17 février 2025

10. Dévoilée et proclamée publiquement entre le 29 janvier et le 28 février 2025 dans plusieurs lieux symboliques allant de la mairie de Strasbourg à la Faculté de droit de Toulon en passant par le Campus universitaire Robert Badinter de Brive la Gaillarde où un solide relais médiatique avait été établi, la DEDA a vite recueilli les signatures de nombreux soutiens soit, au 17 mars 2025, 394 personnalités et plus de 100 organisations dont quelques-unes en regroupent des dizaines d'autres. Il n'est pas dans le caractère du soussigné de faire étalage des compliments et des louanges qui ont généralement accompagné ces engagements derrière la DEDA. Pour qu'elle puisse gagner de nouveaux adeptes, il sera plus constructif de répondre ici aux critiques qui ont entraîné des hésitations, des refus de s'associer et même une rétractation.
11. Quant à cette dernière, elle a été curieusement motivée par l'ignorance des sources de financement d'un projet d'une telle ampleur. Il importe donc de préciser que, pour étonnant que cela puisse paraître par les temps qui courent, il n'y a aucune source de financement : la DEDA a été réalisée avec un budget de zéro euros, et par conséquent dans la plus parfaite indépendance, grâce au travail gratuit et désintéressé des 9 auteurs qui, dans la plus pure tradition d'indépendance universitaire, n'ont été payés par personne pour écrire ce qu'ils ont écrit et au soutien bénévole d'élus locaux, de personnalités médiatiques et de collègues qui ont été séduits et gagnés à l'idée de contribuer à la faire connaître.
12. Quant aux critiques moins atypiques, il faut remarquer que, du côté des défenseurs des animaux en tout cas, elles ont toutes été constructives à l'exception de celle d'une immodeste doctorante proposant de jeter à la poubelle le travail de 9 docteurs en droit qui, peut-être pas tout à fait par hasard, ont allègrement gravi la plupart des échelons de la carrière universitaire. Cette charge s'appuie si souvent sur des arguments caricaturalement erronés, tels que l'accusation de faire de la personnalité juridique une condition sine qua non alors que l'article 11 ne l'envisage que comme un moyen privilégié, ou celle de ne pas préciser explicitement que la protection contre la violence s'étend à tous les animaux alors que la première phrase de l'article 1 selon laquelle « nul animal ne peut être soumis ou exposé à un acte de cruauté » ne laisse pas la moindre place à la plus petite ambiguïté ; elle a tellement peu intégré la démarche européenne dans laquelle le texte se situe, qu'il faut la mettre sur le compte de l'impatience, particulièrement émouvante et moyennement excusable, de se faire reconnaître avant d'avoir pris le temps de connaître. Elle offre aussi une remarquable occasion de constater l'émergence d'un nouvel adage : « grâce aux réseaux sociaux, ceux qui s'y connaissent le moins sont aussi ceux qui sont les plus capables d'influencer ceux qui n'y connaissent rien ».
13. D'autres critiques mieux maîtrisées ont été déployées ici ou là. L'une d'entre elles revient à se demander comment des juristes exclusivement français pourraient prétendre mettre sur pied, entre soi, une déclaration européenne. Travailler avec des juristes d'autres pays européens aurait en effet correspondu à une exigence légitime. Malheureusement, il n'était pas réaliste, avec un budget de zéro euros, d'espérer surmonter dans un délai raisonnable les difficultés matérielles se dressant sur ce chemin cosmopolite. Il a semblé préférable de tenter l'aventure entre français ayant déjà l'habitude de travailler ensemble malgré leurs différences de points de vue sur des aspects essentiels comme par exemple la personnalité juridique. Compte tenu de leur dispersion géographique entre Limoges, Poitiers, Orléans, Montpellier, Aix en Provence, Lyon, Brest et Toulon et de leurs emplois du temps respectifs souvent surchargés par des responsabilités administratives, il n'a pas déjà été si facile de coordonner leurs efforts. Essayer de se concerter avec des collègues parlant d'autres langues eût été peine perdue, dans un premier temps. Dans un second temps, en revanche, l'objectif de les associer est prioritaire puisqu'il est indispensable pour que la DEDA constitue un socle européen suffisamment large et solide pour révéler une véritable communauté de vues dans les sociétés modernes. Les soutiens des Professeures Marita Gimenèz Candela du Max Planck-Institut, Amy Fitzgerald de l'Université de Windsor, Giulia Guazzaloca de l'Université de Bologne, Nastasa Stojanovic de l'Université de Nis, montrent que cet objectif n'est pas hors d'atteinte. La démarche européenne, déjà rappelée à l'envi, dans laquelle s'inscrit la DEDA établit d'ailleurs à suffisance que, quoique rédigée par des français, elle est résolument d'esprit européen. Toutes proportions évidemment gardées, irait-on dénier à la Convention européenne des droits de l'homme son caractère européen au prétexte que le français Pierre-Henri Teitgen en a été le principal rédacteur ?
14. Un autre reproche parfois entendu tient à ce que seuls des universitaires ont participé à la rédaction de la DEDA. D'autres que des universitaires auraient fort bien pu, en effet, y prêter la main et particulièrement des juristes expérimentés qui sont au cœur des actions associatives ou municipales. Le risque eût alors été de donner une coloration partisane sinon au texte du moins à la démarche et d'empêcher de rassembler les forces protectrices des animaux. Comme on le sait, le monde de la protection animale est admirable pour son dévouement de tous les jours face aux situations les plus sordides mais il souffre de son émiettement, de sa division qui l'empêchent d'être suffisamment entendu dans les débats politiques et judiciaires. Le regrouper au-delà des différences d'approche et de stratégie de ses composantes, par-dessus les susceptibilités des personnalités qui l'animent, est peut-être la première des urgences pour rendre plus concrètes et plus effectives les règles protectrices. Un texte rédigé par des universitaires neutres et impartiaux avait donc plus de chance de fédérer le plus grand nombre d'organisations. Or, les rédacteurs de la DEDA ont été eux-mêmes étonnés de la rapidité avec laquelle un nombre si élevé de fondations et d'associations se sont regroupées sous son étendard. Cela ne suffira pas pour permettre au monde de la protection animale de parler d'une seule voix dans les occasions décisives, mais du point de vue de la réception de la DEDA c'est déjà un commencement d'autant plus encourageant qu'il était inattendu.
15. La critique principale s'est articulée autour de l'accusation fulminée contre les auteurs d'être une bande de juristes ringards et rétrogrades qui auraient commis la faute rédhibitoire de ne pas avoir utilisé le mot sentience. La sentience, assurément leur disait bien quelque chose et même beaucoup à certains d'entre eux. Seulement, ils ont unanimement remarqué que, à supposer qu'il s'agisse d'une notion scientifique indiscutable, la sentience n'était pas un concept juridique opérationnel. La critique de l'avoir oubliée témoigne de la part de celles et ceux qui l'ont formulée d'une ignorance manifeste de la nature des relations entre la science et le droit. Pour certains, le droit doit toujours être à la remorque de la science et n'a rien de mieux et d'autre à faire que de relever à un moment donné, de la manière la plus précise et la plus exhaustive possible, les avancées de la science pour les revêtir du sceau de la solennité. Dans cette perspective, reconnaître dans un texte juridique que la sentience regroupe des avancées scientifiques remarquables est une urgence absolue ou, dit autrement, se dispenser de la reconnaître est une insulte intolérable aux scientifiques qui lui ont permis d'émerger. Or le rôle principal du droit n'est pas de délivrer des satisfecits aux chercheurs qui ont trouvé quelque chose : c'est, en deux mots, de pacifier les rapports sociaux en canalisant la force publique le plus souvent par le relais d'un jugement. À cette fin il doit, bien entendu, s'appuyer sur la science mais il n'en est pas l'esclave. Il suffit, pour s'en convaincre, de se souvenir que l'expert qui est censé apporter la vérité scientifique rend seulement des avis que le juge n'est pas obligé de suivre. De même, pour rendre son office, le juge n'a pas besoin du soutien de textes nourris de toute les précisions scientifiques se rapportant au sujet : ce serait bien souvent une lourde carapace ne lui laissant pas plus d'initiative qu'à une tortue retournée sur le dos. Dès lors, la présence de la sentience dans un texte juridique ne se justifie que si elle peut être utile pour asseoir de nouvelles solutions ou des solutions différentes. Or, jusqu'à présent, nul ne semble avoir réussi à établir ce que, dans une objectif de renforcement de la protection juridique des animaux, la sentience apporterait de plus que la sensibilité reconnue notamment par l'article 515-14 du Code civil. Dans la mesure où, si l'on a bien compris, il y aurait moins d'animaux sentients que d'animaux sensibles, la sentience pourrait même être, paradoxalement, un concept juridique régressif excluant des millions d'animaux du champ de certaines protections juridiques. Néanmoins le club des supporters de la sentience est si influent, l'enthousiasme de la plupart de ses membres est si communicatif, qu'une pointe de remords de ne pas lui avoir fait la moindre place pouvait commencer à naître chez certains des auteurs. Le trouble n'a pas duré, puisque le 21 février 2025, à l'occasion du colloque organisé au Sénat par François-Xavier Roux-Demare et le sénateur Arnaud Bazin pour marquer le 10ème anniversaire de l'article 515-14 du Code civil, la pertinence juridique de la sentience a été atomisée par le Professeur Sandrine Clavel. Invitée à répondre à la question de savoir si cet article avait impulsé des réformes politiques étrangères, l'oratrice a en effet établi qu'il avait surtout incité les législateurs d'ailleurs à retenir, comme lui, la qualité d'être sensible (sensitivity) plutôt que la sentience sur laquelle les chercheurs anglophones ne seraient, de toute façon, pas encore d'accord. Le refoulement de la sentience aux portes de la DEDA est donc parfaitement justifié.
16. Un des 14 articles a souvent suscité plutôt de la perplexité que des critiques. Il s'agit de l'article 6 qui vise à interdire les recherches tendant à rendre les ou des animaux définitivement insensibles. Un monde dans lequel les animaux ne souffriraient plus pourrait, à première vue, sembler idéal. En réalité, l'article 6 occupe le centre de gravité de la DEDA dont l'objectif principal est la lutte contre la souffrance des animaux êtres sensibles. Or il semblerait que des chercheurs, des producteurs, agacés par les contraintes qui leur sont imposées au nom du respect de la sensibilité des animaux qu'ils exploitent, travailleraient à contourner les entraves et les difficultés en mettant au point des animaux sur lesquels la souffrance n'aurait plus prise. Dès lors prohiber les actes de cruauté et les mauvais traitements n'auraient plus de sens, la branche sur laquelle la DEDA est assise ayant été sciée. C'est ici l'occasion de mettre en évidence le paradoxe du droit animalier qui à la différence du droit de l'environnement s'attache à toujours protéger la sensibilité des animaux : dire que les animaux sont des êtres sensibles, c'est dire aussi qu'ils doivent rester sensibles pour être encore des animaux.
17. Une dernière critique doit être ici réfutée : celle qui reproche à la DEDA de ne pas proclamer que les animaux ont droit à la vie. Il s'agit, pour ainsi dire, d'une réaction d'enfants déçus que le Père Noël n'ait pas déposé au pied de leur sapin un cadeau que l'on ne peut pas ouvrir. Affirmer dans une formule générale que « Tout animal a droit à la vie » pourrait être satisfaisant pour l'esprit mais n'aurait aucune perspective d'effectivité que la DEDA vise inlassablement en contemplation de la CEDH laquelle, on ne l'a pas souvent remarqué, ne consacre pas le droit de toute personne à la vie comme elle reconnaît, par exemple, que toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale ou à la liberté d'expression. Son article 2 se contente en effet d'affirmer que « le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi », ce qui est loin d'être aussi énergique. Encore précise-t-il toujours, dans une formule il est vrai neutralisée par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, que la mort peut être infligée en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal. Surtout il affirme dans trois alinéas toujours opérationnels que la mort ne viole pas l'article 2 en cas de recours à la force rendu absolument nécessaire pour assurer la défense d'une personne contre la violence illégale, pour effectuer une arrestation irrégulière ou empêcher une évasion ou encore pour réprimer une émeute ou une insurrection. Le droit de l'homme à la vie étant protégé de manière aussi relative, il y avait un risque de se laisser emporter à admettre un droit à la vie de l'animal presque absolu. Dans la mesure où un très grand nombre d'animaux se nourrissent exclusivement d'autres animaux, le droit à la vie de l'animal ne se prêterait d'ailleurs qu'à une mise en œuvre contradictoire que la seconde version de la déclaration universelle des droits de l'animal rendu publique en 1990, ne parvenait pas tout à fait à empêcher en affirmant dans son article 1er alinéa 1 que « tous les animaux ont des droits égaux à l'existence dans le cadre des équilibres biologiques ». Face à l'extrême complexité de la question générale, il a semblé plus raisonnable d'introduire dans l'article 4 une reconnaissance ciblée d'une perspective de droit à la vie en faveur de l'animal que l'homme a choisi pour compagnon, de celui qui a travaillé à son profit et de celui qui a servi à l'approfondissement de ses connaissances ou au renforcement de sa sécurité.
18. Des critiques plus ponctuelles sont parfaitement fondées, comme celle de ne pas avoir dit assez clairement que c'était aussi le refus de rechercher, de mettre au point et d'appliquer des méthodes alternatives à l'expérimentation animale elle-même qui devait être regardé comme un acte de cruauté. Leur prise en compte s'inscrit dans les perspectives.

IV. Perspectives de la Déclaration européenne des droits de l’animal du 17 février 2025

19. Comme la Convention européenne des droits de l'homme à laquelle elle cherche à faire écho, la Déclaration européenne des droits de l'animal doit être un instrument vivant. Le faire vivre ce serait peut-être lui donner une version affinée pour tenir compte des critiques et suggestions légitimes recueillies au cours de la phase de lancement. Lui donner de la vitalité, ce sera la traduire dans le plus grand nombre possible de langues de façon à ce qu'elle puisse se diffuser dans l'ensemble des États du Conseil de l'Europe et refléter une large communauté de vues dans les sociétés modernes sur la protection concrète et effective des animaux. La faire vivre ce devrait être multiplier les manifestations destinées à la faire mieux connaître et déployer ses potentialités fédératrices du monde de la protection animale.

A. Une version affinée ?

20. Soucieux de ne pas se laisser enfermer dans une tour d'ivoire, constamment animés par un esprit de tolérance et d'ouverture, les 9 universitaires rédacteurs de la DEDA ne sont pas sourds aux critiques qui lui ont été adressées et sont convaincus qu'accepter de les entendre ne serait pas l'aveu d'une faiblesse mais l'affirmation d'une force. Ils sont donc tout à fait favorables à l'idée de les intégrer dans une version affinée qui est déjà pratiquement prête puisqu'elle se bornerait à apporter deux ou trois précisions et à dissiper une ou deux ambiguïtés. La mise en œuvre de cette idée simple pourrait cependant se heurter à un certain nombre de difficultés techniques. La première consisterait à associer à la nouvelle version les signataires de la première. Même si, entre les deux, les différences seraient minimes, il est hors de question de les placer devant le fait accompli et de les enrôler au soutien d'un texte qu'ils n'auraient pas pu approuver entièrement. Avec du travail, du doigté et un peu de temps, cet obstacle doit pouvoir être surmonté. L'autre devrait donner un peu plus de fil à retordre : c'est le risque de confusion entre les deux versions étant donné qu'il y aurait peu d'espoir d'empêcher la première de continuer à circuler sur internet. Dans ces conditions, la tentation est forte de s'en tenir à l'adage « le mieux est l'ennemi du bien » mais d'autres défis ont déjà été relevés.

B. Des traductions dans les langues des États membres du Conseil de l'Europe

21. On l'a déjà dit et redit, l'idée qui soutient la DEDA porte à la consolider et à l'élargir en socle commun révélateur d'une communauté de vues dans les sociétés modernes sur lequel les législateurs nationaux et peut-être surtout les juges nationaux et européens pourraient prendre appui pour faire évoluer les réponses aux questions qui fâchent dans un sens plus favorable aux animaux et aux personnes physiques et morales qui les défendent. Cette consolidation et cet élargissement n'ont de chance de devenir significatifs que s'ils s'étendent à l'Europe tout entière entendue comme l'Europe du Conseil de l'Europe qui compte pour le moment 46 États membres. Puisque, cela irait évidemment sans le dire, tous ces États ne pratiquement pas la même langue, la traduction de la DEDA est la clé de son rayonnement véritablement européen. Grâce au dévouement et à l'énergie d'une poignée de personnes particulièrement motivées, et notamment Emma Infante subitement décédée en avril 2025 à qui cet article est dédié, des versions appropriées ont permis, à la grande surprise des rédacteurs, de recueillir le soutien de plus de 30 organisations espagnoles de protection des animaux et notamment celui des parlementaires espagnols anciens et actuels attachés à la cause. Ce succès inespéré est particulièrement encourageant mais il ne faudra pas s'en contenter. Pour en appeler d'autres, une version anglaise est déjà disponible. Il va falloir, toujours avec le même budget de zéro euros, susciter de bonnes volontés pour obtenir des versions italienne, portugaise, allemande, danoise, suédoise, norvégienne, turque, roumaine et beaucoup d'autres pour lesquelles des contacts sont en cours d'établissement. Comme si ce chantier n'était pas déjà d'une ampleur suffisamment démesurée, il y aurait peut-être un vif intérêt à ce que la DEDA se diffuse et se propage dans les langues relevant de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires du 5 novembre 1992 que la France se refuse toujours à ratifier.

C. Des manifestations amplificatrices

22. Pour que la DEDA atteigne son objectif premier de constituer un socle suffisamment solide pour servir de point d'appui à des solutions plus favorables aux animaux et son objectif apparu en cours de route de fédérer le monde de la protection animale pour le rendre plus fort face à des adversaires puissamment structurés, il n'est pas nécessaire qu'elle suscite un engouement. Il est en revanche absolument indispensable qu'elle provoque un mouvement d'adhésion qui pourrait se concrétiser par de nouvelles déclarations de soutien (Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.). Après la phase de lancement autour du 17 février 2025 qui a enclenché le mouvement dans des conditions que l'on pouvait difficilement rêver meilleures, il importe désormais de le prolonger et de l'amplifier par des manifestations publiques qui pourraient se succéder, par exemple à partir du 4 octobre 2025 à l'occasion de la journée mondiale des animaux. Les 9 rédacteurs qui travaillent à associer une capitale et le Parlement européen à la DEDA et leur petite dizaine d'infatigables relayeurs, ne pourront évidemment pas faire longtemps l'essentiel tous seuls. De très belles initiatives locales ont d'ailleurs été prises autour du 17 février 2025. Les perspectives d'avenir de la DEDA dépendent presque exclusivement de leur multiplication...

     

    RSDA 1-2025

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